Titre : Le Petit journal
Auteur : Parti social français. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Clermont-Ferrand)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Pau)
Date d'édition : 1874-02-15
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32895690j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 146118 Nombre total de vues : 146118
Description : 15 février 1874 15 février 1874
Description : 1874/02/15 (Numéro 4069). 1874/02/15 (Numéro 4069).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG64 Collection numérique : BIPFPIG64
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k592104j
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/07/2008
S.
ions dans notre numéro du 5 février, et
jour l'émission d'un desquels une tille B.
ivait été arrêtée, puis relâchée après en-
tête, le billet ayant été reconnu bon.
Ces billets ont été fabriqués à Clermont
pendant le siège de Paris, dans des condi-
¡ions très difficiles. Ils sont donc loin de pré-
;enter la netteté et le iïni des billets fabri-
Iués à Paris, mais ils n'en sont pas moins
tuthentiques. Quant aux billets de 5 fr. dont
plusieurs journaux ont annoncé le retrait
prochain, nous sommesautorisésà à démentir
:e bruit.
Ce qui a donné lieu à ce bruit, c'est que la
Manqué de France, pour écrouler les nom-
breuses pièces de 5 francs fabriqués en ce
noment, fait avec cette monnaie les paye-
nents qu'elle eflectuait jusqu'à présent avec
les coupures de 5 francs.
On frappe continuellement de ces pièces
et l'on en voit même déjà dans la Qirculation
oortant le millésime de 1874.
Nous recevons du Creuzot la dépêche sui-
vante
« Nuit bonne parole plus nette légère
alimentation. »
Il y a donc lieu d'espérer que l'attaque
J'apoplexie qui a si malheureusement
"rappé M. Schneider ne laissera pas de tra-
mes funestes.
Moignon, dont la cour de cassation a re-
jeté le pourvoi, se trouve en ce moment
la Grande-Roquette, dans la cellule spé-
îialement aflectée aux condamnés à mort.
Cette cellule blanchie à la chaux a pour
tout ameublement, un lit, une chaise et une
:able elle est située au rez-de-chaussée du
second corps de bâtiment, à sa gauche, il y
i encore deux autres cellules semblables,
mais elles ne sont occupées que lorsqu'il y
plusieurs condamnés à la peine de mort.
Celle du milieu sert d'ordinaire de cabinet
de réception au digne abbé Crozer; c'est là
xu'on fait venir.les condamnés pour s'entre-
tenir avec lui-
Moignon est âgé de trente-cinq ans erivi-
ron,il possède une certaine éducation, qui le
met au-dessus de ses co-détenus, qu'il dé-
âaigne, et avec lesquels il ne cherche pas
frayer pendant ses heures de liberté dans les
cours. Il passe 'son temps à lire les ouvrages
1e la bibliothèque de la prison. C'est là son
Unique passe temps.
Il ne compte guère sur une commuta-
tion de peine, et écoute avec un air de doute
les personnesqui veulent lui donner quelque
pspoir.
Depuis plusieurs jours, un facteur de pia-
nos du quartier Saint-Martin entendait cha-
que nuit, de sa chambre, voisine de son sa-
ion de vente, ses pianos jouer comme si
quelque esprit malin prenait plaisir à les
tourmenter c'était une série de fausses
notes bientôt interrompues, et recommen-
çant aussitôt.
Le fabricant ne croit guère aux esprits;
hier il résolut de veiller et de surprendre
'auteur du charivari nocturne. Quelle ne fut
pas sa surprise en voyant, vers les deux heu-
res du matin, un énorme rat sortir d'un ma-
gnifique piano et traverser le clavier dans
toute sa longueur, en faisant entendre une
série de sons, puis disparaître dans un .trou
de cheminée.
Le fabricant alla aussitôt vers l'instru-
ment et levant la tablette supérieure, aper-
çut dans l'intérieur du piano tout une fa-
mille de rats grouillant dans un nid que le
père et la mère avaient édifié au milieu des
marteaux
Le chat de la maison eut bientôt raison de
toute la nichée
Un logeur de la rua Saint-Domique, a vu
arriver chez lui, il y a quelques jours, un
jeune homme d'environ vingt-cinq ans, vêtu
d'un uniforme d'artilleur prussien.
Il a déclaré se nommer Auguste Muller,"
et être à Paris pour la recherche d'un parent.
Hier matin, le logeur ne le voyant pas des-
cendre pour déjeuner, monta pour le cher-
cher.
Il entra et recula tout aussitôt en pousant
un cri.
Feuillet» du 15 février 1874.
LE ROI DE CORSE
p7| V Partie.-La Reine des Vagses
CHAPITRE XVI
L'anse do
Suite
C'était un rayon, un vrairayon solaire, pur,
étincelant dans lequel se perdait l'éclair, et
que ne dérobaient point les noirs nuages
sousle firmament.
Qu'est-ce que cela veut dire? murmura
Bernard, que la terreur, la fatigue et l'inquié-
tude hallucinaient déjà.
Et le pauvre homme, en face des éléments
furieux, de la trahison des hommes, et sur-
tout de ce prodige quil'épouvantait, songeait
à la fin du monde, au jugement dernier, à
toutes ces choses dont on avait bercé sonen-
.fance, et qui revenaient à son esprit à l'heure
de l'impuissance et du désespoir.
Oh! l'horrible pays, disait-il encore, si
Dieu et le diable s'y battent comme le dit M.
Frédéric, il est bien certain que jusqu'à pré-
sent, c'est le diable qui est le plus fort.
Tout à coup la lumière envahit l'anse tout
entière, éclaira le môle, le pont, la citadelle.
Bernard se crut à sa dernière heure, et ierma
ses^eux éblouis.
L'artilleur prussien était étendu au milieu
de sa chambre, un revolver dans sa main
crispée.
Il s'était fait sauter la cervelle.
Le corps a été transporté à la Mordue.
On n'a trouvé aucun papier constatant son
identité.
REVUE DES THÉÂTRES
On va s'occuper à l'Opéra de la reprise d'IIamlet.
On se rappelle que la centième représentation de ce
bel ouvrages devait avoir lieu le lendemain du jour.
dans la nuit duquel l'Opéra brûla.
X Ce soir, à l'Odéon, avant dernière représenta-'
tation à'Allialie, avec l'oratorio de Mendclshon.
Comme aux exécutions précédentes, les bancs de
l'orchestre seront composés de cent cinquante ar-
tistes, sous la direction de M. Colonne.
X On annonce également à l'Odéon pour jeudi
prochain une exécution de Marie-Madeleine, l'ora-
torio dramatique de M. Jules Massenet, qui obtint
un si vif succès à la fin de l'hiver dernier. Les par-
ties principales de cette œuvre seront chantées par
Mme Gueymard-Lauters, MM. Bosquin et Menu, de
l'Opéra.
X Le célèbre acteur Bouffé, aujourd'hui fort âgé,
avant d'entrer pour jamais dans la retraite, veut dire
au théâtre un adieu délinitif. Il reparaîtra prochai-
nement au Gymnase dans une représentation de
Pauvre Jacques, pièce dans laquelle il obtint jadis
un de ses plus grands succès.
X Aujourd'hui, à Frascati, avant-dernier bal mas-
qué du carnaval, et demain dimanche, à deqx heu-
res, grande matinée enfantine.
X Le Théâtre-Parisien, de la rue de Lyon, donne
ce soir la première représentation d'un drame im-
portant dû à la plume d'un jeune auteur inconnu
M. Gaston Fortin.
LES DRAMES DU FEU.
Un des garçons de l'épicier au coin du bou-
levard Oruano et de la'rue Myrrha était des-
cendu hier à la cave avec une bougie, mal-
gré les observations qu'on lui avait faites.
Quelques instants après un cri terrible re-
tentit, suivi d'une détonation sourde.
En un clin-d'oeil, la boutique fut remplie
d'une fumée épaisse.
Malgré le danger, le sieur Mateau, mar-
chand de vin, et une autre. personne, saisi-
rent une couverture et descendirent à la
cave. Des flammes les guidaient au milieu
de la fumée; ils croyaient que ces flammes
provenaient d'un ballot qui se consumait,
mais ils s'aperçurent avec horreur que
c'était le corps du malheureux jeune homme.
ils le placèrent sur la couverture, qui s'en-
flamma pendant qu'ils montaient les esca-
liers.
M. Buisson, pharmacien, était accouru
mais il ne put que constater la mort du
garçon.
Le corps ne présentait plus forme hu-
maine les habits étaient entièrement con-
sumés.
Tout celas'était fait en huit minutes.
Ce malheureux avait sans doute trop ap-
proché sa bougie de l'essence minérale con-
tenue dans un bidon qu'il avait à la main;
ce bidon ne contenait que huit litres, et par
bonheur il n'y en avait pas d'autre pour le
moment dans la cave.
Les pompiers ont eu facilement raison du
commencement d'incendie les cercles d-
plusieure futailles contenant de l'huile brû-
laient déjà.
Un sieur D. employé à la gare du Nord,
se trouvait dans la buvette attenante à l'épi-
cerie il n'avait pu voir, à cause de la fumée,
une trappe ouverte. Il y tomba, mais ne se
fit que de légères contusions.
Un fait analogue, bien que moins. grave
dans ses conséqueuces, a eu lieu avenue
Lowendal.
Une femme, en transvasant de l'essence
minérale, s'approcha trop de la bougie allu-
mée le liquide prit feu, la boateiîle éclata,
et l'essence brûlante rejaillit sur la femme
et sa petitefille.
Des voisins vinrent à leur secours, les rou-
lèrent par terre et parvinrent à éteindre les
flammes. Leurs blessures sont graves.
Une voisine, Mme Wolfheim, en portant
secours à l'enfant, a été brûlée assez sérieu-
sement.
CHAPITRE XVII
Le soleil se levait radieux sur l'anse de
Bastia. De la tempête de la nuit, il ne restait
que le souvenir, avec un air plus frais, une
atmosphère plus parfumée, des émanations
plus douces, venant à la fois de la terre et de
la mer. Le grand lac bleu se reposait de
quelques heures de vagabondage, et semblait
en souriant vouloir excuser son caprice.
Comme une coquette, il caressait ceux qu'il
avait fait souffrir, et déjà l'on se reprenait à
l'aimer.
Les vagues dormaient dans le port, où tout
semblait vie, tête et joie.
Qinq galères avaient repris leur place sous
le môle, qui n'en peut contenir davantage.
Les autres allaient et venaient; et du pont,
des écoutilles, des cabines, à l'intérieur et au
dehors, sortaient des cris joyeux et. des éclats
de rire.
Sur le port, il y avait une foule immense,
gaie, bruyante, enrubanée. La ville basse
avait changé d'aspect, Terra- Vecchia n'était
plus un tombeau; une résurrection puissante
l'avait transfigurée..
Les galères, toutes semblables, glissaient
en se jouant sur les vagues, et leurs voiles
de pourpre, car elles avaient pris les couleurs
de la reine, éblouissaient sous le soleil: Rien
de plus gracieux que ces voiles rouges,
soyeuses et brillantes, qui se gonflaient en
courant sur les eauxble.ues.
DÉPARTEMENTS
Les deux candidats à la députation vacante
dans le département de la Vienne sont M.
de Beauchamp soutenu par toutle parti con-
servateur et M. Demarsey soutenu par toutes
les fractions du parti républicain.
Notre correspondant particulier de Stras-
bourg nous écrit à la date du 11 février
« Un grave accident de chemin de fer s'est
produit à la bifurcation de Vendenheim
deux trains se sont rencontrés, vers onze
heures du soir un train de marchandises
venant de Paris, l'autre de Wissembourg
Un certain nombre de wagons ont été bri-
sés, des rails arrachés, et la voie obstruée. Il
paraît qu'il n'y a pas eu de mort d'homme à
déplorer. Tous les traius suivants ont subi
des retards considérables.
Lire le très intéressant numéro du Journal
ihicstré de cette semaine, avec de nombreux
articleset gravures d'actualité: Prix: 15 cent.
L'AFFAIRE
DE LA BÂSTSOE-BESPLÂS
SOUVENIR JUDICIAIRE
VIII
Gr'mace, avons'nous dit, occupait une ha-
bitation en avant du bourg.
Comme Latour, dissimulé par les brous-
sailles, restait cloué sur place, les yeux écar-
quillés et la bouche béante, il vit sortir de
chez lui l'ardoisier en tenue de travail.
Tournant le dos à la route, Grimace s'en-
gagea dans la rue grossièrement pavée qui
coupe en deux le village, traversa Montes-
quieu dans toute sa longueur et s'éloigna
dans la direction des ardoisières.
Le libéré des maisons centrales d'Bysses et
d'Embrun se demandait, sarrs pouvoir se ré-
pondre, à quel projet mystérieux se ratta-
chait le voyage souterrain de l'Hercule.
Le bruit d'une fenêtre qui s'ouvrait attira
ses regards vers la maison de son ancien ami.
Au bord de la croisée, deux têtes se pen-
chaient discrètement, comme pour constater
la retraite du maître du logis.
Il fallait être en possession de la situation
exceptionnellement favorable dont s'était em-
paré le forçat, pour f-éconnaîtreAudouy dans
l'un des deux curieux.
L'autre était une femme, une femme de
vingt-cinq ans à peu près, brune, svelte et
belle d'une de ces beautés étranges qu'illu-
mine le feu des passions.
Ses lèvres voluptueuses, d'un carmin
éblouissant, montraient dans un sourire les
grains serrés d'un chapelet de perles, dents
de fille d'Eve aflamée, avides de mordre au
fruit défendu. Son grand oeil noir étincelait
sous la longue frange des cils qui en atté-
nuait l'ardeur. Le sang vivace qui courait
sous sa peau, l'animait de ce teint éclatant
particulier aux complexions nerveuses et
robustes des montagnardes des Pyrénées.
Peu de secondes suffirent à Latour pour
détailler ces splendeurs; il vit Andouy pas-
ser son bras autour de la taille flexible de la
fringante créature; il l'entendit prononcer
un nom, Madeleine, qui parvint jus-
qu'à lui, emporté par le souffle de la brise
matinale. Puis la fenêtre se se referma.
Alors, le forçat se coula jusqu'à la pierre
que dissimulaient en partie les ronces du
taillis; d'une branche courte et noueuse, il
se fit un levier à l'aide duquel il la souleva.
L'orifice qui s'ouvrit à ses pieds était celui
d'une sorte de puits abandonné, sur la paroi
duquel s'amorçait, à une faible profondeur,
une galerie qui paraissait avoir été récemment
agrandie. Sans doute, pensa Latour, cette ga-
lerie n'ayant eu, à l'origine, que la largeur
nécessaire à une conduite d'eau, la vigueur
et la patience d'Audouy. avaient fait le reste.
Se glissant jusqu'à ce boyau, il réussit,
malgré la vive douleur qu'il ressentait à la
main droite, à ramper en s'aidant dé la main
gauche et des genoux. Il atteignit une cavité
plus vaste, autrefois trou de carrière ou ca-
veau. Elevant ses bras au hasard, il tâtonna
Quant au navire de la reine des vagues, il
avait le calme, la majesté et l'élégance de son
emploi. Ses voiles dîneraient des autres par
de gracieuses broderies d'or sa poupe
éblouissait, et l'on voyait des caractères étran-
ges briller sur ses rames au repos.
L'élégance de l'intérieur n'avait rien à en-
vier au dehors; et il nous suffira pour en
juger d'entrer un instant dans la cabine du
chef.
C'est une jolie chambre, tendue de satin
gris pâle à lourde crépine d'or. Sous les
pieds, un tapis de Perse aux mille person-
nages bigares éteint le bruit des pas; aux pa-
rois couvertes de soie, brillent des armes
d'Orient et d'Espagne, au milieu desquelles
semble trôner une carabine.
Sur un divan capitonné de satin gris comme
les tentures; la reine des vagues, à demi-cou-
chée, écoute le chant d'une jeune fille -qui
roucoule une ballade corse. Quand sa ro-
mance est terminée, la chanteuse s'assied
sur un tabouret aux pieds de sa maîtresse et
la regarde aïec cette fixité des gens qui
voient plus loin que l'horizon.
Toutes les deux gardent le silence. Un
demi-jour pénètre à peine dans cette pièce
qu'on prendrait pour un boudoir sans les ar-
mes qui la décorent.
Trois petits coups discrets qui font recon-
naître le dvisiteur, interrompent la Éêverie-
des jeunes filles.
Fais entrer Marco, dit la reine des-va-
jusqu'à un point ou ïl lui sembla que la
voûte s'ébranlait. Il s'arc-bouta fortement,
roidit ses muscles et, par un effort vigou-
reux, déplaça une trappe d'un poids consi-
dérable.
Mais son-étonnement nefutpas mincelors-
que, dirigeant ses regards de bas en haut, il
n'aperçut ni le ciel dont la vue lui eût indi-
que que la perforation donnait en plein air.
ni le plafond qui, par sa présence, eût trahi
un local habité.
Au-dessus de sa tête,l'obscurité se prolon-
geait à une hauteur qui lui sembla considé-
rable; un faible goint lumineux en marquait
la limite.
Où suis-je? murmura le repris de jus*
tice.
Il se hissa jusqu'au niveau de l'ouverture
et sa tête émergea dans un demi-jour qui
lui permit de distinguer, autour de lui, des
murs le long desquels s'alignaient des chau-
drons, des planches supportant des vases de
grès, une table chargée d'ustensiles domes-
Ramenant ses regards plus près de l'ou-
verture, il reconnut qu'il se trouvait sous le
manteau profond d'une cheminée de cuisine.
La trappe était formée par la dalle même du
-J'en ai appris assez, pensa Jacques La-
tour.
Il remit en place la dalle, regagna le puits
dont il èut soin de rétablir la pierre, et, un
quart d'heure plus tard, Tobie, sans 'l'infir-
mité qui l'aflectait, eût pu voir sa victime se
réinstaller dans la cabane du maître.
A défaut de la vue, la bête possédait, déve-
loppés au plus haut degré, les sens de l'puïe
et de l'odorat. En ours bien appris et qui sait
à quels devoir l'hospitalité oblige, l'animal,
sans rancune, s'avança de toute la longueur
qu'autorisait la chaîne rivée à son collier.
Assis gravement, les pattes de devant la.,
hauteur de ses baioues, il souhaitait la bien-
venue à son ennemi de la veille par un ba-
lancement du corps plein d'une nonchalente
monotonie, tandis que sa gueule entr'ou-
verte laissait échapper d'inoffensifs jappe*
ments et qu'entre ses paupières roulaient
deux globes blancs vitreux et sans regard.
Latour avait faim un pain, un morceau de
fromage, un litre de vin, qu'il trouva dans
un bissac, lui permirent d'apaiser son ap-
nétit.
Ainsi restauré, il put attendre à loisir le
retour de l'hercule.
La journée était avancée, lorsque Audouy
rentra. Il semblait tout joyeux. Interrogeant
son hôte, avec intérêt.:
Té! Vous n'avez pas trouvé le tempgs
long? Comment va notre main?
Mieux.
Voulez-vous faire un tour?
-J'allais vous le proposer.
Dans le sentier, l'évadé prit le bras de son
compagnon.
Monsieur Audouy, fit-il, un secret en
vaut un autre.
Très juste.
Vous ne parlerez à personne du mil.
lion.
Entendu.
Moi, je ne soufflerai pas mot de Made-
leine.
L'hercule chancela.
Madeleine balbutia-t-il.
Vous voyez que je sais tout.
Mais.
-Ne niez pas!
Qui vous a dit.
N'importe ,.>
Cependantt. ->
Laissons cela; parlons plutôt dti trésor.
Du trésor?
Oui, vous savez, le million.
Eh bien?
Nous étions deux à partager, nous seront
Le troisième?
Grimace, chez qui nous irons tantôt,
Chez Grimace? Un piège!
Allons donc! Est-ce que j'aurais besoin
que vous fussiez présent pour lui dire que
Taisez-vous, malheureux! J'irai.
Margarita parut s'éveiller à ces trois coups
qui demandaient la porte ouverte, et fut de-
bout avant d en avoir reçu l'ordre.
Elle souriait, et mettait la main sur son
Coeur, qui sans doute hattait plus vite B
Eh bien! demanda Barbera à son
Il sera pendu aujourd'hui même, là, sur
le devant de la citadelle, comme tu le désires.
L'heure?
Quatre heures.
• j9iest tard; car il faut quitter Bastia au-«
jourdhui, entends-tu Marco. Le vaisseau
que la tempête a jeté loin de nous n'a point
péri peut-être; et le roi de Corse, pour ven-
ger son neveu qu'il adore, peut envoyer ici
des forces considérables.
Crains-tu donc le combat?
S'il faut le livrer, je n'hésiterai point.
Mais à quoi bon. un combat inutile qui .ex-
pose les galères et les hommes? Tu as fait
entrer les vivres dans Bastia?
Pour un mois au moins. Avec ce qui
restait, un blocus peut durer deux mois, sans
danger pour les assiégés.
Notre mission est remplie Terra- Vec*
chia a des vivres, et te neveu dû despote va
expier dans quelques heures sa parenté mau<
dite. Ce sera toujours un de moins dans la
famille, ajouta Barbera avec un froid sourire.
Puis à Marco:
Et les autres?
CAMIBIjEjBÏAS.'
ions dans notre numéro du 5 février, et
jour l'émission d'un desquels une tille B.
ivait été arrêtée, puis relâchée après en-
tête, le billet ayant été reconnu bon.
Ces billets ont été fabriqués à Clermont
pendant le siège de Paris, dans des condi-
¡ions très difficiles. Ils sont donc loin de pré-
;enter la netteté et le iïni des billets fabri-
Iués à Paris, mais ils n'en sont pas moins
tuthentiques. Quant aux billets de 5 fr. dont
plusieurs journaux ont annoncé le retrait
prochain, nous sommesautorisésà à démentir
:e bruit.
Ce qui a donné lieu à ce bruit, c'est que la
Manqué de France, pour écrouler les nom-
breuses pièces de 5 francs fabriqués en ce
noment, fait avec cette monnaie les paye-
nents qu'elle eflectuait jusqu'à présent avec
les coupures de 5 francs.
On frappe continuellement de ces pièces
et l'on en voit même déjà dans la Qirculation
oortant le millésime de 1874.
Nous recevons du Creuzot la dépêche sui-
vante
« Nuit bonne parole plus nette légère
alimentation. »
Il y a donc lieu d'espérer que l'attaque
J'apoplexie qui a si malheureusement
"rappé M. Schneider ne laissera pas de tra-
mes funestes.
Moignon, dont la cour de cassation a re-
jeté le pourvoi, se trouve en ce moment
la Grande-Roquette, dans la cellule spé-
îialement aflectée aux condamnés à mort.
Cette cellule blanchie à la chaux a pour
tout ameublement, un lit, une chaise et une
:able elle est située au rez-de-chaussée du
second corps de bâtiment, à sa gauche, il y
i encore deux autres cellules semblables,
mais elles ne sont occupées que lorsqu'il y
plusieurs condamnés à la peine de mort.
Celle du milieu sert d'ordinaire de cabinet
de réception au digne abbé Crozer; c'est là
xu'on fait venir.les condamnés pour s'entre-
tenir avec lui-
Moignon est âgé de trente-cinq ans erivi-
ron,il possède une certaine éducation, qui le
met au-dessus de ses co-détenus, qu'il dé-
âaigne, et avec lesquels il ne cherche pas
frayer pendant ses heures de liberté dans les
cours. Il passe 'son temps à lire les ouvrages
1e la bibliothèque de la prison. C'est là son
Unique passe temps.
Il ne compte guère sur une commuta-
tion de peine, et écoute avec un air de doute
les personnesqui veulent lui donner quelque
pspoir.
Depuis plusieurs jours, un facteur de pia-
nos du quartier Saint-Martin entendait cha-
que nuit, de sa chambre, voisine de son sa-
ion de vente, ses pianos jouer comme si
quelque esprit malin prenait plaisir à les
tourmenter c'était une série de fausses
notes bientôt interrompues, et recommen-
çant aussitôt.
Le fabricant ne croit guère aux esprits;
hier il résolut de veiller et de surprendre
'auteur du charivari nocturne. Quelle ne fut
pas sa surprise en voyant, vers les deux heu-
res du matin, un énorme rat sortir d'un ma-
gnifique piano et traverser le clavier dans
toute sa longueur, en faisant entendre une
série de sons, puis disparaître dans un .trou
de cheminée.
Le fabricant alla aussitôt vers l'instru-
ment et levant la tablette supérieure, aper-
çut dans l'intérieur du piano tout une fa-
mille de rats grouillant dans un nid que le
père et la mère avaient édifié au milieu des
marteaux
Le chat de la maison eut bientôt raison de
toute la nichée
Un logeur de la rua Saint-Domique, a vu
arriver chez lui, il y a quelques jours, un
jeune homme d'environ vingt-cinq ans, vêtu
d'un uniforme d'artilleur prussien.
Il a déclaré se nommer Auguste Muller,"
et être à Paris pour la recherche d'un parent.
Hier matin, le logeur ne le voyant pas des-
cendre pour déjeuner, monta pour le cher-
cher.
Il entra et recula tout aussitôt en pousant
un cri.
Feuillet» du 15 février 1874.
LE ROI DE CORSE
p7| V Partie.-La Reine des Vagses
CHAPITRE XVI
L'anse do
Suite
C'était un rayon, un vrairayon solaire, pur,
étincelant dans lequel se perdait l'éclair, et
que ne dérobaient point les noirs nuages
sousle firmament.
Qu'est-ce que cela veut dire? murmura
Bernard, que la terreur, la fatigue et l'inquié-
tude hallucinaient déjà.
Et le pauvre homme, en face des éléments
furieux, de la trahison des hommes, et sur-
tout de ce prodige quil'épouvantait, songeait
à la fin du monde, au jugement dernier, à
toutes ces choses dont on avait bercé sonen-
.fance, et qui revenaient à son esprit à l'heure
de l'impuissance et du désespoir.
Oh! l'horrible pays, disait-il encore, si
Dieu et le diable s'y battent comme le dit M.
Frédéric, il est bien certain que jusqu'à pré-
sent, c'est le diable qui est le plus fort.
Tout à coup la lumière envahit l'anse tout
entière, éclaira le môle, le pont, la citadelle.
Bernard se crut à sa dernière heure, et ierma
ses^eux éblouis.
L'artilleur prussien était étendu au milieu
de sa chambre, un revolver dans sa main
crispée.
Il s'était fait sauter la cervelle.
Le corps a été transporté à la Mordue.
On n'a trouvé aucun papier constatant son
identité.
REVUE DES THÉÂTRES
On va s'occuper à l'Opéra de la reprise d'IIamlet.
On se rappelle que la centième représentation de ce
bel ouvrages devait avoir lieu le lendemain du jour.
dans la nuit duquel l'Opéra brûla.
X Ce soir, à l'Odéon, avant dernière représenta-'
tation à'Allialie, avec l'oratorio de Mendclshon.
Comme aux exécutions précédentes, les bancs de
l'orchestre seront composés de cent cinquante ar-
tistes, sous la direction de M. Colonne.
X On annonce également à l'Odéon pour jeudi
prochain une exécution de Marie-Madeleine, l'ora-
torio dramatique de M. Jules Massenet, qui obtint
un si vif succès à la fin de l'hiver dernier. Les par-
ties principales de cette œuvre seront chantées par
Mme Gueymard-Lauters, MM. Bosquin et Menu, de
l'Opéra.
X Le célèbre acteur Bouffé, aujourd'hui fort âgé,
avant d'entrer pour jamais dans la retraite, veut dire
au théâtre un adieu délinitif. Il reparaîtra prochai-
nement au Gymnase dans une représentation de
Pauvre Jacques, pièce dans laquelle il obtint jadis
un de ses plus grands succès.
X Aujourd'hui, à Frascati, avant-dernier bal mas-
qué du carnaval, et demain dimanche, à deqx heu-
res, grande matinée enfantine.
X Le Théâtre-Parisien, de la rue de Lyon, donne
ce soir la première représentation d'un drame im-
portant dû à la plume d'un jeune auteur inconnu
M. Gaston Fortin.
LES DRAMES DU FEU.
Un des garçons de l'épicier au coin du bou-
levard Oruano et de la'rue Myrrha était des-
cendu hier à la cave avec une bougie, mal-
gré les observations qu'on lui avait faites.
Quelques instants après un cri terrible re-
tentit, suivi d'une détonation sourde.
En un clin-d'oeil, la boutique fut remplie
d'une fumée épaisse.
Malgré le danger, le sieur Mateau, mar-
chand de vin, et une autre. personne, saisi-
rent une couverture et descendirent à la
cave. Des flammes les guidaient au milieu
de la fumée; ils croyaient que ces flammes
provenaient d'un ballot qui se consumait,
mais ils s'aperçurent avec horreur que
c'était le corps du malheureux jeune homme.
ils le placèrent sur la couverture, qui s'en-
flamma pendant qu'ils montaient les esca-
liers.
M. Buisson, pharmacien, était accouru
mais il ne put que constater la mort du
garçon.
Le corps ne présentait plus forme hu-
maine les habits étaient entièrement con-
sumés.
Tout celas'était fait en huit minutes.
Ce malheureux avait sans doute trop ap-
proché sa bougie de l'essence minérale con-
tenue dans un bidon qu'il avait à la main;
ce bidon ne contenait que huit litres, et par
bonheur il n'y en avait pas d'autre pour le
moment dans la cave.
Les pompiers ont eu facilement raison du
commencement d'incendie les cercles d-
plusieure futailles contenant de l'huile brû-
laient déjà.
Un sieur D. employé à la gare du Nord,
se trouvait dans la buvette attenante à l'épi-
cerie il n'avait pu voir, à cause de la fumée,
une trappe ouverte. Il y tomba, mais ne se
fit que de légères contusions.
Un fait analogue, bien que moins. grave
dans ses conséqueuces, a eu lieu avenue
Lowendal.
Une femme, en transvasant de l'essence
minérale, s'approcha trop de la bougie allu-
mée le liquide prit feu, la boateiîle éclata,
et l'essence brûlante rejaillit sur la femme
et sa petitefille.
Des voisins vinrent à leur secours, les rou-
lèrent par terre et parvinrent à éteindre les
flammes. Leurs blessures sont graves.
Une voisine, Mme Wolfheim, en portant
secours à l'enfant, a été brûlée assez sérieu-
sement.
CHAPITRE XVII
Le soleil se levait radieux sur l'anse de
Bastia. De la tempête de la nuit, il ne restait
que le souvenir, avec un air plus frais, une
atmosphère plus parfumée, des émanations
plus douces, venant à la fois de la terre et de
la mer. Le grand lac bleu se reposait de
quelques heures de vagabondage, et semblait
en souriant vouloir excuser son caprice.
Comme une coquette, il caressait ceux qu'il
avait fait souffrir, et déjà l'on se reprenait à
l'aimer.
Les vagues dormaient dans le port, où tout
semblait vie, tête et joie.
Qinq galères avaient repris leur place sous
le môle, qui n'en peut contenir davantage.
Les autres allaient et venaient; et du pont,
des écoutilles, des cabines, à l'intérieur et au
dehors, sortaient des cris joyeux et. des éclats
de rire.
Sur le port, il y avait une foule immense,
gaie, bruyante, enrubanée. La ville basse
avait changé d'aspect, Terra- Vecchia n'était
plus un tombeau; une résurrection puissante
l'avait transfigurée..
Les galères, toutes semblables, glissaient
en se jouant sur les vagues, et leurs voiles
de pourpre, car elles avaient pris les couleurs
de la reine, éblouissaient sous le soleil: Rien
de plus gracieux que ces voiles rouges,
soyeuses et brillantes, qui se gonflaient en
courant sur les eauxble.ues.
DÉPARTEMENTS
Les deux candidats à la députation vacante
dans le département de la Vienne sont M.
de Beauchamp soutenu par toutle parti con-
servateur et M. Demarsey soutenu par toutes
les fractions du parti républicain.
Notre correspondant particulier de Stras-
bourg nous écrit à la date du 11 février
« Un grave accident de chemin de fer s'est
produit à la bifurcation de Vendenheim
deux trains se sont rencontrés, vers onze
heures du soir un train de marchandises
venant de Paris, l'autre de Wissembourg
Un certain nombre de wagons ont été bri-
sés, des rails arrachés, et la voie obstruée. Il
paraît qu'il n'y a pas eu de mort d'homme à
déplorer. Tous les traius suivants ont subi
des retards considérables.
Lire le très intéressant numéro du Journal
ihicstré de cette semaine, avec de nombreux
articleset gravures d'actualité: Prix: 15 cent.
L'AFFAIRE
DE LA BÂSTSOE-BESPLÂS
SOUVENIR JUDICIAIRE
VIII
Gr'mace, avons'nous dit, occupait une ha-
bitation en avant du bourg.
Comme Latour, dissimulé par les brous-
sailles, restait cloué sur place, les yeux écar-
quillés et la bouche béante, il vit sortir de
chez lui l'ardoisier en tenue de travail.
Tournant le dos à la route, Grimace s'en-
gagea dans la rue grossièrement pavée qui
coupe en deux le village, traversa Montes-
quieu dans toute sa longueur et s'éloigna
dans la direction des ardoisières.
Le libéré des maisons centrales d'Bysses et
d'Embrun se demandait, sarrs pouvoir se ré-
pondre, à quel projet mystérieux se ratta-
chait le voyage souterrain de l'Hercule.
Le bruit d'une fenêtre qui s'ouvrait attira
ses regards vers la maison de son ancien ami.
Au bord de la croisée, deux têtes se pen-
chaient discrètement, comme pour constater
la retraite du maître du logis.
Il fallait être en possession de la situation
exceptionnellement favorable dont s'était em-
paré le forçat, pour f-éconnaîtreAudouy dans
l'un des deux curieux.
L'autre était une femme, une femme de
vingt-cinq ans à peu près, brune, svelte et
belle d'une de ces beautés étranges qu'illu-
mine le feu des passions.
Ses lèvres voluptueuses, d'un carmin
éblouissant, montraient dans un sourire les
grains serrés d'un chapelet de perles, dents
de fille d'Eve aflamée, avides de mordre au
fruit défendu. Son grand oeil noir étincelait
sous la longue frange des cils qui en atté-
nuait l'ardeur. Le sang vivace qui courait
sous sa peau, l'animait de ce teint éclatant
particulier aux complexions nerveuses et
robustes des montagnardes des Pyrénées.
Peu de secondes suffirent à Latour pour
détailler ces splendeurs; il vit Andouy pas-
ser son bras autour de la taille flexible de la
fringante créature; il l'entendit prononcer
un nom, Madeleine, qui parvint jus-
qu'à lui, emporté par le souffle de la brise
matinale. Puis la fenêtre se se referma.
Alors, le forçat se coula jusqu'à la pierre
que dissimulaient en partie les ronces du
taillis; d'une branche courte et noueuse, il
se fit un levier à l'aide duquel il la souleva.
L'orifice qui s'ouvrit à ses pieds était celui
d'une sorte de puits abandonné, sur la paroi
duquel s'amorçait, à une faible profondeur,
une galerie qui paraissait avoir été récemment
agrandie. Sans doute, pensa Latour, cette ga-
lerie n'ayant eu, à l'origine, que la largeur
nécessaire à une conduite d'eau, la vigueur
et la patience d'Audouy. avaient fait le reste.
Se glissant jusqu'à ce boyau, il réussit,
malgré la vive douleur qu'il ressentait à la
main droite, à ramper en s'aidant dé la main
gauche et des genoux. Il atteignit une cavité
plus vaste, autrefois trou de carrière ou ca-
veau. Elevant ses bras au hasard, il tâtonna
Quant au navire de la reine des vagues, il
avait le calme, la majesté et l'élégance de son
emploi. Ses voiles dîneraient des autres par
de gracieuses broderies d'or sa poupe
éblouissait, et l'on voyait des caractères étran-
ges briller sur ses rames au repos.
L'élégance de l'intérieur n'avait rien à en-
vier au dehors; et il nous suffira pour en
juger d'entrer un instant dans la cabine du
chef.
C'est une jolie chambre, tendue de satin
gris pâle à lourde crépine d'or. Sous les
pieds, un tapis de Perse aux mille person-
nages bigares éteint le bruit des pas; aux pa-
rois couvertes de soie, brillent des armes
d'Orient et d'Espagne, au milieu desquelles
semble trôner une carabine.
Sur un divan capitonné de satin gris comme
les tentures; la reine des vagues, à demi-cou-
chée, écoute le chant d'une jeune fille -qui
roucoule une ballade corse. Quand sa ro-
mance est terminée, la chanteuse s'assied
sur un tabouret aux pieds de sa maîtresse et
la regarde aïec cette fixité des gens qui
voient plus loin que l'horizon.
Toutes les deux gardent le silence. Un
demi-jour pénètre à peine dans cette pièce
qu'on prendrait pour un boudoir sans les ar-
mes qui la décorent.
Trois petits coups discrets qui font recon-
naître le dvisiteur, interrompent la Éêverie-
des jeunes filles.
Fais entrer Marco, dit la reine des-va-
jusqu'à un point ou ïl lui sembla que la
voûte s'ébranlait. Il s'arc-bouta fortement,
roidit ses muscles et, par un effort vigou-
reux, déplaça une trappe d'un poids consi-
dérable.
Mais son-étonnement nefutpas mincelors-
que, dirigeant ses regards de bas en haut, il
n'aperçut ni le ciel dont la vue lui eût indi-
que que la perforation donnait en plein air.
ni le plafond qui, par sa présence, eût trahi
un local habité.
Au-dessus de sa tête,l'obscurité se prolon-
geait à une hauteur qui lui sembla considé-
rable; un faible goint lumineux en marquait
la limite.
Où suis-je? murmura le repris de jus*
tice.
Il se hissa jusqu'au niveau de l'ouverture
et sa tête émergea dans un demi-jour qui
lui permit de distinguer, autour de lui, des
murs le long desquels s'alignaient des chau-
drons, des planches supportant des vases de
grès, une table chargée d'ustensiles domes-
Ramenant ses regards plus près de l'ou-
verture, il reconnut qu'il se trouvait sous le
manteau profond d'une cheminée de cuisine.
La trappe était formée par la dalle même du
-J'en ai appris assez, pensa Jacques La-
tour.
Il remit en place la dalle, regagna le puits
dont il èut soin de rétablir la pierre, et, un
quart d'heure plus tard, Tobie, sans 'l'infir-
mité qui l'aflectait, eût pu voir sa victime se
réinstaller dans la cabane du maître.
A défaut de la vue, la bête possédait, déve-
loppés au plus haut degré, les sens de l'puïe
et de l'odorat. En ours bien appris et qui sait
à quels devoir l'hospitalité oblige, l'animal,
sans rancune, s'avança de toute la longueur
qu'autorisait la chaîne rivée à son collier.
Assis gravement, les pattes de devant la.,
hauteur de ses baioues, il souhaitait la bien-
venue à son ennemi de la veille par un ba-
lancement du corps plein d'une nonchalente
monotonie, tandis que sa gueule entr'ou-
verte laissait échapper d'inoffensifs jappe*
ments et qu'entre ses paupières roulaient
deux globes blancs vitreux et sans regard.
Latour avait faim un pain, un morceau de
fromage, un litre de vin, qu'il trouva dans
un bissac, lui permirent d'apaiser son ap-
nétit.
Ainsi restauré, il put attendre à loisir le
retour de l'hercule.
La journée était avancée, lorsque Audouy
rentra. Il semblait tout joyeux. Interrogeant
son hôte, avec intérêt.:
Té! Vous n'avez pas trouvé le tempgs
long? Comment va notre main?
Mieux.
Voulez-vous faire un tour?
-J'allais vous le proposer.
Dans le sentier, l'évadé prit le bras de son
compagnon.
Monsieur Audouy, fit-il, un secret en
vaut un autre.
Très juste.
Vous ne parlerez à personne du mil.
lion.
Entendu.
Moi, je ne soufflerai pas mot de Made-
leine.
L'hercule chancela.
Madeleine balbutia-t-il.
Vous voyez que je sais tout.
Mais.
-Ne niez pas!
Qui vous a dit.
N'importe ,.>
Cependantt. ->
Laissons cela; parlons plutôt dti trésor.
Du trésor?
Oui, vous savez, le million.
Eh bien?
Nous étions deux à partager, nous seront
Le troisième?
Grimace, chez qui nous irons tantôt,
Chez Grimace? Un piège!
Allons donc! Est-ce que j'aurais besoin
que vous fussiez présent pour lui dire que
Taisez-vous, malheureux! J'irai.
Margarita parut s'éveiller à ces trois coups
qui demandaient la porte ouverte, et fut de-
bout avant d en avoir reçu l'ordre.
Elle souriait, et mettait la main sur son
Coeur, qui sans doute hattait plus vite B
Eh bien! demanda Barbera à son
Il sera pendu aujourd'hui même, là, sur
le devant de la citadelle, comme tu le désires.
L'heure?
Quatre heures.
• j9iest tard; car il faut quitter Bastia au-«
jourdhui, entends-tu Marco. Le vaisseau
que la tempête a jeté loin de nous n'a point
péri peut-être; et le roi de Corse, pour ven-
ger son neveu qu'il adore, peut envoyer ici
des forces considérables.
Crains-tu donc le combat?
S'il faut le livrer, je n'hésiterai point.
Mais à quoi bon. un combat inutile qui .ex-
pose les galères et les hommes? Tu as fait
entrer les vivres dans Bastia?
Pour un mois au moins. Avec ce qui
restait, un blocus peut durer deux mois, sans
danger pour les assiégés.
Notre mission est remplie Terra- Vec*
chia a des vivres, et te neveu dû despote va
expier dans quelques heures sa parenté mau<
dite. Ce sera toujours un de moins dans la
famille, ajouta Barbera avec un froid sourire.
Puis à Marco:
Et les autres?
CAMIBIjEjBÏAS.'
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