Titre : Le Petit journal
Auteur : Parti social français. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Clermont-Ferrand)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Pau)
Date d'édition : 1874-02-16
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32895690j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 16 février 1874 16 février 1874
Description : 1874/02/16 (Numéro 4070). 1874/02/16 (Numéro 4070).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Description : Collection numérique : BIPFPIG64 Collection numérique : BIPFPIG64
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
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Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k592105x
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/07/2008
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qui n'a été découvert que vendredi soir, 4
dix heures.
Depuis quatre ans, M. Gozona, employé aux
eaux de la Ville, demeurait dans la maison
avec sa femme et sa fille. Le ménage était
dans l'aisance et paraissait des plus heureux.
Au mois de janvier, M. Cozona annonçait au
concierge qu'il partirait avec sa famille pour
Lyon où il avait un frère.
Comme M. Cozona ne reparut plus à son
bureau, on s'informa de lui à la fin du mois.
Le concierge eut des soupçons; il écrivit à
Lyon, où l'on n'avait pas vu la famille.
vendredi soir des voisins s'étant plaints de
la mauvaise odeur qui se répandait dans l'é-
tage de l'appartement de M. Cozona, le con-
cierge appela ni. Vassal, commissaire de po-
•Lice qui fit ouvrir la porte.
Un spectacle horrible s'oftrit aux regards.
Dans la première pièce, Cozona, assis sur
un fauteuil, un revolver à la main, était
mort. Un peu plus loin, entre le lit et la mu-
raille, sa femme et sa fille, tuées à coups de
pistolet, étaient à terre l'une sur l'autre.
Nul indice n'a pu apprendre comments'est
accomplie cette horrible tragédie.
Nul parent n'accompagnait le convoi.
Le frère de Cozona n'arrivera qu'aujour-
d'hui, dans la matinée. On attendait hier
soir les deux frères de la femme.
Les trois corbillards se sont dirigés direc-
tement au cimetière de Saint-Ouen.
Sur tout le parcours, une foule recueillie
et attristée coïnmentait cet horrible événe-
ment.
Ces jours derniers, un marchand de.bes-
tiaux arrivait à Paris pour faire faire son
portrait l'huile. Il s'adressa à un artiste du
quartier de la Madeleine, et demanda surtout
une ressemblance frappante et indiscutable.
Le peintre promit tout ce qu'on voulut.
Je m'en référerai, dit-il, à un juge aussi
naïf qu'impartial, à votre boule-dogue.
Nous lui montrerons vos traits et vous ver-
rez bien s'il vous reconnaît.
Le marché fut conclu séance tenante.
Le portrait achevé, on le transporte au sa-
lon et on le place au niveau du parquet.
L'artiste et le marchand sont à leur poste. On
ouvre la porte au chien, qui accourt aussitôt
sous la toile et la lèche avec attendrisse-
ment. Le portrait est alors déclaré parfaite-
ment ressemblant et payé sans observations.
Or, le peintre avait frotté le bas du tableau
avec. un morceau de lard.
Hier soir, à dix heures, sur la berge au.
dessous du pont des Saints-Pères, M. D.
bijoutier, vit en passant un individu regar-
,der longuement la Seine cet homme tira
résolument un couteau de sa poche il l'ou-
vrit brusquement et le leva pour s'en frapper.
M. D. se mit à crier, et descendit avec
un gardien de la paix. e
A leur aspect l'individu prit la fuite mais
il fut hientôt atteint.
Interrogé il refusa de dire son nom et son
adresse.
On le mena au poste, où il fut fouillé, on
trouva dans la poche de sa redingote, une
lettre ainsi conçue
Il y a huit ans j'essayais de me brûler la cervelle,
ayant mangé l'héritage que ma mère m'avait laissé.
J'appartiens à une honorable et riche famille du
département du Nord. Brouil:é avec ma famille, je
guis venu à Paris dans l'espoir d'y trouver un emploi.
Etant sans ressources et dans le plus affreux dé-
nùment, ne pouvant me résoudre à tendre la main,
j'ai résolu d'en finir avec la vie.
Cet individu a été consigné à la disposition
de M. le commissaire de police.
Mlle Albert y, CHIROMANCIENNE,de retour à Paris
est, comme par le passé, visible 1 9, rue Chaptal
̃' THÉÂTRES
' L'Opéra aux Italiens
Pour succéder aux Merve-illeuses, qui n'ont
guère vécu qu'un mois, le théâtre des Va-
riétés vient de donner on spectacle entière-
ment composé de pièces nouvelles.
La plus importante de ces pièces est la
Feuilleton du 16 février 1874
LE ROI DE CORSE
j28j i" Partie.-La Reine des Vagdes
CHAPITRE XVU
Suite
r Pas ïa moindre trace. Ils ont tous péri
4vec leurs bâtiments. Quant à l'équipage pri-
sonnier, on le mettra en sûreté jusqu'à nou-
vel ordre. On aurait bien voulu garder aussi
le commandant comme otage, mais ton désir
est un ordre pour le gouverneur de Terra-
Vecchia. Tu verras l'exécution.
Qu'on soit prêt au départ immédiate-
ment après.
As- tu donc quelque nouveau projet?
Peut-être. Et d'ailleurs, je te l'ai dit, je
ne veux pas exposer nos galères contre des
forces supérieures. Dieu nous les a toutes
conservées en cette nuit terrible, il ne faut
pas le tenter par une imprudence.
Ne crois-tu pas plutôt à la protection du
fiable dans tout ceci? demanda Marco en
riant. Sans ton sorcier, je doute que nous
ayons pu nous diriger dans les ténèbres.
Que la protection soit venue d'en haut
ou d'ailleurs, il ne faut pas y compter une
deuxième fois, Marco.
Petite marquise, comédie en trois actes, de
MM. Ludàvie Halévy et Henri Meilhac.
Cet ouvrage; fin:, spirituel, dont le dialogue
est pétillant de verve et d'originalité, dont
les détails sont merveilleusement ciselés,
ri'est cependant pas, par le fond, un de ceux
que nous voudrions avoir à recommander.
La donnée, qui rappelle celle de l'Acrobate,
pièce jouée récemment au Théâtre-Français,
pèche essentiellement sous le rapport de la
logique et de la morale, et toutes les subti-
lités du- langage le plus adroit ne 'sauraient
la faire accepter comme saine et utile.
C'est l'aventure d'une jeune femme mariée
qui a un amant qu'elle aime passionnément.
Lorsque par un caprice de son mari, la pe!ite
marquise se retrouve libre, et offre au proféré
de son coeur de lui conserver sa vie, M. de
Boiswommeux, eftrapé de l'avenir enivrant
qui couvre devant lui, se sent tout à coup
refroidi et décline l'offre qui lui est faite.
La marquise, rappelée à elle-même, re-
vient-près de son mari; mais, par suite d'un
nouveau revirement, M. de Boisgommeux,
qui a encore changé d'avis, fait sa rentrée
dans le ménage de la marquise, et désormais
nos trois, personnages vivi ont ensemble.
Les. personnages masculins de cette pièce
fantaisiste sont peu intéressants quant à la
petite marquise, son rôle est plus sympa-
thique elle est d'ailleurs représentée par
Mme Céline Chaumont, qui s'y est montrée
comédienne remarquable et supérieure à
elle-même.
Garanti- dix ans est une bluette de MM. La-
biche et Philippe Gille, des mieux tournées
et des plus réjouissantes. On a ri tout le
temps et l'on s'y est amusé tout aussi bien
qu'à la grande pièce.
Le spectacle actuel se termine par l'Opéra.
aux Italiens, de M. Busnach. Gest une actua-
lité parisienne qui a 'plu, et dans la réussite
de-laquelle le jeu original de quelques-uns
des artistes est entré pour une bonne part.
CHARLES DARCOUES.
Un des plus jeunes et des plus sympathi-
ques compositeurs, M. Emile Pessard, don-
nait, vendredi soir, à la salle Erâ*rd, un con-
cert privé dans lequel il a tait exécuter un
certain nombre de ses ceuvres.
M. Pessard' a touché à'tous les genres de
musique;, morceaux, religieux, mélodies,
danses, opérettes boufles.
Il nous semble que les œuvres où le senti-
ment se montre avec une pointe de fantaisie
est la note dominante de ce jeune talent.
Bonjour, Suzon! et Sur la verdure, mélo-
dies extraites d'un charmant recueil publié
par l'éditeur Alphonse Leduc; sous ce titre
joyeusetés de bonne compagnie, ont été vive-
ment applaudis et même bissés.
Dans une gamme plus attendrie et La Vierge
à la Crèche, qui a été chantée avec un goût
et une largeur de style qui touchent a la
perfection, par une jeune fille du monde,
Mlle de Miramont, la fille du médecin' ins-
pecteur des bains de mer d'Etretat.
Les.autres exécutants étaient des jeunes
gens, élèves du maestro, à qui M. Bonnehée,
le célèbre baryton, avait donné son concours
à la grande joie des auditeurs,
Nous ne pouvons citer tous les morceaux
exécutés disons seulement que le public d'é-
lite réuni à la salle Erard a fait un succès de
bon aloi au compositeur, frère de notre émi-
neht confrère M. Hector Pessard.
L'INCENDIE DU BOULEVARD .DE Li YILLEITE
Vers une heure du matin, la nuit dernière,
la population du boulevard de La Ville t te a
été mise en émoi par une immense lueur, et
des flammes qui atteignaient des hauteurs
prodigieuses.
Le feu venait d'éclater dans la scierie mé-
canique, 182, boulevard de La Villette, et a
pris aussitôt une intensité considérable.
Au-dessus de la scierie étaient installés
nevtf ateliers séparés, loués à des industriels
polisseurs, tourneurs en bois, tailleurs de
pointes, lesquelles louent la forcemotrice de
l'établissement. C'est chez un polisseur que
le feu a pris, et de la s'est communiqué à la
scierie. 1
Le sorcier est-il mort?
Non; mais il est patriote. ̃
Ah! bah!
Il nous a servi parce qu'il croyait servir
la Corse. Mais, grâce à cette même lumière
qui nous a assuré la victoire, il a reconnu le
pavillon du vaisseau attaqué par nous.
Et alors?
Il m'a demandé sa liberté.
Que tu lui as refusée, je suppose..
Sans doute. Mais il n'agira plus.
Nous l'y forcerons.'
Barbera secoua la tête avec doute.
J'aime mieux, dit-elle, lui prendre son
secret.
Le pourrais-tu?
Vittolo lui sert d'aide; il né le quittera
plus.
Si Vittolo ne peut le faire parler, la tor-
ture en viendra à bout.
Margarita, qui écoutait attentivement cette
conversation, joignit les mains avec angoisse;
son visage exprimait une véritable terreur.
Qu'as-tu donc? demanda la reine des va-
gues étonnée.
Torturer cet homme exclama la Capra-
jotte, en regardant tour à tour Marco et Bar-
bera avec épouvante. Vous croyez donc, vous,
que c'est un homme, cela?
Et que veux-tu que ce soit autre chose ?
demanda le lieutenant dans un éclat de rire.
C'est un sorcier, et un sorcier vient
d'enfer; il ne faut pas en rire, Marco.
Les pompiers et un détachement de cent
vingt hommes du 131" de ligne sont arrivés
sur les lieux et se sont mis en devoir de
circonscrire le feu, qui menaçait déjà les
bâtiments environnants.
Cinq pompes et une pompe à vapeur ont
fonctionné toute la nuit.
MM. de Chauvigny et L'Allemant officiers
de paix, tous les gardiens de la paix des 1O,
18e, 19° et 20° arrondissements concouruont
au sauvetage.
Vers six heures du matin, les bâtiments
n'étaient plus qu'un monceau de cendres.
Les ménages d'ouvriers en fort grand
nombre ont déménagé pendant toute la
nuit leur mobilier et les objets de valeur
tant on craignait que tout le pâté de maisons
environnantes ne fût consumé.
Un service de sûreté a été établi et sta-
tionne autour du lieu du sinistre.
Les maisons voisines sont visitées minu-
tieusement, car pendant toute la durée de
l'incendie des milliers d'étincelles de sciure
pleuvaient sur le quartier.
Un-gardien de la paix, Andrieuja été gra-
vement brûlé à la main gauche, en pené-
trant dans le bâtiment de la scierie avant
l'arrivée des pompiers, afin de s'assurer qu'il
n'y avait personne à l'intérieur.
Les dégâts sont considérables. On ne les
estime pas à moins de 150,000 fr.
Une centaine d'ouvriers sont sans ouvrage
par les faits de ce sinistre.
M. Ansart, chef de la police municipale
M. le commandant des pompiers Geslin, les
commissaires de police et officiers de paix
des quatre arrondissements, ont rivalisé de
zèle et d'activité dans ce déplorable événe-
ment, et n'ont quitté le théâtre de l'incendie
que lorsque tout danger avait disparu.
Les intéressants dessins d'actualité envoyés
d'Alsace par M. Kaufïmann, de nombreux
croquis sur les événements du jour, un conte
inédit de Francisque Sarcey, illustré par L.
Houssot, les gravures de la Cellule tv 7 En
tout, vingt-deux dessinsinédits accompagnés
d'un texte amusant et varié, tel est le contenu
du numéro du Jouu-nal illustré qui paraît sa-
medi. Prix 15 centimes.
DEPARTEMENTS
Tandis que le carnaval de la rue est mort à
Paris, il parait être. dans tout son éclat à
Nice. Le journal Soleil-Gazette rend compte,
dans son dernier numéro, des préparatifs
qui sont faits.
On en jugera par le détail des subventions
votées par l'administration municipale et le-
comité d'organisation des fêtes.
» Les quatre prix donnés pour les chars
(1,500, 500, 300, 200)-par le comité d'organisa-
tion ont provoqué une émulation dont les
spectateurs bénéficieront. On parle de deux
chars qui coûteraient le double de la plus
plus forte somme allouée ci-dessus.
» Plus de six cavalcades de huit cavaliers
ou amazones sont déjà équipées, costumées,
en vue du prix de 1,500 francs.
» Quant aux mascarades à pied auxquelles
il est alloué six prix de 500 à 100 francs, elles
sont très nombreuses. Les masques qui doi-
vent les former songent bien plus à s'amuser
qu'à gagner un prix
» Il n'en est pas de même pour les mas-
ques isolés et originaux qui ont droit à une
prime de 50 francs. »
Un jardinier, à Lons-le-Saulnier (Jura), était
occupé, hier, chez.un propriétaire, à souti-
rer du vin, lorsqu'il lui prit la fantaisie de
regarder dans un immense foudre la quan-
tité de liquide qui v était renfermée.
Arrivé au haut de l'échelle, soit qu'il ait
été pris d'un étourdissement, soit qu'il ait
trébuché, il tomba la tête la première dans
le vin, haut de plus de quatre mètres.,
On s'aperçut vite de la disparition de,, fôSt
homme. Après bien des recherches, m. le
trouva surnageant dans la cuve. 11 avait été
asphyxié par les effluves alcooliques du vin.
s'il refuse de nous servir.
Si Satan le protège, c'est nous qui péri-
rons à sa place.
-Tu es une enfant, Margarita. Est-ce qu'on
ne brûle pas tous les jour sen Italie, en France,
en Espagne, partout, des sorciers qui n'en
reviennent pas?
Q'en sais-tu, Marco? est-ce que Satan
ne peut pas faire naître un sorcier de la cen-
dre d'un autre?
Marco se remit à rire; la Caprajotte se signa.
On entendit un bruit de voix dans la cabine
voisine.
Ecoutez, vous autres, dit Barbera. Voilà
maître Lucioli qui se fâche, et. Vittolo qui
lui montre les dents. Viens voir ce qu'il y a,
Marco.
La reioe des vagues souleva une portière,
poussa une petite porte, et se trouva avec son
lieutenant dans une cabine qui ne ressem-
blait guère à la sienne, quoiqu'elle en fût
voisine.
Il n'y avait là, ni tentures, ni fleurs, ni par-
fums et pourtant les planches étaient gar-
nies du haut en bas, encombrées même d'ms-
truments de toutes sortes, de fioles, de cor-
nues, de morceaux de cuivre, de verre, de zinc,
d'étofie, pêle-mêle; on n'y pouvait rien recon-
naître, et l'on ne savait où poser les pieds.
Si ce sont là des ornements d'enfer, dit
Marco, il faut avouer que le luxe de Satan
1 n'a rien d'agréable à voir.
Une voix rude, creuse, ironique, répondit)
L'AFFAIRE
pEU'BASTlDE-BESPfAÏ
SOUVENIR JUDICIAIRE
IX
Si Grimace se montra étonné à l'aspect' dg
la recrue tout à fait inespérée que lui ame<
nait La.tour, la surprise de Madeleine ne fut
pas médiocre lorsqu'elle vit l'ardoisier s'en.'
fermer dans la chambre du rez-de-chaussé6
en société de l'hercule et d'un inconnu.
Madeleine était la femme de Grimace,
Quelle ironie de la destinée avait poussés
l'un vers l'autre ces deux êtres si disparates 1
C'est là un de ces problèmes dont la solution
se dérobe dans les plus mystérieux replis du
cœur humain.
L'ancien complice de Latour, en se retirant
momentanément du crime, avait réussi à sE
soustraire au juste châtiment qui l'attendait,
Après avoir longtemps épouvanté le pays par
ses déprédations, la bande de scélérats à la-
quelle il avait appartenu s'était dispersée,
Pendant que les uns se laissaient prendre,
que d'autres comme Latour, dont la pre-
mière condamnation remontait à 1836,
étaient arrêtés sur la foi de leur passé judi-
dire, Grimace jouissait en paix du fruit dE
il avait acheté quelque bien, embrassé une
vie de travail dont la régularité apparente
écartait de lui les soupçons, et c'était grâce à
son aisance que Madeleine, qui n'avait rien,
l'avait accepté pour époux.
Il avait trouvé piquante cette antithèse
lui, le malingreux repoussant, de s'unir a
une enfant des montagnes, saine, jolie et bien
en chair, de s'enivrer du parfum de cette
fleur épanouie sur les cimes pyrénennes.
L'ivresse avait duré peu». L'ardoisier, har-
gneux et brutal, était, après quelques mois
de ménage, devenu d'autant plus odieux à
celle dont il avait fait sa compagnie, que son
autorité pesait sur elle de tout le poids d'une
implacable jalousie. Cette jalousie allait être
impunément bravée.
Madeleine rencontrait Audouy de loin en
loin, dans les fêtes. Soit qu'elle le contem-
plât, perdue parmi la foule amassée en cer-
cle autour de l'hercule, lorsqu'il se livrait,
sur les places publiques, aux exercices de sa
profession; soit qu'il lui àpparût dans les
resplendissements de son maillot couleur de
chair et de ses oripaux aux dorures fanées,
paradantsur les tréteaux d'une baraque fo-
raine, la femme de Grimace avait ressenti
d'abord pour l'acrobate cette admiration que
les forts inspirent aux faibles.
Puis, ils s'étaient parlé. Sans qu'il lui fui
besoin d'analyser ses sensations, elle n'avait
pas tardé, à comprendre à quel point était ir-
résistible le penchant qui la jetait sans cesse
sur les pas du belluaire. La pente était glis-
sante loin de fuir le vertige, Madeleine avait
cédé à tous les entraînements de sa nature
indomptée.
Depuis plusieurs mois qu'il était son
amant, Audouy, au milieu de l'existence er-
rante que lui imposait son métier, se trouvait
toujours ramené, comme fatalement, dans
la proximité de la localité qu'habitait la belle
paysanne. Montesquieu était devenu le cen-
tre de ses excursions acrobatiques, le quar-
tier général d'où le saltimbanque rayon-
nait vers les environs.
Il n'y résidait pas ostensiblement, néan-
moins. L'itinéraire nouveau qu'il s'était ainsi
tracé le contraignait à d'innombrables pré-
textes et à d'incessants ménagements envers
une autre femme qu'une liaison antérieure
privilégiait de certains droits; c'était à Foix
qu'Audouy avait abandonné cette ancienne
affection.
L'hiver, dans les campagnes, est rarement
propice aux industries ambulantes. Dans
la maison où le forçat l'avait vu pénétrer, le
dompteur passait les longues heures de far
niente auxquelles le condamnaient les ri-
gueurs de la saison où, l'on venait d'entrer,
Madeleine se complaisait à ces assiduités qui
lui assuraient sur le cœur de l'hercule un
empire sans partage.
Elle aimait sa figure placide et son air bon
comme la tienne: prends garde que je ne
t'envoie en grossir le nombre.
On entendit un cri étoufié près de laporte;
puis un bruit sourd, comme la chute d'un
corps.
Margarita nous écoutait dit Barbera
contrariée, mais sans colère. Va la secourir,
Marco c'est une entant, tâche de la rassurer.
Le lieutenant obéit. 11 ne riait plus. Cha-
que syllabe de cette voix métallique reten-
tissait à ses oreilles, comme un écho funèbre.
Et le regard perçant du petit vieillard qui
avait parle, s'était attaché sur lui d'une façon
si singulière qu'il avait cru voir Satan lui-
même, et se fut, S'il eût osé, signé comme
Margarita.
Tu ne parais pas être d'humeur char-
mante maître Lucioli, dit Barbera après la
sortie de Marco. Te manque-t-il quelque
chose ici?
Tout, répondit laconiquement le vieil-
-Vittolo a-t-il manqué d'égards envers toi?
Le montagnard haussa les épaules
Il veut, dit-il, que je lui donné une bar-
que et des rames.
Et pourquoi taire une barque et des ra-<
mes, maître Lucioli?
Pour m'éloigner de toi.
-Tu me hais donc?
-Comme les ténèbres que je veux vain*
cre; répondit le vieillard de sa voix sârdo-
qui n'a été découvert que vendredi soir, 4
dix heures.
Depuis quatre ans, M. Gozona, employé aux
eaux de la Ville, demeurait dans la maison
avec sa femme et sa fille. Le ménage était
dans l'aisance et paraissait des plus heureux.
Au mois de janvier, M. Cozona annonçait au
concierge qu'il partirait avec sa famille pour
Lyon où il avait un frère.
Comme M. Cozona ne reparut plus à son
bureau, on s'informa de lui à la fin du mois.
Le concierge eut des soupçons; il écrivit à
Lyon, où l'on n'avait pas vu la famille.
vendredi soir des voisins s'étant plaints de
la mauvaise odeur qui se répandait dans l'é-
tage de l'appartement de M. Cozona, le con-
cierge appela ni. Vassal, commissaire de po-
•Lice qui fit ouvrir la porte.
Un spectacle horrible s'oftrit aux regards.
Dans la première pièce, Cozona, assis sur
un fauteuil, un revolver à la main, était
mort. Un peu plus loin, entre le lit et la mu-
raille, sa femme et sa fille, tuées à coups de
pistolet, étaient à terre l'une sur l'autre.
Nul indice n'a pu apprendre comments'est
accomplie cette horrible tragédie.
Nul parent n'accompagnait le convoi.
Le frère de Cozona n'arrivera qu'aujour-
d'hui, dans la matinée. On attendait hier
soir les deux frères de la femme.
Les trois corbillards se sont dirigés direc-
tement au cimetière de Saint-Ouen.
Sur tout le parcours, une foule recueillie
et attristée coïnmentait cet horrible événe-
ment.
Ces jours derniers, un marchand de.bes-
tiaux arrivait à Paris pour faire faire son
portrait l'huile. Il s'adressa à un artiste du
quartier de la Madeleine, et demanda surtout
une ressemblance frappante et indiscutable.
Le peintre promit tout ce qu'on voulut.
Je m'en référerai, dit-il, à un juge aussi
naïf qu'impartial, à votre boule-dogue.
Nous lui montrerons vos traits et vous ver-
rez bien s'il vous reconnaît.
Le marché fut conclu séance tenante.
Le portrait achevé, on le transporte au sa-
lon et on le place au niveau du parquet.
L'artiste et le marchand sont à leur poste. On
ouvre la porte au chien, qui accourt aussitôt
sous la toile et la lèche avec attendrisse-
ment. Le portrait est alors déclaré parfaite-
ment ressemblant et payé sans observations.
Or, le peintre avait frotté le bas du tableau
avec. un morceau de lard.
Hier soir, à dix heures, sur la berge au.
dessous du pont des Saints-Pères, M. D.
bijoutier, vit en passant un individu regar-
,der longuement la Seine cet homme tira
résolument un couteau de sa poche il l'ou-
vrit brusquement et le leva pour s'en frapper.
M. D. se mit à crier, et descendit avec
un gardien de la paix. e
A leur aspect l'individu prit la fuite mais
il fut hientôt atteint.
Interrogé il refusa de dire son nom et son
adresse.
On le mena au poste, où il fut fouillé, on
trouva dans la poche de sa redingote, une
lettre ainsi conçue
Il y a huit ans j'essayais de me brûler la cervelle,
ayant mangé l'héritage que ma mère m'avait laissé.
J'appartiens à une honorable et riche famille du
département du Nord. Brouil:é avec ma famille, je
guis venu à Paris dans l'espoir d'y trouver un emploi.
Etant sans ressources et dans le plus affreux dé-
nùment, ne pouvant me résoudre à tendre la main,
j'ai résolu d'en finir avec la vie.
Cet individu a été consigné à la disposition
de M. le commissaire de police.
Mlle Albert y, CHIROMANCIENNE,de retour à Paris
est, comme par le passé, visible 1 9, rue Chaptal
̃' THÉÂTRES
'
Pour succéder aux Merve-illeuses, qui n'ont
guère vécu qu'un mois, le théâtre des Va-
riétés vient de donner on spectacle entière-
ment composé de pièces nouvelles.
La plus importante de ces pièces est la
Feuilleton du 16 février 1874
LE ROI DE CORSE
j28j i" Partie.-La Reine des Vagdes
CHAPITRE XVU
Suite
r Pas ïa moindre trace. Ils ont tous péri
4vec leurs bâtiments. Quant à l'équipage pri-
sonnier, on le mettra en sûreté jusqu'à nou-
vel ordre. On aurait bien voulu garder aussi
le commandant comme otage, mais ton désir
est un ordre pour le gouverneur de Terra-
Vecchia. Tu verras l'exécution.
Qu'on soit prêt au départ immédiate-
ment après.
As- tu donc quelque nouveau projet?
Peut-être. Et d'ailleurs, je te l'ai dit, je
ne veux pas exposer nos galères contre des
forces supérieures. Dieu nous les a toutes
conservées en cette nuit terrible, il ne faut
pas le tenter par une imprudence.
Ne crois-tu pas plutôt à la protection du
fiable dans tout ceci? demanda Marco en
riant. Sans ton sorcier, je doute que nous
ayons pu nous diriger dans les ténèbres.
Que la protection soit venue d'en haut
ou d'ailleurs, il ne faut pas y compter une
deuxième fois, Marco.
Petite marquise, comédie en trois actes, de
MM. Ludàvie Halévy et Henri Meilhac.
Cet ouvrage; fin:, spirituel, dont le dialogue
est pétillant de verve et d'originalité, dont
les détails sont merveilleusement ciselés,
ri'est cependant pas, par le fond, un de ceux
que nous voudrions avoir à recommander.
La donnée, qui rappelle celle de l'Acrobate,
pièce jouée récemment au Théâtre-Français,
pèche essentiellement sous le rapport de la
logique et de la morale, et toutes les subti-
lités du- langage le plus adroit ne 'sauraient
la faire accepter comme saine et utile.
C'est l'aventure d'une jeune femme mariée
qui a un amant qu'elle aime passionnément.
Lorsque par un caprice de son mari, la pe!ite
marquise se retrouve libre, et offre au proféré
de son coeur de lui conserver sa vie, M. de
Boiswommeux, eftrapé de l'avenir enivrant
qui couvre devant lui, se sent tout à coup
refroidi et décline l'offre qui lui est faite.
La marquise, rappelée à elle-même, re-
vient-près de son mari; mais, par suite d'un
nouveau revirement, M. de Boisgommeux,
qui a encore changé d'avis, fait sa rentrée
dans le ménage de la marquise, et désormais
nos trois, personnages vivi ont ensemble.
Les. personnages masculins de cette pièce
fantaisiste sont peu intéressants quant à la
petite marquise, son rôle est plus sympa-
thique elle est d'ailleurs représentée par
Mme Céline Chaumont, qui s'y est montrée
comédienne remarquable et supérieure à
elle-même.
Garanti- dix ans est une bluette de MM. La-
biche et Philippe Gille, des mieux tournées
et des plus réjouissantes. On a ri tout le
temps et l'on s'y est amusé tout aussi bien
qu'à la grande pièce.
Le spectacle actuel se termine par l'Opéra.
aux Italiens, de M. Busnach. Gest une actua-
lité parisienne qui a 'plu, et dans la réussite
de-laquelle le jeu original de quelques-uns
des artistes est entré pour une bonne part.
CHARLES DARCOUES.
Un des plus jeunes et des plus sympathi-
ques compositeurs, M. Emile Pessard, don-
nait, vendredi soir, à la salle Erâ*rd, un con-
cert privé dans lequel il a tait exécuter un
certain nombre de ses ceuvres.
M. Pessard' a touché à'tous les genres de
musique;, morceaux, religieux, mélodies,
danses, opérettes boufles.
Il nous semble que les œuvres où le senti-
ment se montre avec une pointe de fantaisie
est la note dominante de ce jeune talent.
Bonjour, Suzon! et Sur la verdure, mélo-
dies extraites d'un charmant recueil publié
par l'éditeur Alphonse Leduc; sous ce titre
joyeusetés de bonne compagnie, ont été vive-
ment applaudis et même bissés.
Dans une gamme plus attendrie et La Vierge
à la Crèche, qui a été chantée avec un goût
et une largeur de style qui touchent a la
perfection, par une jeune fille du monde,
Mlle de Miramont, la fille du médecin' ins-
pecteur des bains de mer d'Etretat.
Les.autres exécutants étaient des jeunes
gens, élèves du maestro, à qui M. Bonnehée,
le célèbre baryton, avait donné son concours
à la grande joie des auditeurs,
Nous ne pouvons citer tous les morceaux
exécutés disons seulement que le public d'é-
lite réuni à la salle Erard a fait un succès de
bon aloi au compositeur, frère de notre émi-
neht confrère M. Hector Pessard.
L'INCENDIE DU BOULEVARD .DE Li YILLEITE
Vers une heure du matin, la nuit dernière,
la population du boulevard de La Ville t te a
été mise en émoi par une immense lueur, et
des flammes qui atteignaient des hauteurs
prodigieuses.
Le feu venait d'éclater dans la scierie mé-
canique, 182, boulevard de La Villette, et a
pris aussitôt une intensité considérable.
Au-dessus de la scierie étaient installés
nevtf ateliers séparés, loués à des industriels
polisseurs, tourneurs en bois, tailleurs de
pointes, lesquelles louent la forcemotrice de
l'établissement. C'est chez un polisseur que
le feu a pris, et de la s'est communiqué à la
scierie. 1
Le sorcier est-il mort?
Non; mais il est patriote. ̃
Ah! bah!
Il nous a servi parce qu'il croyait servir
la Corse. Mais, grâce à cette même lumière
qui nous a assuré la victoire, il a reconnu le
pavillon du vaisseau attaqué par nous.
Et alors?
Il m'a demandé sa liberté.
Que tu lui as refusée, je suppose..
Sans doute. Mais il n'agira plus.
Nous l'y forcerons.'
Barbera secoua la tête avec doute.
J'aime mieux, dit-elle, lui prendre son
secret.
Le pourrais-tu?
Vittolo lui sert d'aide; il né le quittera
plus.
Si Vittolo ne peut le faire parler, la tor-
ture en viendra à bout.
Margarita, qui écoutait attentivement cette
conversation, joignit les mains avec angoisse;
son visage exprimait une véritable terreur.
Qu'as-tu donc? demanda la reine des va-
gues étonnée.
Torturer cet homme exclama la Capra-
jotte, en regardant tour à tour Marco et Bar-
bera avec épouvante. Vous croyez donc, vous,
que c'est un homme, cela?
Et que veux-tu que ce soit autre chose ?
demanda le lieutenant dans un éclat de rire.
C'est un sorcier, et un sorcier vient
d'enfer; il ne faut pas en rire, Marco.
Les pompiers et un détachement de cent
vingt hommes du 131" de ligne sont arrivés
sur les lieux et se sont mis en devoir de
circonscrire le feu, qui menaçait déjà les
bâtiments environnants.
Cinq pompes et une pompe à vapeur ont
fonctionné toute la nuit.
MM. de Chauvigny et L'Allemant officiers
de paix, tous les gardiens de la paix des 1O,
18e, 19° et 20° arrondissements concouruont
au sauvetage.
Vers six heures du matin, les bâtiments
n'étaient plus qu'un monceau de cendres.
Les ménages d'ouvriers en fort grand
nombre ont déménagé pendant toute la
nuit leur mobilier et les objets de valeur
tant on craignait que tout le pâté de maisons
environnantes ne fût consumé.
Un service de sûreté a été établi et sta-
tionne autour du lieu du sinistre.
Les maisons voisines sont visitées minu-
tieusement, car pendant toute la durée de
l'incendie des milliers d'étincelles de sciure
pleuvaient sur le quartier.
Un-gardien de la paix, Andrieuja été gra-
vement brûlé à la main gauche, en pené-
trant dans le bâtiment de la scierie avant
l'arrivée des pompiers, afin de s'assurer qu'il
n'y avait personne à l'intérieur.
Les dégâts sont considérables. On ne les
estime pas à moins de 150,000 fr.
Une centaine d'ouvriers sont sans ouvrage
par les faits de ce sinistre.
M. Ansart, chef de la police municipale
M. le commandant des pompiers Geslin, les
commissaires de police et officiers de paix
des quatre arrondissements, ont rivalisé de
zèle et d'activité dans ce déplorable événe-
ment, et n'ont quitté le théâtre de l'incendie
que lorsque tout danger avait disparu.
Les intéressants dessins d'actualité envoyés
d'Alsace par M. Kaufïmann, de nombreux
croquis sur les événements du jour, un conte
inédit de Francisque Sarcey, illustré par L.
Houssot, les gravures de la Cellule tv 7 En
tout, vingt-deux dessinsinédits accompagnés
d'un texte amusant et varié, tel est le contenu
du numéro du Jouu-nal illustré qui paraît sa-
medi. Prix 15 centimes.
DEPARTEMENTS
Tandis que le carnaval de la rue est mort à
Paris, il parait être. dans tout son éclat à
Nice. Le journal Soleil-Gazette rend compte,
dans son dernier numéro, des préparatifs
qui sont faits.
On en jugera par le détail des subventions
votées par l'administration municipale et le-
comité d'organisation des fêtes.
» Les quatre prix donnés pour les chars
(1,500, 500, 300, 200)-par le comité d'organisa-
tion ont provoqué une émulation dont les
spectateurs bénéficieront. On parle de deux
chars qui coûteraient le double de la plus
plus forte somme allouée ci-dessus.
» Plus de six cavalcades de huit cavaliers
ou amazones sont déjà équipées, costumées,
en vue du prix de 1,500 francs.
» Quant aux mascarades à pied auxquelles
il est alloué six prix de 500 à 100 francs, elles
sont très nombreuses. Les masques qui doi-
vent les former songent bien plus à s'amuser
qu'à gagner un prix
» Il n'en est pas de même pour les mas-
ques isolés et originaux qui ont droit à une
prime de 50 francs. »
Un jardinier, à Lons-le-Saulnier (Jura), était
occupé, hier, chez.un propriétaire, à souti-
rer du vin, lorsqu'il lui prit la fantaisie de
regarder dans un immense foudre la quan-
tité de liquide qui v était renfermée.
Arrivé au haut de l'échelle, soit qu'il ait
été pris d'un étourdissement, soit qu'il ait
trébuché, il tomba la tête la première dans
le vin, haut de plus de quatre mètres.,
On s'aperçut vite de la disparition de,, fôSt
homme. Après bien des recherches, m. le
trouva surnageant dans la cuve. 11 avait été
asphyxié par les effluves alcooliques du vin.
s'il refuse de nous servir.
Si Satan le protège, c'est nous qui péri-
rons à sa place.
-Tu es une enfant, Margarita. Est-ce qu'on
ne brûle pas tous les jour sen Italie, en France,
en Espagne, partout, des sorciers qui n'en
reviennent pas?
Q'en sais-tu, Marco? est-ce que Satan
ne peut pas faire naître un sorcier de la cen-
dre d'un autre?
Marco se remit à rire; la Caprajotte se signa.
On entendit un bruit de voix dans la cabine
voisine.
Ecoutez, vous autres, dit Barbera. Voilà
maître Lucioli qui se fâche, et. Vittolo qui
lui montre les dents. Viens voir ce qu'il y a,
Marco.
La reioe des vagues souleva une portière,
poussa une petite porte, et se trouva avec son
lieutenant dans une cabine qui ne ressem-
blait guère à la sienne, quoiqu'elle en fût
voisine.
Il n'y avait là, ni tentures, ni fleurs, ni par-
fums et pourtant les planches étaient gar-
nies du haut en bas, encombrées même d'ms-
truments de toutes sortes, de fioles, de cor-
nues, de morceaux de cuivre, de verre, de zinc,
d'étofie, pêle-mêle; on n'y pouvait rien recon-
naître, et l'on ne savait où poser les pieds.
Si ce sont là des ornements d'enfer, dit
Marco, il faut avouer que le luxe de Satan
1 n'a rien d'agréable à voir.
Une voix rude, creuse, ironique, répondit)
L'AFFAIRE
pEU'BASTlDE-BESPfAÏ
SOUVENIR JUDICIAIRE
IX
Si Grimace se montra étonné à l'aspect' dg
la recrue tout à fait inespérée que lui ame<
nait La.tour, la surprise de Madeleine ne fut
pas médiocre lorsqu'elle vit l'ardoisier s'en.'
fermer dans la chambre du rez-de-chaussé6
en société de l'hercule et d'un inconnu.
Madeleine était la femme de Grimace,
Quelle ironie de la destinée avait poussés
l'un vers l'autre ces deux êtres si disparates 1
C'est là un de ces problèmes dont la solution
se dérobe dans les plus mystérieux replis du
cœur humain.
L'ancien complice de Latour, en se retirant
momentanément du crime, avait réussi à sE
soustraire au juste châtiment qui l'attendait,
Après avoir longtemps épouvanté le pays par
ses déprédations, la bande de scélérats à la-
quelle il avait appartenu s'était dispersée,
Pendant que les uns se laissaient prendre,
que d'autres comme Latour, dont la pre-
mière condamnation remontait à 1836,
étaient arrêtés sur la foi de leur passé judi-
dire, Grimace jouissait en paix du fruit dE
il avait acheté quelque bien, embrassé une
vie de travail dont la régularité apparente
écartait de lui les soupçons, et c'était grâce à
son aisance que Madeleine, qui n'avait rien,
l'avait accepté pour époux.
Il avait trouvé piquante cette antithèse
lui, le malingreux repoussant, de s'unir a
une enfant des montagnes, saine, jolie et bien
en chair, de s'enivrer du parfum de cette
fleur épanouie sur les cimes pyrénennes.
L'ivresse avait duré peu». L'ardoisier, har-
gneux et brutal, était, après quelques mois
de ménage, devenu d'autant plus odieux à
celle dont il avait fait sa compagnie, que son
autorité pesait sur elle de tout le poids d'une
implacable jalousie. Cette jalousie allait être
impunément bravée.
Madeleine rencontrait Audouy de loin en
loin, dans les fêtes. Soit qu'elle le contem-
plât, perdue parmi la foule amassée en cer-
cle autour de l'hercule, lorsqu'il se livrait,
sur les places publiques, aux exercices de sa
profession; soit qu'il lui àpparût dans les
resplendissements de son maillot couleur de
chair et de ses oripaux aux dorures fanées,
paradantsur les tréteaux d'une baraque fo-
raine, la femme de Grimace avait ressenti
d'abord pour l'acrobate cette admiration que
les forts inspirent aux faibles.
Puis, ils s'étaient parlé. Sans qu'il lui fui
besoin d'analyser ses sensations, elle n'avait
pas tardé, à comprendre à quel point était ir-
résistible le penchant qui la jetait sans cesse
sur les pas du belluaire. La pente était glis-
sante loin de fuir le vertige, Madeleine avait
cédé à tous les entraînements de sa nature
indomptée.
Depuis plusieurs mois qu'il était son
amant, Audouy, au milieu de l'existence er-
rante que lui imposait son métier, se trouvait
toujours ramené, comme fatalement, dans
la proximité de la localité qu'habitait la belle
paysanne. Montesquieu était devenu le cen-
tre de ses excursions acrobatiques, le quar-
tier général d'où le saltimbanque rayon-
nait vers les environs.
Il n'y résidait pas ostensiblement, néan-
moins. L'itinéraire nouveau qu'il s'était ainsi
tracé le contraignait à d'innombrables pré-
textes et à d'incessants ménagements envers
une autre femme qu'une liaison antérieure
privilégiait de certains droits; c'était à Foix
qu'Audouy avait abandonné cette ancienne
affection.
L'hiver, dans les campagnes, est rarement
propice aux industries ambulantes. Dans
la maison où le forçat l'avait vu pénétrer, le
dompteur passait les longues heures de far
niente auxquelles le condamnaient les ri-
gueurs de la saison où, l'on venait d'entrer,
Madeleine se complaisait à ces assiduités qui
lui assuraient sur le cœur de l'hercule un
empire sans partage.
Elle aimait sa figure placide et son air bon
comme la tienne: prends garde que je ne
t'envoie en grossir le nombre.
On entendit un cri étoufié près de laporte;
puis un bruit sourd, comme la chute d'un
corps.
Margarita nous écoutait dit Barbera
contrariée, mais sans colère. Va la secourir,
Marco c'est une entant, tâche de la rassurer.
Le lieutenant obéit. 11 ne riait plus. Cha-
que syllabe de cette voix métallique reten-
tissait à ses oreilles, comme un écho funèbre.
Et le regard perçant du petit vieillard qui
avait parle, s'était attaché sur lui d'une façon
si singulière qu'il avait cru voir Satan lui-
même, et se fut, S'il eût osé, signé comme
Margarita.
Tu ne parais pas être d'humeur char-
mante maître Lucioli, dit Barbera après la
sortie de Marco. Te manque-t-il quelque
chose ici?
Tout, répondit laconiquement le vieil-
-Vittolo a-t-il manqué d'égards envers toi?
Le montagnard haussa les épaules
Il veut, dit-il, que je lui donné une bar-
que et des rames.
Et pourquoi taire une barque et des ra-<
mes, maître Lucioli?
Pour m'éloigner de toi.
-Tu me hais donc?
-Comme les ténèbres que je veux vain*
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