Titre : Le Petit journal
Auteur : Parti social français. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Clermont-Ferrand)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Pau)
Date d'édition : 1870-04-14
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32895690j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 146118 Nombre total de vues : 146118
Description : 14 avril 1870 14 avril 1870
Description : 1870/04/14 (Numéro 2660). 1870/04/14 (Numéro 2660).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG64 Collection numérique : BIPFPIG64
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k590712f
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/07/2008
Le Petit Jôurnal
3es cheveux ont grisonné, mais ils ne sont
point tombés, car il en a une forêt sûr la
;éte. Signe particulier des lunettes sur le
iront. JEAN BONHOMME.
PETITES NOUVELLES
'Riel' le père Gratry. en sa qual'té de directeur aëtue
ie l'Académie française, a porté à l'approbation de I tm-
sereur la nomination de MM. Jules Janin et Emile Olli-
lier comme académiciens.
Les réceptions officielles des ministres sont suspendues
rendant la Semaine-Sainte.
Les salles d'étude-, de la Bibüothèque impériale sont fer.
•nés depuis le 10 avril jusqu'au 24 inclusivement.
La salle publique de lecture. 3, rue Colbert, sera fer-
mée seulement du 17 au 23 de ce mois. Elle sera rou-
'erte, en conséquence, le dimanche 24.
La première séance de la commission pour la révision
de l'enseignement au Conservatoire de. musique a lieu au-
jourd'hui, à deux heures, au ministère des beaux-arts,
;ans la présidence du ministre.
,La séance de réception, à l'Académie française de M.
Auguste Barbier, aura très probablement lieu le 28 de ce
moins. Dans les premiers jours de mai, on procédera à de
nouvelles élections pour remplacer le duc de Broglie.
La santé dé M. Villemain, secrétaire perpétuelde l'A-
cadémie française depuis quarante ans, inquiète vivement
ses amis et admirateurs.
La collecte du jury de la première quinzaine d'avril
s's»t élevée à la somme de 220 fr. qui a été répartie entre
les diverses oeuvres de bienfaisance.
Le maréchal Vaillant a communiqué à Académie oes
sciences les actes authentiques prouvant que le célèbre na-
turaliste Guvier s'appelait Frédéric, et que c'était son père
qui portait le prénom de George.
Tous les ouvriers tapissiers sont invités à assister à l'as-
semblée générale qui aura lieu le dimanche 17 avril 1870.
à une heure très précise, salle de la cour d Aligre, rue
Saint-Honoré, 123.
Ce soir, aux Variétés, première représentation du Beau
Dunois, opérette en un acte, de MM. Chivot et Duru.
musique de M. Lecocq.
La Société de tir à Metz vient de fixer son concours
général, en 18i0, aux 21 et 26 mai prochain. On sait que
cette réunion, très suivie et très populaire, obtient chaque
année, depuis sa fondation, un vit succès d'actualité.
Le Paquebot des Messageries impériales, le Tibre,
apportant les malles de Constantinople et de la mer
Noire, est arrivé hier à Marseille.
Le steamer Saxonia, de la Compagnie hambourgeoise
américaine, venant de New-York, est arrivé hier à
Cherbourg, avec 89 passagers, 9 sacs de dépêches et
divers colis.
Ces jours derniers, dit le Conciliateur, de Limoges,
une folle est allée se mettre à genoux sur la voie du che-
min de fer, en face d'un train, qui l'a écrasée.
Le Sport annonce que l'empereur de Ru-sie visitera
l'Allemagne dans le cours de la belle saiscn. Sa Maj2sté
séjournera successivement à Ems, à Darmsiadt, et sur-
tout à Bade.
.Sans connaître une note de musique, on est sur
à tout âge, de savoir jouer du piano au bout de quel-
ques mois de leçons de piano et d'harmonie de M.
Rahn. Méthode, 6fr., rue Neuve-Bossuet, 26, Paris.
DÉPARTEMENTS
Le Jout'nal Officiel^blie un décret impérial
portant les nominations suivantes
M. Le Deschault, sous-préfet nommé de Bar-
sur-Seine (Aube), passe à la sous-préfecture d'O-
léron (Easses-Px rénées).
M. Paillart, conseiller de préfecture des Bou-
cb,es-tlu-Rhône, est nommé sous-préfet de Lo-
ches (Indre-et Loire).
M. Baudelocque, sous-préfet de Nantua (Ain),
est nommé sous-préfet de Nogent-le-Rotrou (Eure-
et-Loir).
M. Lachaud, licencié en droit, est nommé
sous-préfet de Nantua (Ain).
On lit dans le Sémaphore de Vlarseille
Dans la soirée davant-hier vers huit heures,
une violente détonation mettait en émoi le quar-
tier de la rue Fortia. Une fumée épaisse qui s'é-
chappa aussitôt par les fissures de la porte du chai
Ansaldi. L'explosion d'une barrique-de trois-six
était la cause de ce sinistre. Le feu fut vigoureu-
sement attaqué et bientôt éteint. Les pompiers
allaient se retirer, lorsqu'on vint les prévenir
qu'une fumée noirâtre sortait par les fentes de
la porte d'un magasin de vannier. Ce magasin
est cautigu au chai Ansaldi.
Ce second incendie n'a pu être éteint qu'à
deux heures du matin. Les colonnes de fumée
qui s'élevaient dans les airs rendaient l'attaque
du feu très pénible et très dangereuse. I,es sa-
peurs-pompiers ont bravement pénétré dans l'in-
térieur du magasin, obligés plusieurs fois d'in-
terrompre-leur travail, à cause de la violence de
14*fumée. Les travaux de sauvetage étaient diri-
gés par M. le capitaine Ferrie et l'adjudant Bou-
louch.
-On- remarquait sur les lieux du sinistre M.
Gaillardon, commissaire central, et MM. iiaudat
et' qui avaient pris toutes les mesures
commandées par les circonstances.
On lit dans le Journal de Rennes
A quelques lieues de Vitré, s'étend la fort
du Pertre, lonnue de 5 kilomètres sur 3 dû large,
et coupée par le chemin de Vitré à Saint-Poix.
