Titre : Le Petit journal
Auteur : Parti social français. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Clermont-Ferrand)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Pau)
Date d'édition : 1874-02-12
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32895690j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 146118 Nombre total de vues : 146118
Description : 12 février 1874 12 février 1874
Description : 1874/02/12 (Numéro 4066). 1874/02/12 (Numéro 4066).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG64 Collection numérique : BIPFPIG64
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k592101d
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/07/2008
Le Petit Journal
a.
PARIS
Le froid est devenu assez vif hier, et, sous
l'influence d'un vent du Nord très âpre, le
thermomètre est descendu de plusieurs de-
grés au-dessous de zéro, maigre le soleil qui
a brillé à l'horizon.
Les bassins des fontaines et des jardins pu-
blics étaient entièrement pris hier; il en est
de même des lacs du bois de Boulogne. Le
club des patineurs songe déjà à organiser
des parties brillantes.
La violence du vent a causé plusieurs acci-
dents hier matin.
Un grand nombre de cheminées ont été
renversées, surtout dans les quartiers excen-
triques; une femme âgée de soixante-cinq ans,
renversée au carrefour de l'Observatoire par
la violence du vent, s'est cassé la jambe en
Un ouvrier plombier, était monté, malgré
les conseils de ses camarades, sur le toit
d'une maison en construction de la rue de
Vaugirard à peine y était-il, qu'un coup de
vent le renversa, il est tombé si malheureu-
reusement sur l'échafaudage servant aux
.-maçons, qu'il s'est fracturé le crâne.
Rue d Assas, une tuile est tombée sur la
tête d'un passant; après un évanouissement
de quelques minutes, on l'a reconduit à son
domicila. ,t.;
Un incendie s'est déclaré, vers deux heures,
hier soir, chez un emballeur, rue Saint-Do-
minique-Saint-Germain..
On s'est empressé de le combattre, et grâce
au concours des pompiers du poste de la
rue Malar, on en était bientôt maître. Toutes
les marchandises ont été la proie des flam-
mes. Les pertes sont estimées environ 5,000
francs. Tout était assuré.
Une jeune couturière, rue d'Allemagne,
allumait hier sa lampe, quand l'essence mi-
nérale prit feu et se répandit sur la table.
Pour l'éteindre, la jeune fille soutila sur
la lampe, mais elle eut la finure brûlée.
A ses cris, les voisins arrivèrent et parvin-
rent à éteindre le feu: un médecin a donné
des soins àla jeune fille, qui gardera toujours
les traces des brûlures.
La nuit dernière, à trois heures trente, le
,train de marchandises 918, parti delà gare
Yde Courcelles vers Çlichy, sur le chemin de
Ceinture, s'est séparé en deux.
̃ La moitié postérieure du train, retournant
'en arrière rapidement, a descendu la rampe.
A ce moment arrivait le train de marc han-
'dises 916, venant de Paris; par suite de 1 obs-
curité le'conducteur n'avait pu s'apercevoir
à temps du fait pour arrêter.
Un choc épouvantable s'ensuivit. Le train
monta sur le tronçon de l'autre train,
-brisa et incendia cinq wagons.
Le mécanicien, M. Joseph Lagache, a été
très grièvement blessé; il a été transporté à
l'hospice Beaujon.
Le chauffenr a été pris entre la chaudière
est la galerie de la machine à vapeur et litté-
raiernent broyé. Le corps a été provisoire-
ment déposé à la station de Cïzchy.
Les trains n'ont pu reprendre le service ré-
gulier qu'après dix heures du matin, où la
voie a 'été entièrement déblayée.
Outre les cinq wagons entièrement dé-
truits, une vingtaine sont fortement endom-
magés.
Les amis d'un ouvrier coutelier, demeu-
rant rue Dupin, l'ayant-en vain attendu pour
dîner, montèrent chez lui..
Le premier qui entra recula d'effroi le
"jeune homme était étendu tout sanglant et
sans mouvement sur son lit.
Il avait trois coups de couteau à la figure
et au-dessus du sein.
On l'a transporté à l'hôpital son état est
extrêmement grave. Comme il n'a pas encore
pu prononcer un mot, on ne sait s'il s'agit
d'un assassinat ou d'un suicide; la blessure.
à la figure semble exclure cette dernière
hypothèse.
Un attroupement assez considérable s'était
Feuilleton da li Février 1874
LE ROI DE CORSE
:m Ire Partie. La Reine des Vagues
CHAPITRE XVI
)L'anse de ES&stia
Acetteheured'enthousiasme,où hommes de
terre et hommes de-mer s'enrôlaient ài'cnvi
au service de laCorse, ou bien marchaient en
volontaires sous tels ou tels chefs improvisés,
ceci n'était pas tout à fait une imprudence.
Du reste, il n'était plus guère question de
lutte; Bastia vaincue, devait se rendre d'un
moment à l'autre il ne s'agissait que d'em-
pêcher le passage de bâtiments porteurs de
? vivres.. L'ennemi n'avait à faire examiner ni
plan d'attaque, ni position de combat l'idée
d'espions ou' de traîtres ne serait venue à
personne.
Frédéric ne vit dans les nouveaux venus
que des patriotes, commeil en arrivait chaque
jour de toutes parts, pour ofîrir à la patrie
leurs bras et leur vie.
C'est sur cette confiance qu'avait compté la
reine des Vagues pour ses projets..
Le roi de Corse, en se séparant de son ne-
veu, avait exigé que celui-ci gardât près de
,.lui ce ûdèj,a nous avons vu
formé hier, vers une heure, autour d'un
fiacre arrêté au coin de la rue Saint-Paul et
de la rue Charlemagne.,
Des cris et des gémissements partaient de
l'intérieur de la voiture.
