Titre : Les Nouvelles littéraires, artistiques et scientifiques : hebdomadaire d'information, de critique et de bibliographie / direction : Jacques Guenne et Maurice Martin du Gard
Éditeur : Larousse (Paris)
Date d'édition : 1927-02-19
Contributeur : Guenne, Jacques (1896-1945). Directeur de publication
Contributeur : Martin Du Gard, Maurice (1896-1970). Directeur de publication
Contributeur : Gillon, André (1880-1969). Directeur de publication
Contributeur : Charles, Gilbert (18..-19.. ; poète). Directeur de publication
Contributeur : Lefèvre, Frédéric (1889-1949). Directeur de publication
Contributeur : Charensol, Georges (1899-1995). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 19 février 1927 19 février 1927
Description : 1927/02/19 (A6,N227). 1927/02/19 (A6,N227).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6450409n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, GR FOL-Z-133
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/10/2013
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LES NOUVELLES LITTERAIRES
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ARTISTIQUES ET SCIENTIFIQUES .-"/:,
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DIRECTEURS-FONDATEURS : Jacques QUENNE et Maurice MARTIN DU GARD
SAMEDI 19 FEVRIER 1927
Sixième Année. - No 227
0IRECTION, REDACTION
PUBLICITÉ :
146, Rua Monfaiartre (2*)
Rédacteur en Ch-sf
Frédéric L'ErfÊ:."R'ET ,.
a, -phono : CENTRAL 33*88 is- 74"93
H. C. SMnm T StB.481 B.
LE NUMERO 60 CENTIMES
Aboanemeat d'un Aa
Franco et Colonie* 30 lïv
ABONNEMENTS ETBANGER: voir wS»p*t*
ABONNEMENTS A PBD: SÉDUIT à DM pâtit* ;
cations t Vcit ta f p*z*. -
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Chtauft Postal p. 163.83. f
a
POÈMES
0 PRINTEMPS, JEUNE PASSION
O printemps, jeune passion.
Fraîcheur des vents, de la lumière,
Souterraine exaltation, 1
̃J'entends ta païenne prière ! t
Les oiseaux, dont le chant renait
El transperce le clair espace,
Jettent des cris brefs et vivaces
Comme dos qu/itrains japonais !
L'on sent que se débat sous terre,
Dans un nombreux fourmiuement,
L'émulation prlntanière
Au suave envabisseinent.
Cetit- prestesse frénétique,
Pleine de soins minutieux.
Fait sous l'argile léthargique
l'n bruit d'étoiles dans les deux I
Mais dans mon funèbre malais(I,
Je songe à ce potier persan
Qui percevait parmi la glaise
Les soupirs des os et du sang ï
JE CROIS VOIR, ENTENDRE
Je crois voir, entendre, mais rien
J>i Il'rrl'S'r(', d'aérion.
Ac me toiiclie, ne m'intéresse,
Xl', fille ma morne paresse.
Qu'eu montrant il mon iriste esprit,
El, iùl-ce une cloohe .qu.i sonne,
I ii passant, une odeur, un eri.
1.'arabesque de ta personne.
J'AI REGARDE D'UN ŒIL CONTENT
J'ai regardé d'un œil content,
lit confiant, et toujours sage,
3 »di ;, les glissants paysages
Que fait, dans 1(', soir éclatant,
te ̃:! emmêlé des nuages.
-A">,,, - ;« songe qu'en résistant
'.l'u malheur don* le poids m'oppresse,
3'aurais ent-or la calme ivresse
Que me refuse un mal constant.
..- Pouvoir reculer dans le temps !
VANITE, CRAINTE, AMOUR DE SOI
Vanité, crainte, amour de soi,
Fureur contre ce qui déçoit,
Tourments vils, et de tant de sortes!
31 f:u: bien pourtant que l'on sorte
De cet abîme, immense, étroit.
c - C'est ta mort, ta muette voix
Qui m'a montré la noble porte.
IL M'APPARAIT SOUDAIN
Il in'apparait soudain que vous aimiez la vie,
Ses jeux, ses gais matins, ses siestes, son labeur.
Chaque jour provoquait en vous l'heureuse envie.
Celto fipre vision fait éclater mon cœur î
Moi je n'ai jamais eu pour la dure existence
(Si fort que fut pourtant mon amour de l'azur)
Ce goût eontinuet, cette simple appétence,
Ces successifs désirs de l'instinct calme et sûr.
l'ai trop souffert depuis l'enfance, immense, amère, ,..
D'avoir compris le mal du oorfis, vase des pleurs,
Et cette âme qu'il faut nommer &me éphémère,
Et qui se sait mortelle en sachant sa valeur
JE N'AVAIS JAMAIS RIEN A DIRE.
Je n'avais jamais rien à dire
Qu'à toi. Aux autres je parlais
Mais jamais mon cœur ne mêlait
Gomme l'on se meut ou respire,
Son trésor à leur existence.
lYotis seuls n'avions pas de distance.
Sflll. étions pressés, réunis
Dans l'élrè)ltesse ou dans l'espace.
En loi seul j'élais à ma place,
Que veux-tu que la gloire soit
Si ce n'est l'image de soi
Dans l'âme que l'on a choisie ?
L'offrande de la poésie,
Je ::a faisais à ton regard.
Ce n'était que dans ta prunelle
Que j'étais juste et naturelle.
Désormais sans "œux, sans égaras,
Je suis cette errante hirondelle
; nom on voit sur l'azur hagard
Se déchirer les noirs coups d'ailes.
CHACUN DE VOUS UN JOUR
Chacun de vous, un jour, a refermé la porte
De ma chambre, et sans rien de grave ou de hardi"
Igno unis, vous alliez vers le sort refroidi.
Je ne vous aurais pas délaissés de la sorte !
J'aurais crié, gémi pour ne vous point quitter.
'ou.' vous revoir eueor j'eusse été forte et IÙchc.
J'aurais fait reculer la mon, ses points, sa hache.
,t':HUfI(S repris mon souffle, ensuite, à \US entés.
M'aimiez-vous donc' si peu ? :\'Plalf's-\,ons pas l'image
ISi rude qu'elle sait intimider le sort)
De mon esprit hagard, de l'incessant carnage
Que dans mon cœur uni causerait votre mort ? r
l'cndnnt des mois. des ans, je vous fis le reproche:
D'avoir sur moi roulé l'impitoyable roche.
- présent, n'ayant plus rien à voir, à saisir.
Je vous dois le plaisir que j'aurai à mourir.
VIVRE, EST-CE DE SUBIR.
Vivre, est-ce de subir un jour et puis un aatrc ?
Qui peut se réjmiir de l'ennui, du repos ?
Qui veut avoir les yeux ternis des vieux apôtres
Privés du jeune dieu qui marchait sur les eaux ?
Rien ne vaut que l'espoir et les rêves qui menient,
Que l'agile tendresse au cœur précipité,
Que l'orgueil frémissant, ou bien la volupté
Pareille à la Musique en promesses démentes!
DE QUOI T'AI.JE EN CE JOUR -,
Do quoi t'al-je, en ee jour, frustré, cœur endormi ?
Du vivre, du souffrir, des regrets, de l'espoir ?
Du sourd discernement d'être enclos à demi
Dans la brume insoluble et croissante du soir ?
J'ai trop vanté, jadis, l'honneur d'être vivant ;
Mon esprit débordait de combatif azur.
Mais crois en le soupir dont tu n'étais pas sur :
Tout n'est que vanités et pâture de vent
.Dans le mal que m'inflige un séjour partagé,
Où le sol te recouvre alors que j'erre encor,
L'inacceptable peine est pour le triste corps
A qui Pèse sans fin les moments passagers !
Heureux celui qui peut, en s'arrêtant soudain
Pour-tomber dans la paix sans rêve et sans ennui,
N'avoir pas à compter les heures de la nuit
Près d'une coupe vide et des flambeaux éteints î
Comtesse de NOAILLES.
UNE HEURE HEC I. JAEIOES COPEAU
Fondateur du Vieux-Colombier
par Frédéric LEFEVRE
.!!'
A Condorcet, avec M. Izoulet. J'ai quinze ans ; on joue ma première pièce u, Brouillard du
matin Sarcey me célèbre dans le Temps "; Vendeur chez Georges Peit. Plaisante
histoire : Eugène MonqÓrt, directeur de la N. R. F. OU une mesure pour rien., Chez
André Gide, à Cuverville. La patachè de M. Laugier. Nos fugues a Braffye, Gide tire à l'aria*,
lète. Le grand cèdre de la Porte Etroite L'ahurissante jeunesse de Gide. Mais où
sont les longues figures ? M. Gaston Baty OU Sire le Mot Baty aurait-il un théâtre
utiona/? Ma fuite en Bourgogne : Les Copiaux. La célébration du vin à Nuits-Saint"
Georges• Mon retour? .D'où viendrai'argent? Claudel, le plus grand dramaturge des
temps modernes, a toujours été saboté*,, Je le jouerai à travers les campagnes françaises.
lrVans avons pu joindre Jacques Copeau
o "la sortie d'une réunion qui se tenait
r"JS les auspices de la Revue de Jeunes
il -'a salle de Géographie et où l'éminent
li':"f!dien avait donné une émouvante lec-
tif'.;- des principales scènes de VAnnonce
to 'e à Marie, de Paul Claudel.
laçâtes Copeau partait le lendemain
rr.rh(' pour la Suisse et c'est en le recon-
duisant, ce soir-là. à sont domicile pari-
sien, que nous eûmes avec lui l'entretien, 1
flje nous essayons de reconstituer ici.
Prenant légitimement prétexte .de l'en-
fhouaiasme avec lequel il vient d'y être ac-
\'nlJlj, nous lui demandons s'il ne compte
rentrer bientôt à Paris ; soit pour
i'fpiv»ndre le Vieux-Colombier, soit pour
',- 't.auer sa troupe, restée fidèl., et rajeu.
!JII', dans un autre théâtre.
:'vrès up long silence, Copeau répond :
J' -.- Oui, 'oui. Ce serait bien tentant.
bal senti vraiment autour de moi ce soiri
I: Une âme commune..
cc Partout d'ailleurs, ces lectures obtien-
nent un vif succès, ce qui n'empêclie pas
qu'on ne leur a jamais consacré un iseul
mot dans la presse française.
Il J'arrive d'Amériquc.
cc Comme vous le savez, ce n'est pas la
première fois que jo vais là-bas. Après
sept mois d'existence du Vieux-Colombier,
à Paris, en 1913-1914, j'avais été brusque-
ment convié par le service de la Propa-
gande française a aller étudier en Amé-
1 rique les possibilités d installer à New-
York un théâtre français permanent.
A ce moment.! à, il y avait déjà dans
cette vilje. un théâtre allemand per-
manent assez florissant. Je fis donc
un premier séjour aux Etats-Unis, vers
la fin de 1916. Et, après une série, de
conférence* sur le théâtre français, j'eus
la chance d'obtenir des concours améri-
cains assez généreux pour permettre l'ins-
tallation du Vieux-Colombier à New-York
dans un théâtre qui s'appelait. « The Gar-
rick-Theater
Je revins alors en France ppur regrou*
per ma troupe, et en octobre 1917, je
m'installai définitivement à New-York
avec ma compagnie, mon répertoire et
.mon matériel. Nous avons fait là-bas deux
saisons complètes : de novembre 1917 à juin,
1919, jouant tous les jours, des classiques
ou des modernes, et groupant chaque soir
de six à sept cents auditeurs. Au cours
de notre seconde saison, nous refusions
du monde. A la suite de notre passage,
naquirent des entreprises analogues à la
mienne, tout animées du désir de renou-
veler le métier dramatique. AU moment
de mon départ, l'une de ces entreprises,
(e The Ghilde-Theater », s'installa dans ce
même « Garrick-Theater n, que nous avions
occupé durant notre séjour. Elle a si bien
réussi, qu'il y a trois ans, elle a pu faire
construire un nouveau théâtre beaucoup
plus vaste dans la cinquante-deuxième
rue.
LA suite en quatrième page i
'ENRIQUE LARRETA
et l'Argentine
t8.
On connait M. Enrique Larreta en France,
à cause de la traduction admirable que Re-
my de .Gourmont a faite de La gloire de don
Ramirc, et parce que cette œuvre est deve-
nue peu à peu classique. Mais ce n'est pas
suffisamment le connaître, car ce roman
n'exprime qu'un des aspects de sa person-
nalité fort cninnlcxc.
--..---- --- - -----c--.---
Homme d'état et diplomate, il fut ministre
d'Argentine en France, de igi2 environ jus-
qu'à 1917, et il est essentiel de noter tout
de suite que ce n'est nullement au hasard
qu'il fut choisi par son gouvernement pour
représenter chez nous la grande république
de l'Amérique australe. Du Mexique au cap
Horn, c'est une tradition là-bas de préférer
les - intellectuels aux simples fonctionnaires
quand jl s'agit, de postes diplomatiques im-
portants. On estime (et il me semble avec
juste raison) que nul ne peut mieux parler
,Q%Wn dun pays qui? celui petit « adres-
ser directement à ses élites, que celui qui dé-
jà représente une valeur idéale dans sa propre
patrie. N'ayons-nous pas nous-mêmes quel-
que chose d'analogie avec M. Paul Claudel ?
L'auteur de la Gloire de don Raniire fut
accueilli à Paris avec toute la faveur que lui
valait sa double réputation d'homme du mon-
de raffiné et de lettré délicat. Il devint très
vite l'ami personnel de Maurice Barrès, avec
qui il fit le voyage en Espagne. Des affi-
nités profondes unissaient ces deux hommes,
qui en prirent de plus en plus conscience au
fur et à mesure de leurs entretiens. Et si
l'on a souvent remarqué que M. Larreta res-
semblait à Barrés, jusque dans son aspect
physique, ceux qui ont parlé d'imitation ont
dit une sottise. En réalité M. Larreta était
un peu son double spirituel, peut-être plus
encore que son disciple. Non seulement il
en partageait l'idéal et les passions, mais sa
vie avait les mêmes axes : le goût profond
des idées et le culte de la race.
Prêchons immédiatement ce que signifie
cette expression pour un homme de l'Améri-
que du Sud. II semble au premier abord qu'un
Argentin, type représentatif de l'homme
nouveau, ne puisse pas professer cette doc-
trine, ni éprouver ce sentiment. Mais la réa-
lité est un peu différente. L'Amérique la-
tine, qui nous a emprunté nos principes po-
litiques et_presqne toute notre culture, - désire
se rattacher à l'Espagne par le sang. Elle
ne nie point le mélange des rncc:, mais, elle
entend, pour des raisons d'aristocratie ethni-
que, conserver à l'élément conquérant, au
sang espagnol, la suprématie. Cet a lui de
faire le lien, de concilier les antagonismes,
d'assurer la continuité de la tradition.
C'est: un peu pour cette raison que M. En-
rique Larreta était venu en Europe : pour
reprendre contact. D'abord avec la France :
mère intellectuelle, ensuite avec l'Espagne,
aïeule physique. Et dans ce sens, l'on peut
dire qu'il avait des motifs plus puissants que
ceux de Barrés de se retremper aux voluptés
de Cordoue. Là où l'auteur de La Colline
inspirée cherchait la tliversion d'un dépayse-
ment romantique, son compagnon venait cher-
cher ki trace de ses l'acinc..
,--'-' n. -- --- - -
Cependant, M. Enrique Larreta, qui fut
! aux heures dures de la guerre un ami fer-
vent de la France, un de ses plus chauds par-
tisans malgré l'obligatoire neutralité diplo-
matique, estimant sans doute sa mission fi-
nie, repartit pour l'Argentine, où, après - quel-
ques visites à ce Paris qu'il n'a cessé d'ado-
rer, il s'est définitivement installé. Il pos-
sède là-bas, aux environs de Buenos-Ayres
en pleine Pampa, une demeure magnifique,
qu'il s'est fait construire lui-même, avec un
goût d'artiste et un faste de grand seigneur.
Azofain, est un vaste domaine au milieu ae
la solitude, de cette solitude particulière à
la plaine argentine, dont M. Larreta a dit
lui-même qu'elle était « la région métaphy-
sique par excellence, avec la ligne idéale de
son horizon, sa beauté presque incorporelle,
lyrique, abstraite, sa fantaisie démesurée,
son ivresse d'infini ». Et au centre de ce
domaine se dresse la maison coloniale, véri-
table poème de pierre remplie des merveilles.
C'est là' qu'il a composé ce fameux Zo-
goibi qui vient de paraître (avec un succès
formidable) et que l'on pourra bientôt lire
en français, dans une traduction qu'il aura
revue, lui-même (car il connaît notre langue
dans la perfection). C'est une histoire très
simple et très tragique, dont le décor, allais-
je dire, est situé dans la Pampa. Mais c'est
justement cela qu'il me faut éviter de dire,
car -le: véritable héros, c'est la Pampa elle-
même, c'est cette atmosphère qui entoure les
personnages de l'aventure, qui pénètre com-
me malgré eux dans leur cerveau et dans
leurs sens, qui les modifie et les mène; com-
me un Destin. En tant qu'étude de milieu,
c'est parfait, et le plus minutieux des réalis-
tes ne pourrait qu'approuver les descriptions,
si exactes, et si remplies de suggestion que
l'auteur nous donne de la vie des estancias
et de la plaine. Mais le vrai sujet est trans-
posé sur un autre plan. Il s'agit d'un con-
flit spirituel d'autant plus grave que les pro.
tagonistes luttent ou s'abandonnent - à
leur insu. Et c'est extrêmement pathétique.
- - - - -
i, Dans 1 œuvre de M. Enrique Larreta, Zo-
goibi fait contre-poids à La Gloire de don
Ramirc. Et c'est sans doute à cause de cela
qu'il a obtenu l'immense succès dont il jouit.
Il représente l'Argentine actuelle : son
bouillonnement, ses contrastes, son appel à
l'avenir, et cette conscience qu'elle a d'être
déjà une terre vivante, avec son attrait, sa
puissance créatrice et un passé d'autant' plus
mystérieux qu'il n'a presque rien d'histori-
que, qu il n'est qu'êlémentaire et naturel.
Après avoir composé La Gloire de don Ra-
mire en hommage aux pouvoirs de la race
et aux souvenirs des origines, M. Larreta a
compris .qu'il se devait d'écrire un livre qui
fût l'exaltation de l'énergie vivacé et du
rêve mélancolique de l'Argentine contem-
poraine.
Francis de MiOMANDRE.
Le tricentenaire de Gongora
t « N M t
L'Espagne va célébrer cette année le tri-
centenaire de la mort de Gongora, non
seulement l'Espagne des poètes, mais aussi
l'Espagne officielle et universitaire. Etrange
fortune que celle de - ce prince de l'esprit
qui, après avoir empli son siècle do la re-
dondante sonorité de son nom, s'est vu
rejeté dans la poussière avec son contem-
porain et ami, le Greco. Aujourd'hui, ces
deux génies jumeaux renaissent enfin à la
lumière, pareils à cet oiseau phénix qui
figure si souvent dans les allégories aies
Espagnols et auquel ceux-ci se plaisent
tant à comparer leurs poètes les plus
monstrueux.
Un portrait de Gongora, attribue à Ye-
lasquez'et que possède le Prado, semble-
rait ne devoir montrer que mé-ehanceté.
amertume et orgueil si l'on ne prenait
garde' qu'une face pareille ne peut rien
dévoiler. Les portraits que nous avons de
CCtMSORA, par Velacqiic.:
nos grands écrivains classiques marquent.
par leur port en avant sur un mouvement
du col, • une., curiosité et une intelligence
tournées vers .le monde extérieur, ou, d'au-
tres fois,1 cotte, niai esté sereine et contem-
plative/dei l'e^nrit qui a su organiser ce
monde- èt 4tn Êtefad l'épanouissement de sa
sagesse jusqu'aux extrémités d'une belle
perriique : tontes ces physionomies ont
quelque! chose du lion des fables de La
Fontaine. Mais un visage tel que celui de
Don Luis de Gongora y Argote ne porte
aucun reflet'du monde extérieur ; droit et
simniement nosé sur ÎPS élnalilps- nfiut-ftre
même est-il trop fier pour exprimer le
moindre dédain, non plus qu'il 11e laisse
rien présager de ce qui peut se passer en
lui. 11 n'y a là qu'une peau séchée, un
crâne durci et des yeux éteints. Cet aspect
minéral coupe court au moindre élan par
lequel nous voudrions nous donner l'illu-
sion que nous comprenons le cœur d'un
pareil homme.
Ce que l'on sait de sa personne implique
justement, le goût des positions difficiles,
étrangères ,à tout accueil et à toute ai-
sance. Si le genre littéraire qu'il a adopté
lui a valu des admirations délirantes, cette
exaltation: ne nous apparaît que sous la
figure d'une forteresse abrupte et impre-
nable. Lope de Vega, la bat en brèche,
ert étourdi généreux et bruyant qu'il était.
Mais l'aigle Gongora se défend avec une
sauvagerie qui va jusqu'à la grossièreté.
De même, il faut que ses supérieurs las-
sent la leçon à ce chanoine indiscipliné
qui .met. trop d'ardeur à s'entretenir, d'oc-
cupations profanes. Gongora, comme son
frèrè en esprit Baltasar Gracian, connaît
les vexations de l'autorité ecclésiastique.
Gongora se recueille dans la sûreté de son j'
génie et une. volonté secrète, qui était en
lui de 'mener là poésie à des frontières
qu'elle n'avait jamais atteintes.
Gongora a fait quelques-uns des plus
beaux vers de la poésie universelle. André
Suarès le sait bien, qui cite son. nom dans
son admirable chapitre sur Mallarmé. Le
nom de Mallarmé surgit dès que l'on parle
de Gongora. Francis de Miomandre et Ma-
rias André ont dénombré les similitudes
de leurs arts. Tous deux, séparés diu monde
réel sans retour, ont tenté l'établissement
d'un monde transcendantal par des asso-
ciations analogues, le même usage des né-
galons subtiles et le choix de tout ce
fixe où nous retrouvons jusqu'aux mêmes
éléments : cygnes, bijoux, chevelures, écu-
mes, pierres funèbres, exsudations d'o-
deurs précieuses. A la flore de cette poésie,
le Cordouan, sans doute, ajoute l'œillet,
qui est une fleur bien andalouse, et à sa
faune le paon constellé de regards, fier
comme un gentilhomme. Mais on aura la
surprise de rencontrer déjà, à travers tant
de trésors, un Pégase qui, dans un mou-
vement tout hugolien, pait des étoiles, et
le golfe d'ombre que redécouvrira Rim-
baud dans son sonnet des Voyelles. - u-
C'est que les poetes savent se retrouyer
tous dans un univers recomposé où notre
volupté obtient de quoi entièrement se sa-
tisfaire. Ici les caresaes peuvent s'égarer
au risque de ne tomber que sur une mer-
veille. Une physique supérieure comme les
sens. Les vers de Gongora, cela se touche,
se voit, s'entend, sans que rien vienne
tout à coup contredire notre délice : et mê-
me, un jeune poète espagnol, Gerardo
Diego, a montré comment l'on pouvait
isoler chacun d'eux en dépit du sens que
forme secrètement leur suite,.pour obtenir
une combinaison die termes et .d'objets
nouvelle et saisissante. Gongora a réalisé
cela que Gracian. théoricien du concep-
tisme, définissait a une composition arti-
ficieuse de l'esprit, en quoi s'érige une ma-
chine sublime, non de colonnes ni d'archi-
traves, mais de motifs et de concepts. » Et
Gracian disait aussi : « Chaque pierre,
parmi les,précieuses, pourrait en soi s'op-
poser à une étoile, mais jointes en un
joyau, elles rivalisent avec le firmament. »
Le rêve de Mallarmé, dans son Coup de
dé, n'avait-il pas été, selon M. Paul Va-
On trouvera à la septième page la
fin de l'étude de M. LEON PIERRE-
QUINT, sur -
ANDRE GIDE
,., ETSESDèRMERESŒUVRES 1
léry, d'élever la poésie jusqu'à la figure
du monde étoiié ?
Par cette mathématique et ces sinuosités
volontaires où chaque objet n'est repré-
senté que par son absence ou par sa quin-
tessence, ou par leJIe allusion à sa s'JIb-
stance et à son origine, par ces systèmes
d'hyperboles qui chargent le vers et d'al-
lusions qui l'allègent, par toutes ces for-
mes vidées de leur signification ou ces
étalages de matières privées de formes,
Gongora a construit une œuvre assez sem-
blable à celle de ces architectes et sculp-
teurs baroques dont il faudrait, aussi réha-
biliter Je stvle. D'ailleurs il v aurait lieu
d'élargir le sens du terme baroquisme et
de voir en lui uno des formes prises, à cer-
tains moments et dans certains pays, par
le romantisme éternel. ! ,è baroque est
pas seulement un style décoratif que l'on
a légèrement condamné pour sa pompe et
sa complication, c'est aussi une façon pro-
fonde et riche de reconstruire le monde.
S'il constitue la base essentielle de l'art
et de la littérature espagnoles, si tn le
retrouve dans le génie jésuitique, dans le
(;reco, dans Ribera, dans Quevedo, dans
Picasso et dans cet art extraordinaire de
la sculpture polychrome sur lequel le
er,mic de Guëll vient de faire paraître un
fi curieux document, il s'étend aussi en
dehors de l'Espagne, dans la grande pein-
ture flamande par exemple, et on en dé-
couvrirait des traces chez )Iar,;:! Proust
et M. Jean Giraudoux.
Pour ce qui est de l'ohscurité, ijïiiérente
au gongorisme et à l'art baroque, les ;-on-
temporains de Gongora s'étajent déjà
chargés d'en faire l'apologie. C'est ainsi
que dans un Discours récemment publié
par l'érudit Manuel Artigas, Don Martin
Vasquez Sirvela avait écrit : « L'éblouis-
sement ne serai-il pas, par hasard, impu-
table ici non aux objets, mais à nos
veux ?. La danse des yeux, la disparition
des objets, leur refus de se laisser manier
par n'importe quelle vue sont des signes
peu convaincants : car nui n'ignore que de
tels effets, l'abondance de la lumière les
peut causer tout aussi bien que sa faute. »
A trois siècles de distance, cet excellent
exégète de Gongora avait prévu la réponse
que ferait M. Jean Royère. exégète de
Mallarmé, à ceux qui feraient à celui-ci le
même reproche d'être obscur : « Obscur,
oui, comme un lys ! » ,
Dans sa tentative désespérée Gongora
comme Mallarmé succomba. Voilà trois
siècles que le cygne de Cordoue a inter-
rompu ses Solitudes et est mort dans tiri
état qu'il est trop simple d'appeler la folie.
Mais après tout ce temps d'immobilité av.
songe froid de mépris, les amoureux de
poésie le retrouvent, reviennent à lui, con-
firment sa cri cire.
Jean CASSOU.
- .---- --_h-,\,\,\.,\
LA VERITABLE HISTOIRE
DE
PAUL ET VIRGINIE"
par Raymond ESCHOUER.
Plusieurs personnes m'ont questionné
sur le sujet de cet ouvrage, écrit Bernardin
de Saint-Pierre dans son Préambule de
Paul et Virginie. Ce vieillard, iiiont-elles
dit, vous-a-t-il, en effet, raconté cette his-
toire ? Avez-vous vu les lieux que vous
avec décrits ? Virginie a-t-elle péri d'une
manière aussi déplorable ? Comment une
fille peut-eHe se résoudre à quitter la vie
plutôt que ses habits ?
« Je leur ai répondu, poursuit Bernar-
din, non sans une sorte de coquetterie :
l'homme dessemblc à un enfant. Donnez
une rose à un enfant. D'abord, il en
jouit, bientôt il veut la connaître. Il en
examine les feuilles, puis il les détache
l'une après l'autre, et quand il en connaît
l'ensemble, il n'a plus de rose. Télémaque,
Clarisse, et tant d'autres sujets qui nous
portent à la vertu ou qur: noans font verser
des larmes, sont-ils vrais ? >1
Mais que le public se rassure l Rien de
plus vrai que cette histoire d'amour. « J'ai
mœurs dont on trouverait peut-être des
modèles dans quelques parties solitaires
Je l'île de France ou de l'île Bourbon, qui
en est voisine, et une caïasiropne nie 11
certaine dont je puis produire même à
Paris des témoignages irrécusables. »
En parlant ainsi, l'habile homme n'igno-
rait pas à quel point il piquait la curio-
sité d'un public, soucieux de n'avoir pas
pleuré en vain et avide de connaître ce
que le livre contenait de vérité.
Le vieillard-,' on s'en aperçoit de reste,
le vieillard systématique et raisonnant,
dont les discours insipides furent compa-
rés chez Mme Necker, à « un verre d'eau
à la glace », ce vieillard prêcheur n'est
autre que Bernardin lui-même. H'
On peut croire, avec I erudit et subiu
Edmond Pilon, que la jolie Mme Le Nor-
mand et l'honnête Mme Poivre, à qui
M. de Saint-Pierre fit vainement -la cour.
ont inspiré les portraits de Mme de La
Tour et de la bonne Marguerite.
Dogingue, le noir ouolot (au temps de
Bernardin, on écrivait iolof), l'auteur de
Paul el Virginie l'eut à son service. Quant
à la négresse oe Mme ae La îour, âl. ae
Saint-Pierre lui donna le nom de la vieille
chambrière qui choya sa propre enfance.
Il n'est pas jusqu'au patronymique de
Mme de La Tour qui ne rappeille-à notre
gentilhomme de fortune de tendres sou-
venirs. Dans le temps qu'il portait en
Russie un si brillant uniforme, habit éCar-
late à revers noirs et gilet ventre de bi-
che, avait-il pas pensé épouser une Mlle de
La l,Tour, nièce du général du Bosquet ?
Plus tard, à Berlin, la main de Mlle Vir-
ginia Taubenheim lui fut offerte.. Ainsi,
comme l'a dit Sainte-Beuve, « un ressou-
venir aimable- lui a fait confondre" et jen-
trelàcer ces deux noms sur la tête de sa
plus chère créature. Trop, pauvre, il avait
cru ne pas devoir accepter leur main.
Munificence aimable ! Voilà qu'il leur a:
payé à elles deux, dàiis cette seul6 of-
frande, la dot du gérve ».
Le chien Fidèle ressemble singulière- -
ment au chien Favori, qui suivit M. de
Saint-Pierre dans l'île de France. Quant
à la :tante de Virginie, elle n'eut d'autre
modèle que la marâtre de. Bernardin, la-
quelle renvoya celui-ci sans un iiard errer
LES NOUVELLES LITTERAIRES
wMW ,.: 2
, J'
'.: :. ,: 'f1Aw
ARTISTIQUES ET SCIENTIFIQUES .-"/:,
HEBDOMADAIRE D'l»reMMf ». 0 £ CMTHMC £ T DE BIBLIOGRAPHIE
,. ? -"
-. - •- y# •*,,»$a*> -. » - L
DIRECTEURS-FONDATEURS : Jacques QUENNE et Maurice MARTIN DU GARD
SAMEDI 19 FEVRIER 1927
Sixième Année. - No 227
0IRECTION, REDACTION
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146, Rua Monfaiartre (2*)
Rédacteur en Ch-sf
Frédéric L'ErfÊ:."R'ET ,.
a, -phono : CENTRAL 33*88 is- 74"93
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LE NUMERO 60 CENTIMES
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On rabonne Ciiet U)iit
Chtauft Postal p. 163.83. f
a
POÈMES
0 PRINTEMPS, JEUNE PASSION
O printemps, jeune passion.
Fraîcheur des vents, de la lumière,
Souterraine exaltation, 1
̃J'entends ta païenne prière ! t
Les oiseaux, dont le chant renait
El transperce le clair espace,
Jettent des cris brefs et vivaces
Comme dos qu/itrains japonais !
L'on sent que se débat sous terre,
Dans un nombreux fourmiuement,
L'émulation prlntanière
Au suave envabisseinent.
Cetit- prestesse frénétique,
Pleine de soins minutieux.
Fait sous l'argile léthargique
l'n bruit d'étoiles dans les deux I
Mais dans mon funèbre malais(I,
Je songe à ce potier persan
Qui percevait parmi la glaise
Les soupirs des os et du sang ï
JE CROIS VOIR, ENTENDRE
Je crois voir, entendre, mais rien
J>i Il'rrl'S'r(', d'aérion.
Ac me toiiclie, ne m'intéresse,
Xl', fille ma morne paresse.
Qu'eu montrant il mon iriste esprit,
El, iùl-ce une cloohe .qu.i sonne,
I ii passant, une odeur, un eri.
1.'arabesque de ta personne.
J'AI REGARDE D'UN ŒIL CONTENT
J'ai regardé d'un œil content,
lit confiant, et toujours sage,
3 »di ;, les glissants paysages
Que fait, dans 1(', soir éclatant,
te ̃:! emmêlé des nuages.
-A">,,, - ;« songe qu'en résistant
'.l'u malheur don* le poids m'oppresse,
3'aurais ent-or la calme ivresse
Que me refuse un mal constant.
..- Pouvoir reculer dans le temps !
VANITE, CRAINTE, AMOUR DE SOI
Vanité, crainte, amour de soi,
Fureur contre ce qui déçoit,
Tourments vils, et de tant de sortes!
31 f:u: bien pourtant que l'on sorte
De cet abîme, immense, étroit.
c - C'est ta mort, ta muette voix
Qui m'a montré la noble porte.
IL M'APPARAIT SOUDAIN
Il in'apparait soudain que vous aimiez la vie,
Ses jeux, ses gais matins, ses siestes, son labeur.
Chaque jour provoquait en vous l'heureuse envie.
Celto fipre vision fait éclater mon cœur î
Moi je n'ai jamais eu pour la dure existence
(Si fort que fut pourtant mon amour de l'azur)
Ce goût eontinuet, cette simple appétence,
Ces successifs désirs de l'instinct calme et sûr.
l'ai trop souffert depuis l'enfance, immense, amère, ,..
D'avoir compris le mal du oorfis, vase des pleurs,
Et cette âme qu'il faut nommer &me éphémère,
Et qui se sait mortelle en sachant sa valeur
JE N'AVAIS JAMAIS RIEN A DIRE.
Je n'avais jamais rien à dire
Qu'à toi. Aux autres je parlais
Mais jamais mon cœur ne mêlait
Gomme l'on se meut ou respire,
Son trésor à leur existence.
lYotis seuls n'avions pas de distance.
Sflll. étions pressés, réunis
Dans l'élrè)ltesse ou dans l'espace.
En loi seul j'élais à ma place,
Que veux-tu que la gloire soit
Si ce n'est l'image de soi
Dans l'âme que l'on a choisie ?
L'offrande de la poésie,
Je ::a faisais à ton regard.
Ce n'était que dans ta prunelle
Que j'étais juste et naturelle.
Désormais sans "œux, sans égaras,
Je suis cette errante hirondelle
; nom on voit sur l'azur hagard
Se déchirer les noirs coups d'ailes.
CHACUN DE VOUS UN JOUR
Chacun de vous, un jour, a refermé la porte
De ma chambre, et sans rien de grave ou de hardi"
Igno unis, vous alliez vers le sort refroidi.
Je ne vous aurais pas délaissés de la sorte !
J'aurais crié, gémi pour ne vous point quitter.
'ou.' vous revoir eueor j'eusse été forte et IÙchc.
J'aurais fait reculer la mon, ses points, sa hache.
,t':HUfI(S repris mon souffle, ensuite, à \US entés.
M'aimiez-vous donc' si peu ? :\'Plalf's-\,ons pas l'image
ISi rude qu'elle sait intimider le sort)
De mon esprit hagard, de l'incessant carnage
Que dans mon cœur uni causerait votre mort ? r
l'cndnnt des mois. des ans, je vous fis le reproche:
D'avoir sur moi roulé l'impitoyable roche.
- présent, n'ayant plus rien à voir, à saisir.
Je vous dois le plaisir que j'aurai à mourir.
VIVRE, EST-CE DE SUBIR.
Vivre, est-ce de subir un jour et puis un aatrc ?
Qui peut se réjmiir de l'ennui, du repos ?
Qui veut avoir les yeux ternis des vieux apôtres
Privés du jeune dieu qui marchait sur les eaux ?
Rien ne vaut que l'espoir et les rêves qui menient,
Que l'agile tendresse au cœur précipité,
Que l'orgueil frémissant, ou bien la volupté
Pareille à la Musique en promesses démentes!
DE QUOI T'AI.JE EN CE JOUR -,
Do quoi t'al-je, en ee jour, frustré, cœur endormi ?
Du vivre, du souffrir, des regrets, de l'espoir ?
Du sourd discernement d'être enclos à demi
Dans la brume insoluble et croissante du soir ?
J'ai trop vanté, jadis, l'honneur d'être vivant ;
Mon esprit débordait de combatif azur.
Mais crois en le soupir dont tu n'étais pas sur :
Tout n'est que vanités et pâture de vent
.Dans le mal que m'inflige un séjour partagé,
Où le sol te recouvre alors que j'erre encor,
L'inacceptable peine est pour le triste corps
A qui Pèse sans fin les moments passagers !
Heureux celui qui peut, en s'arrêtant soudain
Pour-tomber dans la paix sans rêve et sans ennui,
N'avoir pas à compter les heures de la nuit
Près d'une coupe vide et des flambeaux éteints î
Comtesse de NOAILLES.
UNE HEURE HEC I. JAEIOES COPEAU
Fondateur du Vieux-Colombier
par Frédéric LEFEVRE
.!!'
A Condorcet, avec M. Izoulet. J'ai quinze ans ; on joue ma première pièce u, Brouillard du
matin Sarcey me célèbre dans le Temps "; Vendeur chez Georges Peit. Plaisante
histoire : Eugène MonqÓrt, directeur de la N. R. F. OU une mesure pour rien., Chez
André Gide, à Cuverville. La patachè de M. Laugier. Nos fugues a Braffye, Gide tire à l'aria*,
lète. Le grand cèdre de la Porte Etroite L'ahurissante jeunesse de Gide. Mais où
sont les longues figures ? M. Gaston Baty OU Sire le Mot Baty aurait-il un théâtre
utiona/? Ma fuite en Bourgogne : Les Copiaux. La célébration du vin à Nuits-Saint"
Georges• Mon retour? .D'où viendrai'argent? Claudel, le plus grand dramaturge des
temps modernes, a toujours été saboté*,, Je le jouerai à travers les campagnes françaises.
lrVans avons pu joindre Jacques Copeau
o "la sortie d'une réunion qui se tenait
r"JS les auspices de la Revue de Jeunes
il -'a salle de Géographie et où l'éminent
li':"f!dien avait donné une émouvante lec-
tif'.;- des principales scènes de VAnnonce
to 'e à Marie, de Paul Claudel.
laçâtes Copeau partait le lendemain
rr.rh(' pour la Suisse et c'est en le recon-
duisant, ce soir-là. à sont domicile pari-
sien, que nous eûmes avec lui l'entretien, 1
flje nous essayons de reconstituer ici.
Prenant légitimement prétexte .de l'en-
fhouaiasme avec lequel il vient d'y être ac-
\'nlJlj, nous lui demandons s'il ne compte
rentrer bientôt à Paris ; soit pour
i'fpiv»ndre le Vieux-Colombier, soit pour
',- 't.auer sa troupe, restée fidèl., et rajeu.
!JII', dans un autre théâtre.
:'vrès up long silence, Copeau répond :
J' -.- Oui, 'oui. Ce serait bien tentant.
bal senti vraiment autour de moi ce soiri
I: Une âme commune..
cc Partout d'ailleurs, ces lectures obtien-
nent un vif succès, ce qui n'empêclie pas
qu'on ne leur a jamais consacré un iseul
mot dans la presse française.
Il J'arrive d'Amériquc.
cc Comme vous le savez, ce n'est pas la
première fois que jo vais là-bas. Après
sept mois d'existence du Vieux-Colombier,
à Paris, en 1913-1914, j'avais été brusque-
ment convié par le service de la Propa-
gande française a aller étudier en Amé-
1 rique les possibilités d installer à New-
York un théâtre français permanent.
A ce moment.! à, il y avait déjà dans
cette vilje. un théâtre allemand per-
manent assez florissant. Je fis donc
un premier séjour aux Etats-Unis, vers
la fin de 1916. Et, après une série, de
conférence* sur le théâtre français, j'eus
la chance d'obtenir des concours améri-
cains assez généreux pour permettre l'ins-
tallation du Vieux-Colombier à New-York
dans un théâtre qui s'appelait. « The Gar-
rick-Theater
Je revins alors en France ppur regrou*
per ma troupe, et en octobre 1917, je
m'installai définitivement à New-York
avec ma compagnie, mon répertoire et
.mon matériel. Nous avons fait là-bas deux
saisons complètes : de novembre 1917 à juin,
1919, jouant tous les jours, des classiques
ou des modernes, et groupant chaque soir
de six à sept cents auditeurs. Au cours
de notre seconde saison, nous refusions
du monde. A la suite de notre passage,
naquirent des entreprises analogues à la
mienne, tout animées du désir de renou-
veler le métier dramatique. AU moment
de mon départ, l'une de ces entreprises,
(e The Ghilde-Theater », s'installa dans ce
même « Garrick-Theater n, que nous avions
occupé durant notre séjour. Elle a si bien
réussi, qu'il y a trois ans, elle a pu faire
construire un nouveau théâtre beaucoup
plus vaste dans la cinquante-deuxième
rue.
LA suite en quatrième page i
'ENRIQUE LARRETA
et l'Argentine
t8.
On connait M. Enrique Larreta en France,
à cause de la traduction admirable que Re-
my de .Gourmont a faite de La gloire de don
Ramirc, et parce que cette œuvre est deve-
nue peu à peu classique. Mais ce n'est pas
suffisamment le connaître, car ce roman
n'exprime qu'un des aspects de sa person-
nalité fort cninnlcxc.
--..---- --- - -----c--.---
Homme d'état et diplomate, il fut ministre
d'Argentine en France, de igi2 environ jus-
qu'à 1917, et il est essentiel de noter tout
de suite que ce n'est nullement au hasard
qu'il fut choisi par son gouvernement pour
représenter chez nous la grande république
de l'Amérique australe. Du Mexique au cap
Horn, c'est une tradition là-bas de préférer
les - intellectuels aux simples fonctionnaires
quand jl s'agit, de postes diplomatiques im-
portants. On estime (et il me semble avec
juste raison) que nul ne peut mieux parler
,Q%Wn dun pays qui? celui petit « adres-
ser directement à ses élites, que celui qui dé-
jà représente une valeur idéale dans sa propre
patrie. N'ayons-nous pas nous-mêmes quel-
que chose d'analogie avec M. Paul Claudel ?
L'auteur de la Gloire de don Raniire fut
accueilli à Paris avec toute la faveur que lui
valait sa double réputation d'homme du mon-
de raffiné et de lettré délicat. Il devint très
vite l'ami personnel de Maurice Barrès, avec
qui il fit le voyage en Espagne. Des affi-
nités profondes unissaient ces deux hommes,
qui en prirent de plus en plus conscience au
fur et à mesure de leurs entretiens. Et si
l'on a souvent remarqué que M. Larreta res-
semblait à Barrés, jusque dans son aspect
physique, ceux qui ont parlé d'imitation ont
dit une sottise. En réalité M. Larreta était
un peu son double spirituel, peut-être plus
encore que son disciple. Non seulement il
en partageait l'idéal et les passions, mais sa
vie avait les mêmes axes : le goût profond
des idées et le culte de la race.
Prêchons immédiatement ce que signifie
cette expression pour un homme de l'Améri-
que du Sud. II semble au premier abord qu'un
Argentin, type représentatif de l'homme
nouveau, ne puisse pas professer cette doc-
trine, ni éprouver ce sentiment. Mais la réa-
lité est un peu différente. L'Amérique la-
tine, qui nous a emprunté nos principes po-
litiques et_presqne toute notre culture, - désire
se rattacher à l'Espagne par le sang. Elle
ne nie point le mélange des rncc:, mais, elle
entend, pour des raisons d'aristocratie ethni-
que, conserver à l'élément conquérant, au
sang espagnol, la suprématie. Cet a lui de
faire le lien, de concilier les antagonismes,
d'assurer la continuité de la tradition.
C'est: un peu pour cette raison que M. En-
rique Larreta était venu en Europe : pour
reprendre contact. D'abord avec la France :
mère intellectuelle, ensuite avec l'Espagne,
aïeule physique. Et dans ce sens, l'on peut
dire qu'il avait des motifs plus puissants que
ceux de Barrés de se retremper aux voluptés
de Cordoue. Là où l'auteur de La Colline
inspirée cherchait la tliversion d'un dépayse-
ment romantique, son compagnon venait cher-
cher ki trace de ses l'acinc..
,--'-' n. -- --- - -
Cependant, M. Enrique Larreta, qui fut
! aux heures dures de la guerre un ami fer-
vent de la France, un de ses plus chauds par-
tisans malgré l'obligatoire neutralité diplo-
matique, estimant sans doute sa mission fi-
nie, repartit pour l'Argentine, où, après - quel-
ques visites à ce Paris qu'il n'a cessé d'ado-
rer, il s'est définitivement installé. Il pos-
sède là-bas, aux environs de Buenos-Ayres
en pleine Pampa, une demeure magnifique,
qu'il s'est fait construire lui-même, avec un
goût d'artiste et un faste de grand seigneur.
Azofain, est un vaste domaine au milieu ae
la solitude, de cette solitude particulière à
la plaine argentine, dont M. Larreta a dit
lui-même qu'elle était « la région métaphy-
sique par excellence, avec la ligne idéale de
son horizon, sa beauté presque incorporelle,
lyrique, abstraite, sa fantaisie démesurée,
son ivresse d'infini ». Et au centre de ce
domaine se dresse la maison coloniale, véri-
table poème de pierre remplie des merveilles.
C'est là' qu'il a composé ce fameux Zo-
goibi qui vient de paraître (avec un succès
formidable) et que l'on pourra bientôt lire
en français, dans une traduction qu'il aura
revue, lui-même (car il connaît notre langue
dans la perfection). C'est une histoire très
simple et très tragique, dont le décor, allais-
je dire, est situé dans la Pampa. Mais c'est
justement cela qu'il me faut éviter de dire,
car -le: véritable héros, c'est la Pampa elle-
même, c'est cette atmosphère qui entoure les
personnages de l'aventure, qui pénètre com-
me malgré eux dans leur cerveau et dans
leurs sens, qui les modifie et les mène; com-
me un Destin. En tant qu'étude de milieu,
c'est parfait, et le plus minutieux des réalis-
tes ne pourrait qu'approuver les descriptions,
si exactes, et si remplies de suggestion que
l'auteur nous donne de la vie des estancias
et de la plaine. Mais le vrai sujet est trans-
posé sur un autre plan. Il s'agit d'un con-
flit spirituel d'autant plus grave que les pro.
tagonistes luttent ou s'abandonnent - à
leur insu. Et c'est extrêmement pathétique.
- - - - -
i, Dans 1 œuvre de M. Enrique Larreta, Zo-
goibi fait contre-poids à La Gloire de don
Ramirc. Et c'est sans doute à cause de cela
qu'il a obtenu l'immense succès dont il jouit.
Il représente l'Argentine actuelle : son
bouillonnement, ses contrastes, son appel à
l'avenir, et cette conscience qu'elle a d'être
déjà une terre vivante, avec son attrait, sa
puissance créatrice et un passé d'autant' plus
mystérieux qu'il n'a presque rien d'histori-
que, qu il n'est qu'êlémentaire et naturel.
Après avoir composé La Gloire de don Ra-
mire en hommage aux pouvoirs de la race
et aux souvenirs des origines, M. Larreta a
compris .qu'il se devait d'écrire un livre qui
fût l'exaltation de l'énergie vivacé et du
rêve mélancolique de l'Argentine contem-
poraine.
Francis de MiOMANDRE.
Le tricentenaire de Gongora
t « N M t
L'Espagne va célébrer cette année le tri-
centenaire de la mort de Gongora, non
seulement l'Espagne des poètes, mais aussi
l'Espagne officielle et universitaire. Etrange
fortune que celle de - ce prince de l'esprit
qui, après avoir empli son siècle do la re-
dondante sonorité de son nom, s'est vu
rejeté dans la poussière avec son contem-
porain et ami, le Greco. Aujourd'hui, ces
deux génies jumeaux renaissent enfin à la
lumière, pareils à cet oiseau phénix qui
figure si souvent dans les allégories aies
Espagnols et auquel ceux-ci se plaisent
tant à comparer leurs poètes les plus
monstrueux.
Un portrait de Gongora, attribue à Ye-
lasquez'et que possède le Prado, semble-
rait ne devoir montrer que mé-ehanceté.
amertume et orgueil si l'on ne prenait
garde' qu'une face pareille ne peut rien
dévoiler. Les portraits que nous avons de
CCtMSORA, par Velacqiic.:
nos grands écrivains classiques marquent.
par leur port en avant sur un mouvement
du col, • une., curiosité et une intelligence
tournées vers .le monde extérieur, ou, d'au-
tres fois,1 cotte, niai esté sereine et contem-
plative/dei l'e^nrit qui a su organiser ce
monde- èt 4tn Êtefad l'épanouissement de sa
sagesse jusqu'aux extrémités d'une belle
perriique : tontes ces physionomies ont
quelque! chose du lion des fables de La
Fontaine. Mais un visage tel que celui de
Don Luis de Gongora y Argote ne porte
aucun reflet'du monde extérieur ; droit et
simniement nosé sur ÎPS élnalilps- nfiut-ftre
même est-il trop fier pour exprimer le
moindre dédain, non plus qu'il 11e laisse
rien présager de ce qui peut se passer en
lui. 11 n'y a là qu'une peau séchée, un
crâne durci et des yeux éteints. Cet aspect
minéral coupe court au moindre élan par
lequel nous voudrions nous donner l'illu-
sion que nous comprenons le cœur d'un
pareil homme.
Ce que l'on sait de sa personne implique
justement, le goût des positions difficiles,
étrangères ,à tout accueil et à toute ai-
sance. Si le genre littéraire qu'il a adopté
lui a valu des admirations délirantes, cette
exaltation: ne nous apparaît que sous la
figure d'une forteresse abrupte et impre-
nable. Lope de Vega, la bat en brèche,
ert étourdi généreux et bruyant qu'il était.
Mais l'aigle Gongora se défend avec une
sauvagerie qui va jusqu'à la grossièreté.
De même, il faut que ses supérieurs las-
sent la leçon à ce chanoine indiscipliné
qui .met. trop d'ardeur à s'entretenir, d'oc-
cupations profanes. Gongora, comme son
frèrè en esprit Baltasar Gracian, connaît
les vexations de l'autorité ecclésiastique.
Gongora se recueille dans la sûreté de son j'
génie et une. volonté secrète, qui était en
lui de 'mener là poésie à des frontières
qu'elle n'avait jamais atteintes.
Gongora a fait quelques-uns des plus
beaux vers de la poésie universelle. André
Suarès le sait bien, qui cite son. nom dans
son admirable chapitre sur Mallarmé. Le
nom de Mallarmé surgit dès que l'on parle
de Gongora. Francis de Miomandre et Ma-
rias André ont dénombré les similitudes
de leurs arts. Tous deux, séparés diu monde
réel sans retour, ont tenté l'établissement
d'un monde transcendantal par des asso-
ciations analogues, le même usage des né-
galons subtiles et le choix de tout ce
fixe où nous retrouvons jusqu'aux mêmes
éléments : cygnes, bijoux, chevelures, écu-
mes, pierres funèbres, exsudations d'o-
deurs précieuses. A la flore de cette poésie,
le Cordouan, sans doute, ajoute l'œillet,
qui est une fleur bien andalouse, et à sa
faune le paon constellé de regards, fier
comme un gentilhomme. Mais on aura la
surprise de rencontrer déjà, à travers tant
de trésors, un Pégase qui, dans un mou-
vement tout hugolien, pait des étoiles, et
le golfe d'ombre que redécouvrira Rim-
baud dans son sonnet des Voyelles. - u-
C'est que les poetes savent se retrouyer
tous dans un univers recomposé où notre
volupté obtient de quoi entièrement se sa-
tisfaire. Ici les caresaes peuvent s'égarer
au risque de ne tomber que sur une mer-
veille. Une physique supérieure comme les
sens. Les vers de Gongora, cela se touche,
se voit, s'entend, sans que rien vienne
tout à coup contredire notre délice : et mê-
me, un jeune poète espagnol, Gerardo
Diego, a montré comment l'on pouvait
isoler chacun d'eux en dépit du sens que
forme secrètement leur suite,.pour obtenir
une combinaison die termes et .d'objets
nouvelle et saisissante. Gongora a réalisé
cela que Gracian. théoricien du concep-
tisme, définissait a une composition arti-
ficieuse de l'esprit, en quoi s'érige une ma-
chine sublime, non de colonnes ni d'archi-
traves, mais de motifs et de concepts. » Et
Gracian disait aussi : « Chaque pierre,
parmi les,précieuses, pourrait en soi s'op-
poser à une étoile, mais jointes en un
joyau, elles rivalisent avec le firmament. »
Le rêve de Mallarmé, dans son Coup de
dé, n'avait-il pas été, selon M. Paul Va-
On trouvera à la septième page la
fin de l'étude de M. LEON PIERRE-
QUINT, sur -
ANDRE GIDE
,., ETSESDèRMERESŒUVRES 1
léry, d'élever la poésie jusqu'à la figure
du monde étoiié ?
Par cette mathématique et ces sinuosités
volontaires où chaque objet n'est repré-
senté que par son absence ou par sa quin-
tessence, ou par leJIe allusion à sa s'JIb-
stance et à son origine, par ces systèmes
d'hyperboles qui chargent le vers et d'al-
lusions qui l'allègent, par toutes ces for-
mes vidées de leur signification ou ces
étalages de matières privées de formes,
Gongora a construit une œuvre assez sem-
blable à celle de ces architectes et sculp-
teurs baroques dont il faudrait, aussi réha-
biliter Je stvle. D'ailleurs il v aurait lieu
d'élargir le sens du terme baroquisme et
de voir en lui uno des formes prises, à cer-
tains moments et dans certains pays, par
le romantisme éternel. ! ,è baroque est
pas seulement un style décoratif que l'on
a légèrement condamné pour sa pompe et
sa complication, c'est aussi une façon pro-
fonde et riche de reconstruire le monde.
S'il constitue la base essentielle de l'art
et de la littérature espagnoles, si tn le
retrouve dans le génie jésuitique, dans le
(;reco, dans Ribera, dans Quevedo, dans
Picasso et dans cet art extraordinaire de
la sculpture polychrome sur lequel le
er,mic de Guëll vient de faire paraître un
fi curieux document, il s'étend aussi en
dehors de l'Espagne, dans la grande pein-
ture flamande par exemple, et on en dé-
couvrirait des traces chez )Iar,;:! Proust
et M. Jean Giraudoux.
Pour ce qui est de l'ohscurité, ijïiiérente
au gongorisme et à l'art baroque, les ;-on-
temporains de Gongora s'étajent déjà
chargés d'en faire l'apologie. C'est ainsi
que dans un Discours récemment publié
par l'érudit Manuel Artigas, Don Martin
Vasquez Sirvela avait écrit : « L'éblouis-
sement ne serai-il pas, par hasard, impu-
table ici non aux objets, mais à nos
veux ?. La danse des yeux, la disparition
des objets, leur refus de se laisser manier
par n'importe quelle vue sont des signes
peu convaincants : car nui n'ignore que de
tels effets, l'abondance de la lumière les
peut causer tout aussi bien que sa faute. »
A trois siècles de distance, cet excellent
exégète de Gongora avait prévu la réponse
que ferait M. Jean Royère. exégète de
Mallarmé, à ceux qui feraient à celui-ci le
même reproche d'être obscur : « Obscur,
oui, comme un lys ! » ,
Dans sa tentative désespérée Gongora
comme Mallarmé succomba. Voilà trois
siècles que le cygne de Cordoue a inter-
rompu ses Solitudes et est mort dans tiri
état qu'il est trop simple d'appeler la folie.
Mais après tout ce temps d'immobilité av.
songe froid de mépris, les amoureux de
poésie le retrouvent, reviennent à lui, con-
firment sa cri cire.
Jean CASSOU.
- .---- --_h-,\,\,\.,\
LA VERITABLE HISTOIRE
DE
PAUL ET VIRGINIE"
par Raymond ESCHOUER.
Plusieurs personnes m'ont questionné
sur le sujet de cet ouvrage, écrit Bernardin
de Saint-Pierre dans son Préambule de
Paul et Virginie. Ce vieillard, iiiont-elles
dit, vous-a-t-il, en effet, raconté cette his-
toire ? Avez-vous vu les lieux que vous
avec décrits ? Virginie a-t-elle péri d'une
manière aussi déplorable ? Comment une
fille peut-eHe se résoudre à quitter la vie
plutôt que ses habits ?
« Je leur ai répondu, poursuit Bernar-
din, non sans une sorte de coquetterie :
l'homme dessemblc à un enfant. Donnez
une rose à un enfant. D'abord, il en
jouit, bientôt il veut la connaître. Il en
examine les feuilles, puis il les détache
l'une après l'autre, et quand il en connaît
l'ensemble, il n'a plus de rose. Télémaque,
Clarisse, et tant d'autres sujets qui nous
portent à la vertu ou qur: noans font verser
des larmes, sont-ils vrais ? >1
Mais que le public se rassure l Rien de
plus vrai que cette histoire d'amour. « J'ai
mœurs dont on trouverait peut-être des
modèles dans quelques parties solitaires
Je l'île de France ou de l'île Bourbon, qui
en est voisine, et une caïasiropne nie 11
certaine dont je puis produire même à
Paris des témoignages irrécusables. »
En parlant ainsi, l'habile homme n'igno-
rait pas à quel point il piquait la curio-
sité d'un public, soucieux de n'avoir pas
pleuré en vain et avide de connaître ce
que le livre contenait de vérité.
Le vieillard-,' on s'en aperçoit de reste,
le vieillard systématique et raisonnant,
dont les discours insipides furent compa-
rés chez Mme Necker, à « un verre d'eau
à la glace », ce vieillard prêcheur n'est
autre que Bernardin lui-même. H'
On peut croire, avec I erudit et subiu
Edmond Pilon, que la jolie Mme Le Nor-
mand et l'honnête Mme Poivre, à qui
M. de Saint-Pierre fit vainement -la cour.
ont inspiré les portraits de Mme de La
Tour et de la bonne Marguerite.
Dogingue, le noir ouolot (au temps de
Bernardin, on écrivait iolof), l'auteur de
Paul el Virginie l'eut à son service. Quant
à la négresse oe Mme ae La îour, âl. ae
Saint-Pierre lui donna le nom de la vieille
chambrière qui choya sa propre enfance.
Il n'est pas jusqu'au patronymique de
Mme de La Tour qui ne rappeille-à notre
gentilhomme de fortune de tendres sou-
venirs. Dans le temps qu'il portait en
Russie un si brillant uniforme, habit éCar-
late à revers noirs et gilet ventre de bi-
che, avait-il pas pensé épouser une Mlle de
La l,Tour, nièce du général du Bosquet ?
Plus tard, à Berlin, la main de Mlle Vir-
ginia Taubenheim lui fut offerte.. Ainsi,
comme l'a dit Sainte-Beuve, « un ressou-
venir aimable- lui a fait confondre" et jen-
trelàcer ces deux noms sur la tête de sa
plus chère créature. Trop, pauvre, il avait
cru ne pas devoir accepter leur main.
Munificence aimable ! Voilà qu'il leur a:
payé à elles deux, dàiis cette seul6 of-
frande, la dot du gérve ».
Le chien Fidèle ressemble singulière- -
ment au chien Favori, qui suivit M. de
Saint-Pierre dans l'île de France. Quant
à la :tante de Virginie, elle n'eut d'autre
modèle que la marâtre de. Bernardin, la-
quelle renvoya celui-ci sans un iiard errer
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