Lundi, un ouvrier de la Gravel;e a mis le 1*eu à
la forêt. En quelques instants elle présentait, un
aspect imposant et terrible. Sur une longueur de
plusieurs kilomètres, le !eu cour2it avec une rapi-
dité qui semblait défier toute tentative dé résis-
tance. Pourtant, appelés par le tocsin qui reten-
tissait dans toutes les communes voisines, plu-
sieurs m lliers de personnes réunissaient leurs
etforts pour conjurer le désastre.
Ce n'a été qu'à l'arrivée du chemin stratégique
et d'un cours d'eau qui traverse la forêt perpen-
diculairement à la route qu'il a été possible de se
rendre maître du feu. On a sauvé heureusement
les cordes de bois, les charbons et les fagots
amoncelés, provenant des dernières coupes. Il
y a de 300 à 350 hectares de terrains dévastés
,par l'incendie.
L'auteur du désastre a été arrêté.
Il proteste en disant que c'est très involon-
tairement qti'il a mis le feu.
TRIBUNAUX
COUR D'ASSISES DE LA SEINE
Présidence de M. Camuzat-Bresseroles.
Ânûiftnee du mardi f2 avril
Le de ta rue
A midi et demi, la cour entre en séance.
M. l'avocat-général Merveilleux-Duvi-
gnaux occupe le siége du ministère public,
Me Bouchot est assis au banc de la dé-
fense.
L'accusé est introduit.
Il est proprement vêtu. Il porte le cos-
tume d'un ouvrier aisé casquette et redin-
gotte marron à col de velours.
Il n'a pas la physionomie repoussante des
assassins de profession.
Tête ordinaire, front découvert, dessus du
crâne chauve, cheveux noirs, crépus, très
fournis derrière la tête, sourcils épais, enca-
drant des yeux petits. Il porte simplement
la moustache. Le regard est doux, le jeu de
la physionomie un peu embarrassé et la voix
rauque, cette voix particulière aux gens qui
ibusent des boissons.
Après la lecture de l'acte d'accusation
[voir le texte de ce document dans notre nu-
méro d'hier), il est procédé à l'interrogatoire
de l'accusé.
D. Vos noms? R. Eugène Durand, âgé de
quarante-cinq ans, ouvrier emballeur, domicilié à
Paris.
D. Vous vous êtes marié en m4S, vous étiez
établi alors et teniez un atelier d'emballage. Vous
avez vécu honorablement jusqu'en 1863, jusqu'au
moment où vous avez tout oublié vos affaires,
votre femme, vos enfants, car vous avez eu des
enfants? fi. Oui, j'en ai eu deux; il en reste un,
un garçon.
D. Vous étiez donc dans une situation pros-
père, lorsqu'en 1863 vous avez rencontré, dans
une maison de la rue de Seine, une fille, nom-
mée Joséphine Rispal, pour laquelle vous avez
conçu un violente passion. Comment, vous, un
homme marié, avez-vous pu oublier ainsi vos de-
voirs. Vous avez quitté votre femme en 1864? •-
R. Oui.
D. Vous avez quitté votre enfant? R. C'est
moi qui ai gardé l'enfant.
D. Vous vivez avec la fille Rispal. Vous lui
faites quitter la rue de la Lune et habitez succes-
sivement avec elle: rue du Four, en 1866,' rue
Bourbon-le-Château, rue St-Georges et, en der-
nier lieu, rue St. Honoré. Et cette liaison dégra-
dante, vous paraissez en avoir conscience un mo-
ment, car vous, homme sobre, vous vous adon-
nez pour vous étourdir à l'ivrognerie la plus ef-
frénée. Vous avez, en 1864, tenté de vous suici-
der vous vous êtes jeté à la rivière, d'où vous
avez été retiré. Pourquoi cette tentative? R.
J'étais honteux de la vie que je menai?.
D. Il y avait de quoi. Mais pourquoi ne rom-
piez-vous pas cette liaison et De reveniez-vous
pas dans votre ménage? R. J'essayais, mais
je n'avais pas la force, et puis Joséphine venait
me chercher et m'obsédait.
D. Vous êtes resté sous le joug et avez conti-
nué cette vie honteuse. La fille nispal a déclaré
plusieurs fois, durant sa vie, que vous aviez fait
pour elle des dépenses considérables. R. Oui.
D. Quelle dépense auriez-vous fait en quittant
la rue de la Lune. R. Nous sommes allés rue
du Four. J'ai acheté lit, commode chaises et
le reste est venu insensiblement.
D. Vous aviez déjà fait rue de la Lune des dé-
penses considérables en compagnie avec la fille
Hispal votre installation avec elle vous a beau-
coup coûté et depuis longtemps vous aviez épuisé
toutes vos ressources et vous ne viviez plus que
des générosités dégradantes de votre compagne.
R.Non.
D. Elle l'a dit, et c'est peut-être cette triste
situation qui vous a poussé à tout oublier dans
l'ivresse. Votre goùt pour les liqueurs fortes est'
si bien constaté, que, en 1868, votre famille a
dû vous faire traiter dans une maison de santé.
Les médecins ont défini votre mal folie ebrieu-
se, une maladie qui passe quand un ne boit plus.
Après un mois de traitement vous êtes sorti li-
bre, guéri. Est-ce vrai ? Il. Oui.
D. Et vous êtes retourné à votre vie d'abrutis- j
sèment. Cependant, vous rendiez la fille Rispal
malheureuse. R. Jamais.
D. L'instruction a recueilli des témoignages
qui établissent que, dès vous maltraitiez
cette fil!e. V, us éiiez violent, et plus d'une fois
vous avez mis ses jours en péril. On vuus a vu
frapper: on vous a entendu demander « un cou-
teau, » et dire à votre compagnie <• Tu ne mour-
ras jamais que de ma main. » R. Non, ja-
mais.
D. Le propos a été te;u rua du Four, en 1866.
En 1868, rue Bourbon-le-Chàtoau, à Vitry, où
vous avez une petite maison de campagne, où
vous conduisiez la fille Rispal, il y a eu des té-
moins de scènes de violence, et une compagne
de la fi.le la nommée Davenne, rapporte
que celle-ci était obligée de s'enfuir pourse sous-
traire à vos violences. R. Non.
