Titre : La Fronde / directrice Marguerite Durand
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1898-02-19
Contributeur : Durand, Marguerite (1864-1936). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327788531
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 19 février 1898 19 février 1898
Description : 1898/02/19 (A2,N73). 1898/02/19 (A2,N73).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6703192d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, GR FOL-LC2-5702
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/01/2016
Certes, s'il est du devoir de ceux qui n ont
aucun intérêt direct à réclamer la lumière,
d'agir avec prudence, nous n'admettons
pas, en face des erreurs judiciaires à cha-
que instant commises par nos tribunaux,
que des hommes qui pourraient parler tout
de suite se taisent, quand leur trouble est
la preuve d'une agitation de conscience qui
n'égare personne. Aussi, le devoir de la
presse est-il de parler et de parler haut.
r3ttns cet amas de preuves et d'expertises,
comme dans cette prolongation des débats,
il y a une vérité manifeste qui demande à
faire explosion : après avoir nié l'existence
île la ui'ce secrète, on l'avoue; après avoir
nié la participation d'Esterhazy au borde-
reau. on revient à la possibilité de sa cul-
pabilité. En réalité, qui trompe-t-on ici,
sinon la nation, sinon l'Europe? A-t-on mis,
oui ou non, un innùcent à la place d un
traître? Oui ou non, un officier a-t-il été
jniré illégalement? Sur ce dernier chef, au-
cune hésitation n'est permise, et l'annula-
tion du premier procès s'impose surabon-
damment, alors mème que le point da vue 1
juridique serait seul en cause, et que 1 on
ferait bon marché du principe humani-
taire.
MADEMOISELLE.
A L'ELYSÉE
llier après-midi, le président de la Répu-
bliuuc a reçu eu audience officielle b. hxc.
le priuec Uuroussof, le nouvel ambassadeur
de lttissiq,- à Paris, tlui lui a remis ses lettres
de créance.. , .
M. uroz'er, directeur du protocole, intro-
ducteur des ambassadeurs, accompagne ue
M. de Saint-Olive, s'est rendu à 3 heures 45
à l'hôtel de la rue de Grenelle, avec la voi-
ture de gala de la présidence.
Le prince Ouroussotf est monte en landau
avec M. ilrozier, les membres de 1 Ambas-
sade de Hussie sont montes dans quatre au-
tres voitures.
Le cortège escorte d'un escadron du 2*
cuirassier est arrivé à 1 'Elysèe à 4 heures
précises.
Les honneurs militaires ont été rendus
uar UI1 bataillon du 5, régiment de ligne
avec drapeau eL musique et commande par
le colonel..
La musique joue l'hymne-russe, les sol-
dats présentent les armes.
Le prince Ouroussuit en grande tenue,
descend de voiture suivi de M. Crozier, il est
reçu au bas de l'escalier d^honneur par le
commandant Bourgeois, ollicier de semaine
et par le capitaine Boucher, commandant.
militaire du l'alais île 1 Elysée.
Il a été immédiatement introduit dans le
grand salon du rez-de-chaussée où se te-
nait le président cie la République entoure de
MM. Hanotaux, ministre des affaires étran-
pt.res: le général Hagron, MM. Le Gall,
Blondel, chef du secrétariat particulier et
tous les oiiiciers de la maison militaire du
«résident....
M. telix Faure était en habit noir por-
tant ie grand cordon de Saint-André et à
la boutonnière la croix de la Légion d hon-
BT'„.,„otaux, en tenue de ministre pléni-
potentiaire portait le grand-cordon de
bamt-Alexandre Nevvski.
Les discours d'usage ont été échanges,
empreints de part et d autre de la plus par-
faite courlOISle.
DANS LE MONDE
Peu de salons sont aussi recherchés que
celui de la marquise de SL-Paul qui a un
secret tout particulier pour reunir 1 ettte
ci.. la société aristocratique, littéraire et ar-
tistique de l'aris.
Les meilleurs artistes y ont tour à tour
défilé et se sont chaque fois des régals ar-
tistitJues; la marquise de St-Paul étant une
musicienne consommée, elle est avec la
princesse Bibesco,la comtesse de Chaumont-
(Juitry et Mme Jameson rune des femmes
dont la virtuosité du jeu sont le plus ap-
précié dans les salons parisiens.
Hier soir les invités de la marquise ont eu
la bonne fortune d'entendre le ténor Mau-
cière dans plusieurs morceaux (lu'il a chante
à ravir et qu'on lui a fait bisser. Parmi les
artistes qui se sont fait déjà applaudir, à ci-
ter : Mlle Marcy de l'Opéra qui a obtenu un
grand succès, et Mlle lleichenberg qui a
dit des poésies avec le charme et le talent
qui lui est propre.
Assistance triée sur le volet parmi laquelle:
conitessede Germiny, comtesse Brunncelde
Clermont Tonnerre, baron Imbert de Saint-
Arnaud, vicomtesse Houssaye, baron Bour-
going, comte de Thouane, etc, etc.
DANS L'ENSEIGNEMENT
\ la dernière session du Conseil supérieur
de l'instruction publique qui eut à s'occu-
per de l'a liai re llcim, une erreur s'est glis-
sée dans certains comptes rendus.
Le Conseil supérieur n'a retenu que les
chefs de négligences, sur l'appel interjeta
par M. lleim, ou irrégularités administra-
tives dans la question; enlin d'inexactitudes
dans rémunération de titres scientifiques
et non le chef de « détournements ,, d'objets
(l'ailleurs sans valeur, ainsi qu'on l'avait
cru il tort..
La décision, donl il s'agit, dégage donc j
d'une manière absolue 1 honorabilité per-
sonnello de M. lleim qui n'est, en somme,
frappé que d'une peine pécuniaire sous
forme de suspension.
UN PEUPARTOUT
La princesse de Naples vient d'arriver à
Rome, aveo sa belle-mère, la princesse de
Montenegro pour qui des appartements ont
été spécialement préparés au Quirinal.
0
Nous savions que la grève des casseusesde
sucre serait san s grande importance ; elle n'a
en effet duré que vingt-quatre heures. M.
Lebaudy est revenu sur sa décision et le
travail a repris hier à midi comme à l'or-
dinaire.. ¥
Les casseuses de sucre ont cependant dé-
cidé à la suite de ce différend avec le patron
c1c se syndiquer et elles doivent se réunir
pour établir les premières bases d'un syn-
dicat.
—o—
Le critique littéraire de la Revue des Deux
Mondes, s embarque aujourd'hui pour l'A-
mérique.
Ainsi que M. Brunetière l'a fait 1 année
dcrnièrc,M. Renée Doumic va faire cette an-
née un certain nombre de conférences dans
tes principales villes des Etats-Unis, puis au
Canada, sur la littérature française.
-0-
Hier a eu lieu, boulevard Magenta à la
Société des évolutionnistes une très inté-
ressante conférence de M. Les Brissac sur
un sujet particulièrement intéressant au
point de vue féministe : Léo utopies et les
sectes communistes.Le conférencier a voulu,
en se plaçant au point de vue strict des faits
réfuter, le communisme. Mais il s'est gardé
de toute critique sentimentale, montrant
paraUt'ternent ce qu'il y avait do légitime et
ce (ju'H y avait d'utopique dans les idées
qu'il étudiait.
Lorsque cette savante étude sera publiée
nous l'analyserons plus complètement.
—0—
On a inauguré, sans apparat, l'asile des
nHes-mèrcs fondé à Chalon-sur-Saone, en
vertu (I'uii legs important fait à l'Assistance
publique, pour cet objet, par Mme Bouci-
caut.
-0-
Le grand duc Georges, héritier présomp-
tif du trône de Russie, jouit à présent d une
santé un peu meilleure. Il quittera Batoum
sur son yacht d'ici peu pour se rendre sur
la côte française de la Hivfera. Il y restera
quelques mois et y sera visité par sa mère,
l'impératrice douairière Maria Féodorovna.
—o—
M. Auguste Génin, chargé de missions
scientifiques à l'étranger, homme de lettres,
résidant à Mexico (Mexique), vient d être
nommé chevalier de la Lésion d'honneur.
LA DAME D. VOILÉE
PRIMES GRATUITES
de "La Fronde"
Par suite d'importants Irai/If,,; que nous
venons dl' passer avec la maison Ilattinger
et la Société des eaux de Remoncourt,
nous sommes à même d"off";}' aliilte-
ment ri nos nouveaux abonnés les primes
suivantes :
1° Due jolie montre de dame en
nickel ou acier oxydé, d'une va-
tout' de 20 francs pour ttî& abonne-
ment de 2 ans.
2" RIn réveil ai. cadran lumineux
pour un abonnement d'un an.
Ces deux articles garantis trois années
sortent de la fabrique d horlogerie A.
Ilattinger, 21 et 23, me Gi-enéta.
Une caisse de cinq bouteilles
d'eau naturelle de Remoncourt
« La Reine des Vosges», sans rivale
contre diabète, goutte, gravelle, rhu-
matisme, anémie, maladies du foie, des
reins, coliques néphrétiques, Il épllthi-
ques, etc., pour un abonnement de six
mois.
Ces primes sont exposées aux bureaux
de la Fronde, 14, rue Saint-Georges.
Ecole Nationale
De Dessin
II est un moment oui es honnie ou
bliant ce qu'il peut y avoir entre eux dc
jalousies, de rancunes, se sentent véri-
tablement solidaires, celui où il s'agit de
partager l'une de leurs prérogatives avec
la femme; ils s'entendent alors fort bien
pour qu'elles en retirent le moins de
profit possible.
Entrons, rue de Seine, il l'Ecole natio-
nale de dessin, section des jeunes filles;
petite construction basse, étroite, noire
donnant a penser que l'on y apprenait
peut-être le dessin au Moyen-Age : tau-
pinière à l'usage des demoiselles ; rappe-
lant assez bien l'ancien muséum d'his-
toire naturelle ; cette impression se-
trouve accentuée par l'air qu'on y
respire, et la vue de l'étroite et sombre
galerie qui mène à la salle de travail.
Ici... mystère 1 on ne pénètre pas sans un
permis du ministère... avis aux employés
visiteurs, des logements insalubres 1
Il suffît de la connaître par d'anciennes •t
élèves, entrées en pleine santé et sorties
malades —il en est de mourantes 1 Elles
' affirment, et elles sent crues sans peine,
que dans une salltJ petite, humide, sans
cour ni jardin, on ne peut vivre sans
danger de dix heures à quatre heures,,
lorsqu'on est cent dîz et que, les fenêtres- ;
manquant, on aère au moyen de châssis; ».
toutes, sans exception, disent-elles, qui
entrent fraîches et fortes, sont, après un
temps très court, étiolées et blêmes;
qu'elles persistant dans leurs études,
leur santé est ébranlée à jamais.
Est-il bien uSic de dire que ces jeunes
filles, travaillant de 10 h. à 4 h., ne font
pas du dessin un art d'agrément; que
sans fortune, et devant compter le plus
souvent sur elles seules, leur bat n'est
pas, en travaillant 5 heures par jour
dans cette atmosphère,de mettre une ba-
gue de plus à leur doigt.
Or, si l'on prend tant de soins de
celles qui paient et changent à loisir
d'école, que n'a-t-on au moins pitié de
celles qui sont contraintes d'accepter ce
qu'on leur donne, commençant ainsi
dans l'épuisement, une vie do travail et
de lutte!...
Oh!... donnera son hôte un breuvage
malsain! tendre à celui qui nage et qui
atteint le bord, un appui qui écorche sa
main! dire : viens dans ma maison. je
t'en donne la clef; mais la passer au fea
et la tendre brûlante!
On pense sans doute exaspérer, st bien
la femme, que d'elle-même elle renon-
cera à la lutte, et que l'on pourra dire :
« Elle a demandé, nous avons accordé,
elle n'a pu nous suivre! »
Non, messieurs, elle sera patiente et
forte ; mais lorsque vous accordez, puis-
que c'est une idée encore fortement an-
crée chez vous, que tout ce dont nous
jouissons est une concession due à votre
bonté; que vous y voyez une charité il
faire, et non un droit il reconnaître, un
bouleversement à opérer, et non un
ordre à rétablir; accomplissez cet acte
généreux, cet acte de chevalerie, en bons-
chevaliers, et faites-nous, avec grâce, le
don de ce qui nous appartient.
Au reste, plus convaincue de la diffi-
culté de changer certaines choses éta-
blies, que du mauvais vouloir de ceux
qui ont charge d'y veiller, nous espé-
rons n'avoir pas attiré vainement l'atten-
tion sur cette Ecole, où de jeunes talents,
ont besoin pour naître et grandir : d'air
pur et de lumière. Car, si l'homme n a.
pas encore acquis la certitude que le cer-
veau delà femme n'est pas fait pour les
mêmes travaux que le sien, il ne peut'
mettre en doute que ses poumons soient
faits pour la même atmosphère, et ses,
yeux pour la même lumière.
JEANNE HERTER-EYMOND.
Au Parlement
La Chambre
La margarine joue chaque année un rôle'
prépondérant: les partisans du « beurre 11
demandent périodiquement des mesures
rigoureuses contre la margarine, et de la
plainte des « beurriers » et des explications1
du ministre il ne résulte jamais rien de
saillant, on fraude toujours et le bon pu-
blic continue à manger de la mauvaise
margarine qu'il paye le prix du bon beurre.
. M. Guillemin développe un amendement
tendant à augmenter de 50.000 francs le
chapitre XI (vérification des beurres et des
engrais) pour la création d'inspecteurs ré-
g-ionaux chargés de la répression des frau-
des dans les commerces de beurre et de
margarine.
L'orateur affirme — ettoutlemondelésait
— que la fraude est plus puissante que ja-
mais parce qu'il n'y a rien pour l'arrêter;
il faudrait commissionner dans tous les can-
totis,les agents des contributions indirectes,
des douanes et des octrois dont le service
sera coordonné par un inspecteur régional.
M. Méline, quoique hostile aux nouvelles
créations de fonctionnaires ne méconnaît
pas la nécessité de créer des inspecteurs
régionaux dont le nombre ne devra pas dé-
passer cinq et qui devront être chargés,
non seulement de la fraude des beurres,
mais de toute espèce de falsification; en
conséquence, le gouvernement accepte le
relèvement de crédit proposé par M. Guil-
lemin.
La Chambre l'adopte par 280 voix contre
226 après avoir écouté les bons conseils du
docteurGrenier qui par hygiène demande une
répression sévère contre les fraudeurs.
Pour répondre aux besoins du service de
renseignement clinique dans les écoles vé-
térinaires" M... Alfred Faure propose une
augmentationpar la Chambre.
Sur le chapitre i5 (service des épizooties)
M. Denis demande la bagatelle de 2 millions
d'augmentation, pour assurer aux cultiva-
teurs- des indemnités en cas d'abatage d'a
ai maux pour cause de tuberculose.
L'abbé Lemire insiste dans le même sens;
la. tuberculose étant le plus souvent intro-
duite par les animaux importés de l'étran-
ger et soumis à une inspection trop som-
maire. Il faudrait établir aux frontières aes
quarantaines rigoureuses.
M. Méline trouve la demande de M. DenlB
exagérée, la commission du budget trou-
vant que 50,000 francs sont surnsants,le mi-
nistre de l'Agriculture prie ses collègues de
s'en tenir à ce chitire.
M. Denis proteste, et finalement la Cham-
bre vote un million d'augmentation.
On passe ensuite au budget des haras.
M. Villiers traite la question des achats
d'étalons et se plaint que la Bretagne ait
une part trop minime dans la répartition
des fonds qui y sont consacrés.
M. de Mua signale également l'jnsuffl-
sanee des reproducteurs envoyés à la sta-
tion de Saint-P.ol-d.e-Léon qui compromet
l'amélioration de la. race si estimée- des
Léon. ,
Le directeur des haras, M. Plazanet ré-
pond à ces deux observations. Les repro-
ches adressas a son administration ne sont,
dit-il, pas fondés, l'élevage breton a sa juste
part et les éleveurs ont tort de se plain-
dre. .
M. de Saint-Quentin se plaint de l 'inva-
sicln des chevaux étrangers; pour y remé-
dier il faut relever les droits de douane.
M. Méline reconnaît que l'importation des
chevaux étrangers a pris une importance
qui mérite l'attention, le gouvernement, se
préoccupe de cette question et une com-
mission est chargée de l'étudier.
On entend encore M. de Tréveneuc et M.
Jumel et la discussion est close.
Les chapitres sont adoplés sans discus-
sion jusqu'à J'arl iell' 28.
M. Castelin demande la création dune
race d : chevaux {t/.!'rif'oles, pouvant servir
aux paysans pour tous leurs besoins. I
M. M line affirme que l'administration
rait de son mi'-ux et. il repousse l'amende-
ment de M. Castelin.
M. Buugère estime q')'il faut faire la lu-
mière sur cette question des étalons et
immédiatement plusieurs de ses collègues
l'ellvoie au palais de Justice.
M. Mougeol traite plus particulièrement
de l'élevage dans la Haute-Marne; il de-
mande que les achats de chevaux de traits
soient pi us considérables, il propose 100.000
francs d'augmentation il ce chapitre.
Le ministre promet que l'administration
étudiera la question et M. Mougeot se dé-
clare satisfait. La suite de la discussion esL
renvoyée à lundi.
Aujourd'hui on entendra tous les députes
d'Algérie sur les troubles récents; on sait
que M. Lépine est venu exprès pour assister
le ministre. Dans les couloirs on affirmai t
qu'un député de l'extrème-gauche interpel-
lerait. le ministre de la guerre sur les inci-
dents d'hier. C'est peu probable.
HÉLÈNE SÉE.
Sénat
On a terminé la discussion du projet de
loi sur les bureaux de placement.L'article 10
(bureaux payants) fait l'objet d'un assez
long échange d'observations entre le rap-
porteur et le ministre.
Le premier paragraphe est adopté, le^ se-
cond qui di, que les droitsde placement fixes
par professions sont payés moitié par le
patron et moitié par la personne placée, est.
appuyé par M. Lourdes et par M. Boucher.
M. Strauss combat cette rédaction qui,
finalement est repoussé.
Tous les autres articles sont votés ainsi,
que l'ensemble du projet.
Le Sénat s'est ensuite ajourné au jeudi
9.4 février.
H S.
LES
Désordres en Algérie
Le 7 ernps a. reçu de l'un de ses corres-
pondants, un document relatif aux trou-
bles d'Algérie.
Nous en extrayons les passages sui-
vants :
Si la question juive remonte réellement,
au décret du 7 octobre 1870, ce qu'on ap-
pelle le décret Crémieux, il ne faut pas
croire qu'on en ait aperçu toutes les con-
séquences au moment où il a été rendu. La
naturalisation desjuits était à cette époque
demandée par la presque unanimité des
colons français. Ils n'y voyaient qu'un avan-
tage, celui de grossir brusquement leur
nombre, bien plus faible encore alors qu'au-
jourd'hui, en présence de celui des indi-
gènes. Chose étrange! c'étaient, les juifs qui
répugnaient à la mesure. Vous voyez com-
bien les points de vue ont changé en vingt-
sept ans...
C'est peu à peu que les colons d origine
française se sont aperçus que la naturali-
sation en masse des juifs avait fait d'eux
des concurrents redoutables et qu'une riva-
lité commença à se faire jour entre les
leux parties de la population : rivaux
commerciale et rivalité pohtique.
Pour ce qui est de la, polItIque, les juifs,
lans chacune des villeS où ils sont en nom-
)re, votent avec ensemble sous
le leurs consistoire.. Leurs voix font balle
lans les élections, et dans b?«woupag-
troita ils décident dè la majorité. La politi-
ue est, en Algérie une industrie qui donne
le tout autres profits qu'en France.
L'émotion causée en France par 1 affaire
)reyfus-Esterhazy et par la lettre de Zol.a
rouva donc à Alger un terra^out pre-
paré. Les étudiants résolurent «en profiter
jour faire une manifestation.
La populace de Mustapha, la tourbe cos-
no poli Le, l'Espagnol débarque ^or
l'avant pas encore trouvé de travail, 1 in
ligène haineux et mourant de faim sen-
.irent qu'il y avait un grand coup à tenter :
ls comprirent que le désordre moral ré-
gnait dans le camp des gens qui devaient
lé rendre l'ordre et que la vigueur dont on
Lvait fait preuve quelques mois aupara-
vant au cimetière de Mustapha n existai t
3lus pour des causes qui leur échappaient.
\1. Morinaud avait dit la veille dans un mee-
ing de Mustapha qu'il fallait opérer par la
rorce la révision des fortunes juives. Ils etaient
prêts à réviser. On savait que les maires
^'étaient pas d'accord avec le préfet sur les
mesures à prendre ; on espérait empocher
l'action des troupes avec les cris de « Vive
['armée! » mais, même parmi eux, per-
sonne cependant n'avait osé espérer qu 'on
laisserait faire. C'est cependant ce qui est
arrivé.
Un juge a vu repousser par la ttroune, un
pauvre diable la tête couverte de sang
riu'unc bande d'anti-juifs poursuivait pour
t'assommer.
Mc D..., adjoint et avoué, a vu les zouaves
remplir leurs poches de cigares et de ciga-
rettes qu'en leur jetait daus le pillage d'un
marchand de tabac israélite.
En résumé, il résulte de toutes les dépo-
sitions, qu'on pillait aux cris de : « Vive
l'armée ! » que la troupe a laissé faire, que
la gendarmerie à cheval est restée impas-
sible, se livrant il. d'inntlènsÎyes cavalcades
au pas, qu'on a pitié devant le poste de la
place Bugeaud, que les émeutiers s'écar-
taient pour laisser passer la cavalerie qui
arrivait au petit pas avec toutes sortes de
précautions pour ne heurter personne, et
qu'il:,; se reformaient derrière elle; enfin,
qu'on volait sous les arcades pendant que
les troupes stationnaient sur la chaussée,
Les zouaves, presque tous d'Alger, en
étaient ravis; au contraire, certains offi-
ciers avaient les larmes aux yeux de subir
cette humiliation.
A qui incombe la responsabilité de cette
inaction de l'armée? Mes documents sont
fort discrets sur ce point. •
Tel a été le caractère des émeutes. Il ne
faut pas se dissimuler que les passions qui
les ont produite? restent entières et q ie la
majorité des colons conserve l'intention de
se délivrer par la peur de la concurrence
juive. Ils ont déjà obtenu ce résultat que
les juifs riches quittent l'Algérie et en reti-
rent leurs fonds. Mais les autres sont bien
forcés d'y demeurer.
Si les juifs consentent à ne pas voter aux
élections législatives prochaines, il ne res-
,era plus contre eux que la haine commer-
ciale ; si ceux qui ont été pillés consentaient,
ÎUX aussi, il ne plus rouvrir leurs magasins,
1 n'y aurait plus de question antisémite.
Pour arriver à ces deux résultais, on
compte sur la terreur, t'n grand pas a été
ait dans les journées des 22. 23, 21 et 25 jan-
vier. Comme le dit un journal antisémite
l'Alger du 11 février, les antisémites doi-
vent « coucher sur leurs positions et le Tt'-
êqraminé du 27 janvier ajoute ; .' Les anti-
sémites sont résolus de revenir au calme, à
a condition que pas un magasin juif ne
'ouvre dans la ville. »
Contrairement à l'opinion d'une partie
les fonctionnaires appelés à donner leur
ivis sur les troubles qui ont éclaté ré-
cemment il Alger, le décret Crémieux
l'a guère eu d'influence sur la rivalité
între les Français et les Juifs. Il est à
'aire observer d'abord que les violences
luxquelles font allusion les rapports des
fonctionnaires algériens ont été commi-
ses bien plus par des étrangers, des va-
g-abonds sans aveu que par des Algériens
français. Si les Arabes même ont ap-
portÚ leur quote-part au désordre, ce n'est
point par haine des Juifs, mais parce
lue partout 0\1 un Arabe trouve prétexta
ipiller, il pille.
Certes la naturalisation des israélites
3n 1870, a été prématurée ; ils n'étaient
point encore assez préparés à cette me-
sure civilisatrice, mais avec la souplesse
l'esprit qui les distingue, la loi de Moïse
pouvant parfaitement s'accorder avec
notre législation, ils l'ont acceptée sans
trop de répugnance surtout parce qu'elle
leur donnait aux yeux des musulmans
plus de considération et leur facilitait
avec eux les transactions commerciales.
Les juifs ne font pas les élections,c'est
une erreur, ils n'obéissent point à un
mot d'ordre donné par leurs consistoi-
res; leur indépendance en cela comme en
beaucoup d'autres choses est absolue.
On peut a cr. sujet consulter les représen-
tants de l'Algérie, bien placés pour sa-
voir. S'il en était autrement, comment
se ferait-il qu'à Alger; il y eut un député
radical, un député modéré et un séna-
teur radical, les électeurs Israélites vO=
tant comme un seuj homme, sous i'im-
pulsion'du consistoire, les élections se (e.)
raient sur des çandidats d'un seul parti
politique.
Les troubles antisémites de l'AIg-éria
sont dus surtout à la politique de M. Cam-
bon, que nous avons signalée dans la
Fronde, ce serait une folie que de les altri-
buer à des sentimens religieux ou poli-
tiques; il ne faut pas chercher aussi
haut. Tout cela a été très bas, très
vil, très vulgaire, pas l'ombre de psy-
chologie en ces malpropres affaires Oll
les autorités n'ont pas eu la poigne né-
cessaire et où l'armée montée par la.
lecture des feuilles antisémites qui nous
empoisonnent chaque jour, a réeHc-
ment failli à son devoir. Tout ce qu'on
rapporte sur sa.mauvaise volonté il in-
tervenir est au-dessous de la vérité. On
pourrait même dire qu'elle favorisait les
émeutiers et que les zouaves fraterni-
saient avec eux.
. La représentation algérienne, ou plutôt
les membres de la représentai iun chers
au coeur de l'ex-gouverneur ont pris parti
pour les fauteurs de troubles, de telle
sorte que le préfet qui d'abord avait pris
des. mesures d'ordre conlre les manifes-
talions antisémites n'a plus osé agir.
Mais les vrais coupables dans l'ii'iivrc
criminelle accomplie à A!-:ct- sont MM.
les maires d'Alger, Orall, Mustap!)a et
leurs municipalités, s'envoyant récipro-
quement des adresses, des félicitations
pour leur antisémitisme. La Froude, a
déjà flétri leur conduite, nous n'y re-
viendrons pas. Mais il y a lieu d'être
surpris que le gouverneur général n'ait
pas provoqué la révocation des trois
maires indiqués et dissous leurs conseils
municipaux.
La genèse de l'antisémitisme algérien
est bien moins compliquée que nos poli-
ticiens le supposent. Le véritable apôtre
de l'antisémitisme en Algérie, fut un
pauvre diable qui ne sachant (lue faire
s'avisa de créer à Oran, une mauvaise
feuille de chou Le Petit Africain, dans
laquelle il s'évertuait quotidiennement, à
faire la guerre aux Israélites, l'Algérie
n'eut dès lors plus rien à envier à la
France, elle avait son Drumond et la
question juive était née. Pendant des an-
nées Le Petit Africain cria sus aux juifs.
Il existe encore et empoisonne la ville
d'Oran, mais l'homme qui eut l'idée gé-
niale dû sa fondation, voyant que son
journal ne lui rapportait point en somme
ce qu'il en avait attendu, le vendit, et
vinl solliciter à Paris où il obtint de M.
Cambon, une position dans le bureau
des renseignements de l'Algérie, puis,
par une faveur bien inexplicable, l'anti-
! juif fondateur du Petit Africain vient
d'être nommé receveur de l'octroi, a
Paris.
CAROLINE D'AMBRE.
LES PREMIÈRES
Théâtre de rŒu,-re. — L'Er/icl!l\ pièce
en trois actes de M. Vallzypc. — Le Bal-
con. pièce en trois actes de M. Gunnar
Heiberg, traduction du comte l'rozor.
Je crois, je ne suis pas très sûre, je
crois que l'Echelle veut nous représenter
trois adversités dans trois classes diffé-
rentes de la société. Au premier acte,
(premier échelon), ce sont des gens très
somptueux qui se conduisent en vérita-
bles gredins. Un mari trompé pardonne
il sa femme coupable, parce qti'il apprend
qu'elle hérite d'une forte somme d'ar-
gent; et comme l'argent n'a pas d'odeur...
Au deuxième acte, (deuxième échelon;,
on nous montre des négociants aux abois,
menacés de faillite. Ils se disputent, s'in-
jurient, menacent leur enfant qui répu-
gne à leur prêter son aide pour dépouil-
ler le grand père, un vieillard de 72 ans,
dont la barbe, les cheveux et la vuix sont
également blancs.
Au troisième acte (dernier échelon,
c'est une petite échelle, comme on voit,
un escabeau d'enfant), nous sommes
transportés dans une sombre mansarde
d'ouvriers désespérés, et, celte fois, l'évo-
cation, quoique un peu mélo, est assez,
saisissante. L'homme, ruiné par la fail-
lite du patron, se plaint à peine. C'est un
r<'-sign'''. Il a travaillé dix am; chez M. Le-
bhnc. M. Leblanc l'a toujours payé; il ne:
lui doit donc rien, après tout! D'ailleurs,i
n'a-t-il pas eu en récompense, il y a
quelques années, une médaille d'or té-
moignage précieux de ses bons services?)
Mais la femme, dont le père, un vieil-;
lard en enfance, gémit dans un coin près
du berceau d'un nouveau-né, la femme:
n'accepte pas le malheur avec cette phi-
losophie; elle se répand en violentes et
LA TRIBUNE
A TRAVERS L'ÉDUCATION
LA
FÉMINISATION DE L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE
(2)
Celle rubrique fonne un feuilleton volant
dont le sujet cliange tous les h -ois jours.
II
Les conseils élus
En ce qui concerne la présence des
femmes au Conseil départemental, la loi
est formelle; nous Fixons vu. Leur droit
de vote et leur éligibilité sont inscrits en
toutes lettres. Pour le Conseil supérieur,
le droit de vote, seul, est reconnu ; l'éligi-
bilité est passée sous silence, et, jusqu en
188G, personne n'avait signalé cette ano-
malie. Moi-même, directrice depuis 1881,
d'un journal pédagogique, qui n a cessé
&a publication qu'en 1800, je n en avais
jamais soufflé mot, et cela par un senti-
ment de réserve que tout le monde com-
prendra : j'étais éligible au premier
chef.
Or, en décembre 1886, quelques jours
seulement avant des élections partielles,
plusieurs électeurs fonctionnaires dans
des départements éloignés les uns des
autres, posèrent ma candidature, sans
m'en avertir. Je bénéficiais évidemment
de la notoriété de mon journal.
Ma perplexité fut grande. Les - deux
femmes qu'il y a en moi se livrèrent un
combat douloureux. L'une — celle qui
aime à se tenir à l'écart et qui rêverait
d'illuminer le monde en restant dans son
trou — me prêchait l'abstention ; l'autre
celle qui est toujours prête à partir pour
la guerre sainte — me pressait de partir.
Elle me disait surtout que, si la femme
avait, en moi une chance d'entrer au Con-
seil supérieur, ce serait une lâcheté de la
laisser il la porte. Le ministère, et ceci est
tout à fait intéressant, était très favorable
il ma candidature, je le dis, ici, par sen-
timent de gratitude féministe... Bref j'ac-
ceptai, je fus élue et pendant une quin-
zaine, j'incarnai la question du jour. » La
grande presse me fut généralement fa-
vorablp, et il n'y eut dans les journaux
républicains qu'une note discordante, il
est vrai qu'elle valait son prix. Le «Prince
de la Critique » le dieu du bon-sens,
leur « oncle » pour tout dire, déclara que
« puisque Mme Kergomard désertait son
rôle de femme », et qu'elle devenait « une
manière d homme » il fallait qu elle prît
le deuil « des égards dont elle avait été
jusqu'alors entourée ».
Mes collègues du Conseil lui donnè-
rent un démenti formel. On ne peut être,
en effet, plus parfaitement courtois et
sympathiques qu'ils ne l ont été, tout le
temps que je suis restée parmi eux.
Les élections de 188G étaient des élec-
tions partielles, je le répète ; il s'agissait
de pourvoir un siège vacant l année sui-
vante aux élections générales, le résultat
du scrutin me fut encore favorable; je
fus élue avec cent cinquante-trois voix
de plus que la première fois.
Mais voilà qu'en 1800 se produisit un
incident mémorable. Le Figaro publia un
article lestement tourné et signé d un
pseudonyme, dans lequel l'auteur, parti-
san de l'inspection féminine, me portait
aux nues, et se montrait plus que désobli-
geant, injuste même, pour les inspec-
tcu rs*
L'article me fut attribué par un adver-
saire trop passionné pour rester clair-
[ voyant, et comme ilfid D10 convenait pas
de représenter même un seul membre
de l'enseignement qui eût pu être effleuré
par le doute, malgré un groupe impor-
tant d'électeurs, malgré mes amis, mal-
gré le ministre, je donnai ma démission.
Et je fus réélue.
Mais tout a une fin. Aux élections de
1892, je reçus mon congé. II est vrai que
laissant aux députés les circulaires am-
bigues, et irrévocablement décidée à don-
ner coûte que coûte, un exemple de
loyauté électorale, je rappelai aux mem-
bres de l'enseignement la question qui
nous divisait, et je leur déclarai que si
je revenais de nouveau au Conseil, ce se-
rait pour y défendre, avec plus de con-
viction que jamais le principe de l'ins-
pection des écoles de filles par les
femmes.
C'en était peut-être fait de la représen-
tation féminine au Conseil supérieur, et
j'étais désolée, lorsque le mintstre,
M. Léon Bourgeois, ayant à nommer un
membre de l'enseignement libre, choisit
la directrice du collège Sévigné.
De 180'2 à i800, avec la persévérance
de quelqu'un qui affirme son droit... à
la veste, et en l'absence de toute autre
candidature féminine, je me suis mise
sur les rangs toutes les fois que l'occasion
s'en est présentée. Enfin, aux dernières
élections générales j'ai eu la joie de voir
entrer au Conseil la directrice de l'Ecole
de Fontenay-aux-Roses, même de l'y
voir entrer toute première avec cent voix
de plus que le délégué classé deuxième
sur la liste des élus.
Ces deux conquêtes : l'accès des fem-
mes dans les deux corps élus de l'Ins-
truction publique, ont été toutes pacifi-
ques. En ce qui concerne le Conseil supé-
rieur, il y a eu, je le répète, spontanéité,
enthousiasme même; les réfractaires -
beaucoup de femmes hélas! la première
fois-ont à peine protesté; car ce n'étaient
là en somme, que des victoires morales —
contestables, certes pour les individus
bien pensants—qui n&Icsaientaucun inté-
rêt matériel. Ces déléi*uées*ea entrant de
par la loi au Conseil départemental, n'y
prenaient la place de personne; elles n'y
étaient pas auparavant; on les y verrait
désormais et voilà tout Quant au Conseil
supérieur — dont les fonctions sont,
aussi, purement honorifiques — chacun
a le droit d'en tenir les femmes éloignées,
il n'y a qu'à ne pas voter pour elles.
De là la quasi-indifférence du corps
enseignant- et des fonctionnaires de l en-
seignement primaire.
Au contraire, l'accès des femmes dans
les écoles mixles porte atteinte aux inté-
rêts matériels des instituteurs. Si la loi
était appliquée, des milliers d'entre eux
seraient forcés de céder la place à autant
d'institutrices. De là des mécontente- {
ments, des protestations, des « cam pa-
gnes » — légitimes, je l'avoue, pour qui
ne donne pas il la question sa véritable
partie, — de 1ft, aussi, les lenteurs de
l'administration.
En somme, il se produit aujourd'hui
dans l'enseignement primaire un fait
identique à celui qui est arrivé dans l'in-
dust.rie : par la force des choses et aussi
par la force des idées, l'homme et la
femme se trouvent en concurrence.Mais
ces deux queslions ne peuvent être trai-
tées à l'aide des mêmes procédés de dis-
t cussion.
Celte de la femme employée dans l'in-
dustrie est d'abord, et avant tout, essen-
tiellement subjective. La femme a droit
au pain, à la liberté, à la dignité de la vie.
Le travail seul lui permet d'espérer la
possession de ces biens nécessaires : elle
veut travailler !
Elle veut travailler, en dehors de toute
préoccupation altruiste, et la volonté
de manger et. de vivre honnêtement la
conduit à la porte des fabriques où elle
revendique sa place.
L'industrie ne s'en trouvera ni mieux
ni plus mal... et ce n'est pas de l 'indur,-
trie qu'il s'agit. Il s'agit, je le répète,
pour la femme de manger et de vivre
honnêtement.
Les ouvriers v Derdront sans doute.
car l'industriel profitera de l nnovaon,
pour abaisser le taux des salaires et réa-
liser, grâce il la femme, un gain mons-
trueux... Mais encore une fois, là n'est
pas la question : la femme veut manger
et vivre honnêtement?
Que va. devenir la famille ?
Ici, de subjective la question devient
douloureusement objective. En présence
de la désertion du foyer, l'hésitation est
permise,et j'en connais d'aucuns qui pen-
sent que la femme dans la fabrique est
loin de réaliser l'idéal social.
Mais quand il s'agit de la femme dans
l'école, la question change totalement
d'aspect elle est d'abord objective et elle
reste objective parce que la nature, qui
destine la femme à être mère, lui a fait en
même temps le don de pétrir les
âmes. Il s'agit donc là d'un intérêt supé-
rieur devant lequel l'homme devrait s'ou-
blier lui-même.
Or, s'il est un endroit spécial où la
femme soit tout il fait à sa place, c'est
l'école mixte; le législateur l'a compris,
la loi a été promulguée ; mais en présence
de la protestation des instituteurs, l'ad-
ministration temporise et nous nous
demandons avec inquiétude en quelle
année du vingtième siècle, elle sera com-1
plètement appliquée.
Les objections des adversaires sont
misérables; je les ai passées en revue le
mois dernier, en me promettant de reve-
nir sur celle qui paraît avoir le plus de
poids: Dans les petites communes l'ins-
tituteur remplit les fonctions de secré-
taire de la mairie; or, une femme secré-
taire de la mairie...
A cette perspective les gens « bien »
ébauchent un signe de croix.
C'est que c'est extrêmement inconve-
nant, à cause des relations inévitables
que cette fonction crée avec le maire,
avec l'adjoint, avec le Conseil municipal,
avec tous les habitants de la commune...
: « C'est tout CC-Qu'ü y a de Dlus daiure-
1 reux ».
^
Et rependant, dans quelques commu-
nes, les institutrices remplissent ces
fonctions de manière il satisfaire les
esprits les plus timorés.
D'ailleurs, le cumul n'est pas un idéal
ni pour l'homme, ni pour la femme ; il
présente même de graves inconvénients
que signalait: une circulaire ministérielle
datée de 1875. Il ne faut pas, en eue', être,
des philosophes transcendants pour com-
prendre que la direction d'une école est
une chose et que le secrétariat de la mai-
rie est une autre chose; l'instituteur (-)It(
l'institutrice a non seulement besoin de,
tout son temps, mais de toute son indé-
pendance, et il y a une grande impru-
dence à subordonner le fonctionnaire do
l'instruction publique aux petits puten-
tats do clocher.
En ce qui concerne les écoles mixtes,
les adversaires de la « Féminisation »
sont donc dans une erreur complète;
leurs objections n'ont aucune valour.
Sont-ils plus heureux sur le chapitra
de l'inspection?
PAULINE KERGOMARD.
(A suivre.)
■—g—g J,
Le service de la FROIDE sera
fait gratuitement pendant un am
à toutes les institutrices ajant,
amené au Journal trois abonne-
ment* d'un lUI.
aucun intérêt direct à réclamer la lumière,
d'agir avec prudence, nous n'admettons
pas, en face des erreurs judiciaires à cha-
que instant commises par nos tribunaux,
que des hommes qui pourraient parler tout
de suite se taisent, quand leur trouble est
la preuve d'une agitation de conscience qui
n'égare personne. Aussi, le devoir de la
presse est-il de parler et de parler haut.
r3ttns cet amas de preuves et d'expertises,
comme dans cette prolongation des débats,
il y a une vérité manifeste qui demande à
faire explosion : après avoir nié l'existence
île la ui'ce secrète, on l'avoue; après avoir
nié la participation d'Esterhazy au borde-
reau. on revient à la possibilité de sa cul-
pabilité. En réalité, qui trompe-t-on ici,
sinon la nation, sinon l'Europe? A-t-on mis,
oui ou non, un innùcent à la place d un
traître? Oui ou non, un officier a-t-il été
jniré illégalement? Sur ce dernier chef, au-
cune hésitation n'est permise, et l'annula-
tion du premier procès s'impose surabon-
damment, alors mème que le point da vue 1
juridique serait seul en cause, et que 1 on
ferait bon marché du principe humani-
taire.
MADEMOISELLE.
A L'ELYSÉE
llier après-midi, le président de la Répu-
bliuuc a reçu eu audience officielle b. hxc.
le priuec Uuroussof, le nouvel ambassadeur
de lttissiq,- à Paris, tlui lui a remis ses lettres
de créance.. , .
M. uroz'er, directeur du protocole, intro-
ducteur des ambassadeurs, accompagne ue
M. de Saint-Olive, s'est rendu à 3 heures 45
à l'hôtel de la rue de Grenelle, avec la voi-
ture de gala de la présidence.
Le prince Ouroussotf est monte en landau
avec M. ilrozier, les membres de 1 Ambas-
sade de Hussie sont montes dans quatre au-
tres voitures.
Le cortège escorte d'un escadron du 2*
cuirassier est arrivé à 1 'Elysèe à 4 heures
précises.
Les honneurs militaires ont été rendus
uar UI1 bataillon du 5, régiment de ligne
avec drapeau eL musique et commande par
le colonel..
La musique joue l'hymne-russe, les sol-
dats présentent les armes.
Le prince Ouroussuit en grande tenue,
descend de voiture suivi de M. Crozier, il est
reçu au bas de l'escalier d^honneur par le
commandant Bourgeois, ollicier de semaine
et par le capitaine Boucher, commandant.
militaire du l'alais île 1 Elysée.
Il a été immédiatement introduit dans le
grand salon du rez-de-chaussée où se te-
nait le président cie la République entoure de
MM. Hanotaux, ministre des affaires étran-
pt.res: le général Hagron, MM. Le Gall,
Blondel, chef du secrétariat particulier et
tous les oiiiciers de la maison militaire du
«résident....
M. telix Faure était en habit noir por-
tant ie grand cordon de Saint-André et à
la boutonnière la croix de la Légion d hon-
BT'„.,„otaux, en tenue de ministre pléni-
potentiaire portait le grand-cordon de
bamt-Alexandre Nevvski.
Les discours d'usage ont été échanges,
empreints de part et d autre de la plus par-
faite courlOISle.
DANS LE MONDE
Peu de salons sont aussi recherchés que
celui de la marquise de SL-Paul qui a un
secret tout particulier pour reunir 1 ettte
ci.. la société aristocratique, littéraire et ar-
tistique de l'aris.
Les meilleurs artistes y ont tour à tour
défilé et se sont chaque fois des régals ar-
tistitJues; la marquise de St-Paul étant une
musicienne consommée, elle est avec la
princesse Bibesco,la comtesse de Chaumont-
(Juitry et Mme Jameson rune des femmes
dont la virtuosité du jeu sont le plus ap-
précié dans les salons parisiens.
Hier soir les invités de la marquise ont eu
la bonne fortune d'entendre le ténor Mau-
cière dans plusieurs morceaux (lu'il a chante
à ravir et qu'on lui a fait bisser. Parmi les
artistes qui se sont fait déjà applaudir, à ci-
ter : Mlle Marcy de l'Opéra qui a obtenu un
grand succès, et Mlle lleichenberg qui a
dit des poésies avec le charme et le talent
qui lui est propre.
Assistance triée sur le volet parmi laquelle:
conitessede Germiny, comtesse Brunncelde
Clermont Tonnerre, baron Imbert de Saint-
Arnaud, vicomtesse Houssaye, baron Bour-
going, comte de Thouane, etc, etc.
DANS L'ENSEIGNEMENT
\ la dernière session du Conseil supérieur
de l'instruction publique qui eut à s'occu-
per de l'a liai re llcim, une erreur s'est glis-
sée dans certains comptes rendus.
Le Conseil supérieur n'a retenu que les
chefs de négligences, sur l'appel interjeta
par M. lleim, ou irrégularités administra-
tives dans la question; enlin d'inexactitudes
dans rémunération de titres scientifiques
et non le chef de « détournements ,, d'objets
(l'ailleurs sans valeur, ainsi qu'on l'avait
cru il tort..
La décision, donl il s'agit, dégage donc j
d'une manière absolue 1 honorabilité per-
sonnello de M. lleim qui n'est, en somme,
frappé que d'une peine pécuniaire sous
forme de suspension.
UN PEUPARTOUT
La princesse de Naples vient d'arriver à
Rome, aveo sa belle-mère, la princesse de
Montenegro pour qui des appartements ont
été spécialement préparés au Quirinal.
0
Nous savions que la grève des casseusesde
sucre serait san s grande importance ; elle n'a
en effet duré que vingt-quatre heures. M.
Lebaudy est revenu sur sa décision et le
travail a repris hier à midi comme à l'or-
dinaire.. ¥
Les casseuses de sucre ont cependant dé-
cidé à la suite de ce différend avec le patron
c1c se syndiquer et elles doivent se réunir
pour établir les premières bases d'un syn-
dicat.
—o—
Le critique littéraire de la Revue des Deux
Mondes, s embarque aujourd'hui pour l'A-
mérique.
Ainsi que M. Brunetière l'a fait 1 année
dcrnièrc,M. Renée Doumic va faire cette an-
née un certain nombre de conférences dans
tes principales villes des Etats-Unis, puis au
Canada, sur la littérature française.
-0-
Hier a eu lieu, boulevard Magenta à la
Société des évolutionnistes une très inté-
ressante conférence de M. Les Brissac sur
un sujet particulièrement intéressant au
point de vue féministe : Léo utopies et les
sectes communistes.Le conférencier a voulu,
en se plaçant au point de vue strict des faits
réfuter, le communisme. Mais il s'est gardé
de toute critique sentimentale, montrant
paraUt'ternent ce qu'il y avait do légitime et
ce (ju'H y avait d'utopique dans les idées
qu'il étudiait.
Lorsque cette savante étude sera publiée
nous l'analyserons plus complètement.
—0—
On a inauguré, sans apparat, l'asile des
nHes-mèrcs fondé à Chalon-sur-Saone, en
vertu (I'uii legs important fait à l'Assistance
publique, pour cet objet, par Mme Bouci-
caut.
-0-
Le grand duc Georges, héritier présomp-
tif du trône de Russie, jouit à présent d une
santé un peu meilleure. Il quittera Batoum
sur son yacht d'ici peu pour se rendre sur
la côte française de la Hivfera. Il y restera
quelques mois et y sera visité par sa mère,
l'impératrice douairière Maria Féodorovna.
—o—
M. Auguste Génin, chargé de missions
scientifiques à l'étranger, homme de lettres,
résidant à Mexico (Mexique), vient d être
nommé chevalier de la Lésion d'honneur.
LA DAME D. VOILÉE
PRIMES GRATUITES
de "La Fronde"
Par suite d'importants Irai/If,,; que nous
venons dl' passer avec la maison Ilattinger
et la Société des eaux de Remoncourt,
nous sommes à même d"off";}' aliilte-
ment ri nos nouveaux abonnés les primes
suivantes :
1° Due jolie montre de dame en
nickel ou acier oxydé, d'une va-
tout' de 20 francs pour ttî& abonne-
ment de 2 ans.
2" RIn réveil ai. cadran lumineux
pour un abonnement d'un an.
Ces deux articles garantis trois années
sortent de la fabrique d horlogerie A.
Ilattinger, 21 et 23, me Gi-enéta.
Une caisse de cinq bouteilles
d'eau naturelle de Remoncourt
« La Reine des Vosges», sans rivale
contre diabète, goutte, gravelle, rhu-
matisme, anémie, maladies du foie, des
reins, coliques néphrétiques, Il épllthi-
ques, etc., pour un abonnement de six
mois.
Ces primes sont exposées aux bureaux
de la Fronde, 14, rue Saint-Georges.
Ecole Nationale
De Dessin
II est un moment oui es honnie ou
bliant ce qu'il peut y avoir entre eux dc
jalousies, de rancunes, se sentent véri-
tablement solidaires, celui où il s'agit de
partager l'une de leurs prérogatives avec
la femme; ils s'entendent alors fort bien
pour qu'elles en retirent le moins de
profit possible.
Entrons, rue de Seine, il l'Ecole natio-
nale de dessin, section des jeunes filles;
petite construction basse, étroite, noire
donnant a penser que l'on y apprenait
peut-être le dessin au Moyen-Age : tau-
pinière à l'usage des demoiselles ; rappe-
lant assez bien l'ancien muséum d'his-
toire naturelle ; cette impression se-
trouve accentuée par l'air qu'on y
respire, et la vue de l'étroite et sombre
galerie qui mène à la salle de travail.
Ici... mystère 1 on ne pénètre pas sans un
permis du ministère... avis aux employés
visiteurs, des logements insalubres 1
Il suffît de la connaître par d'anciennes •t
élèves, entrées en pleine santé et sorties
malades —il en est de mourantes 1 Elles
' affirment, et elles sent crues sans peine,
que dans une salltJ petite, humide, sans
cour ni jardin, on ne peut vivre sans
danger de dix heures à quatre heures,,
lorsqu'on est cent dîz et que, les fenêtres- ;
manquant, on aère au moyen de châssis; ».
toutes, sans exception, disent-elles, qui
entrent fraîches et fortes, sont, après un
temps très court, étiolées et blêmes;
qu'elles persistant dans leurs études,
leur santé est ébranlée à jamais.
Est-il bien uSic de dire que ces jeunes
filles, travaillant de 10 h. à 4 h., ne font
pas du dessin un art d'agrément; que
sans fortune, et devant compter le plus
souvent sur elles seules, leur bat n'est
pas, en travaillant 5 heures par jour
dans cette atmosphère,de mettre une ba-
gue de plus à leur doigt.
Or, si l'on prend tant de soins de
celles qui paient et changent à loisir
d'école, que n'a-t-on au moins pitié de
celles qui sont contraintes d'accepter ce
qu'on leur donne, commençant ainsi
dans l'épuisement, une vie do travail et
de lutte!...
Oh!... donnera son hôte un breuvage
malsain! tendre à celui qui nage et qui
atteint le bord, un appui qui écorche sa
main! dire : viens dans ma maison. je
t'en donne la clef; mais la passer au fea
et la tendre brûlante!
On pense sans doute exaspérer, st bien
la femme, que d'elle-même elle renon-
cera à la lutte, et que l'on pourra dire :
« Elle a demandé, nous avons accordé,
elle n'a pu nous suivre! »
Non, messieurs, elle sera patiente et
forte ; mais lorsque vous accordez, puis-
que c'est une idée encore fortement an-
crée chez vous, que tout ce dont nous
jouissons est une concession due à votre
bonté; que vous y voyez une charité il
faire, et non un droit il reconnaître, un
bouleversement à opérer, et non un
ordre à rétablir; accomplissez cet acte
généreux, cet acte de chevalerie, en bons-
chevaliers, et faites-nous, avec grâce, le
don de ce qui nous appartient.
Au reste, plus convaincue de la diffi-
culté de changer certaines choses éta-
blies, que du mauvais vouloir de ceux
qui ont charge d'y veiller, nous espé-
rons n'avoir pas attiré vainement l'atten-
tion sur cette Ecole, où de jeunes talents,
ont besoin pour naître et grandir : d'air
pur et de lumière. Car, si l'homme n a.
pas encore acquis la certitude que le cer-
veau delà femme n'est pas fait pour les
mêmes travaux que le sien, il ne peut'
mettre en doute que ses poumons soient
faits pour la même atmosphère, et ses,
yeux pour la même lumière.
JEANNE HERTER-EYMOND.
Au Parlement
La Chambre
La margarine joue chaque année un rôle'
prépondérant: les partisans du « beurre 11
demandent périodiquement des mesures
rigoureuses contre la margarine, et de la
plainte des « beurriers » et des explications1
du ministre il ne résulte jamais rien de
saillant, on fraude toujours et le bon pu-
blic continue à manger de la mauvaise
margarine qu'il paye le prix du bon beurre.
. M. Guillemin développe un amendement
tendant à augmenter de 50.000 francs le
chapitre XI (vérification des beurres et des
engrais) pour la création d'inspecteurs ré-
g-ionaux chargés de la répression des frau-
des dans les commerces de beurre et de
margarine.
L'orateur affirme — ettoutlemondelésait
— que la fraude est plus puissante que ja-
mais parce qu'il n'y a rien pour l'arrêter;
il faudrait commissionner dans tous les can-
totis,les agents des contributions indirectes,
des douanes et des octrois dont le service
sera coordonné par un inspecteur régional.
M. Méline, quoique hostile aux nouvelles
créations de fonctionnaires ne méconnaît
pas la nécessité de créer des inspecteurs
régionaux dont le nombre ne devra pas dé-
passer cinq et qui devront être chargés,
non seulement de la fraude des beurres,
mais de toute espèce de falsification; en
conséquence, le gouvernement accepte le
relèvement de crédit proposé par M. Guil-
lemin.
La Chambre l'adopte par 280 voix contre
226 après avoir écouté les bons conseils du
docteurGrenier qui par hygiène demande une
répression sévère contre les fraudeurs.
Pour répondre aux besoins du service de
renseignement clinique dans les écoles vé-
térinaires" M... Alfred Faure propose une
augmentation
Sur le chapitre i5 (service des épizooties)
M. Denis demande la bagatelle de 2 millions
d'augmentation, pour assurer aux cultiva-
teurs- des indemnités en cas d'abatage d'a
ai maux pour cause de tuberculose.
L'abbé Lemire insiste dans le même sens;
la. tuberculose étant le plus souvent intro-
duite par les animaux importés de l'étran-
ger et soumis à une inspection trop som-
maire. Il faudrait établir aux frontières aes
quarantaines rigoureuses.
M. Méline trouve la demande de M. DenlB
exagérée, la commission du budget trou-
vant que 50,000 francs sont surnsants,le mi-
nistre de l'Agriculture prie ses collègues de
s'en tenir à ce chitire.
M. Denis proteste, et finalement la Cham-
bre vote un million d'augmentation.
On passe ensuite au budget des haras.
M. Villiers traite la question des achats
d'étalons et se plaint que la Bretagne ait
une part trop minime dans la répartition
des fonds qui y sont consacrés.
M. de Mua signale également l'jnsuffl-
sanee des reproducteurs envoyés à la sta-
tion de Saint-P.ol-d.e-Léon qui compromet
l'amélioration de la. race si estimée- des
Léon. ,
Le directeur des haras, M. Plazanet ré-
pond à ces deux observations. Les repro-
ches adressas a son administration ne sont,
dit-il, pas fondés, l'élevage breton a sa juste
part et les éleveurs ont tort de se plain-
dre. .
M. de Saint-Quentin se plaint de l 'inva-
sicln des chevaux étrangers; pour y remé-
dier il faut relever les droits de douane.
M. Méline reconnaît que l'importation des
chevaux étrangers a pris une importance
qui mérite l'attention, le gouvernement, se
préoccupe de cette question et une com-
mission est chargée de l'étudier.
On entend encore M. de Tréveneuc et M.
Jumel et la discussion est close.
Les chapitres sont adoplés sans discus-
sion jusqu'à J'arl iell' 28.
M. Castelin demande la création dune
race d : chevaux {t/.!'rif'oles, pouvant servir
aux paysans pour tous leurs besoins. I
M. M line affirme que l'administration
rait de son mi'-ux et. il repousse l'amende-
ment de M. Castelin.
M. Buugère estime q')'il faut faire la lu-
mière sur cette question des étalons et
immédiatement plusieurs de ses collègues
l'ellvoie au palais de Justice.
M. Mougeol traite plus particulièrement
de l'élevage dans la Haute-Marne; il de-
mande que les achats de chevaux de traits
soient pi us considérables, il propose 100.000
francs d'augmentation il ce chapitre.
Le ministre promet que l'administration
étudiera la question et M. Mougeot se dé-
clare satisfait. La suite de la discussion esL
renvoyée à lundi.
Aujourd'hui on entendra tous les députes
d'Algérie sur les troubles récents; on sait
que M. Lépine est venu exprès pour assister
le ministre. Dans les couloirs on affirmai t
qu'un député de l'extrème-gauche interpel-
lerait. le ministre de la guerre sur les inci-
dents d'hier. C'est peu probable.
HÉLÈNE SÉE.
Sénat
On a terminé la discussion du projet de
loi sur les bureaux de placement.L'article 10
(bureaux payants) fait l'objet d'un assez
long échange d'observations entre le rap-
porteur et le ministre.
Le premier paragraphe est adopté, le^ se-
cond qui di, que les droitsde placement fixes
par professions sont payés moitié par le
patron et moitié par la personne placée, est.
appuyé par M. Lourdes et par M. Boucher.
M. Strauss combat cette rédaction qui,
finalement est repoussé.
Tous les autres articles sont votés ainsi,
que l'ensemble du projet.
Le Sénat s'est ensuite ajourné au jeudi
9.4 février.
H S.
LES
Désordres en Algérie
Le 7 ernps a. reçu de l'un de ses corres-
pondants, un document relatif aux trou-
bles d'Algérie.
Nous en extrayons les passages sui-
vants :
Si la question juive remonte réellement,
au décret du 7 octobre 1870, ce qu'on ap-
pelle le décret Crémieux, il ne faut pas
croire qu'on en ait aperçu toutes les con-
séquences au moment où il a été rendu. La
naturalisation desjuits était à cette époque
demandée par la presque unanimité des
colons français. Ils n'y voyaient qu'un avan-
tage, celui de grossir brusquement leur
nombre, bien plus faible encore alors qu'au-
jourd'hui, en présence de celui des indi-
gènes. Chose étrange! c'étaient, les juifs qui
répugnaient à la mesure. Vous voyez com-
bien les points de vue ont changé en vingt-
sept ans...
C'est peu à peu que les colons d origine
française se sont aperçus que la naturali-
sation en masse des juifs avait fait d'eux
des concurrents redoutables et qu'une riva-
lité commença à se faire jour entre les
leux parties de la population : rivaux
commerciale et rivalité pohtique.
Pour ce qui est de la, polItIque, les juifs,
lans chacune des villeS où ils sont en nom-
)re, votent avec ensemble sous
le leurs consistoire.. Leurs voix font balle
lans les élections, et dans b?«woupag-
troita ils décident dè la majorité. La politi-
ue est, en Algérie une industrie qui donne
le tout autres profits qu'en France.
L'émotion causée en France par 1 affaire
)reyfus-Esterhazy et par la lettre de Zol.a
rouva donc à Alger un terra^out pre-
paré. Les étudiants résolurent «en profiter
jour faire une manifestation.
La populace de Mustapha, la tourbe cos-
no poli Le, l'Espagnol débarque ^or
l'avant pas encore trouvé de travail, 1 in
ligène haineux et mourant de faim sen-
.irent qu'il y avait un grand coup à tenter :
ls comprirent que le désordre moral ré-
gnait dans le camp des gens qui devaient
lé rendre l'ordre et que la vigueur dont on
Lvait fait preuve quelques mois aupara-
vant au cimetière de Mustapha n existai t
3lus pour des causes qui leur échappaient.
\1. Morinaud avait dit la veille dans un mee-
ing de Mustapha qu'il fallait opérer par la
rorce la révision des fortunes juives. Ils etaient
prêts à réviser. On savait que les maires
^'étaient pas d'accord avec le préfet sur les
mesures à prendre ; on espérait empocher
l'action des troupes avec les cris de « Vive
['armée! » mais, même parmi eux, per-
sonne cependant n'avait osé espérer qu 'on
laisserait faire. C'est cependant ce qui est
arrivé.
Un juge a vu repousser par la ttroune, un
pauvre diable la tête couverte de sang
riu'unc bande d'anti-juifs poursuivait pour
t'assommer.
Mc D..., adjoint et avoué, a vu les zouaves
remplir leurs poches de cigares et de ciga-
rettes qu'en leur jetait daus le pillage d'un
marchand de tabac israélite.
En résumé, il résulte de toutes les dépo-
sitions, qu'on pillait aux cris de : « Vive
l'armée ! » que la troupe a laissé faire, que
la gendarmerie à cheval est restée impas-
sible, se livrant il. d'inntlènsÎyes cavalcades
au pas, qu'on a pitié devant le poste de la
place Bugeaud, que les émeutiers s'écar-
taient pour laisser passer la cavalerie qui
arrivait au petit pas avec toutes sortes de
précautions pour ne heurter personne, et
qu'il:,; se reformaient derrière elle; enfin,
qu'on volait sous les arcades pendant que
les troupes stationnaient sur la chaussée,
Les zouaves, presque tous d'Alger, en
étaient ravis; au contraire, certains offi-
ciers avaient les larmes aux yeux de subir
cette humiliation.
A qui incombe la responsabilité de cette
inaction de l'armée? Mes documents sont
fort discrets sur ce point. •
Tel a été le caractère des émeutes. Il ne
faut pas se dissimuler que les passions qui
les ont produite? restent entières et q ie la
majorité des colons conserve l'intention de
se délivrer par la peur de la concurrence
juive. Ils ont déjà obtenu ce résultat que
les juifs riches quittent l'Algérie et en reti-
rent leurs fonds. Mais les autres sont bien
forcés d'y demeurer.
Si les juifs consentent à ne pas voter aux
élections législatives prochaines, il ne res-
,era plus contre eux que la haine commer-
ciale ; si ceux qui ont été pillés consentaient,
ÎUX aussi, il ne plus rouvrir leurs magasins,
1 n'y aurait plus de question antisémite.
Pour arriver à ces deux résultais, on
compte sur la terreur, t'n grand pas a été
ait dans les journées des 22. 23, 21 et 25 jan-
vier. Comme le dit un journal antisémite
l'Alger du 11 février, les antisémites doi-
vent « coucher sur leurs positions et le Tt'-
êqraminé du 27 janvier ajoute ; .' Les anti-
sémites sont résolus de revenir au calme, à
a condition que pas un magasin juif ne
'ouvre dans la ville. »
Contrairement à l'opinion d'une partie
les fonctionnaires appelés à donner leur
ivis sur les troubles qui ont éclaté ré-
cemment il Alger, le décret Crémieux
l'a guère eu d'influence sur la rivalité
între les Français et les Juifs. Il est à
'aire observer d'abord que les violences
luxquelles font allusion les rapports des
fonctionnaires algériens ont été commi-
ses bien plus par des étrangers, des va-
g-abonds sans aveu que par des Algériens
français. Si les Arabes même ont ap-
portÚ leur quote-part au désordre, ce n'est
point par haine des Juifs, mais parce
lue partout 0\1 un Arabe trouve prétexta
ipiller, il pille.
Certes la naturalisation des israélites
3n 1870, a été prématurée ; ils n'étaient
point encore assez préparés à cette me-
sure civilisatrice, mais avec la souplesse
l'esprit qui les distingue, la loi de Moïse
pouvant parfaitement s'accorder avec
notre législation, ils l'ont acceptée sans
trop de répugnance surtout parce qu'elle
leur donnait aux yeux des musulmans
plus de considération et leur facilitait
avec eux les transactions commerciales.
Les juifs ne font pas les élections,c'est
une erreur, ils n'obéissent point à un
mot d'ordre donné par leurs consistoi-
res; leur indépendance en cela comme en
beaucoup d'autres choses est absolue.
On peut a cr. sujet consulter les représen-
tants de l'Algérie, bien placés pour sa-
voir. S'il en était autrement, comment
se ferait-il qu'à Alger; il y eut un député
radical, un député modéré et un séna-
teur radical, les électeurs Israélites vO=
tant comme un seuj homme, sous i'im-
pulsion'du consistoire, les élections se (e.)
raient sur des çandidats d'un seul parti
politique.
Les troubles antisémites de l'AIg-éria
sont dus surtout à la politique de M. Cam-
bon, que nous avons signalée dans la
Fronde, ce serait une folie que de les altri-
buer à des sentimens religieux ou poli-
tiques; il ne faut pas chercher aussi
haut. Tout cela a été très bas, très
vil, très vulgaire, pas l'ombre de psy-
chologie en ces malpropres affaires Oll
les autorités n'ont pas eu la poigne né-
cessaire et où l'armée montée par la.
lecture des feuilles antisémites qui nous
empoisonnent chaque jour, a réeHc-
ment failli à son devoir. Tout ce qu'on
rapporte sur sa.mauvaise volonté il in-
tervenir est au-dessous de la vérité. On
pourrait même dire qu'elle favorisait les
émeutiers et que les zouaves fraterni-
saient avec eux.
. La représentation algérienne, ou plutôt
les membres de la représentai iun chers
au coeur de l'ex-gouverneur ont pris parti
pour les fauteurs de troubles, de telle
sorte que le préfet qui d'abord avait pris
des. mesures d'ordre conlre les manifes-
talions antisémites n'a plus osé agir.
Mais les vrais coupables dans l'ii'iivrc
criminelle accomplie à A!-:ct- sont MM.
les maires d'Alger, Orall, Mustap!)a et
leurs municipalités, s'envoyant récipro-
quement des adresses, des félicitations
pour leur antisémitisme. La Froude, a
déjà flétri leur conduite, nous n'y re-
viendrons pas. Mais il y a lieu d'être
surpris que le gouverneur général n'ait
pas provoqué la révocation des trois
maires indiqués et dissous leurs conseils
municipaux.
La genèse de l'antisémitisme algérien
est bien moins compliquée que nos poli-
ticiens le supposent. Le véritable apôtre
de l'antisémitisme en Algérie, fut un
pauvre diable qui ne sachant (lue faire
s'avisa de créer à Oran, une mauvaise
feuille de chou Le Petit Africain, dans
laquelle il s'évertuait quotidiennement, à
faire la guerre aux Israélites, l'Algérie
n'eut dès lors plus rien à envier à la
France, elle avait son Drumond et la
question juive était née. Pendant des an-
nées Le Petit Africain cria sus aux juifs.
Il existe encore et empoisonne la ville
d'Oran, mais l'homme qui eut l'idée gé-
niale dû sa fondation, voyant que son
journal ne lui rapportait point en somme
ce qu'il en avait attendu, le vendit, et
vinl solliciter à Paris où il obtint de M.
Cambon, une position dans le bureau
des renseignements de l'Algérie, puis,
par une faveur bien inexplicable, l'anti-
! juif fondateur du Petit Africain vient
d'être nommé receveur de l'octroi, a
Paris.
CAROLINE D'AMBRE.
LES PREMIÈRES
Théâtre de rŒu,-re. — L'Er/icl!l\ pièce
en trois actes de M. Vallzypc. — Le Bal-
con. pièce en trois actes de M. Gunnar
Heiberg, traduction du comte l'rozor.
Je crois, je ne suis pas très sûre, je
crois que l'Echelle veut nous représenter
trois adversités dans trois classes diffé-
rentes de la société. Au premier acte,
(premier échelon), ce sont des gens très
somptueux qui se conduisent en vérita-
bles gredins. Un mari trompé pardonne
il sa femme coupable, parce qti'il apprend
qu'elle hérite d'une forte somme d'ar-
gent; et comme l'argent n'a pas d'odeur...
Au deuxième acte, (deuxième échelon;,
on nous montre des négociants aux abois,
menacés de faillite. Ils se disputent, s'in-
jurient, menacent leur enfant qui répu-
gne à leur prêter son aide pour dépouil-
ler le grand père, un vieillard de 72 ans,
dont la barbe, les cheveux et la vuix sont
également blancs.
Au troisième acte (dernier échelon,
c'est une petite échelle, comme on voit,
un escabeau d'enfant), nous sommes
transportés dans une sombre mansarde
d'ouvriers désespérés, et, celte fois, l'évo-
cation, quoique un peu mélo, est assez,
saisissante. L'homme, ruiné par la fail-
lite du patron, se plaint à peine. C'est un
r<'-sign'''. Il a travaillé dix am; chez M. Le-
bhnc. M. Leblanc l'a toujours payé; il ne:
lui doit donc rien, après tout! D'ailleurs,i
n'a-t-il pas eu en récompense, il y a
quelques années, une médaille d'or té-
moignage précieux de ses bons services?)
Mais la femme, dont le père, un vieil-;
lard en enfance, gémit dans un coin près
du berceau d'un nouveau-né, la femme:
n'accepte pas le malheur avec cette phi-
losophie; elle se répand en violentes et
LA TRIBUNE
A TRAVERS L'ÉDUCATION
LA
FÉMINISATION DE L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE
(2)
Celle rubrique fonne un feuilleton volant
dont le sujet cliange tous les h -ois jours.
II
Les conseils élus
En ce qui concerne la présence des
femmes au Conseil départemental, la loi
est formelle; nous Fixons vu. Leur droit
de vote et leur éligibilité sont inscrits en
toutes lettres. Pour le Conseil supérieur,
le droit de vote, seul, est reconnu ; l'éligi-
bilité est passée sous silence, et, jusqu en
188G, personne n'avait signalé cette ano-
malie. Moi-même, directrice depuis 1881,
d'un journal pédagogique, qui n a cessé
&a publication qu'en 1800, je n en avais
jamais soufflé mot, et cela par un senti-
ment de réserve que tout le monde com-
prendra : j'étais éligible au premier
chef.
Or, en décembre 1886, quelques jours
seulement avant des élections partielles,
plusieurs électeurs fonctionnaires dans
des départements éloignés les uns des
autres, posèrent ma candidature, sans
m'en avertir. Je bénéficiais évidemment
de la notoriété de mon journal.
Ma perplexité fut grande. Les - deux
femmes qu'il y a en moi se livrèrent un
combat douloureux. L'une — celle qui
aime à se tenir à l'écart et qui rêverait
d'illuminer le monde en restant dans son
trou — me prêchait l'abstention ; l'autre
celle qui est toujours prête à partir pour
la guerre sainte — me pressait de partir.
Elle me disait surtout que, si la femme
avait, en moi une chance d'entrer au Con-
seil supérieur, ce serait une lâcheté de la
laisser il la porte. Le ministère, et ceci est
tout à fait intéressant, était très favorable
il ma candidature, je le dis, ici, par sen-
timent de gratitude féministe... Bref j'ac-
ceptai, je fus élue et pendant une quin-
zaine, j'incarnai la question du jour. » La
grande presse me fut généralement fa-
vorablp, et il n'y eut dans les journaux
républicains qu'une note discordante, il
est vrai qu'elle valait son prix. Le «Prince
de la Critique » le dieu du bon-sens,
leur « oncle » pour tout dire, déclara que
« puisque Mme Kergomard désertait son
rôle de femme », et qu'elle devenait « une
manière d homme » il fallait qu elle prît
le deuil « des égards dont elle avait été
jusqu'alors entourée ».
Mes collègues du Conseil lui donnè-
rent un démenti formel. On ne peut être,
en effet, plus parfaitement courtois et
sympathiques qu'ils ne l ont été, tout le
temps que je suis restée parmi eux.
Les élections de 188G étaient des élec-
tions partielles, je le répète ; il s'agissait
de pourvoir un siège vacant l année sui-
vante aux élections générales, le résultat
du scrutin me fut encore favorable; je
fus élue avec cent cinquante-trois voix
de plus que la première fois.
Mais voilà qu'en 1800 se produisit un
incident mémorable. Le Figaro publia un
article lestement tourné et signé d un
pseudonyme, dans lequel l'auteur, parti-
san de l'inspection féminine, me portait
aux nues, et se montrait plus que désobli-
geant, injuste même, pour les inspec-
tcu rs*
L'article me fut attribué par un adver-
saire trop passionné pour rester clair-
[ voyant, et comme ilfid D10 convenait pas
de représenter même un seul membre
de l'enseignement qui eût pu être effleuré
par le doute, malgré un groupe impor-
tant d'électeurs, malgré mes amis, mal-
gré le ministre, je donnai ma démission.
Et je fus réélue.
Mais tout a une fin. Aux élections de
1892, je reçus mon congé. II est vrai que
laissant aux députés les circulaires am-
bigues, et irrévocablement décidée à don-
ner coûte que coûte, un exemple de
loyauté électorale, je rappelai aux mem-
bres de l'enseignement la question qui
nous divisait, et je leur déclarai que si
je revenais de nouveau au Conseil, ce se-
rait pour y défendre, avec plus de con-
viction que jamais le principe de l'ins-
pection des écoles de filles par les
femmes.
C'en était peut-être fait de la représen-
tation féminine au Conseil supérieur, et
j'étais désolée, lorsque le mintstre,
M. Léon Bourgeois, ayant à nommer un
membre de l'enseignement libre, choisit
la directrice du collège Sévigné.
De 180'2 à i800, avec la persévérance
de quelqu'un qui affirme son droit... à
la veste, et en l'absence de toute autre
candidature féminine, je me suis mise
sur les rangs toutes les fois que l'occasion
s'en est présentée. Enfin, aux dernières
élections générales j'ai eu la joie de voir
entrer au Conseil la directrice de l'Ecole
de Fontenay-aux-Roses, même de l'y
voir entrer toute première avec cent voix
de plus que le délégué classé deuxième
sur la liste des élus.
Ces deux conquêtes : l'accès des fem-
mes dans les deux corps élus de l'Ins-
truction publique, ont été toutes pacifi-
ques. En ce qui concerne le Conseil supé-
rieur, il y a eu, je le répète, spontanéité,
enthousiasme même; les réfractaires -
beaucoup de femmes hélas! la première
fois-ont à peine protesté; car ce n'étaient
là en somme, que des victoires morales —
contestables, certes pour les individus
bien pensants—qui n&Icsaientaucun inté-
rêt matériel. Ces déléi*uées*ea entrant de
par la loi au Conseil départemental, n'y
prenaient la place de personne; elles n'y
étaient pas auparavant; on les y verrait
désormais et voilà tout Quant au Conseil
supérieur — dont les fonctions sont,
aussi, purement honorifiques — chacun
a le droit d'en tenir les femmes éloignées,
il n'y a qu'à ne pas voter pour elles.
De là la quasi-indifférence du corps
enseignant- et des fonctionnaires de l en-
seignement primaire.
Au contraire, l'accès des femmes dans
les écoles mixles porte atteinte aux inté-
rêts matériels des instituteurs. Si la loi
était appliquée, des milliers d'entre eux
seraient forcés de céder la place à autant
d'institutrices. De là des mécontente- {
ments, des protestations, des « cam pa-
gnes » — légitimes, je l'avoue, pour qui
ne donne pas il la question sa véritable
partie, — de 1ft, aussi, les lenteurs de
l'administration.
En somme, il se produit aujourd'hui
dans l'enseignement primaire un fait
identique à celui qui est arrivé dans l'in-
dust.rie : par la force des choses et aussi
par la force des idées, l'homme et la
femme se trouvent en concurrence.Mais
ces deux queslions ne peuvent être trai-
tées à l'aide des mêmes procédés de dis-
t cussion.
Celte de la femme employée dans l'in-
dustrie est d'abord, et avant tout, essen-
tiellement subjective. La femme a droit
au pain, à la liberté, à la dignité de la vie.
Le travail seul lui permet d'espérer la
possession de ces biens nécessaires : elle
veut travailler !
Elle veut travailler, en dehors de toute
préoccupation altruiste, et la volonté
de manger et. de vivre honnêtement la
conduit à la porte des fabriques où elle
revendique sa place.
L'industrie ne s'en trouvera ni mieux
ni plus mal... et ce n'est pas de l 'indur,-
trie qu'il s'agit. Il s'agit, je le répète,
pour la femme de manger et de vivre
honnêtement.
Les ouvriers v Derdront sans doute.
car l'industriel profitera de l nnovaon,
pour abaisser le taux des salaires et réa-
liser, grâce il la femme, un gain mons-
trueux... Mais encore une fois, là n'est
pas la question : la femme veut manger
et vivre honnêtement?
Que va. devenir la famille ?
Ici, de subjective la question devient
douloureusement objective. En présence
de la désertion du foyer, l'hésitation est
permise,et j'en connais d'aucuns qui pen-
sent que la femme dans la fabrique est
loin de réaliser l'idéal social.
Mais quand il s'agit de la femme dans
l'école, la question change totalement
d'aspect elle est d'abord objective et elle
reste objective parce que la nature, qui
destine la femme à être mère, lui a fait en
même temps le don de pétrir les
âmes. Il s'agit donc là d'un intérêt supé-
rieur devant lequel l'homme devrait s'ou-
blier lui-même.
Or, s'il est un endroit spécial où la
femme soit tout il fait à sa place, c'est
l'école mixte; le législateur l'a compris,
la loi a été promulguée ; mais en présence
de la protestation des instituteurs, l'ad-
ministration temporise et nous nous
demandons avec inquiétude en quelle
année du vingtième siècle, elle sera com-1
plètement appliquée.
Les objections des adversaires sont
misérables; je les ai passées en revue le
mois dernier, en me promettant de reve-
nir sur celle qui paraît avoir le plus de
poids: Dans les petites communes l'ins-
tituteur remplit les fonctions de secré-
taire de la mairie; or, une femme secré-
taire de la mairie...
A cette perspective les gens « bien »
ébauchent un signe de croix.
C'est que c'est extrêmement inconve-
nant, à cause des relations inévitables
que cette fonction crée avec le maire,
avec l'adjoint, avec le Conseil municipal,
avec tous les habitants de la commune...
: « C'est tout CC-Qu'ü y a de Dlus daiure-
1 reux ».
^
Et rependant, dans quelques commu-
nes, les institutrices remplissent ces
fonctions de manière il satisfaire les
esprits les plus timorés.
D'ailleurs, le cumul n'est pas un idéal
ni pour l'homme, ni pour la femme ; il
présente même de graves inconvénients
que signalait: une circulaire ministérielle
datée de 1875. Il ne faut pas, en eue', être,
des philosophes transcendants pour com-
prendre que la direction d'une école est
une chose et que le secrétariat de la mai-
rie est une autre chose; l'instituteur (-)It(
l'institutrice a non seulement besoin de,
tout son temps, mais de toute son indé-
pendance, et il y a une grande impru-
dence à subordonner le fonctionnaire do
l'instruction publique aux petits puten-
tats do clocher.
En ce qui concerne les écoles mixtes,
les adversaires de la « Féminisation »
sont donc dans une erreur complète;
leurs objections n'ont aucune valour.
Sont-ils plus heureux sur le chapitra
de l'inspection?
PAULINE KERGOMARD.
(A suivre.)
■—g—g J,
Le service de la FROIDE sera
fait gratuitement pendant un am
à toutes les institutrices ajant,
amené au Journal trois abonne-
ment* d'un lUI.
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 84.73%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 84.73%.
- Auteurs similaires Bibliographie de la presse française politique et d'information générale Bibliographie de la presse française politique et d'information générale /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BIPFPIG00"
-
-
Page
chiffre de pagination vue 2/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k6703192d/f2.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k6703192d/f2.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k6703192d/f2.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k6703192d/f2.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k6703192d
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k6703192d
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k6703192d/f2.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest