Titre : Le Petit journal
Auteur : Parti social français. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Clermont-Ferrand)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Pau)
Date d'édition : 1874-02-19
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32895690j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 146118 Nombre total de vues : 146118
Description : 19 février 1874 19 février 1874
Description : 1874/02/19 (Numéro 4073). 1874/02/19 (Numéro 4073).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG64 Collection numérique : BIPFPIG64
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5921082
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/07/2008
V
DEPARTEMENTS
Samedi soir; vers six heures, trois indivi-
dus vêtus de travestissements et de masques,
deux dominos et un pierrot,se dispùtaientsur
le quai de la Fosse/à Nantes,, où comme on sait
passe le chemin dé fer. Devant l'hôtel Be-
!aux: dit le Phare de la Goire, l'un des domi-
nos, grand etfort, avait terrasse le pierrot. Ce-
lui-ci se releva, la querelle recommença et
les combattants se rapprochèrent de. la'voie,
ferrée dont les séparait une balustrade haute
d'un mètre environ.
A ce moment, arrivait le train de mar-
chan.dises, po 538, venant de Bretagne. Son
passage n'interrompit pas la dispute l'un des
deux dominos tenait le pierrot appuyé à la
balustrade et le pierrot lui-même tenait par
les cheveux cè dominos qui, pour se débarras-
p'ér, fit un eflort et. donnant un coup dans la
jambe de son adversaire; le éulhuta sur la
voie ferrée.
Déjà la locomotive, et quelques wagons
étaient passés. Le pierrot tomba sous les roues
du reste des voitures, qui l'écrasèrent. Les
dominos prirent la fuite.
La victime était dans un état pitoyable. Les
chairs pendaient en lambeaux, et le cadavre
avait au moins 7 pieds de long-, nous assure
un témoin oculaire. Rien n'était plus attris-
tant et plus hor.rible que la vue de ce corps,
qui était encore reç.o.uveit de. son costume de
A. la Morgue, où on enleva le masque, on
reconnut le malheureux. C'est un nommé
Herret, chaufleiir de la Compagnie transat-
lantiquequi était venu pour les fêtes du car"
naval à Nantes. Il était attendu à dîner chez
.ses parents, il devait ensuite aller au bal.
La justice a ouvert immédiatement une
enquête; on ignore s'il y a un crime prémé-
jdencs. Les témoins, entendus semblent pen-
cher pour cette, dernière alternative.
L'AFFAIRE
̃fi F Tfi HA'ÇT5§F-RP'^Pi; Â^
Corbeau, te gros chien noir, sortit de sa
niche en aboyant; sur le perron, de la. cui-
sine/ une femme se montra:
Que cherchez-vous? Qu'y a-t-il pour vo-
!tre service?
Celle qui interrogeait ainsi était une hum-
ble servante, pâle et recoquillée, coiffée d'un
serre-tête d'ou tombaient, sur sa nuque, de
rares mèches de cheveux blancs.
Le visiteur avait une réponse prête:
Je voudrais acheter un poulet, dit-il.
Attendez, reprit la villageoise, ce n'est
pas moi que ces choses regardent.
Et, se retournant vers l'intérieur, elle ap-
pela
Pélagie .'Pélagie!
Presque aussitôt, s'annonçant par un cla-
quement de sabots sur le dallage, apparut
une grande et alerte paysanne, épaisse de
taille, haute en couleur, la poitrine bombée,
le cou plissé de graisse. Sa robe courte, en
laine brune, laissait voir les fines attaches de
deuz jambes d'une cambrure hardie, tandis
que ses manches, retroussées jusqu'au coude,
mettaient à nu une paire de bras potelés et
nerveux..
Elle n'était plus jeune; des fils gris argen-
taient, par places, les touffes sombres de sa
chevelure, qui, s'échappant d'un bonnet en
dentelles, se répandait en boucles crépues
sur un front étroit. Quelques rides creu-
saient ses tempes, fronçaient les ailes.de son
nez et sillonnaient ses joues, flasques et tom-
bantes.
Mais l'atteinte des ans n'avait pas réussi à
éteindre en elle les vestiges d'une de ces
beautés impérieuses qui irritent les sens, si
elles lassent le coeur froid; la vivacité de ses
yeux noirs cerclés de bistre, le ferme modelé
ae ses' lèvres charnues, estompées d'un fin
duvet, attestaient encore, dans l'automne de
FeaHieîn Sa 19 -Février
DE CORSE
|eiae des Vagsçs
CHAPITRE XVIH
'Où Ea&jrîte qao IBiera
bénisse H'anaoisr de "Waialnâ
frédéricsetut.
Le séminaire passa lentement. Tous re-
gardèrent les marins garrottés comme des
criminels, silencieux et dignes au milieu des
insultes. Quelques-uns s'inclinèrent et se dé-
couvrirent, en signe de respect devant le mal-
heur..
Un de ceux-là s'arrêta un instant, regarda
en face le commandant de VEspèrance, et de-
manda son nom.
On lui répondit: Frédéric de Lewen, il
pâlit, courba la tête. et marcha plus vite.
Dans une cellule triste et sombre, qui n'a
pour l'éclairer qu'une vitre étroite sur une
rue noire, est pour ornement qu'un Christ en
bbis, grossièrement sculpté, un homme est
assis sur un escabeau, la tête dans les mains,
et les coudes appuyés sur une petite table de
,bois peinte en noiï, où reposent nïicliaoelet
cette beauté, des retours d'imagination vers
les ardeurs du printemps..
Interpellant la vieille domestique
Que me veut-on, Raymonde? fit la nou-
velle venue.
C'est monsieur qui désire acheter un
poulet.
La e dame de confiance, 1\ pour employer
la désignation du cordonnier Barruet, toisa
l'intrus.
Il n'y a pas ici de poulets à vendre,
dit-elle.
Sa voix avait un mordant métallique son
accent révélaitles instincts dominateurs d'une
servante-maîtresse.
Sans se déconcerter, Latour répliqua ♦
On y vend pourtant des pigeons.
Mais elle, avec' une pointe d'irritation
Ce qui se passe chez nous ne regarde
personne,
Et comme le visiteur ne faisait pas mine
de çomprendre
Retirez-vous, aecentua-t-elle rudement.
Le forçat demeurait, dardant sur la ser-
vante un regard qu'il s'efioreait. de rendre
admiratif;. en même temps, comme s'il se
fût parlé à lui-même, ses lèvres murmu-
'raient
Qu'elle est belle! .̃.•̃-
Le piège semblait grossier; c'était peut-
être un motif pour que cette femme y tom-
bât. Belle. On la trouvait belle. Il y
avait longtemps qu'onn,e le lui avait dit!
Instantanément, lestraits de la gouvernante
se transformèrent.
Latour rétrograda de quelques pas, parais-
sant ne s'arracher qu'à regret à sa contem-
plation. ̃
La femme de charge le rappela.
Au fait, dit-elle, i'oubliais la métairie.
'Voyez les maîtres-valets, c'est à cent pas
d'ici peut-être auront-ils votre aflaire.
Pendant que le bandit s'éloignait, elle le
suivit des yeux, s'avouant, dans son for inté-
rieur, qu'il avait la démarche fière, une tour-
nure énergique, et, en somme, point trop
mauvaise façon. De son côté, se sentant ob-
servé, il eut le soin de, se retourner à deux
au trois reprises, comme à la dérobée.
Moins d'un quart d'heure après, Latour
revenait de la ferme en courant. Elle l'aper-
çut de loin, et dès qu'il fût à portée delà voix:
Eh bien ?
Kh bien! ht-il, j'ai trouvé là-bas ce!qu'il
me faut. un poulet tendre, superbe.
moins superbe et moins tendre que quel-
qu'un qui n'est pas loirt d'ici, ajouta-t-il en
soupirait, mais enfin. pour le prix.
Combien donc ?
Trente sous.
Vous venez, je parie, chercher de la
monnaie?
Je n'osais pas le dire. Gomment savez-
vous ça?
Pardineî ces Ricard n'ont jamais de
quoi rendre aux gens
Ricard. Probablement les maîtres-va-
lets ?.
Oui.
Alors c'est la mère Ricard, la'iermière ?
Naturellement.
Ah! par ma foi, je la retiens! Elle n'est
pas drôle à moitié, la radoteuse!
Comment ça?
S'est-elle pas avisée de prétendre que je
venais pour autre chose que le poulet 1
-Oui, tout en quittant saquenouille pour
courir après la volaille qui piaillait en bat-
tant des ailes, elle mâchonnait entre ses
dents, et je l'entendais qui disait: Tout ça,
prétexte, rien que prétexte. le vrai motif,
c'est mamzèlle Pélagie
Moi!1 '"̃
L'évadé prit une mine étonnée
Quoil c'est vous qui êtesmam'selle Pé-
Oui, est-ce que ça vous surprend ?
Non, non. au contraire. Je comprends
L'habile comédien avait prononcé ces der-
niers, mots presque à voix basse. Pélagie se
sentait sous le charmes d'une douce émo-
tion.
Corbeau était venu, en grognant, rôder
autour du forçat. D'un coup de pied la gou-
et un bréviaire- fermé. A l'attitude de cet
homme, on devine qu'une grave préoccupa-
tion le domine, ou qu'une profonde douleur
l'étreint. Ses doigts se crispent sur son front
pâle, et ses ongles, à travers ses épais che-
veux noirs, entrent dans sa chair.
Il se lève, fait un pas, s'arrête, et marche
encore. Il rencontre le mur de sa cellule et
recule, arrache la mince cravate qui entoure
son col, soulève sa soutane qui lui semble
lourde sur sa poitrine, et dit:
J'étonne!
Il ouvre sa vitre, cherche -à aspirer l'air
qui ne pénètre pas jusqu'à lui, et retombe
sur son siège. Ses-mouvements sont fébri-
les, ses lèvres blêmes, ses yeux brillants et
caves. S'il n'est pas fou, il doit horriblement
1 soufirir.
Tout à coup, sa voix sort avec éclat de sa
poitrine, qui semble devoir se briser sous ce
puissant effort.
-Il l'aime dit-il. C'est lui. quelle souf-
france Mais il va mourir. quel soulage-
ment. Ah je le verrai, je veux le voir Il
me semble que je serai consolé, en touchant
le cadavre de cet étranger qui ose aimer Va-
nina d'Orezza. Ah! qu'ils meurent tous ainsi
ceux qui l'aimeront Est-ce que je ne suis
pas cadavre aussi, moi? Non, puisque je
souffre. Et quelle souflrancè, mon Dieu
Dieu est bien injuste, aussi! J'ai quitté fa-
mille, pays, tout ce qu'on' aime; je lui ai
4iU' Je me donne à toi, fais que je l'onhlisù
vernante le renvoya à sa niche. A ce mo-
ment,Raymonde traversait la cour, pénible-
ment courbée sous le poids d'un paquet de
linge mouillé qu'elle transportait de la cui-
sine au hangar. Comme pour faire diversion
au trouble qui s'emparait d'elle, Pélagie la
désigna au visiter
Tenez, fit-elle avec un gros rire, je vous
présente une charmante jeune fille de 15 ans«
Si elle ne les a plus, répliqua Latour sur
le même ton, elle les a eus autrefois.
Il ouvrit son porte monnaie, et en tira, pour
le changer, un écu qu'il tendit la femme
de charge. Dans ce mouvement, il laissa avec
intention tomber à terre le billet dont l'avait
gratifié la munificence de Grimace.
Prenez garde, dit Pélagie.
Il ramassa d'un air indifférent le chiffon de
papier aux armes de la Banque de France.
Bah fit-il, c'est trop peu de chose pour
le laisser â vos pieds.
Peu de chose, cent francs! Vous êtes
donc bien riche!
Riche? non. mais enfin, on s'entend as-
sez bien à faire aller le commerce.
Vous êtes dans le commerce? questionna
la servante, tout en rendant la monnaie.
Ouimamzelle, pour vous servir vins
fins, sirops, liqueurs, kirsch, rhum, eau-
Et vous avez vos marchandises près
d'ici? reprit-elle avec sollicitude.
J'ai des échantillons et je prends des
commandes. Peut-être le maître de ce châ-
teau serait-il disposé à quelques achats?
Je me proposais, au surplus, de lui faire
mes offres un de ces.jours, bien que, d'après
ce que je sais de M. de Lassalle, il ne soit
pas un amateur très sérieux de ces produits.
La femme de charge fit un haut-le-corps.
Vous le connaissez donc? de'manda-
t-elle, anxieuse.
Heu !Je le connais, sans le connaître.
Sur cette réponse ambiguë, qui devait
laisser Pélagie aussi perplexe que tous les
propos par lesquels le visiteur s'était mani-
festé jusqu'alors, Latour jugea le moment
venu de se retirer.
Il lui lanca un dernier et long regard» qui
fit palpiter le cceur de cette femme de cin-
quante ans abandonnée encore à toutes les
espérances et à toutes les illusions de la
jeunesse, et il lui jeta pour adieu ces deux
mots, qui la remplirent d'espoir
̃ A bientôt.
{La suite à demain) a.-J» DALsème.
Les plus beaux FOULARDS pour cachenez la
COLONIE DES hwojëb, 114, rue de Rivoli-.
et pose de dents jans douleur. 45, rue Laf'ayetta.
BS"=saÊlîe,élèvedeAf"e/Jmormand,donnedes
consultations etlit danslamain,33 fg Montmartro
L'incendie de Belgrave Square
Nouveaux détails
LTN SECOND SINISTRE. SEPT VICTIMES
(Correspondance particulière du Petit Journal)
Londres. dimanche soir.
Un incendie, comme tout autre malheur,
n'arrive jamais seul. Peu de jours après la
catastrophe de l'Opéra, le Colosse de Rhodes
était en,flammes, Trente heuresà peine après
la destruction du Panlechnicon, et tandis que
huit pompes fonctionnaient encore, le feu
éclatait avec une soudaineté non moins
grande, dans une des petites rues populeuses
de Golden-Square, près de Regent-stroet,
c'est ce matin à cinq heures que l'alarme a
été donnée. ,̃
Mais avant que la Fire brigade ait eu le
temps d'arriver, les flammes avaient envahi
tout Ie rez-de-chaussée occupé par un mar-
chand de friture, et l'unique escalier en bois,.
à demi pourri, de la maison; était devenu
impraticable'aux locataires des trois étages,
surpris dans leur sommeil et qui se mon-
traient aux fenêtres, à demi-nus, jetant des
cris affreux et implorant du secours.
On vit alors des scènes déchirantes. Un
homme, sa femme et leur fils, âgé de douze
Je ne veux pas voir ceux qui l'approchent,
je ne veux pi us entendre son nom, je neveux
pas me souvenir. J'ai demandé la faveur de
prononcer tout de suite un voeu. irrévocable.
Et sitôt ce vœu prononcé, Dieu me jette à là
face une lettre de la malheureuse. Je me ré-
signe avec des efforts surhumains; je pro-
mets de faire la Corse libre après avoir pro-
mis de ne me donner qu'à Lieu; et de ces
deux serments réunis, j'espère faire l'égide
détendra mon coeur. Oh vanité humaine
Oh! vertu de l'homme! Qu'es-tu donc? Un
mot qui s'efface devant une passion, un fan-
tôme qui fuit à l'anproche d'un désir.
J'ai soulevé le clergé, peuple comme moi,
contre nos supérieurs, créatures de Gênes,
ennemis de la Corse. Ils attendent un ordre,
une occasion; l'occasion es-t. venue, je ne
donnerai pas l'ordre Frédéric de Lewen
mourra. il faut qu'il meure
Et la main du jeune montagnard, en la-
bourant sa poitrine haletante, déchirait sa
robe d'abbé.
D'un lambeau de cette robe vint a tomber
un petit papier froissé, taché de sang. Domi-
nique le vit et se précipita, comme si l'on
pouvait le lui prendre.
C'était la lettre de Vanina.
Le sang qui tachait l'écriture était frais le
prêtre regarda ses mains; ses ongles s'étaient
rougis sur sa chair insensible.
Il porta à ses lèvres cette lettre qui ne de-
vait pas. quitter son coeur, etfaç.a avec soin
les traces de: «^iw lui la, -«>»Jvssaien,t- et la:
ans, paraissent, affolés, à l'une des fenêtre
du second, et, n'apercevant aucune autre
'chance de salut, se précipitent dans l'espace.
La femme est tuée sur le coup; le mari et
l'enfant sont si grièvement blessés, qu'on dé,
sespère de les sauver.
Un couple de jeunes .gens mariés, dont lg
noce avait eu lieu deux jours avant, a re«
cours, sans plus de succès, au même moyen
de sauvetage.
Une jeune fille se cramponne au rebord*
de la fenêtre et reste ainsi suspendue dix
minutes qni paraissent un siècle. « Tenez
bon lui crie la foule, saisie de terreur.
Enfin, les sauveteurs arrivent, une échelle
est apposée au mur. Mais lés forces de la
pauvre femme s'épuisent; elle-lâche la le-
nëtre au moment où une main vigoureuse
la saisit elle frappe, en tombant, l'épaule
de son sauveur, ce qui amortit sa chute, et
pour elle seule peut-être le résultat ne sera
pas mortel.
Enfin un jeune Italien, qui logeait dans
une mansarde, au sommet de la maison, a
été retrouvé cette après-midi, dans les dé-
combres, complètement carbonisé.
Et tout ce drame, qui a fait en tout sept
victimes, s'est passé en une demi-heure; il
était plus émouvant que l'incendie même de
Belgrave-square. Qu'est-ce que des millions
de livres perdues en comparaison d'une seule
vie humaine sacrifiée
J'ai visité de nouveau aujourd'hui les rui-
nes du Pantechnicon; hier elles étaient en-
core trop brûlantes pour qu'on pût lespar con-
rir sans trop de danger dans toute leur éten-
due, et, comme un jeune homme de dix-huit
ans venait d'être écrasé par la chute d'un pân
de mur, on crut devoir refuser l'accès même
1 aux journalistes, qui pourtant voient lever;
devant eux les consignes les plus sévères. Il
leur suffit da décliner leur qualtié pour pé-
nétrer là où oninterdirait l'entrée à un pair.
C'est au milieu de nuages de fumée, do
briques encore chaudes, et en traversant
partois de véritables mares où j'avais de l'eau
jusqu'au-dessus de la cheville, que j'ai pu
parcourir dans tous les sens ces monceaux
de décombres, qui présentent un aspect in-
descriptible.
La superficie de ces ruines est à peu près
cinq ou six fois au moins aussi considérable
que celle de l'Opéra incendié. En outre du
bâtiment principal et de quelques grands
établissements contigus, il y a dix-huit mai-
sons, soit en grande partie détruites, soit
gravement endommagées.
Les écuries du duc Decazes, notre ambas-
sadeur, ont moins souffert, bien que le toît
en soit complètement défoncé. Je dois
vous dire, à ce propos, que les écuries, 3
Londres, ne sont jamais attenantes aux hô*-
tels; elles en sont toujours séparées.
Aujourd'hui, dimanche, toute la popula-
tion de Londres s'était' donné rendez-vous
sur le lieu du sinistre, ou du moins dans les
environs, car le Pantechnicon était telle-
ment enserré entre les deux grands squares,
que les curieux ne pouvaient absolument
rien voir, à moins de pénétrer dans deux pe-
tites rues étroite, Motcomb-street et Ken-
nington-street, qui y donnent accès, et ces
deux rues, dont la seconde n'est qu'une
ruelle tortueuse, étaient gardées par la police.
A première vue, et la façade, même du
monument, dans lilotcomb-street, avec ses
grossières et disgracieuses colonnes de style
prétendu grec, comme son non:. n'ayant pas
été atteinte, les dizaines de milliers d.e. prp* •
raient cherche vainement les traces apparen-
tes d'un incendie, et n'avaient rien à con-
templer, si ce n'est les pompes à vapeur, très
éloignées du foyer, pour la plupart.
Dans les bureaux restés intacts du Pan-
thechnicon, j'ai pu voir une partie des objets
non atteints par le feu. La salle des pianos,
est à peu près intacte;' et bien des cho-
ses de prix ont pu être sauvées, mais les per-
tes ne sont guère inférieures au chiffre de
2 ou 3 millions de livres qu'on avait indiqué
d'abord. Un journal, le Daily Telrgraph, avait
même parle hierde6millions (150 millions de-
francs) ce qui était trop évidemment une exa-
gération insensée.
rouvrit doucement.
Puis, le regard fixé sur la douce et sup-
pliante «pitre de l'enfant -qu'il aimait, il s.e
calma peu à peu. On eût pu voir ses muscles
se détendre, et son front se rasséréner.
Oh oui, murmura-t-il d'une voix éteinte,
oui, mais je ne m'attendais pas à le voir.
Il replaçalalettre sur. son cœur. Une larme
coulait sur ses joues pâles, un sourire rési-
gné, poignant encore, errait sur ses lèvres.
Cette têtepenchée, douloureusement belle,
éclairée d'un rayon d'amour, et brisée par la
soufirance, ressemblait à celle du Christà la
veille de sa passion.
C'est que lui aussi agonisait sous cette
sueur de sang, que donne le dévouement
méconnu, non à l'Heure, mais à la veille du
martyre. C'est que lui aussi pensait à lui-
même pour la dernière fois, avant de faire
son abnégation complète, absolue. C'est que
lui aussi allait mourir pour ceux qu'il ai-
mait, saris leur dire son sacrifice. Non il al-
lait vivre lui! .et le sacrifice était plus
grand; car mourir,ç'eùt été oublier, et vivre
c'était se souvenir et soufirir encore.
Dominique, à cette heure, mpntait an Gol-
gotha.
Il regarda le Christ, se mit à genoux; .et
les mains jointes sur son cœur, où elles ser-
raient la lettré de Vanina
Je me repens et me soumets, dit-il. Mon
Diéu sauve celui qu'elle aime, et fait servir
ma souffrance à leur bonheur à ton 1 1 s'ieuy
DEPARTEMENTS
Samedi soir; vers six heures, trois indivi-
dus vêtus de travestissements et de masques,
deux dominos et un pierrot,se dispùtaientsur
le quai de la Fosse/à Nantes,, où comme on sait
passe le chemin dé fer. Devant l'hôtel Be-
!aux: dit le Phare de la Goire, l'un des domi-
nos, grand etfort, avait terrasse le pierrot. Ce-
lui-ci se releva, la querelle recommença et
les combattants se rapprochèrent de. la'voie,
ferrée dont les séparait une balustrade haute
d'un mètre environ.
A ce moment, arrivait le train de mar-
chan.dises, po 538, venant de Bretagne. Son
passage n'interrompit pas la dispute l'un des
deux dominos tenait le pierrot appuyé à la
balustrade et le pierrot lui-même tenait par
les cheveux cè dominos qui, pour se débarras-
p'ér, fit un eflort et. donnant un coup dans la
jambe de son adversaire; le éulhuta sur la
voie ferrée.
Déjà la locomotive, et quelques wagons
étaient passés. Le pierrot tomba sous les roues
du reste des voitures, qui l'écrasèrent. Les
dominos prirent la fuite.
La victime était dans un état pitoyable. Les
chairs pendaient en lambeaux, et le cadavre
avait au moins 7 pieds de long-, nous assure
un témoin oculaire. Rien n'était plus attris-
tant et plus hor.rible que la vue de ce corps,
qui était encore reç.o.uveit de. son costume de
A. la Morgue, où on enleva le masque, on
reconnut le malheureux. C'est un nommé
Herret, chaufleiir de la Compagnie transat-
lantiquequi était venu pour les fêtes du car"
naval à Nantes. Il était attendu à dîner chez
.ses parents, il devait ensuite aller au bal.
La justice a ouvert immédiatement une
enquête; on ignore s'il y a un crime prémé-
jdencs. Les témoins, entendus semblent pen-
cher pour cette, dernière alternative.
L'AFFAIRE
̃fi F Tfi HA'ÇT5§F-RP'^Pi; Â^
Corbeau, te gros chien noir, sortit de sa
niche en aboyant; sur le perron, de la. cui-
sine/ une femme se montra:
Que cherchez-vous? Qu'y a-t-il pour vo-
!tre service?
Celle qui interrogeait ainsi était une hum-
ble servante, pâle et recoquillée, coiffée d'un
serre-tête d'ou tombaient, sur sa nuque, de
rares mèches de cheveux blancs.
Le visiteur avait une réponse prête:
Je voudrais acheter un poulet, dit-il.
Attendez, reprit la villageoise, ce n'est
pas moi que ces choses regardent.
Et, se retournant vers l'intérieur, elle ap-
pela
Pélagie .'Pélagie!
Presque aussitôt, s'annonçant par un cla-
quement de sabots sur le dallage, apparut
une grande et alerte paysanne, épaisse de
taille, haute en couleur, la poitrine bombée,
le cou plissé de graisse. Sa robe courte, en
laine brune, laissait voir les fines attaches de
deuz jambes d'une cambrure hardie, tandis
que ses manches, retroussées jusqu'au coude,
mettaient à nu une paire de bras potelés et
nerveux..
Elle n'était plus jeune; des fils gris argen-
taient, par places, les touffes sombres de sa
chevelure, qui, s'échappant d'un bonnet en
dentelles, se répandait en boucles crépues
sur un front étroit. Quelques rides creu-
saient ses tempes, fronçaient les ailes.de son
nez et sillonnaient ses joues, flasques et tom-
bantes.
Mais l'atteinte des ans n'avait pas réussi à
éteindre en elle les vestiges d'une de ces
beautés impérieuses qui irritent les sens, si
elles lassent le coeur froid; la vivacité de ses
yeux noirs cerclés de bistre, le ferme modelé
ae ses' lèvres charnues, estompées d'un fin
duvet, attestaient encore, dans l'automne de
FeaHieîn Sa 19 -Février
DE CORSE
|eiae des Vagsçs
CHAPITRE XVIH
'Où Ea&jrîte qao IBiera
bénisse H'anaoisr de "Waialnâ
frédéricsetut.
Le séminaire passa lentement. Tous re-
gardèrent les marins garrottés comme des
criminels, silencieux et dignes au milieu des
insultes. Quelques-uns s'inclinèrent et se dé-
couvrirent, en signe de respect devant le mal-
heur..
Un de ceux-là s'arrêta un instant, regarda
en face le commandant de VEspèrance, et de-
manda son nom.
On lui répondit: Frédéric de Lewen, il
pâlit, courba la tête. et marcha plus vite.
Dans une cellule triste et sombre, qui n'a
pour l'éclairer qu'une vitre étroite sur une
rue noire, est pour ornement qu'un Christ en
bbis, grossièrement sculpté, un homme est
assis sur un escabeau, la tête dans les mains,
et les coudes appuyés sur une petite table de
,bois peinte en noiï, où reposent nïicliaoelet
cette beauté, des retours d'imagination vers
les ardeurs du printemps..
Interpellant la vieille domestique
Que me veut-on, Raymonde? fit la nou-
velle venue.
C'est monsieur qui désire acheter un
poulet.
La e dame de confiance, 1\ pour employer
la désignation du cordonnier Barruet, toisa
l'intrus.
Il n'y a pas ici de poulets à vendre,
dit-elle.
Sa voix avait un mordant métallique son
accent révélaitles instincts dominateurs d'une
servante-maîtresse.
Sans se déconcerter, Latour répliqua ♦
On y vend pourtant des pigeons.
Mais elle, avec' une pointe d'irritation
Ce qui se passe chez nous ne regarde
personne,
Et comme le visiteur ne faisait pas mine
de çomprendre
Retirez-vous, aecentua-t-elle rudement.
Le forçat demeurait, dardant sur la ser-
vante un regard qu'il s'efioreait. de rendre
admiratif;. en même temps, comme s'il se
fût parlé à lui-même, ses lèvres murmu-
'raient
Qu'elle est belle! .̃.•̃-
Le piège semblait grossier; c'était peut-
être un motif pour que cette femme y tom-
bât. Belle. On la trouvait belle. Il y
avait longtemps qu'onn,e le lui avait dit!
Instantanément, lestraits de la gouvernante
se transformèrent.
Latour rétrograda de quelques pas, parais-
sant ne s'arracher qu'à regret à sa contem-
plation. ̃
La femme de charge le rappela.
Au fait, dit-elle, i'oubliais la métairie.
'Voyez les maîtres-valets, c'est à cent pas
d'ici peut-être auront-ils votre aflaire.
Pendant que le bandit s'éloignait, elle le
suivit des yeux, s'avouant, dans son for inté-
rieur, qu'il avait la démarche fière, une tour-
nure énergique, et, en somme, point trop
mauvaise façon. De son côté, se sentant ob-
servé, il eut le soin de, se retourner à deux
au trois reprises, comme à la dérobée.
Moins d'un quart d'heure après, Latour
revenait de la ferme en courant. Elle l'aper-
çut de loin, et dès qu'il fût à portée delà voix:
Eh bien ?
Kh bien! ht-il, j'ai trouvé là-bas ce!qu'il
me faut. un poulet tendre, superbe.
moins superbe et moins tendre que quel-
qu'un qui n'est pas loirt d'ici, ajouta-t-il en
soupirait, mais enfin. pour le prix.
Combien donc ?
Trente sous.
Vous venez, je parie, chercher de la
monnaie?
Je n'osais pas le dire. Gomment savez-
vous ça?
Pardineî ces Ricard n'ont jamais de
quoi rendre aux gens
Ricard. Probablement les maîtres-va-
lets ?.
Oui.
Alors c'est la mère Ricard, la'iermière ?
Naturellement.
Ah! par ma foi, je la retiens! Elle n'est
pas drôle à moitié, la radoteuse!
Comment ça?
S'est-elle pas avisée de prétendre que je
venais pour autre chose que le poulet 1
-Oui, tout en quittant saquenouille pour
courir après la volaille qui piaillait en bat-
tant des ailes, elle mâchonnait entre ses
dents, et je l'entendais qui disait: Tout ça,
prétexte, rien que prétexte. le vrai motif,
c'est mamzèlle Pélagie
Moi!1 '"̃
L'évadé prit une mine étonnée
Quoil c'est vous qui êtesmam'selle Pé-
Oui, est-ce que ça vous surprend ?
Non, non. au contraire. Je comprends
L'habile comédien avait prononcé ces der-
niers, mots presque à voix basse. Pélagie se
sentait sous le charmes d'une douce émo-
tion.
Corbeau était venu, en grognant, rôder
autour du forçat. D'un coup de pied la gou-
et un bréviaire- fermé. A l'attitude de cet
homme, on devine qu'une grave préoccupa-
tion le domine, ou qu'une profonde douleur
l'étreint. Ses doigts se crispent sur son front
pâle, et ses ongles, à travers ses épais che-
veux noirs, entrent dans sa chair.
Il se lève, fait un pas, s'arrête, et marche
encore. Il rencontre le mur de sa cellule et
recule, arrache la mince cravate qui entoure
son col, soulève sa soutane qui lui semble
lourde sur sa poitrine, et dit:
J'étonne!
Il ouvre sa vitre, cherche -à aspirer l'air
qui ne pénètre pas jusqu'à lui, et retombe
sur son siège. Ses-mouvements sont fébri-
les, ses lèvres blêmes, ses yeux brillants et
caves. S'il n'est pas fou, il doit horriblement
1 soufirir.
Tout à coup, sa voix sort avec éclat de sa
poitrine, qui semble devoir se briser sous ce
puissant effort.
-Il l'aime dit-il. C'est lui. quelle souf-
france Mais il va mourir. quel soulage-
ment. Ah je le verrai, je veux le voir Il
me semble que je serai consolé, en touchant
le cadavre de cet étranger qui ose aimer Va-
nina d'Orezza. Ah! qu'ils meurent tous ainsi
ceux qui l'aimeront Est-ce que je ne suis
pas cadavre aussi, moi? Non, puisque je
souffre. Et quelle souflrancè, mon Dieu
Dieu est bien injuste, aussi! J'ai quitté fa-
mille, pays, tout ce qu'on' aime; je lui ai
4iU' Je me donne à toi, fais que je l'onhlisù
vernante le renvoya à sa niche. A ce mo-
ment,Raymonde traversait la cour, pénible-
ment courbée sous le poids d'un paquet de
linge mouillé qu'elle transportait de la cui-
sine au hangar. Comme pour faire diversion
au trouble qui s'emparait d'elle, Pélagie la
désigna au visiter
Tenez, fit-elle avec un gros rire, je vous
présente une charmante jeune fille de 15 ans«
Si elle ne les a plus, répliqua Latour sur
le même ton, elle les a eus autrefois.
Il ouvrit son porte monnaie, et en tira, pour
le changer, un écu qu'il tendit la femme
de charge. Dans ce mouvement, il laissa avec
intention tomber à terre le billet dont l'avait
gratifié la munificence de Grimace.
Prenez garde, dit Pélagie.
Il ramassa d'un air indifférent le chiffon de
papier aux armes de la Banque de France.
Bah fit-il, c'est trop peu de chose pour
le laisser â vos pieds.
Peu de chose, cent francs! Vous êtes
donc bien riche!
Riche? non. mais enfin, on s'entend as-
sez bien à faire aller le commerce.
Vous êtes dans le commerce? questionna
la servante, tout en rendant la monnaie.
Ouimamzelle, pour vous servir vins
fins, sirops, liqueurs, kirsch, rhum, eau-
Et vous avez vos marchandises près
d'ici? reprit-elle avec sollicitude.
J'ai des échantillons et je prends des
commandes. Peut-être le maître de ce châ-
teau serait-il disposé à quelques achats?
Je me proposais, au surplus, de lui faire
mes offres un de ces.jours, bien que, d'après
ce que je sais de M. de Lassalle, il ne soit
pas un amateur très sérieux de ces produits.
La femme de charge fit un haut-le-corps.
Vous le connaissez donc? de'manda-
t-elle, anxieuse.
Heu !Je le connais, sans le connaître.
Sur cette réponse ambiguë, qui devait
laisser Pélagie aussi perplexe que tous les
propos par lesquels le visiteur s'était mani-
festé jusqu'alors, Latour jugea le moment
venu de se retirer.
Il lui lanca un dernier et long regard» qui
fit palpiter le cceur de cette femme de cin-
quante ans abandonnée encore à toutes les
espérances et à toutes les illusions de la
jeunesse, et il lui jeta pour adieu ces deux
mots, qui la remplirent d'espoir
̃ A bientôt.
{La suite à demain) a.-J» DALsème.
Les plus beaux FOULARDS pour cachenez la
COLONIE DES hwojëb, 114, rue de Rivoli-.
et pose de dents jans douleur. 45, rue Laf'ayetta.
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consultations etlit danslamain,33 fg Montmartro
L'incendie de Belgrave Square
Nouveaux détails
LTN SECOND SINISTRE. SEPT VICTIMES
(Correspondance particulière du Petit Journal)
Londres. dimanche soir.
Un incendie, comme tout autre malheur,
n'arrive jamais seul. Peu de jours après la
catastrophe de l'Opéra, le Colosse de Rhodes
était en,flammes, Trente heuresà peine après
la destruction du Panlechnicon, et tandis que
huit pompes fonctionnaient encore, le feu
éclatait avec une soudaineté non moins
grande, dans une des petites rues populeuses
de Golden-Square, près de Regent-stroet,
c'est ce matin à cinq heures que l'alarme a
été donnée. ,̃
Mais avant que la Fire brigade ait eu le
temps d'arriver, les flammes avaient envahi
tout Ie rez-de-chaussée occupé par un mar-
chand de friture, et l'unique escalier en bois,.
à demi pourri, de la maison; était devenu
impraticable'aux locataires des trois étages,
surpris dans leur sommeil et qui se mon-
traient aux fenêtres, à demi-nus, jetant des
cris affreux et implorant du secours.
On vit alors des scènes déchirantes. Un
homme, sa femme et leur fils, âgé de douze
Je ne veux pas voir ceux qui l'approchent,
je ne veux pi us entendre son nom, je neveux
pas me souvenir. J'ai demandé la faveur de
prononcer tout de suite un voeu. irrévocable.
Et sitôt ce vœu prononcé, Dieu me jette à là
face une lettre de la malheureuse. Je me ré-
signe avec des efforts surhumains; je pro-
mets de faire la Corse libre après avoir pro-
mis de ne me donner qu'à Lieu; et de ces
deux serments réunis, j'espère faire l'égide
détendra mon coeur. Oh vanité humaine
Oh! vertu de l'homme! Qu'es-tu donc? Un
mot qui s'efface devant une passion, un fan-
tôme qui fuit à l'anproche d'un désir.
J'ai soulevé le clergé, peuple comme moi,
contre nos supérieurs, créatures de Gênes,
ennemis de la Corse. Ils attendent un ordre,
une occasion; l'occasion es-t. venue, je ne
donnerai pas l'ordre Frédéric de Lewen
mourra. il faut qu'il meure
Et la main du jeune montagnard, en la-
bourant sa poitrine haletante, déchirait sa
robe d'abbé.
D'un lambeau de cette robe vint a tomber
un petit papier froissé, taché de sang. Domi-
nique le vit et se précipita, comme si l'on
pouvait le lui prendre.
C'était la lettre de Vanina.
Le sang qui tachait l'écriture était frais le
prêtre regarda ses mains; ses ongles s'étaient
rougis sur sa chair insensible.
Il porta à ses lèvres cette lettre qui ne de-
vait pas. quitter son coeur, etfaç.a avec soin
les traces de: «^iw lui la, -«>»Jvssaien,t- et la:
ans, paraissent, affolés, à l'une des fenêtre
du second, et, n'apercevant aucune autre
'chance de salut, se précipitent dans l'espace.
La femme est tuée sur le coup; le mari et
l'enfant sont si grièvement blessés, qu'on dé,
sespère de les sauver.
Un couple de jeunes .gens mariés, dont lg
noce avait eu lieu deux jours avant, a re«
cours, sans plus de succès, au même moyen
de sauvetage.
Une jeune fille se cramponne au rebord*
de la fenêtre et reste ainsi suspendue dix
minutes qni paraissent un siècle. « Tenez
bon lui crie la foule, saisie de terreur.
Enfin, les sauveteurs arrivent, une échelle
est apposée au mur. Mais lés forces de la
pauvre femme s'épuisent; elle-lâche la le-
nëtre au moment où une main vigoureuse
la saisit elle frappe, en tombant, l'épaule
de son sauveur, ce qui amortit sa chute, et
pour elle seule peut-être le résultat ne sera
pas mortel.
Enfin un jeune Italien, qui logeait dans
une mansarde, au sommet de la maison, a
été retrouvé cette après-midi, dans les dé-
combres, complètement carbonisé.
Et tout ce drame, qui a fait en tout sept
victimes, s'est passé en une demi-heure; il
était plus émouvant que l'incendie même de
Belgrave-square. Qu'est-ce que des millions
de livres perdues en comparaison d'une seule
vie humaine sacrifiée
J'ai visité de nouveau aujourd'hui les rui-
nes du Pantechnicon; hier elles étaient en-
core trop brûlantes pour qu'on pût lespar con-
rir sans trop de danger dans toute leur éten-
due, et, comme un jeune homme de dix-huit
ans venait d'être écrasé par la chute d'un pân
de mur, on crut devoir refuser l'accès même
1 aux journalistes, qui pourtant voient lever;
devant eux les consignes les plus sévères. Il
leur suffit da décliner leur qualtié pour pé-
nétrer là où oninterdirait l'entrée à un pair.
C'est au milieu de nuages de fumée, do
briques encore chaudes, et en traversant
partois de véritables mares où j'avais de l'eau
jusqu'au-dessus de la cheville, que j'ai pu
parcourir dans tous les sens ces monceaux
de décombres, qui présentent un aspect in-
descriptible.
La superficie de ces ruines est à peu près
cinq ou six fois au moins aussi considérable
que celle de l'Opéra incendié. En outre du
bâtiment principal et de quelques grands
établissements contigus, il y a dix-huit mai-
sons, soit en grande partie détruites, soit
gravement endommagées.
Les écuries du duc Decazes, notre ambas-
sadeur, ont moins souffert, bien que le toît
en soit complètement défoncé. Je dois
vous dire, à ce propos, que les écuries, 3
Londres, ne sont jamais attenantes aux hô*-
tels; elles en sont toujours séparées.
Aujourd'hui, dimanche, toute la popula-
tion de Londres s'était' donné rendez-vous
sur le lieu du sinistre, ou du moins dans les
environs, car le Pantechnicon était telle-
ment enserré entre les deux grands squares,
que les curieux ne pouvaient absolument
rien voir, à moins de pénétrer dans deux pe-
tites rues étroite, Motcomb-street et Ken-
nington-street, qui y donnent accès, et ces
deux rues, dont la seconde n'est qu'une
ruelle tortueuse, étaient gardées par la police.
A première vue, et la façade, même du
monument, dans lilotcomb-street, avec ses
grossières et disgracieuses colonnes de style
prétendu grec, comme son non:. n'ayant pas
été atteinte, les dizaines de milliers d.e. prp* •
raient cherche vainement les traces apparen-
tes d'un incendie, et n'avaient rien à con-
templer, si ce n'est les pompes à vapeur, très
éloignées du foyer, pour la plupart.
Dans les bureaux restés intacts du Pan-
thechnicon, j'ai pu voir une partie des objets
non atteints par le feu. La salle des pianos,
est à peu près intacte;' et bien des cho-
ses de prix ont pu être sauvées, mais les per-
tes ne sont guère inférieures au chiffre de
2 ou 3 millions de livres qu'on avait indiqué
d'abord. Un journal, le Daily Telrgraph, avait
même parle hierde6millions (150 millions de-
francs) ce qui était trop évidemment une exa-
gération insensée.
rouvrit doucement.
Puis, le regard fixé sur la douce et sup-
pliante «pitre de l'enfant -qu'il aimait, il s.e
calma peu à peu. On eût pu voir ses muscles
se détendre, et son front se rasséréner.
Oh oui, murmura-t-il d'une voix éteinte,
oui, mais je ne m'attendais pas à le voir.
Il replaçalalettre sur. son cœur. Une larme
coulait sur ses joues pâles, un sourire rési-
gné, poignant encore, errait sur ses lèvres.
Cette têtepenchée, douloureusement belle,
éclairée d'un rayon d'amour, et brisée par la
soufirance, ressemblait à celle du Christà la
veille de sa passion.
C'est que lui aussi agonisait sous cette
sueur de sang, que donne le dévouement
méconnu, non à l'Heure, mais à la veille du
martyre. C'est que lui aussi pensait à lui-
même pour la dernière fois, avant de faire
son abnégation complète, absolue. C'est que
lui aussi allait mourir pour ceux qu'il ai-
mait, saris leur dire son sacrifice. Non il al-
lait vivre lui! .et le sacrifice était plus
grand; car mourir,ç'eùt été oublier, et vivre
c'était se souvenir et soufirir encore.
Dominique, à cette heure, mpntait an Gol-
gotha.
Il regarda le Christ, se mit à genoux; .et
les mains jointes sur son cœur, où elles ser-
raient la lettré de Vanina
Je me repens et me soumets, dit-il. Mon
Diéu sauve celui qu'elle aime, et fait servir
ma souffrance à leur bonheur à ton 1 1 s'ieuy
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