D. Vous niez. On ne peut pas s'en étonner
beaucoup, car il est évident que la scène qui s'est
dénouée le janvier, n'est pas une scène im-
prévue. Evidemment l'explosion avait dû être
précédée de symptômes signiticatifs. Vous n'a-
vez pas pu vivre avec la fille Rispal dans une
douce et tranquille intimité, et puis, subitement,
la tuer. Vous l'avez dit vous-même; en 1S64,
j'étais honteux de l'abjection dans laquelle .j'é-
tais tombé mais je n'avais pas la fcrce d'en sor-
tir. Eh bien est-ce que, petit à petit, il ne s'est
pas fait en vous un travail inconscient, et n'a-
vez-voüs pas. fini par vous dira:
« 1[ faut en finir d'une manière ou d'autre. »
Et pour vous débarrasser de cette chaîne qui vous
pesait, il fallait la briser, vous en débarrasser
par le couteau.-La fille Rispal était agitée par
des pressentiments sinistres. Elle d sait à sa
ière et à sa soeur. s « Je n'ai pas trois mois à
vivre. Avant trois mois mon compte sera
réalé. » Elle ne dormait plus, la malheureuse!
elle était inquiète. Ces pressentiments, quelque
chose les avait fait naître. R. Jamais la pauvre
Joséphine n'avait si bien dormi. Jadis, elle se
couchait à une heure, deux heures après minuit;
rue Saint-Honoré, elle était toujours couchée à
dix heures, dix heures et demie au plus tard.
D. Nous entendrons sa mère et sa sœur, qui
répéteront que le jour même de sa mort, elle
avait dit Personne ne saura jamais ce que j'ai
souffert depuis un mois. » R. Je ne lui ai ja-
mais rendu la vie malheureuse. On aurait pu en-
tendre la dernière domestique qu'elle a eue et
elle aurait dit si la pauvre Joséphine était mal-
heureuse.
D. Nous arrivons à la scène du 31 janvier.
Vous veniez rue Saint-Honoré tous les jours.
R. A peu près.
D. Les concierges ont déclaré que vous étiez là
très souvent le jour et tous les soirs. Le 31 jan-
vier, vous étiez parti dans la matinée. Vous ètes
demeuré absent tout le jour. Vous êtes allé à Vi-
try, vous avez travaillé votre petit jardin. Vous
reveniez le soir, et sur votre chemin vous avez
rencontré un de vos anciens apprentis, le sieur
Musard. Vous avez, en compagnie de Musard, bu
dans plusieurs cabarets. Vous avez bu du vin et
rien que du vin, ni absinthe ni eau-de-vie,
quand vous vous êtes séparés vous étiez un peu
échauffé, irais vous n'étiez pas ivre. Vous saviez
ce que vous faisiez. Vous avez dit à Musard
« Il n'est pas de bonne heure, je suis en retard,
je vais prendre une voiture. » C'est ce que vous
avez fait ? R. Oui.
D. Par conséquent, vous étiez dans un état
mental trop compromis. Et les concierges de la
maison rue Saint-Honoré ont constaté cet état
encore. La femme Lory a déclaré que vous étiez
un peu sous l'influence du vin, mais que vous
n'étiez pas ivre. La fille Rispal était allée au-de-
vant de vous. R. Je ne sais pas.
D. Oh! il est impossible que vous ne vous
rappeliez pas ce détail. Comment ètes-vous en-
tré alors ?. Vous ne répondez pas. Nous répé-
terons les dires des,témoins. Vous quittez Mu-
sard, vous dites ce que vous voulez faire et le
faites. Vous arrivez rue Saint-Honoré, et les
concierges vous voient entreravec la fille Rispal,
d'où l'on peut conclure qu'elle était allée au-de-
vant de vous. Vous entrez, et rien dans votre at-
titude n'accuse une ivresse manifeste. Vous êtes
monté. Que s'est-il passé ensuite? R. Je n'en
sais rien.
D. Deux voisins, M. Jacob père et Jacob
fils, qui demeurent à l'étage supérieur, ont en-
tendu le bruit d'un carreau brisé et des cris de
femme. L'un « En voilà assez 1 en voilà assez I.
l'autre: J'en ai assez! 1 j'en ai assez •> C était
évidemment un cri de suppliante, un cri de dé-
tresse de la fille Rispal invoquant votre pitié.
Vous ne vous rappelez pas ? R. Non.
D. Immédiatement après, la fille Rispal entra
dans la loge du concierge, la figure ensanglantée
et disant « Voyez comment il m'a arrangée. »
Vous souvenez-vous? R. Non.
D. La concierge court chercher les sergents de
ville. Deux fois déjà cette femme avait dû solli-
citer l'intervention de la police pour mettre fin a
vos scènes de violence. Elle va et la fille Rispal
lui dit Vous viendrez à mon secours. » et,
pendant qu'on va chercher la garde, cette infor-
tunée prend cette résolution bien funeste de re-
monter chez elle. Elle montait et vous, vous des-
cendiez? R. Je ne me rappelle rien.
D. Vo -s venez à elle armé d'un couteau, de ce
coutcau qu'on a vu plusieurs fois dans vos mains
et dont vous aviez menacé plusieurs fois de vous
servir. Ce couteau, circonstance terrible! était
ïynîchement aiguisé. Vous l'aviez repassé sur une
brique anglaise qu'on a retrouvée dans votre do-
micile. L'expert qui a vérifié ce couteau a dé-
claré que du moment où il a été repassà et celui
où il a donné la mort à la fille Rispal il n avait
pas dû servir. R. C'est un couteau que je por-
tais toujours sur moi et que je n'avais jamais
fait aiguiseur. Ce jour-là je l'aurai passé sur la
pierre pour couper des baguettes à Vitry.
D. Personne ne vous a vu porter le coup qui a
donné la mort à la fille Rispal mais M. Jacob
et son fils vous ont vus elle se tenant à la rampe
de la main droite, vous la tenant par le bras gau-
cho .'e la main gauche. Vous étiez à côté d'etle
et elle tombait le corps allongé, la tête penchée
en arrière. Elle a reçu pli sieurs blessures, mais
il en est une qui a dû donner une mort fou-
le ventricule gauche du coeur était
.nercé. Voilà les faits. Dites, vous ne vous sou-
venez de rien? R. Je ne puis pas. Je n avais
pas conscience de ce que je fa. sais.
L'audition des témoins confirme les faits
relevés d ns l'acte d'accusation et développés
dans l'interrogation.
M. l'avocat-général Merveilleux Duvignaux,
fait son réquisitoire. L'organe du ministère
public est très réservé et, tout en maintenant
la question de préméditation, il ne la plaide
Le défenseur de l'accusé, Me Bouchot, se
contente de plaider les circonstances atté-
nuantes. Il le fai', avec beaucoup de tact et
avec grande habileté.
Le jeune et éloquent avocat a eu la bonne
fortune d'émouvoir son auditoire et de ga-
gner ses uges.
M. le président Camuzat-Busseroles ré-
sume les débats avec une grande précision
etune parfaite impartialité.
Le jury se retire pour délibérer, et rap-
porte un verdict de culpabilité, qui n'adrret
pas la préméditation, et qui est mitigé par
des circonstances atténuantes en faveur de
l'accusé.
On introduit l'accusé. Il écoute, en trem-
blant, la lecture du verdict, faite par M, le
greffier.
La coar délibère, séance tenante.
Le président prononce l'a.rrdt.
L'accusé pâlit horriblement, quand, visant
les articles du code en vertu desquels la con-
damnation va être prononcée, 1. président
lit l'art. 304, qui donne « les travaux forcés
à perpétuité. »
Heureusement pour l'accusé, catte sen«,
tence est mitigée par l'art. qui ne donne
que les travaux forcés à temps, 5 ans ait
moins, 20 ans au plus.
Eugène Durand est condamué à douze aut
de travaux forcés.
Le condamné se lève en souriant, salu(
les jurés, les conseillers, serre la main à soi^
défenséur etsort avec cet air propre auxgeni
qui ont rêvé un grand désastre et auxquels
il n'arrive qu'un demi-malheur.
L'audience est levée à quatre heures el,
demie. SAINCT-YVES.
L'HISTOIRE
Le double journal centimes à Pa^st
20 cent. dans les départements.
SOMMAIRE du numéro d'aujourd'hui.
Politique générale. Le couteau de Jean4
not, par M. Odysse Barot.
Chronique, par Pierre Véron.
Ce qu'il y a denouveau.
Les Pourquoi d'un curieux.
Curiosités parisiennes. Les dessous de(
halles, par Elie Frebault.
Causerie, par M. Max Vergniaud.
Le Sénat. La Chambre législative^
Informations.
Théâtres.
ÉCONOMIE DOMESTIQUE
T'ai promis de la vieille cuisine française en
conservant aux mots les dénominations données
par nos pères. Voici
Dictionnaire des aliments, Paris, 1750, tome m,'
page 490.
Veau en crote d'ane roulé à la N uteiu ou Ii «
la Chantilli.
Coupez par tranches bien minces une noix dg
veau mortifiée; faites-en quinze ou vingt mor
ceaux que vous battez bien, de la longueur de l9
main et de la largeur de deux doigts; arrangez-
les ensuite avec un plat; saupoudrez-les do per,
sil, ciboules, champignons, le tout haché bien
menu et assaisonné de sel, gros poivre et huile;
maniez bien le tout ensemble.
Quand ils ont bien pris goût, roulez tous ce((
morceaux cemme de petites paupiettes mettrez-
les sur des hatelettes à la broche; quand ils sont
cuits, dressez-les dans un plat, une sauce dessous
relevée à votre fantaisie, comme un ou
l'italienne, ou à l'écl1alotte, etc. etc., servez
Qu'en semble aux gourmands.
J'en essaierai. Le Baron Dnisss.
ÉTRANGER
LES FAISEURS DE LONDRES 1
Londres, Il avril
(Correspondance particulière du Petit Journal)
Depuis le 9 mars, où le Petit Journal a inséré
le prologae de l'araire A. de Cissy, l'escroc ha-
bile qui, sous le nom de comte, de fiefs imagi-
naires, a trouvé moyen de faire de si nombreuses
victimes parmi le commerce parisien. Le monde
des faiseurs de Londres est en proie à une pani-
que qui serait comique au plus haut point, si les
vices humains n'inspiraient aux honnêtes gens un
dégoût qui suit toute envie de rire.
A bon droit, par la variété de ses ruses et l'a-
bondance de ses moyens, cet individu, dont le ve>.
ritable nom est Chauvin et qui, parait-il, appar-
tient à une famille honorable que sa conduite
déshonnore, peut être considéré comme le type
du faiseur.
Lundi, le grande jury qui, en Angleterre, rem-
plit l'office de la chambre des mises en accusa-
tion en France, a rendu un verdict « truc bill »
qui le renvoie devant les assises où il passe
En a'tendant les détails de l'audience, permet-
tez-moi de préfacer mon compte rendu par une
rapide étude cle mœurs sur
Les faiseurs de Londivs
Inutile 'le vous dire que je pense que cesindivi-
dus sont tous, sans exception, des contumaces de
la justice de leur pays; depuis le condamné de
cour d'assises jusqu'au vulgaire bonnetier ou cali-
cot, qui après un vol dans le magasin où il était
commis, a eu des mésaventures avec la police.
Hier encore, ici, ils se nommaient légion; au-
iourd'hui,grâceà à la merveilleuse, quoique tardive
action de la police, ces messieurs disparaissent
avec une promptitude qui fait le plus gran i hon-
npur à l'unanimité et à la vérité des reproches
que leur adresse leur eonsciance. s'ils en ont
L'année dernière,lors d'un procès que fon fit à
un de leurs agents dont la spécialité consistait
à créer des trailes fictives, la police découvrit
chez cet industriel 1,24U timbres di,,erents de
maisons de commerce des quatre parties du mon-
de et des traites toutes libellées pour la somme de
livres sterling, soit deux millions cinq,
cent soixante -mille francs
Le seul énoncé de cette somme suffit à vous
donner un aperçu du chiure des Maires de ces
En agissant l'égard de ces escrocs, comme
les naturalistes ont continué de la faire pour la.
principales dans lesquelles rentrent tousles nom-
breux sans-gênes. \J
1° Le marchand devin;
2° Le marchand de comesticles;
3° Le soyeux (soieries);
4° Et l'importer of foreign goods (exportateu
de produits étranaers).
Le marchand de vin, surtout depuis la mise
en vigueur du traité de commerce, est, sans con^
teste, celui qui travailla le plus en grand, car ws& v
3es cheveux ont grisonné, mais ils ne sont
point tombés, car il en a une forêt sûr la
;éte. Signe particulier des lunettes sur le
iront. JEAN BONHOMME.
PETITES NOUVELLES
'Riel' le père Gratry. en sa qual'té de directeur aëtue
ie l'Académie française, a porté à l'approbation de I tm-
sereur la nomination de MM. Jules Janin et Emile Olli-
lier comme académiciens.
Les réceptions officielles des ministres sont suspendues
rendant la Semaine-Sainte.
Les salles d'étude-, de la Bibüothèque impériale sont fer.
•nés depuis le 10 avril jusqu'au 24 inclusivement.
La salle publique de lecture. 3, rue Colbert, sera fer-
mée seulement du 17 au 23 de ce mois. Elle sera rou-
'erte, en conséquence, le dimanche 24.
La première séance de la commission pour la révision
de l'enseignement au Conservatoire de. musique a lieu au-
jourd'hui, à deux heures, au ministère des beaux-arts,
;ans la présidence du ministre.
,La séance de réception, à l'Académie française de M.
Auguste Barbier, aura très probablement lieu le 28 de ce
moins. Dans les premiers jours de mai, on procédera à de
nouvelles élections pour remplacer le duc de Broglie.
La santé dé M. Villemain, secrétaire perpétuelde l'A-
cadémie française depuis quarante ans, inquiète vivement
ses amis et admirateurs.
La collecte du jury de la première quinzaine d'avril
s's»t élevée à la somme de 220 fr. qui a été répartie entre
les diverses oeuvres de bienfaisance.
Le maréchal Vaillant a communiqué à Académie oes
sciences les actes authentiques prouvant que le célèbre na-
turaliste Guvier s'appelait Frédéric, et que c'était son père
qui portait le prénom de George.
Tous les ouvriers tapissiers sont invités à assister à l'as-
semblée générale qui aura lieu le dimanche 17 avril 1870.
à une heure très précise, salle de la cour d Aligre, rue
Saint-Honoré, 123.
Ce soir, aux Variétés, première représentation du Beau
Dunois, opérette en un acte, de MM. Chivot et Duru.
musique de M. Lecocq.
La Société de tir à Metz vient de fixer son concours
général, en 18i0, aux 21 et 26 mai prochain. On sait que
cette réunion, très suivie et très populaire, obtient chaque
année, depuis sa fondation, un vit succès d'actualité.
Le Paquebot des Messageries impériales, le Tibre,
apportant les malles de Constantinople et de la mer
Noire, est arrivé hier à Marseille.
Le steamer Saxonia, de la Compagnie hambourgeoise
américaine, venant de New-York, est arrivé hier à
Cherbourg, avec 89 passagers, 9 sacs de dépêches et
divers colis.
Ces jours derniers, dit le Conciliateur, de Limoges,
une folle est allée se mettre à genoux sur la voie du che-
min de fer, en face d'un train, qui l'a écrasée.
Le Sport annonce que l'empereur de Ru-sie visitera
l'Allemagne dans le cours de la belle saiscn. Sa Maj2sté
séjournera successivement à Ems, à Darmsiadt, et sur-
tout à Bade.
.Sans connaître une note de musique, on est sur
à tout âge, de savoir jouer du piano au bout de quel-
ques mois de leçons de piano et d'harmonie de M.
Rahn. Méthode, 6fr., rue Neuve-Bossuet, 26, Paris.
DÉPARTEMENTS
Le Jout'nal Officiel^blie un décret impérial
portant les nominations suivantes
M. Le Deschault, sous-préfet nommé de Bar-
sur-Seine (Aube), passe à la sous-préfecture d'O-
léron (Easses-Px rénées).
M. Paillart, conseiller de préfecture des Bou-
cb,es-tlu-Rhône, est nommé sous-préfet de Lo-
ches (Indre-et Loire).
M. Baudelocque, sous-préfet de Nantua (Ain),
est nommé sous-préfet de Nogent-le-Rotrou (Eure-
et-Loir).
M. Lachaud, licencié en droit, est nommé
sous-préfet de Nantua (Ain).
On lit dans le Sémaphore de Vlarseille
Dans la soirée davant-hier vers huit heures,
une violente détonation mettait en émoi le quar-
tier de la rue Fortia. Une fumée épaisse qui s'é-
chappa aussitôt par les fissures de la porte du chai
Ansaldi. L'explosion d'une barrique-de trois-six
était la cause de ce sinistre. Le feu fut vigoureu-
sement attaqué et bientôt éteint. Les pompiers
allaient se retirer, lorsqu'on vint les prévenir
qu'une fumée noirâtre sortait par les fentes de
la porte d'un magasin de vannier. Ce magasin
est cautigu au chai Ansaldi.
Ce second incendie n'a pu être éteint qu'à
deux heures du matin. Les colonnes de fumée
qui s'élevaient dans les airs rendaient l'attaque
du feu très pénible et très dangereuse. I,es sa-
peurs-pompiers ont bravement pénétré dans l'in-
térieur du magasin, obligés plusieurs fois d'in-
terrompre-leur travail, à cause de la violence de
14*fumée. Les travaux de sauvetage étaient diri-
gés par M. le capitaine Ferrie et l'adjudant Bou-
louch.
-On- remarquait sur les lieux du sinistre M.
Gaillardon, commissaire central, et MM. iiaudat
et' qui avaient pris toutes les mesures
commandées par les circonstances.
On lit dans le Journal de Rennes
A quelques lieues de Vitré, s'étend la fort
du Pertre, lonnue de 5 kilomètres sur 3 dû large,
et coupée par le chemin de Vitré à Saint-Poix.
Lundi, un ouvrier de la Gravel;e a mis le 1*eu à
la forêt. En quelques instants elle présentait, un
aspect imposant et terrible. Sur une longueur de
plusieurs kilomètres, le !eu cour2it avec une rapi-
dité qui semblait défier toute tentative dé résis-
tance. Pourtant, appelés par le tocsin qui reten-
tissait dans toutes les communes voisines, plu-
sieurs m lliers de personnes réunissaient leurs
etforts pour conjurer le désastre.
Ce n'a été qu'à l'arrivée du chemin stratégique
et d'un cours d'eau qui traverse la forêt perpen-
diculairement à la route qu'il a été possible de se
rendre maître du feu. On a sauvé heureusement
les cordes de bois, les charbons et les fagots
amoncelés, provenant des dernières coupes. Il
y a de 300 à 350 hectares de terrains dévastés
,par l'incendie.
L'auteur du désastre a été arrêté.
Il proteste en disant que c'est très involon-
tairement qti'il a mis le feu.
TRIBUNAUX
COUR D'ASSISES DE LA SEINE
Présidence de M. Camuzat-Bresseroles.
Ânûiftnee du mardi f2 avril
Le de ta rue
A midi et demi, la cour entre en séance.
M. l'avocat-général Merveilleux-Duvi-
gnaux occupe le siége du ministère public,
Me Bouchot est assis au banc de la dé-
fense.
L'accusé est introduit.
Il est proprement vêtu. Il porte le cos-
tume d'un ouvrier aisé casquette et redin-
gotte marron à col de velours.
Il n'a pas la physionomie repoussante des
assassins de profession.
Tête ordinaire, front découvert, dessus du
crâne chauve, cheveux noirs, crépus, très
fournis derrière la tête, sourcils épais, enca-
drant des yeux petits. Il porte simplement
la moustache. Le regard est doux, le jeu de
la physionomie un peu embarrassé et la voix
rauque, cette voix particulière aux gens qui
ibusent des boissons.
Après la lecture de l'acte d'accusation
[voir le texte de ce document dans notre nu-
méro d'hier), il est procédé à l'interrogatoire
de l'accusé.
D. Vos noms? R. Eugène Durand, âgé de
quarante-cinq ans, ouvrier emballeur, domicilié à
Paris.
D. Vous vous êtes marié en m4S, vous étiez
établi alors et teniez un atelier d'emballage. Vous
avez vécu honorablement jusqu'en 1863, jusqu'au
moment où vous avez tout oublié vos affaires,
votre femme, vos enfants, car vous avez eu des
enfants? fi. Oui, j'en ai eu deux; il en reste un,
un garçon.
D. Vous étiez donc dans une situation pros-
père, lorsqu'en 1863 vous avez rencontré, dans
une maison de la rue de Seine, une fille, nom-
mée Joséphine Rispal, pour laquelle vous avez
conçu un violente passion. Comment, vous, un
homme marié, avez-vous pu oublier ainsi vos de-
voirs. Vous avez quitté votre femme en 1864? •-
R. Oui.
D. Vous avez quitté votre enfant? R. C'est
moi qui ai gardé l'enfant.
D. Vous vivez avec la fille Rispal. Vous lui
faites quitter la rue de la Lune et habitez succes-
sivement avec elle: rue du Four, en 1866,' rue
Bourbon-le-Château, rue St-Georges et, en der-
nier lieu, rue St. Honoré. Et cette liaison dégra-
dante, vous paraissez en avoir conscience un mo-
ment, car vous, homme sobre, vous vous adon-
nez pour vous étourdir à l'ivrognerie la plus ef-
frénée. Vous avez, en 1864, tenté de vous suici-
der vous vous êtes jeté à la rivière, d'où vous
avez été retiré. Pourquoi cette tentative? R.
J'étais honteux de la vie que je menai?.
D. Il y avait de quoi. Mais pourquoi ne rom-
piez-vous pas cette liaison et De reveniez-vous
pas dans votre ménage? R. J'essayais, mais
je n'avais pas la force, et puis Joséphine venait
me chercher et m'obsédait.
D. Vous êtes resté sous le joug et avez conti-
nué cette vie honteuse. La fille nispal a déclaré
plusieurs fois, durant sa vie, que vous aviez fait
pour elle des dépenses considérables. R. Oui.
D. Quelle dépense auriez-vous fait en quittant
la rue de la Lune. R. Nous sommes allés rue
du Four. J'ai acheté lit, commode chaises et
le reste est venu insensiblement.
D. Vous aviez déjà fait rue de la Lune des dé-
penses considérables en compagnie avec la fille
Hispal votre installation avec elle vous a beau-
coup coûté et depuis longtemps vous aviez épuisé
toutes vos ressources et vous ne viviez plus que
des générosités dégradantes de votre compagne.
R.Non.
D. Elle l'a dit, et c'est peut-être cette triste
situation qui vous a poussé à tout oublier dans
l'ivresse. Votre goùt pour les liqueurs fortes est'
si bien constaté, que, en 1868, votre famille a
dû vous faire traiter dans une maison de santé.
Les médecins ont défini votre mal folie ebrieu-
se, une maladie qui passe quand un ne boit plus.
Après un mois de traitement vous êtes sorti li-
bre, guéri. Est-ce vrai ? Il. Oui.
D. Et vous êtes retourné à votre vie d'abrutis- j
sèment. Cependant, vous rendiez la fille Rispal
malheureuse. R. Jamais.
D. L'instruction a recueilli des témoignages
qui établissent que, dès vous maltraitiez
cette fil!e. V, us éiiez violent, et plus d'une fois
vous avez mis ses jours en péril. On vuus a vu
frapper: on vous a entendu demander « un cou-
teau, » et dire à votre compagnie <• Tu ne mour-
ras jamais que de ma main. » R. Non, ja-
mais.
D. Le propos a été te;u rua du Four, en 1866.
En 1868, rue Bourbon-le-Chàtoau, à Vitry, où
vous avez une petite maison de campagne, où
vous conduisiez la fille Rispal, il y a eu des té-
moins de scènes de violence, et une compagne
de la fi.le la nommée Davenne, rapporte
que celle-ci était obligée de s'enfuir pourse sous-
traire à vos violences. R. Non.
D. Vous niez. On ne peut pas s'en étonner
beaucoup, car il est évident que la scène qui s'est
dénouée le janvier, n'est pas une scène im-
prévue. Evidemment l'explosion avait dû être
précédée de symptômes signiticatifs. Vous n'a-
vez pas pu vivre avec la fille Rispal dans une
douce et tranquille intimité, et puis, subitement,
la tuer. Vous l'avez dit vous-même; en 1S64,
j'étais honteux de l'abjection dans laquelle .j'é-
tais tombé mais je n'avais pas la fcrce d'en sor-
tir. Eh bien est-ce que, petit à petit, il ne s'est
pas fait en vous un travail inconscient, et n'a-
vez-voüs pas. fini par vous dira:
« 1[ faut en finir d'une manière ou d'autre. »
Et pour vous débarrasser de cette chaîne qui vous
pesait, il fallait la briser, vous en débarrasser
par le couteau.-La fille Rispal était agitée par
des pressentiments sinistres. Elle d sait à sa
ière et à sa soeur. s « Je n'ai pas trois mois à
vivre. Avant trois mois mon compte sera
réalé. » Elle ne dormait plus, la malheureuse!
elle était inquiète. Ces pressentiments, quelque
chose les avait fait naître. R. Jamais la pauvre
Joséphine n'avait si bien dormi. Jadis, elle se
couchait à une heure, deux heures après minuit;
rue Saint-Honoré, elle était toujours couchée à
dix heures, dix heures et demie au plus tard.
D. Nous entendrons sa mère et sa sœur, qui
répéteront que le jour même de sa mort, elle
avait dit Personne ne saura jamais ce que j'ai
souffert depuis un mois. » R. Je ne lui ai ja-
mais rendu la vie malheureuse. On aurait pu en-
tendre la dernière domestique qu'elle a eue et
elle aurait dit si la pauvre Joséphine était mal-
heureuse.
D. Nous arrivons à la scène du 31 janvier.
Vous veniez rue Saint-Honoré tous les jours.
R. A peu près.
D. Les concierges ont déclaré que vous étiez là
très souvent le jour et tous les soirs. Le 31 jan-
vier, vous étiez parti dans la matinée. Vous ètes
demeuré absent tout le jour. Vous êtes allé à Vi-
try, vous avez travaillé votre petit jardin. Vous
reveniez le soir, et sur votre chemin vous avez
rencontré un de vos anciens apprentis, le sieur
Musard. Vous avez, en compagnie de Musard, bu
dans plusieurs cabarets. Vous avez bu du vin et
rien que du vin, ni absinthe ni eau-de-vie,
quand vous vous êtes séparés vous étiez un peu
échauffé, irais vous n'étiez pas ivre. Vous saviez
ce que vous faisiez. Vous avez dit à Musard
« Il n'est pas de bonne heure, je suis en retard,
je vais prendre une voiture. » C'est ce que vous
avez fait ? R. Oui.
D. Par conséquent, vous étiez dans un état
mental trop compromis. Et les concierges de la
maison rue Saint-Honoré ont constaté cet état
encore. La femme Lory a déclaré que vous étiez
un peu sous l'influence du vin, mais que vous
n'étiez pas ivre. La fille Rispal était allée au-de-
vant de vous. R. Je ne sais pas.
D. Oh! il est impossible que vous ne vous
rappeliez pas ce détail. Comment ètes-vous en-
tré alors ?. Vous ne répondez pas. Nous répé-
terons les dires des,témoins. Vous quittez Mu-
sard, vous dites ce que vous voulez faire et le
faites. Vous arrivez rue Saint-Honoré, et les
concierges vous voient entreravec la fille Rispal,
d'où l'on peut conclure qu'elle était allée au-de-
vant de vous. Vous entrez, et rien dans votre at-
titude n'accuse une ivresse manifeste. Vous êtes
monté. Que s'est-il passé ensuite? R. Je n'en
sais rien.
D. Deux voisins, M. Jacob père et Jacob
fils, qui demeurent à l'étage supérieur, ont en-
tendu le bruit d'un carreau brisé et des cris de
femme. L'un « En voilà assez 1 en voilà assez I.
l'autre: J'en ai assez! 1 j'en ai assez •> C était
évidemment un cri de suppliante, un cri de dé-
tresse de la fille Rispal invoquant votre pitié.
Vous ne vous rappelez pas ? R. Non.
D. Immédiatement après, la fille Rispal entra
dans la loge du concierge, la figure ensanglantée
et disant « Voyez comment il m'a arrangée. »
Vous souvenez-vous? R. Non.
D. La concierge court chercher les sergents de
ville. Deux fois déjà cette femme avait dû solli-
citer l'intervention de la police pour mettre fin a
vos scènes de violence. Elle va et la fille Rispal
lui dit Vous viendrez à mon secours. » et,
pendant qu'on va chercher la garde, cette infor-
tunée prend cette résolution bien funeste de re-
monter chez elle. Elle montait et vous, vous des-
cendiez? R. Je ne me rappelle rien.
D. Vo -s venez à elle armé d'un couteau, de ce
coutcau qu'on a vu plusieurs fois dans vos mains
et dont vous aviez menacé plusieurs fois de vous
servir. Ce couteau, circonstance terrible! était
ïynîchement aiguisé. Vous l'aviez repassé sur une
brique anglaise qu'on a retrouvée dans votre do-
micile. L'expert qui a vérifié ce couteau a dé-
claré que du moment où il a été repassà et celui
où il a donné la mort à la fille Rispal il n avait
pas dû servir. R. C'est un couteau que je por-
tais toujours sur moi et que je n'avais jamais
fait aiguiseur. Ce jour-là je l'aurai passé sur la
pierre pour couper des baguettes à Vitry.
D. Personne ne vous a vu porter le coup qui a
donné la mort à la fille Rispal mais M. Jacob
et son fils vous ont vus elle se tenant à la rampe
de la main droite, vous la tenant par le bras gau-
cho .'e la main gauche. Vous étiez à côté d'etle
et elle tombait le corps allongé, la tête penchée
en arrière. Elle a reçu pli sieurs blessures, mais
il en est une qui a dû donner une mort fou-
le ventricule gauche du coeur était
.nercé. Voilà les faits. Dites, vous ne vous sou-
venez de rien? R. Je ne puis pas. Je n avais
pas conscience de ce que je fa. sais.
L'audition des témoins confirme les faits
relevés d ns l'acte d'accusation et développés
dans l'interrogation.
M. l'avocat-général Merveilleux Duvignaux,
fait son réquisitoire. L'organe du ministère
public est très réservé et, tout en maintenant
la question de préméditation, il ne la plaide
Le défenseur de l'accusé, Me Bouchot, se
contente de plaider les circonstances atté-
nuantes. Il le fai', avec beaucoup de tact et
avec grande habileté.
Le jeune et éloquent avocat a eu la bonne
fortune d'émouvoir son auditoire et de ga-
gner ses uges.
M. le président Camuzat-Busseroles ré-
sume les débats avec une grande précision
etune parfaite impartialité.
Le jury se retire pour délibérer, et rap-
porte un verdict de culpabilité, qui n'adrret
pas la préméditation, et qui est mitigé par
des circonstances atténuantes en faveur de
l'accusé.
On introduit l'accusé. Il écoute, en trem-
blant, la lecture du verdict, faite par M, le
greffier.
La coar délibère, séance tenante.
Le président prononce l'a.rrdt.