Information prise, c'était une jeune femme
en mal d'enfant; elle a mis au monde deux
petites filles.
On l'a transportée d'urgence à l'hôpital
Saint-Antoine.
REVUE DES THÉÂTRES
Hier, au Théâtre-Français, reprise de George
Dandin, et grand succès de M. Got, qui remplissait
pour la première fois le rôle de Dandin, et de Mlle
Lloyd dans celui d'Angélique.
X Demain, aux Variétés, représentation au, bé-
néfice de M. Dupuis. On donnera, pour la première
fois, le nouvel ouvrage en un acte de M. Labiche et
l'Opéra aux Italiensf à-propos en un acte de M. W;
Busnach.
X Les Parisiennes sont répétées en hâte an théâtre
des Bouffes-Parisiens. la pièce est en cinq actes; les
auteurs sont MM. Jules Moinaùx et Victbr Konin'g;
la musique est de M: Vasseur, le compositeur de la
Timbale d'argent.
X On va monter, au théâtre de la Renaissance,
les Bibelots cluDiable, l'amusante féerie qui obtint,
il y a une quinzaine d'années, un si grand succès
aux Variétés.
X Le Candidat, comédie de M. Gustave Flaubert,
qui doit succéder, au Vaudeville, à l'Oncle Sam,
sera accompagné d'une pièce en un acte de M. Em.
Bergerat Séparés de corps.
X La première apparition des Almées, aux Folies-
Beraères a produit hier un effet auquel on ne s'at-
tendait guère ces danseuses exotiques ont obtenu
un succes de fou-rire.
Elles ont essayé, pendant quelques instants, de
lutter contre la bonne humeur du public mais
comme cette bonne humeur menaçait de tourner as-
'sez rapidement à l'aigre, on a. baissé le rideau, et
l'on a bien fait, CHARLES dXrcocrs:
DÉPARTEMENTS
La cour d'assises des Basses-Pyrénées a
rendu son arrêt dans l'affaire de l'assassinat
de M. Rausch, habitant de Bayonne, qui a
eu un si grand retentissement dans le dépar-
tement.
Elle a condamné à mort Gestal, dit Cor-
reas, comme co-auteur du crime, et Balbino
Banueluos comme complice. Ils seront exé-
cutés à Bavonne. Pedro Banuelos a été
condamné à"vingt années de travaux forcés,
et Augustino Banuelos à dix années de ré-
GYMNASTIQUE Hygiénique et Médicale
pour les deux sexes et pour tous les âges..Message
rsironne, Traite-
ment spécial des maladies nerveuses,goutte, diabète,
gravelle, débilité, chlorose, anémie, épuisement, ra-
mollissement, déviations de la -taille, coxalgies, en-
torses, etc. GYMNASE PAZ, rue des Martyrs,
Sallesd'IWHALATIOKctdePUIiVÉaiSATION
jour les maladies de la gorge et de la poitrine
Un livre extraordinaire paraît chez les édi-
teurs E.Plon et Ce,10,r.Garâncière Les Evéne-
ments prochains, d'après le Livre de' Daniel ét
Upocalypse. In-8-. Prix 1 fr. 50 c.
ESSENCE DE CAFÉ TRABLIT pour café a 1,'eau, café
au iait,mazagran, crèmes, bonbons, glaces,étc.
Pr..l î.60. Cahan, 67,r.J.-J. Rousseau, Paris.
et pose de dents aaîwoouteur, 45, rue Lalayetta.
L'AFFAIRE
DE LA BASTliE-BESPLÂS
SOUVENIR JUDICIAIRE
Dans l'impétuosité de leur élan, les deux
assaillants s'étaientjetés en avant tête baissée.
Puis, comme si chacun eût attendu, pour
attaquer, de connaître le jeu de son adver-
saire, ils étaient tombés en arrêt, face à face,
presque poitrine contre poitrine, s'étudiant,
s'observant avant de-se frapper.
Dans cette attitude expectante, l'un d'eux,
le plus grand, redressa son front comme pour
dominer davantage son ennemi.
si inquiet de la folle excursion de son maî-
tre, dans le royaume dos ténèbres. Bernard
était donc à bord, amusant un peu les mate-
lots par ses naïvetés, et son maître par ses
craintes exagérées pour sa personne.
Cependant Frédéric commençait à se lasser
du rôle forcément passif que lui avait assi-
gné son oncle, et sa soumission aux volontés
du roi n'avait garde d'être complète sur ce
point.
Ce jour-là même, il avait envoyé un mes-
sage]: à Théodore, réclamant sa place au siège
L'anse de Bastia, qui ne peut contenir de
grands navires, risquait peu d'être attaqué
sérieusement, etla simple garde, non trou-
blée, du blocus n'était pas ce qu'il fallait au
jeune et bouillant Frédéric. Aussi, en rece-
vant les dix marins volontaires, leur annon-
ça-t-il.son très prochain départ et son in-
tention de les emmener avec lui, projet qu'ils
parurent accueillir avec joie.
Entre la ville basse occupée par les Génois,
et la ville haute au pouvoir des patriotes, au-
cun conflit n'avait eu lieu; dans le port, au-
fut, n'avait donne aux galères l'occasion d'af-
firmer leur présence.
La ville ressemblait à un vaste cloître en
retrait. Le commerce y était nul, les rues
désertes, le silence à peu près complet. A
part quelques roulements de tambours aux
heures de relevée,, les habitants et la garni-
âpnsembiiiiaat. avoir été endormis vax mië
Ce mouvement mit en pleine lumière une
face bestiale, rugueuse et bronzée, avivée
par deux yeux en vrille, extraordinairement
perçants.
L'autre fit un soubressaut de surprise, et,
dans un cri étouflé, il prononça ce nom:
Jacques Latour!
En même temps, il relevait son visage, dont
les traits contorsionnés et le regard cligno-
tant s'éclairèrent d'une teinte blafarde.
Celui qu'il venait de nommer exécuta un
bond en arrière; ses lèvres minces se dessé-
rèrent, laissant voir une double rangée de
dents blanches et aiguës, et, d'une voix que
l'incertitude faisait trembler:
Grimace! balbutia-t-il.
Pour se mieux, regarder, ils s'étaient quel-
que peu écartés l'un de l'autre.
Vivement, ils se rapprochèrent; tandis
qu'ensemble ils s'écriaient:
Toi!
Toi!
Cette scène s'était passée en beaucoup
moins de temps que nous n'en avons mis à
l'écrire.
Elle n'avait pas été si rapide, toutefois,
qu'elle ne dût exercer une influence salutaire
sur les destinées du voyageur dont les deux
misérables avaient, concurremment, convoité
les dépouilles.
Le cabriolet venait de rouler tout près
d'eux, les frôlant presque dans sa course.
Lorsqu'ils se retournèrent, il avait franchi
le coude de la route.
Instinctivement, Grimace et Latour s'élan-
cèrent comme pour reconquérir le terrain
perdu. Trop tard! Les chevaux atteignaient
le sommet de la côte, un,claquement de fouet
activait leur allure et ils gagnaient la des-
cente au grand trot.
Quelques.secondes encore, et le choc de
leurs sabots frappant la terre durcie par le
froid se perdait dans l'éloignement.
Les deuxbandits restaientseuls sur la voie
silencieuse et déserte.
Latour glissa philosophiquement, sous les
plis do sa blouse noire, le poignard qui ar-
mait son bras.
En vôila un qui l'a échappée belle inur-
mura-t-il avec un ignoble sourire.
Grimace, en rechignant, faisait disparaître
son pistolet dans la poche large et profonde
d'une espèce de vareuse dont il était vétu:
Ce que c'est cependant, grommelait-il
avec mauvaise humeur, ce que c'est que de
ne pas s'entendre!
La mine qu'il faisait était d'un effet si pi-
teux que son rival de tout à l'heure ne put
se détendre d'un accès de gaieté.
-Camarade, dit-il avec un rire épais,
avouons que le hasard a parfois des idées
drôles!
De bêtes d'idées aussi,.marmonna Gri-
mace toujours grognon.
Qu'est-ce à dire? reprit le rieur.
Eh du diable! fït l'autre, si je pouvais
m'attendre à te.trouver ici.
Monsieur espérait peut-être me rencon-
trer dans un salon du grand monde, riposta
Latour narquoisement.
Dame! on ne sait pas. Tu as eu une si
brillante carrière. Je te croyais arrivé!
Eh bien! Et toi, alors?
Oh! moi c'est 'différent; je n'ai .guère
couru les aventures depuis que nous nous
sommes vus pour là dernière fois.
Eh! eh! Il y a un bout de temps de cela,
ce nie semble.
Ma loi, mon pauv,re vieux, si nous n'a-
,dons que ça pour nous rajeunir.
Attends donc! c'était, si j'ai bonne mé-
moire, en 1851?
Précisément. Après l'affaire des vases
sacrés.
Une afiaire où l'ami Grimace a trouvé
son compte, entre parenthèse.
Pas plus que l'ami Latour, j'imagine!
Tu imagines mal; car j'avais cru placer
mes économies en lieu sûr et, après dix ans*
passés à l'ombre, il m'a été impossible de re-
trouver l'endroit où j'avais enfoui les ciboi-
res, le collier de la Vierge, les deux tire-lire
d'église et les billets de banque cueillis dans
le colf're du présbytère.
Dix ans! que dis-tu là?
baguette magique.
Les évêques étaient enfermés dans Terra-
Vecchia avec les séminaires rentrés sous l'o-
béissance. L'abbé Dominique paraissait ré-
signé, sinon soumis; et dans ce moment cri-
tique on n'avait pas osé agir contre lui avec
rigueur, dans la crainte d'un nouveau soulè-
vement.
Frédéric s'ennuyait donc consciencieuse-
ment et la vue d'un l'eau coucher de soleilsur
les flots bleus, à l'horizon immense, parvenait
médiocrementà le distraire. Il regardait pour-
tant, étendu sur le pont de sa galère, mon-
ter en spirales blanches la lumée de son ci-
gare, ce qui était encore chose presque in.
connue, le grand luxe de l'époque.
Bernard monta près de lui; il avait l'air
mystérieux.
Commandant, dit-il à voix basse, si vous
descendiez un peu dans votre cabine'.
Mais il me semble que je suis beaucoup
mieux ici.
Je voudrais vous parler en secret.
Frédéric se mit à rire.
La place est excellente pour cela, dit-il.
Dans la cabine on peut écouter à la porte,
ici personne ne saurait nous approcher sans
être vu.
Et il se remit à fumer avec insouciance.
Commandant, reprit Bernard, la chose
est grave; il s'agit de votre sûreté.
Je sais bien que nia sûreté est ta préoc-
cupation perpétuelle, aussi n'ai-je pas
en insuiéteiv
Oh'! le compte est facile à faire. N'ai-je
pas été pris en 1852, dans le département
même?
Oui, oui, je m'en souviens et extiédiô
au chef-lieu.
-Franc de port, exempt de droits. Jo-
lie prison, du reste, cet ancien château
des comtes de Foix, perché à douze cents
pieds à pic. Pourquoi ne m'y plaisais-je
guère? On n'est pas maître de ces choses-
là. Je me répétais nuit et jour:" Ah! si
seulement j'avais une corde Alors, il me
vint une idée.
Qui étai!?
De fabriquer ma. corde moi-même,
Tu battais la breloque, mon bravè La-
tour.
Pas tant que ça, car c'était simple. Il
ne s'agissait que d'y mettre le temps. Je dé-
piotai ma veste, mon pantalon, ma chemise
de toile; j'en arrachai les fils, lentement, un
à un, à nombre égal dans la trame et dans la
chaîne.
La nuit, je tressais ensemble ces brins. Ca
me fit, à la longue, comme un grelin très
mince mais très résistant. Un soir, à travers
ma lucarne, je glissai mon cordage le long
du roc. Malheur! Il n'allait pas seulement à
moitié.
Impossible de plus rien emprunter aux lo-
ques qui faisaient comme un tamis sur ma
peau. Un fil de plus et tout se découvrait..
Je préférai guigner la porte, puisqu'il n'y
vait pas moyen de déguerpir par la fenêtre.
Et le truc?
Plus aisé que l'autre. J'avais un balai
pour ma cellule. Entre elle et le couloir mai
menait au dehors, il y avait trois portes. En
allant au préau, j'avais pris l'empreinte des
serrures sur de la rriie de pain mâchée, une
invention à moi.
Avec le manche du balai, sans autre outil
que ma mâchoire, je fabriquai trois clefs, des
chefs d'œuvresl (1) mais le guignon m'acra-
bla une fois encore; juste aumoment où j'al..
lais réussir, ma prévention finissait. Je fus
jugé, condamné, emballé pour la maison
centiale d'Eysses.
Quatre fois en huit ans, je tentai de m%
vader. Ah ouiche! Au lieu de ça, je fis en-
core un an à la centrale d'Emb'run, Enfin
1862 arriye!
Tu étais libre? <
Libre, bien entendu à résidence fixe,
sous la surveillance de la police. C'était gê-
nant. Je romps.mo-n ban. On me repince; et
en route pour Cayenne. sous prétexte de ré-
cidive Il est vrai qu'ils m'ont gardé près
d'un an à T oulouse; l'instruction n'en finis-
sait pas, je les dépistais toujours.^ Mais
voilà! Notre métier mèné à la torturie ou au
bagne. Paraît que c'est au bagne que je de-
vais aller. On me dirige sur Toulon poue
m'embarquer.
M'embarquer, moi J'ai voulu leur faire/
voir que Latour ne travaillait pas pour l'ex-i
portatiQn.
Jusqu'à Narbonne, je file doux. Le gen'
darme qui me menait, était agaçant comme
pas un. Je me dis « Toi, puisque tu m'emh
êtesje m'en vais t'embêter aussi 1 J'avais
tiré mes plans: A force de me désarticuler et
de gigoter du poignet, je me dégage desrhe-j
nottes. C'est le gendarme, qui a dû faire un^
Et depuis, qu'es-tu devenu?
Un homme qui.se cache, parbleu î J'ai
erré par ici, parce que, vois-tu, on revient
toujours au pays, Mais toi-même, qu'as-tu
fait, ces temps derniers?
Uh moi, mon histoire est courte. Mes
parts de prise m'avaient profité. Je me suis
établi. Je travaille aux environs, dans les ar-
doisières
.M'est avis pourtant, camarade, que ce
n'est pas absolument à cette b.esogne-là que.
tu e livrais ce soir.
Grimace baissa la tête d'un air sombre.
(La suite à demain) A.-J. dalsème.
(1) Nous prions nos lecteurs de croire que la fan.
taisie n'entre pour rien dans ces détails, scrupuleu-
sement exacts.
li'Editeur-G'érant D. Gassiqneijl.
Et de celle de toutes les galères, com-
mandant.
C'est autre chose, dit le jeune homme
en se seulevant pour regarder Bernard.
Qu'est-ce qui t'inquiète? Parle; je t'écoute.
Vous avez confiance dans les marins
arrivés d'aujourd'hui.
Pourquoi pas?
Ces hommes vous trompent, comman»
dant; ce sont des ennemis, j'en suis sûr.
Et qui te fait croire cela?
Des signes mystérieux que j'ai surpris.
Habitudes de vieux loups de mer.
Et des paroles comme celles-ci: Moi je
me charge tout seul du petit commandant.
Frédéric jeta les yeux autour de lui; qua-
tre des marins patriotes faisaient doubler ou
remplacer les amarres du bâtiment, qu'ils j u-
geaiùnt trop faibles pour résister aux coups
de vent, que depuis quelquesinstants onpou-
vait pressentir. Les autres, couchés insou-
cieusement à l'autre hout du navire, racon-
taient. aux matelots de ces histoire mariti-
mes, merveil'euses et insensées, qui tiennent
ces hommes de mer en baleine pendant plu-
sieurs heures, et leurs font oublier iabgues
et soucis. Il fut persuadé que les 'craintes do
Bernard étaient dues à. son imagination, trop
féconde quand elle se mettait au service de
son dévouement.
Le pauvre serviteur vit avec effroi cette
inébranlable ..nuance, et résolut de veille»
a.
PARIS
Le froid est devenu assez vif hier, et, sous
l'influence d'un vent du Nord très âpre, le
thermomètre est descendu de plusieurs de-
grés au-dessous de zéro, maigre le soleil qui
a brillé à l'horizon.
Les bassins des fontaines et des jardins pu-
blics étaient entièrement pris hier; il en est
de même des lacs du bois de Boulogne. Le
club des patineurs songe déjà à organiser
des parties brillantes.
La violence du vent a causé plusieurs acci-
dents hier matin.
Un grand nombre de cheminées ont été
renversées, surtout dans les quartiers excen-
triques; une femme âgée de soixante-cinq ans,
renversée au carrefour de l'Observatoire par
la violence du vent, s'est cassé la jambe en
Un ouvrier plombier, était monté, malgré
les conseils de ses camarades, sur le toit
d'une maison en construction de la rue de
Vaugirard à peine y était-il, qu'un coup de
vent le renversa, il est tombé si malheureu-
reusement sur l'échafaudage servant aux
.-maçons, qu'il s'est fracturé le crâne.
Rue d Assas, une tuile est tombée sur la
tête d'un passant; après un évanouissement
de quelques minutes, on l'a reconduit à son
domicila. ,t.;
Un incendie s'est déclaré, vers deux heures,
hier soir, chez un emballeur, rue Saint-Do-
minique-Saint-Germain..
On s'est empressé de le combattre, et grâce
au concours des pompiers du poste de la
rue Malar, on en était bientôt maître. Toutes
les marchandises ont été la proie des flam-
mes. Les pertes sont estimées environ 5,000
francs. Tout était assuré.
Une jeune couturière, rue d'Allemagne,
allumait hier sa lampe, quand l'essence mi-
nérale prit feu et se répandit sur la table.
Pour l'éteindre, la jeune fille soutila sur
la lampe, mais elle eut la finure brûlée.
A ses cris, les voisins arrivèrent et parvin-
rent à éteindre le feu: un médecin a donné
des soins àla jeune fille, qui gardera toujours
les traces des brûlures.
La nuit dernière, à trois heures trente, le
,train de marchandises 918, parti delà gare
Yde Courcelles vers Çlichy, sur le chemin de
Ceinture, s'est séparé en deux.
̃ La moitié postérieure du train, retournant
'en arrière rapidement, a descendu la rampe.
A ce moment arrivait le train de marc han-
'dises 916, venant de Paris; par suite de 1 obs-
curité le'conducteur n'avait pu s'apercevoir
à temps du fait pour arrêter.
Un choc épouvantable s'ensuivit. Le train
monta sur le tronçon de l'autre train,
-brisa et incendia cinq wagons.
Le mécanicien, M. Joseph Lagache, a été
très grièvement blessé; il a été transporté à
l'hospice Beaujon.
Le chauffenr a été pris entre la chaudière
est la galerie de la machine à vapeur et litté-
raiernent broyé. Le corps a été provisoire-
ment déposé à la station de Cïzchy.
Les trains n'ont pu reprendre le service ré-
gulier qu'après dix heures du matin, où la
voie a 'été entièrement déblayée.
Outre les cinq wagons entièrement dé-
truits, une vingtaine sont fortement endom-
magés.
Les amis d'un ouvrier coutelier, demeu-
rant rue Dupin, l'ayant-en vain attendu pour
dîner, montèrent chez lui..
Le premier qui entra recula d'effroi le
"jeune homme était étendu tout sanglant et
sans mouvement sur son lit.
Il avait trois coups de couteau à la figure
et au-dessus du sein.
On l'a transporté à l'hôpital son état est
extrêmement grave. Comme il n'a pas encore
pu prononcer un mot, on ne sait s'il s'agit
d'un assassinat ou d'un suicide; la blessure.
à la figure semble exclure cette dernière
hypothèse.
Un attroupement assez considérable s'était
Feuilleton da li Février 1874
LE ROI DE CORSE
:m Ire Partie. La Reine des Vagues
CHAPITRE XVI
)L'anse de ES&stia
Acetteheured'enthousiasme,où hommes de
terre et hommes de-mer s'enrôlaient ài'cnvi
au service de laCorse, ou bien marchaient en
volontaires sous tels ou tels chefs improvisés,
ceci n'était pas tout à fait une imprudence.
Du reste, il n'était plus guère question de
lutte; Bastia vaincue, devait se rendre d'un
moment à l'autre il ne s'agissait que d'em-
pêcher le passage de bâtiments porteurs de
? vivres.. L'ennemi n'avait à faire examiner ni
plan d'attaque, ni position de combat l'idée
d'espions ou' de traîtres ne serait venue à
personne.
Frédéric ne vit dans les nouveaux venus
que des patriotes, commeil en arrivait chaque
jour de toutes parts, pour ofîrir à la patrie
leurs bras et leur vie.
C'est sur cette confiance qu'avait compté la
reine des Vagues pour ses projets..
Le roi de Corse, en se séparant de son ne-
veu, avait exigé que celui-ci gardât près de
,.lui ce ûdèj,a nous avons vu
formé hier, vers une heure, autour d'un
fiacre arrêté au coin de la rue Saint-Paul et
de la rue Charlemagne.,
Des cris et des gémissements partaient de
l'intérieur de la voiture.
Information prise, c'était une jeune femme
en mal d'enfant; elle a mis au monde deux
petites filles.
On l'a transportée d'urgence à l'hôpital
Saint-Antoine.
REVUE DES THÉÂTRES
Hier, au Théâtre-Français, reprise de George
Dandin, et grand succès de M. Got, qui remplissait
pour la première fois le rôle de Dandin, et de Mlle
Lloyd dans celui d'Angélique.
X Demain, aux Variétés, représentation au, bé-
néfice de M. Dupuis. On donnera, pour la première
fois, le nouvel ouvrage en un acte de M. Labiche et
l'Opéra aux Italiensf à-propos en un acte de M. W;
Busnach.
X Les Parisiennes sont répétées en hâte an théâtre
des Bouffes-Parisiens. la pièce est en cinq actes; les
auteurs sont MM. Jules Moinaùx et Victbr Konin'g;
la musique est de M: Vasseur, le compositeur de la
Timbale d'argent.
X On va monter, au théâtre de la Renaissance,
les Bibelots cluDiable, l'amusante féerie qui obtint,
il y a une quinzaine d'années, un si grand succès
aux Variétés.
X Le Candidat, comédie de M. Gustave Flaubert,
qui doit succéder, au Vaudeville, à l'Oncle Sam,
sera accompagné d'une pièce en un acte de M. Em.
Bergerat Séparés de corps.
X La première apparition des Almées, aux Folies-
Beraères a produit hier un effet auquel on ne s'at-
tendait guère ces danseuses exotiques ont obtenu
un succes de fou-rire.
Elles ont essayé, pendant quelques instants, de
lutter contre la bonne humeur du public mais
comme cette bonne humeur menaçait de tourner as-
'sez rapidement à l'aigre, on a. baissé le rideau, et
l'on a bien fait, CHARLES dXrcocrs:
DÉPARTEMENTS
La cour d'assises des Basses-Pyrénées a
rendu son arrêt dans l'affaire de l'assassinat
de M. Rausch, habitant de Bayonne, qui a
eu un si grand retentissement dans le dépar-
tement.
Elle a condamné à mort Gestal, dit Cor-
reas, comme co-auteur du crime, et Balbino
Banueluos comme complice. Ils seront exé-
cutés à Bavonne. Pedro Banuelos a été
condamné à"vingt années de travaux forcés,
et Augustino Banuelos à dix années de ré-
GYMNASTIQUE Hygiénique et Médicale
pour les deux sexes et pour tous les âges..Message
rsironne, Traite-
ment spécial des maladies nerveuses,goutte, diabète,
gravelle, débilité, chlorose, anémie, épuisement, ra-
mollissement, déviations de la -taille, coxalgies, en-
torses, etc. GYMNASE PAZ, rue des Martyrs,
Sallesd'IWHALATIOKctdePUIiVÉaiSATION
jour les maladies de la gorge et de la poitrine
Un livre extraordinaire paraît chez les édi-
teurs E.Plon et Ce,10,r.Garâncière Les Evéne-
ments prochains, d'après le Livre de' Daniel ét
Upocalypse. In-8-. Prix 1 fr. 50 c.
ESSENCE DE CAFÉ TRABLIT pour café a 1,'eau, café
au iait,mazagran, crèmes, bonbons, glaces,étc.
Pr..l î.60. Cahan, 67,r.J.-J. Rousseau, Paris.
et pose de dents aaîwoouteur, 45, rue Lalayetta.
L'AFFAIRE
DE LA BASTliE-BESPLÂS
SOUVENIR JUDICIAIRE
Dans l'impétuosité de leur élan, les deux
assaillants s'étaientjetés en avant tête baissée.
Puis, comme si chacun eût attendu, pour
attaquer, de connaître le jeu de son adver-
saire, ils étaient tombés en arrêt, face à face,
presque poitrine contre poitrine, s'étudiant,
s'observant avant de-se frapper.
Dans cette attitude expectante, l'un d'eux,
le plus grand, redressa son front comme pour
dominer davantage son ennemi.
si inquiet de la folle excursion de son maî-
tre, dans le royaume dos ténèbres. Bernard
était donc à bord, amusant un peu les mate-
lots par ses naïvetés, et son maître par ses
craintes exagérées pour sa personne.
Cependant Frédéric commençait à se lasser
du rôle forcément passif que lui avait assi-
gné son oncle, et sa soumission aux volontés
du roi n'avait garde d'être complète sur ce
point.
Ce jour-là même, il avait envoyé un mes-
sage]: à Théodore, réclamant sa place au siège
L'anse de Bastia, qui ne peut contenir de
grands navires, risquait peu d'être attaqué
sérieusement, etla simple garde, non trou-
blée, du blocus n'était pas ce qu'il fallait au
jeune et bouillant Frédéric. Aussi, en rece-
vant les dix marins volontaires, leur annon-
ça-t-il.son très prochain départ et son in-
tention de les emmener avec lui, projet qu'ils
parurent accueillir avec joie.
Entre la ville basse occupée par les Génois,
et la ville haute au pouvoir des patriotes, au-
cun conflit n'avait eu lieu; dans le port, au-
fut, n'avait donne aux galères l'occasion d'af-
firmer leur présence.
La ville ressemblait à un vaste cloître en
retrait. Le commerce y était nul, les rues
désertes, le silence à peu près complet. A
part quelques roulements de tambours aux
heures de relevée,, les habitants et la garni-
âpnsembiiiiaat. avoir été endormis vax mië
Ce mouvement mit en pleine lumière une
face bestiale, rugueuse et bronzée, avivée
par deux yeux en vrille, extraordinairement
perçants.
L'autre fit un soubressaut de surprise, et,
dans un cri étouflé, il prononça ce nom:
Jacques Latour!
En même temps, il relevait son visage, dont
les traits contorsionnés et le regard cligno-
tant s'éclairèrent d'une teinte blafarde.
Celui qu'il venait de nommer exécuta un
bond en arrière; ses lèvres minces se dessé-
rèrent, laissant voir une double rangée de
dents blanches et aiguës, et, d'une voix que
l'incertitude faisait trembler:
Grimace! balbutia-t-il.
Pour se mieux, regarder, ils s'étaient quel-
que peu écartés l'un de l'autre.
Vivement, ils se rapprochèrent; tandis
qu'ensemble ils s'écriaient:
Toi!
Toi!
Cette scène s'était passée en beaucoup
moins de temps que nous n'en avons mis à
l'écrire.
Elle n'avait pas été si rapide, toutefois,
qu'elle ne dût exercer une influence salutaire
sur les destinées du voyageur dont les deux
misérables avaient, concurremment, convoité
les dépouilles.
Le cabriolet venait de rouler tout près
d'eux, les frôlant presque dans sa course.
Lorsqu'ils se retournèrent, il avait franchi
le coude de la route.
Instinctivement, Grimace et Latour s'élan-
cèrent comme pour reconquérir le terrain
perdu. Trop tard! Les chevaux atteignaient
le sommet de la côte, un,claquement de fouet
activait leur allure et ils gagnaient la des-
cente au grand trot.
Quelques.secondes encore, et le choc de
leurs sabots frappant la terre durcie par le
froid se perdait dans l'éloignement.
Les deuxbandits restaientseuls sur la voie
silencieuse et déserte.
Latour glissa philosophiquement, sous les
plis do sa blouse noire, le poignard qui ar-
mait son bras.
En vôila un qui l'a échappée belle inur-
mura-t-il avec un ignoble sourire.
Grimace, en rechignant, faisait disparaître
son pistolet dans la poche large et profonde
d'une espèce de vareuse dont il était vétu:
Ce que c'est cependant, grommelait-il
avec mauvaise humeur, ce que c'est que de
ne pas s'entendre!
La mine qu'il faisait était d'un effet si pi-
teux que son rival de tout à l'heure ne put
se détendre d'un accès de gaieté.
-Camarade, dit-il avec un rire épais,
avouons que le hasard a parfois des idées
drôles!
De bêtes d'idées aussi,.marmonna Gri-
mace toujours grognon.
Qu'est-ce à dire? reprit le rieur.
Eh du diable! fït l'autre, si je pouvais
m'attendre à te.trouver ici.
Monsieur espérait peut-être me rencon-
trer dans un salon du grand monde, riposta
Latour narquoisement.
Dame! on ne sait pas. Tu as eu une si
brillante carrière. Je te croyais arrivé!
Eh bien! Et toi, alors?
Oh! moi c'est 'différent; je n'ai .guère
couru les aventures depuis que nous nous
sommes vus pour là dernière fois.
Eh! eh! Il y a un bout de temps de cela,
ce nie semble.
Ma loi, mon pauv,re vieux, si nous n'a-
,dons que ça pour nous rajeunir.
Attends donc! c'était, si j'ai bonne mé-
moire, en 1851?
Précisément. Après l'affaire des vases
sacrés.
Une afiaire où l'ami Grimace a trouvé
son compte, entre parenthèse.
Pas plus que l'ami Latour, j'imagine!
Tu imagines mal; car j'avais cru placer
mes économies en lieu sûr et, après dix ans*
passés à l'ombre, il m'a été impossible de re-
trouver l'endroit où j'avais enfoui les ciboi-
res, le collier de la Vierge, les deux tire-lire
d'église et les billets de banque cueillis dans
le colf're du présbytère.
Dix ans! que dis-tu là?
baguette magique.
Les évêques étaient enfermés dans Terra-
Vecchia avec les séminaires rentrés sous l'o-
béissance. L'abbé Dominique paraissait ré-
signé, sinon soumis; et dans ce moment cri-
tique on n'avait pas osé agir contre lui avec
rigueur, dans la crainte d'un nouveau soulè-
vement.
Frédéric s'ennuyait donc consciencieuse-
ment et la vue d'un l'eau coucher de soleilsur
les flots bleus, à l'horizon immense, parvenait
médiocrementà le distraire. Il regardait pour-
tant, étendu sur le pont de sa galère, mon-
ter en spirales blanches la lumée de son ci-
gare, ce qui était encore chose presque in.
connue, le grand luxe de l'époque.
Bernard monta près de lui; il avait l'air
mystérieux.
Commandant, dit-il à voix basse, si vous
descendiez un peu dans votre cabine'.
Mais il me semble que je suis beaucoup
mieux ici.
Je voudrais vous parler en secret.
Frédéric se mit à rire.
La place est excellente pour cela, dit-il.
Dans la cabine on peut écouter à la porte,
ici personne ne saurait nous approcher sans
être vu.
Et il se remit à fumer avec insouciance.
Commandant, reprit Bernard, la chose
est grave; il s'agit de votre sûreté.
Je sais bien que nia sûreté est ta préoc-
cupation perpétuelle, aussi n'ai-je pas
en insuiéteiv
Oh'! le compte est facile à faire. N'ai-je
pas été pris en 1852, dans le département
même?
Oui, oui, je m'en souviens et extiédiô
au chef-lieu.
-Franc de port, exempt de droits. Jo-
lie prison, du reste, cet ancien château
des comtes de Foix, perché à douze cents
pieds à pic. Pourquoi ne m'y plaisais-je
guère? On n'est pas maître de ces choses-
là. Je me répétais nuit et jour:" Ah! si
seulement j'avais une corde Alors, il me
vint une idée.
Qui étai!?
De fabriquer ma. corde moi-même,
Tu battais la breloque, mon bravè La-
tour.
Pas tant que ça, car c'était simple. Il
ne s'agissait que d'y mettre le temps. Je dé-
piotai ma veste, mon pantalon, ma chemise
de toile; j'en arrachai les fils, lentement, un
à un, à nombre égal dans la trame et dans la
chaîne.
La nuit, je tressais ensemble ces brins. Ca
me fit, à la longue, comme un grelin très
mince mais très résistant. Un soir, à travers
ma lucarne, je glissai mon cordage le long
du roc. Malheur! Il n'allait pas seulement à
moitié.
Impossible de plus rien emprunter aux lo-
ques qui faisaient comme un tamis sur ma
peau. Un fil de plus et tout se découvrait..
Je préférai guigner la porte, puisqu'il n'y
vait pas moyen de déguerpir par la fenêtre.
Et le truc?
Plus aisé que l'autre. J'avais un balai
pour ma cellule. Entre elle et le couloir mai
menait au dehors, il y avait trois portes. En
allant au préau, j'avais pris l'empreinte des
serrures sur de la rriie de pain mâchée, une
invention à moi.
Avec le manche du balai, sans autre outil
que ma mâchoire, je fabriquai trois clefs, des
chefs d'œuvresl (1) mais le guignon m'acra-
bla une fois encore; juste aumoment où j'al..
lais réussir, ma prévention finissait. Je fus
jugé, condamné, emballé pour la maison
centiale d'Eysses.
Quatre fois en huit ans, je tentai de m%
vader. Ah ouiche! Au lieu de ça, je fis en-
core un an à la centrale d'Emb'run, Enfin
1862 arriye!
Tu étais libre? <
Libre, bien entendu à résidence fixe,
sous la surveillance de la police. C'était gê-
nant. Je romps.mo-n ban. On me repince; et
en route pour Cayenne. sous prétexte de ré-
cidive Il est vrai qu'ils m'ont gardé près
d'un an à T oulouse; l'instruction n'en finis-
sait pas, je les dépistais toujours.^ Mais
voilà! Notre métier mèné à la torturie ou au
bagne. Paraît que c'est au bagne que je de-
vais aller. On me dirige sur Toulon poue
m'embarquer.
M'embarquer, moi J'ai voulu leur faire/
voir que Latour ne travaillait pas pour l'ex-i
portatiQn.
Jusqu'à Narbonne, je file doux. Le gen'
darme qui me menait, était agaçant comme
pas un. Je me dis « Toi, puisque tu m'emh
êtesje m'en vais t'embêter aussi 1 J'avais
tiré mes plans: A force de me désarticuler et
de gigoter du poignet, je me dégage desrhe-j
nottes. C'est le gendarme, qui a dû faire un^
Et depuis, qu'es-tu devenu?
Un homme qui.se cache, parbleu î J'ai
erré par ici, parce que, vois-tu, on revient
toujours au pays, Mais toi-même, qu'as-tu
fait, ces temps derniers?
Uh moi, mon histoire est courte. Mes
parts de prise m'avaient profité. Je me suis
établi. Je travaille aux environs, dans les ar-
doisières
.M'est avis pourtant, camarade, que ce
n'est pas absolument à cette b.esogne-là que.
tu e livrais ce soir.
Grimace baissa la tête d'un air sombre.
(La suite à demain) A.-J. dalsème.
(1) Nous prions nos lecteurs de croire que la fan.
taisie n'entre pour rien dans ces détails, scrupuleu-
sement exacts.
li'Editeur-G'érant D. Gassiqneijl.
Et de celle de toutes les galères, com-
mandant.
C'est autre chose, dit le jeune homme
en se seulevant pour regarder Bernard.
Qu'est-ce qui t'inquiète? Parle; je t'écoute.
Vous avez confiance dans les marins
arrivés d'aujourd'hui.
Pourquoi pas?
Ces hommes vous trompent, comman»
dant; ce sont des ennemis, j'en suis sûr.
Et qui te fait croire cela?
Des signes mystérieux que j'ai surpris.
Habitudes de vieux loups de mer.
Et des paroles comme celles-ci: Moi je
me charge tout seul du petit commandant.
Frédéric jeta les yeux autour de lui; qua-
tre des marins patriotes faisaient doubler ou
remplacer les amarres du bâtiment, qu'ils j u-
geaiùnt trop faibles pour résister aux coups
de vent, que depuis quelquesinstants onpou-
vait pressentir. Les autres, couchés insou-
cieusement à l'autre hout du navire, racon-
taient. aux matelots de ces histoire mariti-
mes, merveil'euses et insensées, qui tiennent
ces hommes de mer en baleine pendant plu-
sieurs heures, et leurs font oublier iabgues
et soucis. Il fut persuadé que les 'craintes do
Bernard étaient dues à. son imagination, trop
féconde quand elle se mettait au service de
son dévouement.
Le pauvre serviteur vit avec effroi cette
inébranlable ..nuance, et résolut de veille»
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.57%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.57%.
- Collections numériques similaires Garsault François Alexandre Pierre de Garsault François Alexandre Pierre de /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Garsault François Alexandre Pierre de" or dc.contributor adj "Garsault François Alexandre Pierre de")Les Figures des plantes et animaux d'usage en médecine. Tome 5 / , décrits dans la "Matière médicale" de M. Geoffroy,... dessinés d'après nature, par M. de Garsault... - Description, vertus et usages de 719 plantes et de 134 animaux en 730 planches, gravées... sur les desseins... de M. de Garsault... /ark:/12148/bpt6k1098340p.highres Expériences et observations sur l'usage interne de la pomme épineuse, de la jusquiame, et de l'aconit ; par lesquelles il est démontré qu'on peut faire prendre aux hommes ces plantes avec sécurité, & qu'elles sont très salutaires dans beaucoup de maladies qui ne cedent point à d'autres remedes. Traduites du latin d'Antoine Storck, medecin de la cour de Vienne. Avec figures en taille douce /ark:/12148/bd6t5380278k.highres
- Auteurs similaires Garsault François Alexandre Pierre de Garsault François Alexandre Pierre de /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Garsault François Alexandre Pierre de" or dc.contributor adj "Garsault François Alexandre Pierre de")Les Figures des plantes et animaux d'usage en médecine. Tome 5 / , décrits dans la "Matière médicale" de M. Geoffroy,... dessinés d'après nature, par M. de Garsault... - Description, vertus et usages de 719 plantes et de 134 animaux en 730 planches, gravées... sur les desseins... de M. de Garsault... /ark:/12148/bpt6k1098340p.highres Expériences et observations sur l'usage interne de la pomme épineuse, de la jusquiame, et de l'aconit ; par lesquelles il est démontré qu'on peut faire prendre aux hommes ces plantes avec sécurité, & qu'elles sont très salutaires dans beaucoup de maladies qui ne cedent point à d'autres remedes. Traduites du latin d'Antoine Storck, medecin de la cour de Vienne. Avec figures en taille douce /ark:/12148/bd6t5380278k.highres
-
-
Page
chiffre de pagination vue 3/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k592101d/f3.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k592101d/f3.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k592101d/f3.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k592101d/f3.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k592101d
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k592101d
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k592101d/f3.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest