Titre : Le Petit journal
Auteur : Parti social français. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Clermont-Ferrand)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Pau)
Date d'édition : 1908-03-27
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 27 mars 1908 27 mars 1908
Description : 1908/03/27 (Numéro 16527). 1908/03/27 (Numéro 16527).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Description : Collection numérique : La Commune de Paris Collection numérique : La Commune de Paris
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 07/10/2008
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' LE SDEpîÉSErrx hxcstrê »... 5 CENT. fSafitftloéBaliMrâdelà
Lé Pétât Journal agricole. 8 cet ?, f ï-& jîodè...
Directeur t -Co.
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partait àesl^etlS de cfraqzteinoîs-
VENDREDI 27 MARS I9t)8
87 — — S AINTE LYDI E—— 27SJ -,
QUARANTE-SIXIÈ ME ANN ÉE fNmriiRQ 16,527)
Les manuscrits né sont pas rendus
Dernière Edition
ENTRE NOOS
—s **——
journal da Boeuf Gras
L'instruction s'est tellement répandue
He nos jours que même- les animaux,
maintenant, savent écrire. (On se sou
vient que, du temps de La Fontaine, ils
ne savaient que parler .)G'est ainsi qu'on
a pu me communiquer, l'autre jour, les
dernière^ .feuilles, du cahier sur lequel
notre Bœuf Gras de l'année notait ses
Impressions. Je m'empresse d'en faire
part à mes lecteurs. . . ' ;
-
« Je viens d'âTriver à une'conviction
agréable : -c'est que je suisï le plus
grand," le plus beau, le plus'illustre, le
plus respecté des êtres qui ^soient au
monde. Et je ne dois ma célébrité, qu'à
Soi-même, et ma valeur, est certaine,
contestable, éclatante. Que la répu
tation des poètes, des hommes d'Etat,
Ses philosophes' et des savants' est. "dou
teuse et passagère I L'idole d'une géné
ration est méprisée par. la génération
suivante l Tandis que moi... on m'a
pesé, et je pesais plus que tous les au
tres bœufs ; cela est sûr. Je suis le
Bœuf des bœufs, personne n'a rien v à
dire à cela.' Ma gloire est comme -le so
leil, aveuglante et radieuse. .
» Voilà pourquoi je juge à propos de
laisser à la-postérité quelques notes sur
mon enfance.
» Je suis né dans une crèche^ comme
presque tous ceux de ma race, animaux
magnifiques, blancs de robe, droits de
l'échiné, carrés du derrière, brefs de
cornes, et si courageux que, lorsqu'ils
ruminent, 1 ils ne" se meuvent même
point pour laisser" passer les chars nom
més automobiles. Nous ne nous déran
geons que pour les chiens roquets, ani
maux féroces qui nous mordent les jam
bes. . > '
» Entouré de soins, je crûs en corpu
lence etr en tranquillité. On mfe sevra
avec du petit-lait, du son, de la bouillie
d'avoine et des fromages de tourteau.
Du printemps à l'automne, je passais
les nuits dans ïes -Jbreujls, foisonnant
d'herbe grasse, et puand- la lune était
pleine et radieuée, je mugissais pour la
louer. Des grands prés lointains qui
s'étendaient jusqu'aux collines boisées,
d'autres mugissements répondaient, re
prenant le chœur. Alors, je m'endor-i
mais, conte.nt d'avoir donné à la campa
gne-bleue ce qu'il lui faut de musique
pour qu'elle soit parfaitement belle.
» On m'apprit aussi à ruminer. C'est
toute une science. Il faut ruminer vau
tré par terre, lentement,: doucement,
avec les dents du fond, et ne penser
qu'à ruminer. Et quand on sait rumi
ner, on est heureux, on sait le fond des
.choses, rien au monde ne saurait vous
troubler.
» Tous les quinze jours, on me pesait
sur une grande bascule, et chaque pe
sée était un triomphe. Je devenais vas
te, gros, puissant, placide et pacifique
comme ja. terre, et d'un, blanc légère
ment teinté de rose, comme, une fleur
de pommier. Lorsqu'on me mit à la
charrue, j'acceptai sans me plaindre
cette gymnastique, sachant que ma
chair en deviendrait plus- ferme. J'en
fus récompensé par une victoire au co
mice agricole, où le préfet lui-même
me rendit hommage. ; >
» Je compris, au discours de ce haut
fonctionnaire, pourquoi, . j'avais vécu.
Mon existence et mon embonpoint glori
fiaient l'Etat. Jamais, soiïs l'Empire, il
n'y avait eu un boeuf comme moi, eau
• les bœufs ne sauraient engraisser conve
nablement sous le régime de la .tyran
nie. Une fanfare joua~ l'Internationale.
Fatigué* je me couchai parmi mes bou
ses. Alors, on me mit, sur la tête une
couronne de roses. J'en conclus que j'a
vais fait tout ce qu'on demandait de
moi. ....*.
■ «P# ■
«Mais je ne savais pas encore jusqu'où
pouvait aller ma gloire. Un homme vint
qui donna pour m'avoifr un .grand nom
bre de pièces d'or qu'il appelait des pis-
toles,. sans doute pour que l'antiquité
de ce vocable ajoutât encore à la ma
jesté de ma personne. Il me fit voyager
dans4>yn char rapide, que traînait une
locomotive. J'avais déjà vu passer beau
coup de trains : je fus content de savoir
à quoi cela servait : cela sert "à empê
cher les bœufs de se fatiguer. Mon nou
veau maître était sympathique. Il était
grand; gros, d'un blond presque blanc;
à toutes les stations, il prenait à ma
santé des liqueurs îrouges ou vertes,
dans des calices de verre qu'il appelait
des « ballons ».
» fit à Paris, dans un endroit nommé
la Villette, je passai devant un sanhé
drin d'hommes très sages, qui m'accla-
mèrent unanimement, après m'avoir
encore, une fois pesé. C'est à eux que
je dois d'avoir vu luire un grand jour !
•Hier, on m'a mis sur une voiture ornée
de drapeaux, de statues et de femmes.
D'autres femmes/très déshabillées, sui
vaient dans d'autres chariots. Plusieurs
en contractèrent des fluxions de poitri
ne, et moururent de la sorte, pour m'a
voir connu. Des bouchers de la .Villette
étaient déguisés en ■ Romains. J'entraî
nais également à' ma suite des blanchis
seuses, un lion malade, des étudiants,
plusieurs chameaux et. des mousquetai
res^ Une foule immense applaudissait,
jetant vers moi des rondelles de papier
multicolore, nommées confetti, à ce que
39 crois, et semblables à dès'fleurs. La
police réprimait toute manifestation at
tentatoire à l'honneur de mon nom et de
ma famille. Je vis qu'elle assommait
avec raison -quelques misérables fous
qui voulurent crier : « Mort aux va
ches ! »
^ » Rentré ce soir dans mon étable, j'ai
médité sur ce triomphe, et j'en ai dé
couvert la cause :■ c'est évidemment que
je suis' le dieu de ces Parisiens. Moïse
a jadis empêché un de mes aïeux de
réussir^ dans cette profession,, mais cet
aïeul n'était qu'un veau. De plus, Moïse
est mort. Je suis, persuadé qu'on va me
construire un temple, à moins que, vi
vant, l'on ne me mènç au Panthéon..., »
Le Bœuf Gras en était à' ce point,
quand des bruits affreux retentirent. Du
fond des corridors sombres, des jeunes
gens vigoureux et sanguinaires apparu
rent, armés de lourds maillets d'acier...
Et quelques heures après, le cadavre
énorme, ouvert par le milieu, du triom
phateur, ornait les crocs sanglants.Mvs
il était orné de roses en paDier, et les
peuples, étonnés . de sa masse, conti
nuaient à défiler devant lui. Car . les
Bœufs, Gras, vraiment, sont comme, les
autres triomphateurs, depuis le .com
mencement du monde : on lés acclame
d'abord, puis on les assomme ; et
quand ils sont morts, on recommence à
les trouver grands.
Pierre MILLE.
Demis trente-sept ans, . 7
: cette femme s'tiaMilatt en fiomme
La sûrprise d'un juge d'instruction .
de Toulon
(Dépêche de notre, correspondant)
•Touloit, 2fi_i\lars. ■
Le juge d'instruction de' Toulon avait
convoqué dans son cabinet,' pour dép.oser
dans une affaire de vol, Mme vëuve Im
bert, receveuse buraliste à la Verrerie, et
il- fut bien surpris lorsqu'il vit se présen
ter à son cabinet un'homme correctement
vêtu d'une redingote et fi'un pardessus.
— Je suis /Mme veuve Imbert, lui déclara
lé témoin; j'ouissant quelque peu de sa stu
péfaction. ,
•Ët Mme' Imbert expliqua, 'avec d'ailleurs
des preuves à l'appui, qu'elle portait depuis
trente-sept ans le costume masculin. :
Mine Nory, veuve Imbert, est née, en
effet, au-Mans en 1844 et elle a servi d'é-
missaire à Metz, en 1870 ; elle a déposé au
procès Bazaine et a été autorisée à conser
ver le costume masculin qu'elle- avait dû
endosser-pendant la guerre pour faire son
service d'estafette.
Mme Imbert possède de nombreux docu
ments établissant le beau rôle qu'elle a
rempli, dans des circonstances souvent pé
rilleuses.
Elle a conservé depuis des habitudes
masculines, fume et porte les cheveux
courts.
hxJK jVU-GTKRÊJVlH IDE 1908
Paris a acclamé, hier, ses Reines
et celles des anciennes provinces
Si le soleil avait daigné se montrer dans
le courant de l'après-midi, si de lourds
nuages gris, accompagnés de gouttes de
pluie, n'avaient obscurci le ciel, la fête
d'hier eût été, sans conteste, la plus belle
depuis de bien longues années.
Les reines que Paris a acclamées étaient
toutes charmantes, les chars témoignaient
du hon goût des artistes qui les conçurent
et du comité qui les fit exécuter, et la
joyeuse cavalcade s'est déroulée dans Pa
ns, sans incident. Que fallait-il de' plps
pour amuser le million 3e Parisiens qui se
pressaient sur le parcours du cortège ? Evi
demment un peu de soleil ! C'est la seule
chose qui ait. manqué. Très philosophique
ment ,on s'en est passé et la fête n'en a été
ni moins gaie, ni moins brillante. ^
x
Le départ de la caoalcade
Bien avant midi les chars étaient massés
dans lç faubourg Saint-Antoine, rue de
ChalignY, et dans quelques rues adja
centes. ~
. Par groupes, Gaulois, Arvernes et
Gascons, NoVmands et Morvandiaux, Pro
vençaux et Bretons, gens de robe et gens
d'épée, joueurs de vielle, manants et lans
quenets, se rendaient au point de concen
tration et prenaient place sur les chars où
ils devaient figurer.
A une heure, très exactement, le cortège
s'est ébranlé. Des agents cyclistes, des gar
diens de la paix et un peloton de gardes ré
publicains ouvraient la marche ; les trom
pettes de l'Union du , douzième précé
daient la reine, du marché des Carmes,
Mlle Juliette Thévenot, et ses demoiselles
d'honneur, Mlles Eugénie et Marie Le-
merle, gui avaient pris place dans un lan-
quel de troublantes ballerines, gaîment,
tambourinent, agitent des castagnettes et
dansent, derrière un rayon fulmina m
Puis viennent le char de la Bourgogne,
attelé de quatre chevaux, avec un dieu Bac-
chuis entouré de faunes et faunesses, de
vendangeuses et d'escargots énormes ; le
char de la Bretagne, que précèdent
Du Guesclin et la duchesse- Anne de Bre
tagne, à cheval,, des Korrigans et des
joueurs de biniou ; le char de la Champa-;
gjiej'avèc le roi Clovis çt la rein,e CJolilde ;
le .char de la'Flandre, escorté des coraairôs
de Jean-Bart et de porte-étendards ; celui
de la Gascogne, devant lequel se prélassent
un Cyrano au nez embourgeonné et un
groupe de cadets de Gascogne ; le char de
la Lorraine, avec Jeanne d'Arc et ses cava
liers ; celui du Lyonnais, représentant l'in
dustrie principale de l'ancienne province :
la soierie ; le char de la Normandie qu en
tourent les soldats de Guillaume le Conqué
rant ; celui de la Provence, très couleur
locale avec ses pampres de vigne, sa vieille
maison artésienne et des copies de la' fon
taine de Vaucluse et des arènes- de Nîmes*
Derrière le char provençal, un tartarin
fameux, entouré de félibres et de cigaliers,
a obtenu un énorme succès.
. x
La Reine des Reines
Enfin, voici le char de la Reine des Rei
nes, le char de l'Ile-de-France, attelé- de
huit chevaux caparaçonnés aux armes, de
la Ville de Paris et tenus en mains par
huit piqueurs ; le char est entouré de
gardes françaises, de trompettes, de hé
rauts et de sergents d'armes. !
Sur les degrés, une garde , d'honeur de
vingt jeunes femmes,, travesties en pages
tu
% Le président du conseû municipal
donnant le bras à une des reines
dau décoré de marguerites, que traînaient
quatre chevaux attelés en-daumont. Mlle
Blanche Ancelin, reine du syndicat des
épiciers en détail, et Mlle Juliette Petitpain
reine des débitants de vins, suivaient dans
d'autres landaus fleuris.
Puis, entourés de lansquenets, ide hérauts
d'aranes et de spadassins, l'épée ou la lance
au poing, le landau du comité -des Fêtes de
la rive gauche, dans lequel se trouvait Mlle
Chavoix, reine du comité ; le landau du
marché Lenoir, dont la reine, Mlle Bois-
sier, portait une superbe toilette ; les lan
daus idu marché du Temple et du marché
Saint^puentin ; celui de l'Union syndicale
de la chaccuterie et deux chars à musique
fort ingénieusement machinés, et sur les
quels des orchestres jouent, à tour de rôle,
des marches et des airs entraînants.
' X5
Les chars allégoriques
Mais voici venir la partie du 1 cortège qui
soulève tes plus chauds vivats de la foule : '
ce sont les chars allégoriques et ceux des
anciennes provinces françaises. ■
£ai tête vient le char d« la danse sur 1&-
et en gardes françaises, entoure la reine
des reines, Mlle Fernande Morin, et ses
deux demoiselles d'honneur, Mlles Jplie
Brottin et Lucie Bourget; * !
La reine des reines, qui porte avec ai
sance sa couronne et son manteau royal,
avait fort bel air; aussi était-elle justement
acclamée sur tout le parcours de cavalca
de. Ses demoiselles d'honneur, également
fort gracieuses, partageaient son triomphe.
Par la rue du Faubourg-Saint-Antoine,
la place de la Bastille, les rues de Rivoli et
de Lobau, le cortège a gagné 4a . place .de
l'Hôtel-de-Ville, où il a fait un court arrêt,
pour permettre à la reine des reines d'aller
saluer le conseil municipal de Paris.
A l'HôteTde Ville
Les membres diu bureau du conseil muni
cipal} auxquels s'était joint sir Samuel
Marcus, ancien lord-maire de Londres, at
tendaient,; : depuis 'quelques instants, • de
vant la porte centrale de l'Hôtel de Ville,
lorsque le .cortège fut annoncé. :
M. André Lefèvre, président du conseil
municipal, ofîijt son bras à la reine dès
rèine% à la descente de son char, et, es
corté de ses invités 1 , la conduisit dans la-
salle des Prévôts, où- un lunch avait été
préparé. • -, -, •• • ( -
M. de;;Selves souhaita la bienvenue-à la
reine des reines et l'embrassa^ puis le
Champagne fut versé. - • „ -
Au nom de la municipalité parisienne, on
remit à la reine un joli bijou, m'n pendentif
en or, violettes ciselées ornées de rubis, et
les verres, furent choqués:
M. Lefèvre, reconduisit ses invités jusqu'à
la porte de l'Hôtel de Ville.
A l'Elysée
; Après ce court arrêt, .la cavalcade a:, re
pris sa mlarche et, par les rues de Rivoli et
des Tuileries,- par les quais, l'avenue des-
Champs-Eitysées et l'avenue Marigny, s'est
rendue à l'Elysée, ou,elle a fait,-une nou
velle, et courte halte.
La reine des reines, que conduisait M.
Brézillon, président du comité - des fêtes,
et ses deux. demoiselles d'honneur, accom
pagnées de MiM. Leroy et Piotte, ont été re
çues, à l'entrée des salons présidentiels,
par M. Jean Lanes, secrétaire général, qui
les. a conduites auprès de M. Fallières.
.Lé Président de la République a compli-
■mlenté Mlle- Morin et ses deux compagnes ;
puis il a offert' à la reine des reines un
fort beau bracelet gourmette serti de bril
lants, d'émeraudes, de saphirs et de ru
bis. Il a porté la santé de Mlle Morin et des
autres reines des provinces françaises et
des -marchés parisiens.
A quatre heures, le cortège quittait l'Ely
sée pour reprendre sa marche triomphale
à travers: Paris.
v , ... -.-5R3-
Fumée sans feu
Un très léger : incident à signaler, lors
que le cortège s'est arrêté boulevard Bonne-
Nouvelle. Une forte fumée en se dégageant
d'un restaurant a causé une légère panique
dans- la maison et sur le boulevard.
Renseignements pris, il s'agissait d'un
pot de graisse dont le contenu s'était ré
pandu sur un fourneau.
x
A la Préfecture de police
La nuit était déjà tombée lorsque la ca
valcade, qui avait suivi les rues du Tem
ple, de Turbigo, Baltard, du Pont-Neuf,- de
Rivoli et Saint-Denis, débouchait boule
vard du Palais. Une dernière fois, la reine
des reines est descendue de son char de
vant l'hôtel du préfet de police.
Toujours accompagnée de' M. Brézillon,
elle est montée, avec ses deux demoiselles
d'honneur, aux appartements de M. Lépine.
Le préfet de police leur-a souhaité la
bienvenue «çij termes des et
a porté un toast à leur santé.
A sept heures et demie. Mlle Fernande
Morin a quitté la préfecture de police et a
repris sa place dans le cortège qui, par le.
boulevard Saint-Michel et la rue Soufflot a
?agné le Panthéon où s'est faite la dislo
cation sans incidents.
(Voir en 3' page LA JOURNEE. DE LA
MI-CARÊME au Petit Journal).,
®OTES PCLI TIQVES
Le Sénat vient de voter une proposi
tion de loi dont la gauche républicaine
avait pris l'initiative et qu'elle a pu fai
re aboutir avec le concours du gouver
nement. Cette proposition a pour but
d'assurer aux maires et aux adjoints de
sérieuses, d'efficaces garanties contre
le bon plaisir administratif, contre l'usa
ge parement arbitraire du droit de sus
pension et de révocation dont certains
■préfets abusaient parfois.
Les auteurs de cette réforme, qui amé
liore si heureusement la loi municipale
de M. Goblet, n'ont prétendu que pren
dre des précautions contre ces fonction
naires trop facilement enclins à se dé
barrasser d'une municipalité dont l'in
dépendance leur semble gênante ; ils
n'ont pas voulu que l'Etat fût désarmé
contre des maires et des adjoints coupa
bles d'illégalités ou de fautes graves. Ils
ont, en conséquence, maintenu le droit
de-suspension, et de révocation ;.mais,
avant d'être frappés, les maires, et les
adjoints devront être entendus et four
niront des explications écrites ou verba
les. La suspension, gui n' excédera point
un mois ou trois mois, selon qu'elle sera
prononcée par le préfet ou le ministre
de l'intérieur, sera toujours motivée.
Pour la révocation, un décret du Prési
dent de la République, également moti
vé. sera nécessaire. Ènfin, les intéressés
pourront en appeler pour abus de pou
voir au Conseil d'Etat, et celui-ci sera
tenu à statuer d'urgence.
Les socialistes auraient voulu aller
plus loin, et l'un d'eux, M. Flaissières,
a présenté un amendement très propre
à permettre aux municipalités de tenir
le gouvernement en échec. Il demandait
que l'inéligibilité résultant de la révoca
tion, au lieu de ne prendre fin qu'au
bout d'une année, disparût aussitôt
qu'on procéderait au renouvellement
dyt., conseil municipal. Il aurait donc
suffi à ce dernier de démissionner en
'Masse pour rendre immédiatement réé-
ligibles les maires et. les adjoints révo
qués.; Le Sénat s'est refusé à fournir aux
communes ce moyen de se mettre en ré
bellion contre les pouvoirs publics.
La proposition de loi que l'on vient de
voter au Luxembourg a le double méri
te d'être libérale et de maintenir l'usage
d'un droit nécessaire, dont elle suppri
me seulement l'abus. Nous espérons que
la Chambre s'empressera de l'adopter à
son tour.
eraiff Concours ffes UtTBDtioos
( —wv— ...-.
VOIR A LA & PAGE i
Le loUetin d°
la mwmirnm
PROPOS D'ACTUALITÉ
De Jean tav à Henri Hochette
- Il en est de certains livres comme de cer
tains mets. De même que ceux-ci ne sont vrai
ment savoureux qu'à, certaines époques, de
même il faut lire ceux-là à l'heure où l'actua
lité les impose et en double l'intérêt... Ainsi,
je feuilletais, hier le fameux mémoire du chan
celier d'Aguesseau contre les agioteurs et les
spéculateurs,, le mémoire par- lequel l'intègre
magistrat tenta d'abattre la puissance de
Law ; et il m® semblait réellement lire des pa
ges d'aujourd'hui.
Celui qui a dit que l'histoire est un éternel
recommencement, a exprimé à coup sûr la
plus grande .vérité qui fut, qui soit et qui sera
jamais.
Que de fois, en effet, depuis les folies de la
rue Quincampoix, l'épargne française a-t-elle
été victime des financiers véreux, des aigre
fins, des spéculateurs trop habile» ou trop
hardis ! Qui dira le nombre des krachs dont
elle a subi le contre-coup depuis bientôt deux
siècles que la banque du Mississipi creusa, en.
s'effondrant, le. premier trou dans le bas de
laine national ?... ■
L'épargne française en. est-çlle plus pru
dente et* plus sage ?... Ou bien les banquiers
marrpns ont-ils aujourd'hui des procédés nou
veaux et irrésistibles ï
Ma foi, non !... Les moyens employés pour
drainer l'argent des gens trop confiants sont
toujours les mêmes. L'essentiel n'est pas d'ap
porter des affaires vraiment s& rieuses, c'est de,
faire accepter par le public. l'I dée que les. en
treprises représentées ;par leâ actions seront
fécondes,, pleines d[incalculalj les 1 , richesses ;èt
d'intarissables bénéfices; { -
Le système n'a, pas' varié s de même que
l'imagination de Law peupla It dé trésors les
solitudes du Mississipi, llimugination de .Ro-
chette peuplait'de minerais; merveilleux dis
mines qui n'existaient que sV ir le papier.
N'impoTte ! L'affaire était'lancée... Il'ne s'a»
gissait plus: que de l'entref tenir par. une sa
vante publicité... Au mois ■■ de: juillet 1719, les
actions du Mississipi montf lient, ' en moyenne,
da 40 à 50 livres par jour.
On a vu, ces temps dern iers, certains titres
émis par la banque Rocbj ;tte jouir d'une pa
reille fortune... . ,
L'humanité est ainsi fdîte que l'amour de
l'or et la fièvre de la' apléculatio'n- éteignent
en elle toute lueur de-bon sens. Tout le mon le
crut en Law... ; Un seul homme osa pousser le
cri d'alarme : d'Aguesseau. Ce fut contre lui
un haro général. Le. Régpait l'exila.
, Et savez-vous où 11 l'exila î II l'exila &' Fres-
nes, dans ses terres, swtr lesquelles s'élève-
aujourd'hui certaine lixjcueuse maison cen
trale que vous savez.
Je signale le fait au s:?mpalhique directenn
de la Banque Franco-Espagnole. S'il est ap*.
pelé à villégiaturer sur lies terres de d'Agues
seau, qu'il donne un somvenir au grand ma
gistrat de la Régence et qu'il emploie dono ses
loisirs forcés à lire le fameux mémoire du
chancelier sur les agioteurs el les spécula
teurs...
Je crois qu'il en pourra tirer quelque profit
Jean Leoeq. .
£ 'INSTRUCT ION DU KRACH ROCHETTE
Une interpellation a eu lien hier
i la Chambre
sur les agissements des financiers
Le krach Rochette a eu, hier, sa ré
percussion à la Chambre des Députés.
M. Geccaldi, qui avait déposé une de
mande d'interpellation sur'.lje manque
de contrôle dans les émissions financiè
res, en a réclamé la discussion immé
diate. Par 302 voix contre 251, la Cham
bre a décidé d'entendre le député- de
l'Aisne, qui, après avoir examiné en dé
tail les entreprises de M. Rochette et
d'autres affaires nuisibles à la petite
épargne, a exprimé l'espoir que d'éner
giques mesures seraient prises pour
empêcher le retour de pareils agisse
ments.
M. Briand, ministre de la justice, a
répondu en expliquant pour quelles
raisons l'arrestation de M. Rochette ,a
été opérée à la date qu'on sait et en
affirmant que le gouvernement ést prêt
à soutenir les efforts qui seront faits
pour garantir davantage la petite épar
gne..
M. Rabier, dont le nom a été cité
dans les informations relatives au
krach Rochette, s'est ensuite expliqué
sur les relations qu'il a eues avec le
« financier » inculpé, et le débat a été
clos par l'adoption de Tordre du jour
pur ët simple.
La journée de l'inculpé
Pendant que la' Chambre s'occupait, hier,
de sa personne et des conséquences de ses
agissements, l'inculpé Rochette, extrait
pour la seconde fois de sa cellule de la
Santé,. assistait à l'inventaire des comptes
du Crédit minier et industriel.
A une heure un quart, l'inculpé prenait
place dans un taximètre-automobile ; à
côté de lui montaient trois agents de la sû
reté. Au bout de quelques minutes, la voi
ture, après avoir traversé les grands bou
levards, où déjà la foule s'amassait impa
tiente du spectacle des chars de la caval
cade, s'arrêtait, 34, rue Blanche, devant la
grille de la Société du crédit minier.
Jusque-là personne n'avait remarqué le
financier parmi' les quatre voyageurs die
l'automobile. Mais lorsqu'il descendit de
voiture, il fut immédîatement reconnu par
les nombreuses personnes qui, sans se las
ser, viennent aux nouvelles depuis le jour
du krach.
Rapidement, le prisonnier, encadré par
ses trois gardiens, a franchi ile trottoir et
après (avoir passé la grille d'entrée, a tra
versé la cour souriant et saluant les
chefs de service et les principaux em
ployés du Crédit minier, qui s'y trouvaient
réunis.
Les deux liquidateurs judiciaires, nom
més par le président du tribunal civil de
la Seine, attendaient Rochette dans son
^ancien cabinet directorial. M. Graux avait
tenu à continuer, hier, l'examen des comp
tes du Crédit minier, car cette société rou
vrira ses bureaux aujourd'hui sous, son
contrôle.
M. Lemarquis, liquidateur de la Banque
franco-espagnole, avait voulu, de son côté,
assister aux opérations pour se rendre un
compte exact des relations qui existent enr
tre la Banque et la Société du crédit mi
nier.
Contrairement à certain, bruit, le bilan
exact du Crédit ^minier n'a pas encore été
dressé, car le liquidateur a constaté que
la comptabilité n'était pas au courant de
puis décembre dernier. ,
,Le juge d'instruction n'avait pas jugé à
propos de venir assister à l'inventaire et
o'est en présence des deux administra
teurs, du chef de la sûreté, de l'inculpé et
de son défenseur, M" Maurice Bernard,
que les scellés ont été levés.
Commencées à deux heures, les opéra
tions ont duré quatre longues heures, sans
que la foule des curieux qui stationnaient
dans la rue Blanche ait diminué. Il est
vrai qu'il n'y avait *pas là que des curieux,
car la plupart-de ces personnes étaient,ou
des «qaployës 4u Crédit minier, pu des
clients attendant avec anxiété les fésultata.
de l'inventaire. - < < 1 ••
Pendant tout U'aprèsHmidi, las conversa*» .
tions ont été leur train, devenant plus ani
mées quand quelqu'un sortait des bureaux
après avoir été entendu par le: liauidàteur*.
Les petits papillons jaunes, -collés à pro
fusion.sur les murs-de toutes les maisons, .
et annonçant la réunion extraordinaire des ■
actionnaires des différentes '• combinaisons
financières de Rochette, étaient l'objet-' de
tous lés commentaires ; chacun des inté
ressés se demandait ce que le financier di
rait pendant la réunion — on croyait en
core que le juge lui permettrait d'y as
sister. ■■ " . •
A six, heures, le mouvement qui se pro
duisit dans le vestibule où, depuis'quelques
instants, on avait aîUumé l'électricité, ap
prit aux. curieux que l'inventaire était fini.
Presque aussitôt, un fiacre automobile ve
nait se ranger devant la porte d'entrée et
Rochette v montait, toujours en compagnie
des agents de la sûreîté.
Cette fois encore, ses anciens employés
firent, une petite manifestation, -et' c'est'
après avoir reçu quelques petits b'ouquets
et entendu quelques acclamations que l'in
culpé quitta la rue Blanche.
Cinq minutes après 1 son départ, les- 'deuX
administrateurs et M. Hamard partaient à!
leur tour,-mais dans de simples fiacres hip
pomobiles. Le quart de six heures sonna
quand le concierge referma la grillé der-»
rière le dernier visiteur;
Prochainement, Rochette sera extrait'.de
la prison de la Santé et conduit devant lé
juge, qui le mettra en présence d'un des
plaignants de la première heure, M. Pe-
cheraud, qui fut victime du financier pour
une somme de 50,000 francs.. -
X..:
Bruits tendancieux
Hier, encore, on a fa.it-courir -dans les
milieux financiers .et aussi au Palais da
Justice des bruits de mise en liberté- pro
chaine du financier. On ajoutait mêmie qua
la caution, soit deux millions, avait été of
ferte au parquet qui se serait trouvé d'ac
cord avec l'inculpé sur la fixation du. chif
fre. ~
C'est absolument inexact; le parquet
n'ayant à aucun moment envisagé la pos
sibilité d'une mise en liberté de Rochette
Plaintes nouvelles
C'est surtout des départements que par
viennent, au juge d'instruction, lies plain
tes contre le financier.
Dams la journée d'hier, le parquet a reçu
cent vingt plaintes nouvelles que M. Berr
a classées sans qu'il lui soit'possible en ce
moment de les examiner.
L'instruction cherche, en ce moment, êt
se documenter sur les opérations qu'a
faites M. Rochette pour le lancement-de ses
diverses sociétés, et le juge a ordonné de
nouvelles perquisitions.
A cet effet, MM. Berthelot" et Fétré, .com
missaires aux délégations , judicaires, se
sont rendus, hier, dans deux agences de
publicité et ont saisi une certaine quantité
de documents.
La réunion d'hier soir ^
La réunion extraordinaire des action
naires des entreprises de Rochette. a eu
lieu, hier soir, dans la salle des Agri
culteurs, 8, rue d'Athènes.
Mais l'attente de toutes les personnes qui
y ont assisté, comme noius le disons d'autre
part, a été déçue :1e financier n'est pas
venu expliquer sa conduite, -et.pour cause.
•Néanmoins, la réunion a été très animée
et plus de ■ trois mille personnes étaient- ve
nues rue d'Athènes. Douze cents d'entre
elles, parmi . lesquelles > beaucoup d'em
ployés des • différentes entreprises dirigées
par l'inculpé, purent seulement pénétrer
dans la salle des Agriculteurs. . •
Les autres durent rester dans la rue,'et
cette foule-encombra pendant toute là; soi
rée la chaussée de cette rue d'Athènes, si
tranquille ordinairement- •' 1 ; f
Jùcliés sur les' flj^fc.hes 4e pt'îbôtel i3jgs
ÂDMNISTMtlON, RÉDACTION ET ANNONCES
.... 61, rue. Lafajetbe, à. Paris (9 me )
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' LE SDEpîÉSErrx hxcstrê »... 5 CENT. fSafitftloéBaliMrâdelà
Lé Pétât Journal agricole. 8 cet ?, f ï-& jîodè...
Directeur t -Co.
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•• 10 B: * irv ' r "-"
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partait àesl^etlS de cfraqzteinoîs-
VENDREDI 27 MARS I9t)8
87 — — S AINTE LYDI E—— 27SJ -,
QUARANTE-SIXIÈ ME ANN ÉE fNmriiRQ 16,527)
Les manuscrits né sont pas rendus
Dernière Edition
ENTRE NOOS
—s **——
journal da Boeuf Gras
L'instruction s'est tellement répandue
He nos jours que même- les animaux,
maintenant, savent écrire. (On se sou
vient que, du temps de La Fontaine, ils
ne savaient que parler .)G'est ainsi qu'on
a pu me communiquer, l'autre jour, les
dernière^ .feuilles, du cahier sur lequel
notre Bœuf Gras de l'année notait ses
Impressions. Je m'empresse d'en faire
part à mes lecteurs. . . ' ;
-
« Je viens d'âTriver à une'conviction
agréable : -c'est que je suisï le plus
grand," le plus beau, le plus'illustre, le
plus respecté des êtres qui ^soient au
monde. Et je ne dois ma célébrité, qu'à
Soi-même, et ma valeur, est certaine,
contestable, éclatante. Que la répu
tation des poètes, des hommes d'Etat,
Ses philosophes' et des savants' est. "dou
teuse et passagère I L'idole d'une géné
ration est méprisée par. la génération
suivante l Tandis que moi... on m'a
pesé, et je pesais plus que tous les au
tres bœufs ; cela est sûr. Je suis le
Bœuf des bœufs, personne n'a rien v à
dire à cela.' Ma gloire est comme -le so
leil, aveuglante et radieuse. .
» Voilà pourquoi je juge à propos de
laisser à la-postérité quelques notes sur
mon enfance.
» Je suis né dans une crèche^ comme
presque tous ceux de ma race, animaux
magnifiques, blancs de robe, droits de
l'échiné, carrés du derrière, brefs de
cornes, et si courageux que, lorsqu'ils
ruminent, 1 ils ne" se meuvent même
point pour laisser" passer les chars nom
més automobiles. Nous ne nous déran
geons que pour les chiens roquets, ani
maux féroces qui nous mordent les jam
bes. . > '
» Entouré de soins, je crûs en corpu
lence etr en tranquillité. On mfe sevra
avec du petit-lait, du son, de la bouillie
d'avoine et des fromages de tourteau.
Du printemps à l'automne, je passais
les nuits dans ïes -Jbreujls, foisonnant
d'herbe grasse, et puand- la lune était
pleine et radieuée, je mugissais pour la
louer. Des grands prés lointains qui
s'étendaient jusqu'aux collines boisées,
d'autres mugissements répondaient, re
prenant le chœur. Alors, je m'endor-i
mais, conte.nt d'avoir donné à la campa
gne-bleue ce qu'il lui faut de musique
pour qu'elle soit parfaitement belle.
» On m'apprit aussi à ruminer. C'est
toute une science. Il faut ruminer vau
tré par terre, lentement,: doucement,
avec les dents du fond, et ne penser
qu'à ruminer. Et quand on sait rumi
ner, on est heureux, on sait le fond des
.choses, rien au monde ne saurait vous
troubler.
» Tous les quinze jours, on me pesait
sur une grande bascule, et chaque pe
sée était un triomphe. Je devenais vas
te, gros, puissant, placide et pacifique
comme ja. terre, et d'un, blanc légère
ment teinté de rose, comme, une fleur
de pommier. Lorsqu'on me mit à la
charrue, j'acceptai sans me plaindre
cette gymnastique, sachant que ma
chair en deviendrait plus- ferme. J'en
fus récompensé par une victoire au co
mice agricole, où le préfet lui-même
me rendit hommage. ; >
» Je compris, au discours de ce haut
fonctionnaire, pourquoi, . j'avais vécu.
Mon existence et mon embonpoint glori
fiaient l'Etat. Jamais, soiïs l'Empire, il
n'y avait eu un boeuf comme moi, eau
• les bœufs ne sauraient engraisser conve
nablement sous le régime de la .tyran
nie. Une fanfare joua~ l'Internationale.
Fatigué* je me couchai parmi mes bou
ses. Alors, on me mit, sur la tête une
couronne de roses. J'en conclus que j'a
vais fait tout ce qu'on demandait de
moi. ....*.
■ «P# ■
«Mais je ne savais pas encore jusqu'où
pouvait aller ma gloire. Un homme vint
qui donna pour m'avoifr un .grand nom
bre de pièces d'or qu'il appelait des pis-
toles,. sans doute pour que l'antiquité
de ce vocable ajoutât encore à la ma
jesté de ma personne. Il me fit voyager
dans4>yn char rapide, que traînait une
locomotive. J'avais déjà vu passer beau
coup de trains : je fus content de savoir
à quoi cela servait : cela sert "à empê
cher les bœufs de se fatiguer. Mon nou
veau maître était sympathique. Il était
grand; gros, d'un blond presque blanc;
à toutes les stations, il prenait à ma
santé des liqueurs îrouges ou vertes,
dans des calices de verre qu'il appelait
des « ballons ».
» fit à Paris, dans un endroit nommé
la Villette, je passai devant un sanhé
drin d'hommes très sages, qui m'accla-
mèrent unanimement, après m'avoir
encore, une fois pesé. C'est à eux que
je dois d'avoir vu luire un grand jour !
•Hier, on m'a mis sur une voiture ornée
de drapeaux, de statues et de femmes.
D'autres femmes/très déshabillées, sui
vaient dans d'autres chariots. Plusieurs
en contractèrent des fluxions de poitri
ne, et moururent de la sorte, pour m'a
voir connu. Des bouchers de la .Villette
étaient déguisés en ■ Romains. J'entraî
nais également à' ma suite des blanchis
seuses, un lion malade, des étudiants,
plusieurs chameaux et. des mousquetai
res^ Une foule immense applaudissait,
jetant vers moi des rondelles de papier
multicolore, nommées confetti, à ce que
39 crois, et semblables à dès'fleurs. La
police réprimait toute manifestation at
tentatoire à l'honneur de mon nom et de
ma famille. Je vis qu'elle assommait
avec raison -quelques misérables fous
qui voulurent crier : « Mort aux va
ches ! »
^ » Rentré ce soir dans mon étable, j'ai
médité sur ce triomphe, et j'en ai dé
couvert la cause :■ c'est évidemment que
je suis' le dieu de ces Parisiens. Moïse
a jadis empêché un de mes aïeux de
réussir^ dans cette profession,, mais cet
aïeul n'était qu'un veau. De plus, Moïse
est mort. Je suis, persuadé qu'on va me
construire un temple, à moins que, vi
vant, l'on ne me mènç au Panthéon..., »
Le Bœuf Gras en était à' ce point,
quand des bruits affreux retentirent. Du
fond des corridors sombres, des jeunes
gens vigoureux et sanguinaires apparu
rent, armés de lourds maillets d'acier...
Et quelques heures après, le cadavre
énorme, ouvert par le milieu, du triom
phateur, ornait les crocs sanglants.Mvs
il était orné de roses en paDier, et les
peuples, étonnés . de sa masse, conti
nuaient à défiler devant lui. Car . les
Bœufs, Gras, vraiment, sont comme, les
autres triomphateurs, depuis le .com
mencement du monde : on lés acclame
d'abord, puis on les assomme ; et
quand ils sont morts, on recommence à
les trouver grands.
Pierre MILLE.
Demis trente-sept ans, . 7
: cette femme s'tiaMilatt en fiomme
La sûrprise d'un juge d'instruction .
de Toulon
(Dépêche de notre, correspondant)
•Touloit, 2fi_i\lars. ■
Le juge d'instruction de' Toulon avait
convoqué dans son cabinet,' pour dép.oser
dans une affaire de vol, Mme vëuve Im
bert, receveuse buraliste à la Verrerie, et
il- fut bien surpris lorsqu'il vit se présen
ter à son cabinet un'homme correctement
vêtu d'une redingote et fi'un pardessus.
— Je suis /Mme veuve Imbert, lui déclara
lé témoin; j'ouissant quelque peu de sa stu
péfaction. ,
•Ët Mme' Imbert expliqua, 'avec d'ailleurs
des preuves à l'appui, qu'elle portait depuis
trente-sept ans le costume masculin. :
Mine Nory, veuve Imbert, est née, en
effet, au-Mans en 1844 et elle a servi d'é-
missaire à Metz, en 1870 ; elle a déposé au
procès Bazaine et a été autorisée à conser
ver le costume masculin qu'elle- avait dû
endosser-pendant la guerre pour faire son
service d'estafette.
Mme Imbert possède de nombreux docu
ments établissant le beau rôle qu'elle a
rempli, dans des circonstances souvent pé
rilleuses.
Elle a conservé depuis des habitudes
masculines, fume et porte les cheveux
courts.
hxJK jVU-GTKRÊJVlH IDE 1908
Paris a acclamé, hier, ses Reines
et celles des anciennes provinces
Si le soleil avait daigné se montrer dans
le courant de l'après-midi, si de lourds
nuages gris, accompagnés de gouttes de
pluie, n'avaient obscurci le ciel, la fête
d'hier eût été, sans conteste, la plus belle
depuis de bien longues années.
Les reines que Paris a acclamées étaient
toutes charmantes, les chars témoignaient
du hon goût des artistes qui les conçurent
et du comité qui les fit exécuter, et la
joyeuse cavalcade s'est déroulée dans Pa
ns, sans incident. Que fallait-il de' plps
pour amuser le million 3e Parisiens qui se
pressaient sur le parcours du cortège ? Evi
demment un peu de soleil ! C'est la seule
chose qui ait. manqué. Très philosophique
ment ,on s'en est passé et la fête n'en a été
ni moins gaie, ni moins brillante. ^
x
Le départ de la caoalcade
Bien avant midi les chars étaient massés
dans lç faubourg Saint-Antoine, rue de
ChalignY, et dans quelques rues adja
centes. ~
. Par groupes, Gaulois, Arvernes et
Gascons, NoVmands et Morvandiaux, Pro
vençaux et Bretons, gens de robe et gens
d'épée, joueurs de vielle, manants et lans
quenets, se rendaient au point de concen
tration et prenaient place sur les chars où
ils devaient figurer.
A une heure, très exactement, le cortège
s'est ébranlé. Des agents cyclistes, des gar
diens de la paix et un peloton de gardes ré
publicains ouvraient la marche ; les trom
pettes de l'Union du , douzième précé
daient la reine, du marché des Carmes,
Mlle Juliette Thévenot, et ses demoiselles
d'honneur, Mlles Eugénie et Marie Le-
merle, gui avaient pris place dans un lan-
quel de troublantes ballerines, gaîment,
tambourinent, agitent des castagnettes et
dansent, derrière un rayon fulmina m
Puis viennent le char de la Bourgogne,
attelé de quatre chevaux, avec un dieu Bac-
chuis entouré de faunes et faunesses, de
vendangeuses et d'escargots énormes ; le
char de la Bretagne, que précèdent
Du Guesclin et la duchesse- Anne de Bre
tagne, à cheval,, des Korrigans et des
joueurs de biniou ; le char de la Champa-;
gjiej'avèc le roi Clovis çt la rein,e CJolilde ;
le .char de la'Flandre, escorté des coraairôs
de Jean-Bart et de porte-étendards ; celui
de la Gascogne, devant lequel se prélassent
un Cyrano au nez embourgeonné et un
groupe de cadets de Gascogne ; le char de
la Lorraine, avec Jeanne d'Arc et ses cava
liers ; celui du Lyonnais, représentant l'in
dustrie principale de l'ancienne province :
la soierie ; le char de la Normandie qu en
tourent les soldats de Guillaume le Conqué
rant ; celui de la Provence, très couleur
locale avec ses pampres de vigne, sa vieille
maison artésienne et des copies de la' fon
taine de Vaucluse et des arènes- de Nîmes*
Derrière le char provençal, un tartarin
fameux, entouré de félibres et de cigaliers,
a obtenu un énorme succès.
. x
La Reine des Reines
Enfin, voici le char de la Reine des Rei
nes, le char de l'Ile-de-France, attelé- de
huit chevaux caparaçonnés aux armes, de
la Ville de Paris et tenus en mains par
huit piqueurs ; le char est entouré de
gardes françaises, de trompettes, de hé
rauts et de sergents d'armes. !
Sur les degrés, une garde , d'honeur de
vingt jeunes femmes,, travesties en pages
tu
% Le président du conseû municipal
donnant le bras à une des reines
dau décoré de marguerites, que traînaient
quatre chevaux attelés en-daumont. Mlle
Blanche Ancelin, reine du syndicat des
épiciers en détail, et Mlle Juliette Petitpain
reine des débitants de vins, suivaient dans
d'autres landaus fleuris.
Puis, entourés de lansquenets, ide hérauts
d'aranes et de spadassins, l'épée ou la lance
au poing, le landau du comité -des Fêtes de
la rive gauche, dans lequel se trouvait Mlle
Chavoix, reine du comité ; le landau du
marché Lenoir, dont la reine, Mlle Bois-
sier, portait une superbe toilette ; les lan
daus idu marché du Temple et du marché
Saint^puentin ; celui de l'Union syndicale
de la chaccuterie et deux chars à musique
fort ingénieusement machinés, et sur les
quels des orchestres jouent, à tour de rôle,
des marches et des airs entraînants.
' X5
Les chars allégoriques
Mais voici venir la partie du 1 cortège qui
soulève tes plus chauds vivats de la foule : '
ce sont les chars allégoriques et ceux des
anciennes provinces françaises. ■
£ai tête vient le char d« la danse sur 1&-
et en gardes françaises, entoure la reine
des reines, Mlle Fernande Morin, et ses
deux demoiselles d'honneur, Mlles Jplie
Brottin et Lucie Bourget; * !
La reine des reines, qui porte avec ai
sance sa couronne et son manteau royal,
avait fort bel air; aussi était-elle justement
acclamée sur tout le parcours de cavalca
de. Ses demoiselles d'honneur, également
fort gracieuses, partageaient son triomphe.
Par la rue du Faubourg-Saint-Antoine,
la place de la Bastille, les rues de Rivoli et
de Lobau, le cortège a gagné 4a . place .de
l'Hôtel-de-Ville, où il a fait un court arrêt,
pour permettre à la reine des reines d'aller
saluer le conseil municipal de Paris.
A l'HôteTde Ville
Les membres diu bureau du conseil muni
cipal} auxquels s'était joint sir Samuel
Marcus, ancien lord-maire de Londres, at
tendaient,; : depuis 'quelques instants, • de
vant la porte centrale de l'Hôtel de Ville,
lorsque le .cortège fut annoncé. :
M. André Lefèvre, président du conseil
municipal, ofîijt son bras à la reine dès
rèine% à la descente de son char, et, es
corté de ses invités 1 , la conduisit dans la-
salle des Prévôts, où- un lunch avait été
préparé. • -, -, •• • ( -
M. de;;Selves souhaita la bienvenue-à la
reine des reines et l'embrassa^ puis le
Champagne fut versé. - • „ -
Au nom de la municipalité parisienne, on
remit à la reine un joli bijou, m'n pendentif
en or, violettes ciselées ornées de rubis, et
les verres, furent choqués:
M. Lefèvre, reconduisit ses invités jusqu'à
la porte de l'Hôtel de Ville.
A l'Elysée
; Après ce court arrêt, .la cavalcade a:, re
pris sa mlarche et, par les rues de Rivoli et
des Tuileries,- par les quais, l'avenue des-
Champs-Eitysées et l'avenue Marigny, s'est
rendue à l'Elysée, ou,elle a fait,-une nou
velle, et courte halte.
La reine des reines, que conduisait M.
Brézillon, président du comité - des fêtes,
et ses deux. demoiselles d'honneur, accom
pagnées de MiM. Leroy et Piotte, ont été re
çues, à l'entrée des salons présidentiels,
par M. Jean Lanes, secrétaire général, qui
les. a conduites auprès de M. Fallières.
.Lé Président de la République a compli-
■mlenté Mlle- Morin et ses deux compagnes ;
puis il a offert' à la reine des reines un
fort beau bracelet gourmette serti de bril
lants, d'émeraudes, de saphirs et de ru
bis. Il a porté la santé de Mlle Morin et des
autres reines des provinces françaises et
des -marchés parisiens.
A quatre heures, le cortège quittait l'Ely
sée pour reprendre sa marche triomphale
à travers: Paris.
v , ... -.-5R3-
Fumée sans feu
Un très léger : incident à signaler, lors
que le cortège s'est arrêté boulevard Bonne-
Nouvelle. Une forte fumée en se dégageant
d'un restaurant a causé une légère panique
dans- la maison et sur le boulevard.
Renseignements pris, il s'agissait d'un
pot de graisse dont le contenu s'était ré
pandu sur un fourneau.
x
A la Préfecture de police
La nuit était déjà tombée lorsque la ca
valcade, qui avait suivi les rues du Tem
ple, de Turbigo, Baltard, du Pont-Neuf,- de
Rivoli et Saint-Denis, débouchait boule
vard du Palais. Une dernière fois, la reine
des reines est descendue de son char de
vant l'hôtel du préfet de police.
Toujours accompagnée de' M. Brézillon,
elle est montée, avec ses deux demoiselles
d'honneur, aux appartements de M. Lépine.
Le préfet de police leur-a souhaité la
bienvenue «çij termes des et
a porté un toast à leur santé.
A sept heures et demie. Mlle Fernande
Morin a quitté la préfecture de police et a
repris sa place dans le cortège qui, par le.
boulevard Saint-Michel et la rue Soufflot a
?agné le Panthéon où s'est faite la dislo
cation sans incidents.
(Voir en 3' page LA JOURNEE. DE LA
MI-CARÊME au Petit Journal).,
®OTES PCLI TIQVES
Le Sénat vient de voter une proposi
tion de loi dont la gauche républicaine
avait pris l'initiative et qu'elle a pu fai
re aboutir avec le concours du gouver
nement. Cette proposition a pour but
d'assurer aux maires et aux adjoints de
sérieuses, d'efficaces garanties contre
le bon plaisir administratif, contre l'usa
ge parement arbitraire du droit de sus
pension et de révocation dont certains
■préfets abusaient parfois.
Les auteurs de cette réforme, qui amé
liore si heureusement la loi municipale
de M. Goblet, n'ont prétendu que pren
dre des précautions contre ces fonction
naires trop facilement enclins à se dé
barrasser d'une municipalité dont l'in
dépendance leur semble gênante ; ils
n'ont pas voulu que l'Etat fût désarmé
contre des maires et des adjoints coupa
bles d'illégalités ou de fautes graves. Ils
ont, en conséquence, maintenu le droit
de-suspension, et de révocation ;.mais,
avant d'être frappés, les maires, et les
adjoints devront être entendus et four
niront des explications écrites ou verba
les. La suspension, gui n' excédera point
un mois ou trois mois, selon qu'elle sera
prononcée par le préfet ou le ministre
de l'intérieur, sera toujours motivée.
Pour la révocation, un décret du Prési
dent de la République, également moti
vé. sera nécessaire. Ènfin, les intéressés
pourront en appeler pour abus de pou
voir au Conseil d'Etat, et celui-ci sera
tenu à statuer d'urgence.
Les socialistes auraient voulu aller
plus loin, et l'un d'eux, M. Flaissières,
a présenté un amendement très propre
à permettre aux municipalités de tenir
le gouvernement en échec. Il demandait
que l'inéligibilité résultant de la révoca
tion, au lieu de ne prendre fin qu'au
bout d'une année, disparût aussitôt
qu'on procéderait au renouvellement
dyt., conseil municipal. Il aurait donc
suffi à ce dernier de démissionner en
'Masse pour rendre immédiatement réé-
ligibles les maires et. les adjoints révo
qués.; Le Sénat s'est refusé à fournir aux
communes ce moyen de se mettre en ré
bellion contre les pouvoirs publics.
La proposition de loi que l'on vient de
voter au Luxembourg a le double méri
te d'être libérale et de maintenir l'usage
d'un droit nécessaire, dont elle suppri
me seulement l'abus. Nous espérons que
la Chambre s'empressera de l'adopter à
son tour.
eraiff Concours ffes UtTBDtioos
( —wv— ...-.
VOIR A LA & PAGE i
Le loUetin d°
la mwmirnm
PROPOS D'ACTUALITÉ
De Jean tav à Henri Hochette
- Il en est de certains livres comme de cer
tains mets. De même que ceux-ci ne sont vrai
ment savoureux qu'à, certaines époques, de
même il faut lire ceux-là à l'heure où l'actua
lité les impose et en double l'intérêt... Ainsi,
je feuilletais, hier le fameux mémoire du chan
celier d'Aguesseau contre les agioteurs et les
spéculateurs,, le mémoire par- lequel l'intègre
magistrat tenta d'abattre la puissance de
Law ; et il m® semblait réellement lire des pa
ges d'aujourd'hui.
Celui qui a dit que l'histoire est un éternel
recommencement, a exprimé à coup sûr la
plus grande .vérité qui fut, qui soit et qui sera
jamais.
Que de fois, en effet, depuis les folies de la
rue Quincampoix, l'épargne française a-t-elle
été victime des financiers véreux, des aigre
fins, des spéculateurs trop habile» ou trop
hardis ! Qui dira le nombre des krachs dont
elle a subi le contre-coup depuis bientôt deux
siècles que la banque du Mississipi creusa, en.
s'effondrant, le. premier trou dans le bas de
laine national ?... ■
L'épargne française en. est-çlle plus pru
dente et* plus sage ?... Ou bien les banquiers
marrpns ont-ils aujourd'hui des procédés nou
veaux et irrésistibles ï
Ma foi, non !... Les moyens employés pour
drainer l'argent des gens trop confiants sont
toujours les mêmes. L'essentiel n'est pas d'ap
porter des affaires vraiment s& rieuses, c'est de,
faire accepter par le public. l'I dée que les. en
treprises représentées ;par leâ actions seront
fécondes,, pleines d[incalculalj les 1 , richesses ;èt
d'intarissables bénéfices; { -
Le système n'a, pas' varié s de même que
l'imagination de Law peupla It dé trésors les
solitudes du Mississipi, llimugination de .Ro-
chette peuplait'de minerais; merveilleux dis
mines qui n'existaient que sV ir le papier.
N'impoTte ! L'affaire était'lancée... Il'ne s'a»
gissait plus: que de l'entref tenir par. une sa
vante publicité... Au mois ■■ de: juillet 1719, les
actions du Mississipi montf lient, ' en moyenne,
da 40 à 50 livres par jour.
On a vu, ces temps dern iers, certains titres
émis par la banque Rocbj ;tte jouir d'une pa
reille fortune... . ,
L'humanité est ainsi fdîte que l'amour de
l'or et la fièvre de la' apléculatio'n- éteignent
en elle toute lueur de-bon sens. Tout le mon le
crut en Law... ; Un seul homme osa pousser le
cri d'alarme : d'Aguesseau. Ce fut contre lui
un haro général. Le. Régpait l'exila.
, Et savez-vous où 11 l'exila î II l'exila &' Fres-
nes, dans ses terres, swtr lesquelles s'élève-
aujourd'hui certaine lixjcueuse maison cen
trale que vous savez.
Je signale le fait au s:?mpalhique directenn
de la Banque Franco-Espagnole. S'il est ap*.
pelé à villégiaturer sur lies terres de d'Agues
seau, qu'il donne un somvenir au grand ma
gistrat de la Régence et qu'il emploie dono ses
loisirs forcés à lire le fameux mémoire du
chancelier sur les agioteurs el les spécula
teurs...
Je crois qu'il en pourra tirer quelque profit
Jean Leoeq. .
£ 'INSTRUCT ION DU KRACH ROCHETTE
Une interpellation a eu lien hier
i la Chambre
sur les agissements des financiers
Le krach Rochette a eu, hier, sa ré
percussion à la Chambre des Députés.
M. Geccaldi, qui avait déposé une de
mande d'interpellation sur'.lje manque
de contrôle dans les émissions financiè
res, en a réclamé la discussion immé
diate. Par 302 voix contre 251, la Cham
bre a décidé d'entendre le député- de
l'Aisne, qui, après avoir examiné en dé
tail les entreprises de M. Rochette et
d'autres affaires nuisibles à la petite
épargne, a exprimé l'espoir que d'éner
giques mesures seraient prises pour
empêcher le retour de pareils agisse
ments.
M. Briand, ministre de la justice, a
répondu en expliquant pour quelles
raisons l'arrestation de M. Rochette ,a
été opérée à la date qu'on sait et en
affirmant que le gouvernement ést prêt
à soutenir les efforts qui seront faits
pour garantir davantage la petite épar
gne..
M. Rabier, dont le nom a été cité
dans les informations relatives au
krach Rochette, s'est ensuite expliqué
sur les relations qu'il a eues avec le
« financier » inculpé, et le débat a été
clos par l'adoption de Tordre du jour
pur ët simple.
La journée de l'inculpé
Pendant que la' Chambre s'occupait, hier,
de sa personne et des conséquences de ses
agissements, l'inculpé Rochette, extrait
pour la seconde fois de sa cellule de la
Santé,. assistait à l'inventaire des comptes
du Crédit minier et industriel.
A une heure un quart, l'inculpé prenait
place dans un taximètre-automobile ; à
côté de lui montaient trois agents de la sû
reté. Au bout de quelques minutes, la voi
ture, après avoir traversé les grands bou
levards, où déjà la foule s'amassait impa
tiente du spectacle des chars de la caval
cade, s'arrêtait, 34, rue Blanche, devant la
grille de la Société du crédit minier.
Jusque-là personne n'avait remarqué le
financier parmi' les quatre voyageurs die
l'automobile. Mais lorsqu'il descendit de
voiture, il fut immédîatement reconnu par
les nombreuses personnes qui, sans se las
ser, viennent aux nouvelles depuis le jour
du krach.
Rapidement, le prisonnier, encadré par
ses trois gardiens, a franchi ile trottoir et
après (avoir passé la grille d'entrée, a tra
versé la cour souriant et saluant les
chefs de service et les principaux em
ployés du Crédit minier, qui s'y trouvaient
réunis.
Les deux liquidateurs judiciaires, nom
més par le président du tribunal civil de
la Seine, attendaient Rochette dans son
^ancien cabinet directorial. M. Graux avait
tenu à continuer, hier, l'examen des comp
tes du Crédit minier, car cette société rou
vrira ses bureaux aujourd'hui sous, son
contrôle.
M. Lemarquis, liquidateur de la Banque
franco-espagnole, avait voulu, de son côté,
assister aux opérations pour se rendre un
compte exact des relations qui existent enr
tre la Banque et la Société du crédit mi
nier.
Contrairement à certain, bruit, le bilan
exact du Crédit ^minier n'a pas encore été
dressé, car le liquidateur a constaté que
la comptabilité n'était pas au courant de
puis décembre dernier. ,
,Le juge d'instruction n'avait pas jugé à
propos de venir assister à l'inventaire et
o'est en présence des deux administra
teurs, du chef de la sûreté, de l'inculpé et
de son défenseur, M" Maurice Bernard,
que les scellés ont été levés.
Commencées à deux heures, les opéra
tions ont duré quatre longues heures, sans
que la foule des curieux qui stationnaient
dans la rue Blanche ait diminué. Il est
vrai qu'il n'y avait *pas là que des curieux,
car la plupart-de ces personnes étaient,ou
des «qaployës 4u Crédit minier, pu des
clients attendant avec anxiété les fésultata.
de l'inventaire. - < < 1 ••
Pendant tout U'aprèsHmidi, las conversa*» .
tions ont été leur train, devenant plus ani
mées quand quelqu'un sortait des bureaux
après avoir été entendu par le: liauidàteur*.
Les petits papillons jaunes, -collés à pro
fusion.sur les murs-de toutes les maisons, .
et annonçant la réunion extraordinaire des ■
actionnaires des différentes '• combinaisons
financières de Rochette, étaient l'objet-' de
tous lés commentaires ; chacun des inté
ressés se demandait ce que le financier di
rait pendant la réunion — on croyait en
core que le juge lui permettrait d'y as
sister. ■■ " . •
A six, heures, le mouvement qui se pro
duisit dans le vestibule où, depuis'quelques
instants, on avait aîUumé l'électricité, ap
prit aux. curieux que l'inventaire était fini.
Presque aussitôt, un fiacre automobile ve
nait se ranger devant la porte d'entrée et
Rochette v montait, toujours en compagnie
des agents de la sûreîté.
Cette fois encore, ses anciens employés
firent, une petite manifestation, -et' c'est'
après avoir reçu quelques petits b'ouquets
et entendu quelques acclamations que l'in
culpé quitta la rue Blanche.
Cinq minutes après 1 son départ, les- 'deuX
administrateurs et M. Hamard partaient à!
leur tour,-mais dans de simples fiacres hip
pomobiles. Le quart de six heures sonna
quand le concierge referma la grillé der-»
rière le dernier visiteur;
Prochainement, Rochette sera extrait'.de
la prison de la Santé et conduit devant lé
juge, qui le mettra en présence d'un des
plaignants de la première heure, M. Pe-
cheraud, qui fut victime du financier pour
une somme de 50,000 francs.. -
X..:
Bruits tendancieux
Hier, encore, on a fa.it-courir -dans les
milieux financiers .et aussi au Palais da
Justice des bruits de mise en liberté- pro
chaine du financier. On ajoutait mêmie qua
la caution, soit deux millions, avait été of
ferte au parquet qui se serait trouvé d'ac
cord avec l'inculpé sur la fixation du. chif
fre. ~
C'est absolument inexact; le parquet
n'ayant à aucun moment envisagé la pos
sibilité d'une mise en liberté de Rochette
Plaintes nouvelles
C'est surtout des départements que par
viennent, au juge d'instruction, lies plain
tes contre le financier.
Dams la journée d'hier, le parquet a reçu
cent vingt plaintes nouvelles que M. Berr
a classées sans qu'il lui soit'possible en ce
moment de les examiner.
L'instruction cherche, en ce moment, êt
se documenter sur les opérations qu'a
faites M. Rochette pour le lancement-de ses
diverses sociétés, et le juge a ordonné de
nouvelles perquisitions.
A cet effet, MM. Berthelot" et Fétré, .com
missaires aux délégations , judicaires, se
sont rendus, hier, dans deux agences de
publicité et ont saisi une certaine quantité
de documents.
La réunion d'hier soir ^
La réunion extraordinaire des action
naires des entreprises de Rochette. a eu
lieu, hier soir, dans la salle des Agri
culteurs, 8, rue d'Athènes.
Mais l'attente de toutes les personnes qui
y ont assisté, comme noius le disons d'autre
part, a été déçue :1e financier n'est pas
venu expliquer sa conduite, -et.pour cause.
•Néanmoins, la réunion a été très animée
et plus de ■ trois mille personnes étaient- ve
nues rue d'Athènes. Douze cents d'entre
elles, parmi . lesquelles > beaucoup d'em
ployés des • différentes entreprises dirigées
par l'inculpé, purent seulement pénétrer
dans la salle des Agriculteurs. . •
Les autres durent rester dans la rue,'et
cette foule-encombra pendant toute là; soi
rée la chaussée de cette rue d'Athènes, si
tranquille ordinairement- •' 1 ; f
Jùcliés sur les' flj^fc.hes 4e pt'îbôtel i3jgs
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