L'accusé pâlit horriblement, quand, visant
les articles du code en vertu desquels la con-
damnation va être prononcée, 1. président
lit l'art. 304, qui donne « les travaux forcés
à perpétuité. »
Heureusement pour l'accusé, catte sen«,
tence est mitigée par l'art. qui ne donne
que les travaux forcés à temps, 5 ans ait
moins, 20 ans au plus.
Eugène Durand est condamué à douze aut
de travaux forcés.
Le condamné se lève en souriant, salu(
les jurés, les conseillers, serre la main à soi^
défenséur etsort avec cet air propre auxgeni
qui ont rêvé un grand désastre et auxquels
il n'arrive qu'un demi-malheur.
L'audience est levée à quatre heures el,
demie. SAINCT-YVES.
L'HISTOIRE
Le double journal centimes à Pa^st
20 cent. dans les départements.
SOMMAIRE du numéro d'aujourd'hui.
Politique générale. Le couteau de Jean4
not, par M. Odysse Barot.
Chronique, par Pierre Véron.
Ce qu'il y a denouveau.
Les Pourquoi d'un curieux.
Curiosités parisiennes. Les dessous de(
halles, par Elie Frebault.
Causerie, par M. Max Vergniaud.
Le Sénat. La Chambre législative^
Informations.
Théâtres.
ÉCONOMIE DOMESTIQUE
T'ai promis de la vieille cuisine française en
conservant aux mots les dénominations données
par nos pères. Voici
Dictionnaire des aliments, Paris, 1750, tome m,'
page 490.
Veau en crote d'ane roulé à la N uteiu ou Ii «
la Chantilli.
Coupez par tranches bien minces une noix dg
veau mortifiée; faites-en quinze ou vingt mor
ceaux que vous battez bien, de la longueur de l9
main et de la largeur de deux doigts; arrangez-
les ensuite avec un plat; saupoudrez-les do per,
sil, ciboules, champignons, le tout haché bien
menu et assaisonné de sel, gros poivre et huile;
maniez bien le tout ensemble.
Quand ils ont bien pris goût, roulez tous ce((
morceaux cemme de petites paupiettes mettrez-
les sur des hatelettes à la broche; quand ils sont
cuits, dressez-les dans un plat, une sauce dessous
relevée à votre fantaisie, comme un ou
l'italienne, ou à l'écl1alotte, etc. etc., servez
Qu'en semble aux gourmands.
J'en essaierai. Le Baron Dnisss.
ÉTRANGER
LES FAISEURS DE LONDRES 1
Londres, Il avril
(Correspondance particulière du Petit Journal)
Depuis le 9 mars, où le Petit Journal a inséré
le prologae de l'araire A. de Cissy, l'escroc ha-
bile qui, sous le nom de comte, de fiefs imagi-
naires, a trouvé moyen de faire de si nombreuses
victimes parmi le commerce parisien. Le monde
des faiseurs de Londres est en proie à une pani-
que qui serait comique au plus haut point, si les
vices humains n'inspiraient aux honnêtes gens un
dégoût qui suit toute envie de rire.
A bon droit, par la variété de ses ruses et l'a-
bondance de ses moyens, cet individu, dont le ve>.
ritable nom est Chauvin et qui, parait-il, appar-
tient à une famille honorable que sa conduite
déshonnore, peut être considéré comme le type
du faiseur.
Lundi, le grande jury qui, en Angleterre, rem-
plit l'office de la chambre des mises en accusa-
tion en France, a rendu un verdict « truc bill »
qui le renvoie devant les assises où il passe
En a'tendant les détails de l'audience, permet-
tez-moi de préfacer mon compte rendu par une
rapide étude cle mœurs sur
Les faiseurs de Londivs
Inutile 'le vous dire que je pense que cesindivi-
dus sont tous, sans exception, des contumaces de
la justice de leur pays; depuis le condamné de
cour d'assises jusqu'au vulgaire bonnetier ou cali-
cot, qui après un vol dans le magasin où il était
commis, a eu des mésaventures avec la police.
Hier encore, ici, ils se nommaient légion; au-
iourd'hui,grâceà à la merveilleuse, quoique tardive
action de la police, ces messieurs disparaissent
avec une promptitude qui fait le plus gran i hon-
npur à l'unanimité et à la vérité des reproches
que leur adresse leur eonsciance. s'ils en ont
L'année dernière,lors d'un procès que fon fit à
un de leurs agents dont la spécialité consistait
à créer des trailes fictives, la police découvrit
chez cet industriel 1,24U timbres di,,erents de
maisons de commerce des quatre parties du mon-
de et des traites toutes libellées pour la somme de
livres sterling, soit deux millions cinq,
cent soixante -mille francs
Le seul énoncé de cette somme suffit à vous
donner un aperçu du chiure des Maires de ces
En agissant l'égard de ces escrocs, comme
les naturalistes ont continué de la faire pour la.
principales dans lesquelles rentrent tousles nom-
breux sans-gênes. \J
1° Le marchand devin;
2° Le marchand de comesticles;
3° Le soyeux (soieries);
4° Et l'importer of foreign goods (exportateu
de produits étranaers).
Le marchand de vin, surtout depuis la mise
en vigueur du traité de commerce, est, sans con^
teste, celui qui travailla le plus en grand, car ws& v
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.62%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.62%.
- Collections numériques similaires Arts de la marionnette Arts de la marionnette /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "Pam1"The Romanic review : a quarterly journal devoted to research, the publications of texts and documents, critical discussions, notes, news and comment, in the field of the romance languages and literatures / edited by Henry Alfred Todd and Raymond Weeks /ark:/12148/bpt6k119586.highres Bibliothèque de l'École des Chartes /ark:/12148/bpt6k12501c.highres
- Auteurs similaires Arts de la marionnette Arts de la marionnette /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "Pam1"The Romanic review : a quarterly journal devoted to research, the publications of texts and documents, critical discussions, notes, news and comment, in the field of the romance languages and literatures / edited by Henry Alfred Todd and Raymond Weeks /ark:/12148/bpt6k119586.highres Bibliothèque de l'École des Chartes /ark:/12148/bpt6k12501c.highres
-
-
Page
chiffre de pagination vue 3/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k590712f/f3.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k590712f/f3.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k590712f/f3.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k590712f/f3.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k590712f
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k590712f
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k590712f/f3.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest