Titre : Le Petit journal
Auteur : Parti social français. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Clermont-Ferrand)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Pau)
Date d'édition : 1869-02-14
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32895690j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 146118 Nombre total de vues : 146118
Description : 14 février 1869 14 février 1869
Description : 1869/02/14 (Numéro 2236). 1869/02/14 (Numéro 2236).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG64 Collection numérique : BIPFPIG64
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5902876
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/07/2008
Bureaux me de La Fayette,
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UN AN.
Septième Année n" 2,236
Dimanche 14 février 1869
Tirage du Petit Journal
SAMEDI 13 FÉVRlEi£l86§
LE MANGEUR DE
Il m'a été conté hier une lugubre et sai-
sissante histoire.
Plus attachante que l'examen de la
bonbonnière dont une belle madame de-
vait faire les honneurs à un grand sei-
gneur attiré au bal de l'Opéra, histoire
qui eût séduit assurément Edgar Poë et
son original traducteur, le regretté Char-
les Baudelaire, auquel on commence à
rendre quelque justice. après sa mort.
Si mon ami Lmile Gaboriau connais-
sait mon fait, il en confectionnerait un de
ces romans attachants qu'il- raconte si
bien.
Et que Dentu ferait illustrer, comme il
illustre Y Affaire Lerouge, dont l'édition
avec gravures est le succès du moment.
J'ai eu l'idée de lui apporter ma
trouvaille; mais je me suis arrêté à la
pensée d'être mal reçu.
On a beau affirmer qu'on, ne prête
qu'aux riches. il y a bon nombre de
riches qui ne veulent pas accepter, et
Gaboriau peut bien être de ce nombre.
J'ai donc résolu de garder pour ma
Causerie le fait qui m'a été révèle.
De n'en faire qu'une Chronique de
quelques colonnes. que vous avalerez
d'une seule bouchée, ô mon Lecteur, aux
appétits blasés.
Dans un des pays que baigne l'Océan
glacial arctique,- vivaient un châtelain et
une châtelaine.
Le châtelain eût pu rappeler à l'esprit
un des burgraves d'Hugo, car sa barbe
était blanche comme son âme, et son front
avait regardé en face les frimats de
soixante-dix hivers.
La châtelaine était moins âgée que cette
neige que les naturalistes appellent per-
sistante, dont son habitation était en-
tourée.
D'or étaient ses cheveux, de lapis la-
zuli ses yeux inquisiteurs, et ses deux lè-
vres rouges eussent ressemblé à une rose
épanouie. n'étaient ses dents d'une é-
clatante blancheur. qui formaient com-
me un calice d'ivoire.
Le comte Astraconoff avait quatre-
vingts ans; la comtesse Finla en comptait
dix-huit à peine. Un ménage mal as-
sorti, assurément. Mais, dans ce pays
Feuilleton du Février 1869
LES
MANSARDES DE PARIS
LI
préparatifs d'évasion
Depuis uneiannée, bien des faits s'étaient
accomplis dont nous devons l'exposé succinc
au lecteur.
Dès le lendemain du jour où s'était passée
la scène du banquet chez le Philosophe, le
comte des Aiglades avait été mis en état
d'arrestation, et l'instruction de son affaire
avait commencé aussitôt.
L'affaire était mauvaise.
Nonpasprécismentàcause du crime com-
mis quinze'années auparavant, et auquel il
Voir le Petit Journal depuis le 4 décembre),
de glace, il faut bien quelquefois marier
les hivers. à des printemps.
1 Un matin il y eut grand émoi au cas-
tel. Le comte avait disparu. Le grand
vieillard n'était ni dans sa couche, ni
ans sa chambre, ni dans son domaine,
ni aux environs d'aucune des mines qu'il
possédait dans la contrée.
On s'adressa aux autorités. on saisit
la justice de l'affaire. on fit d'inutiles
recherches
Le vieux comte était grand escaladeur
de montagnes. avait-il péri en gravis-
sant les monts Ourals ou Povas?
Le vieux comte était grand chasseur de
Avait-il succombé victime des loups,
des ours ou des sangliers dtths le silence
des nuits désolées ?
Ou bien était-il tombé sous le fer d'un
assassin ?
On a souvent parlé au théâtre et dans
les romans. de la supériorité de la po-
lice russe sur toutes les polices de l'uni-
vers civilisé.
Le magistrat de police du district
qu'habitait le seigneur disparu, ne voulut
pas voir cette réputation déchoir entre ses
mains.
11 se rendit au château, troisjours après
la constatation de la' disparition de son
propriétaire et annonça il la comtesse
Finla qu'avant que le soleil se soit couché
trois fois-aux bords de l'horizon. il au-
rait découvert le cadavre de son mari.
La belle dame fit éclater des témoigna-
ges de reconnaissance. mais il sembla
au magistrat que des teintes pâles entou-
raient ses yeux. comme si une terreur
intérieure se forçait passage. à travers
le splendide épidémie de son charmant
visage.
n
Le magistrat demeura quelques heures
au château interrogeant les chambres
du regard, faisant subir un interrogatoi-
re aux meubles et aux ustensiles les plus
prosaïques..
Le maître introuvable n'a pas été
bien loin dans les montagnes, disait le
magistrat, car voici ses bottes de peau de
bouc, destinées à garantir ses pieds dans
les grandes excursions.
Il n'a pas été chasser les bêtes re-
doutables, car voici ses armes à feu, au
grand complet, fusils, carabines et mous-
quets
La comtesse s'extasiait, s'étonnait, se
dépitait par gestes. mais ne répon-
dait que par des soupirs.
était manifeste maintenant 'qu'il avait coo-
péré, mais à cause surtout de faits plus ré-
cents, de vols, d'abus de confiance et de dé-
tournements qui furent découverts à sa
charge.
On rechercha bien également la malheu-
reuse Clotilde. mais on eut beau fouiller
tout Paris, et s'enquérir de tous côtés, toutes
les investigations restèrent infructueuses, et
l'on dut renoncer à l'impliquer dans l'affaire
du comte.
Ce dernier passa donc aux assises en com-
pagnie de Polichinelle, et tous deux furent
condamnés à la peine infamante du bagne.
Pour Polichinelle, c'était la moindre des
choses, et il le prouva bien vite.
La veille du jour où il devait être ramené
à Brest, il manqua à l'appel de la chaîne, et
l'on s'aperçut avec stupéfaction qu'il avait
pris la chef des champs.
La chaîne partit sans lui, et il la vit s'éloi-
gner sans regret.
Quant au comte des Aiglades, on le dirigea
bur Toulon.
On avait voulu le séparer de son compa-
gnon.
Le comte ne possédait ni l'audace, ni l'a-
dresse de Polichinelle; aussi, ne chercha-t-il
même pas à s'évader, et il arriva à Toulon
en proie à la prostration la plus complète.
La chute avait été terrible. il ne pou-
Ne vous désolez pas, madame, lui
dit l'homme de police, le chagrin ne sied
point à votre âge, souffrez plutôt que je
vous donne quelque distraction ''par la
lecture d'un auteur en vogue Tenez,
voici un volume. 11 contient les poésies
de Pouschkine, un barde libéral de la
jeune Russie.
Et il lui tendit le livre où la châtelaine
lut le passage que notre Alexandre Du-
mas a traduit ainsi qu'il suit en vers fran-
çais .•̃ ••
LES DEUX CORBEAUX.
Le corbeau vers le corbeau vole,
Èi tout en croassant lui dit
• Où déjeuner? Sur ma parole,
Ce matin j'ai grand appétit.
A l'oiseau, l'oiseau répond Frère,
Je v.ais te tirer d'embarras.
Un chevalier, sur la bruyère,
Dans son sang est couché là-bas!
Qui commit l'action infâme?
Et dans quel but la commit-on?
Nul ne le sait, sinon sa femme,
Sa jument noire et son faucon.
Le faucon s'est à tire d'aile,
Envolé dans le bois altier;
Et sur sa jument infidèle, ;;•
A disparu le meurtrier.
Et la femme, beauté farouche,
Qui ne se permet qu'un servant.
Alte.ïd le baiser à la bouche
Non l'ami mort, mais le vivant.
Après avoir lu ces vers, la comtesse
éprouva un tremblement nerveux.
Qu'avez-vous? dit l'homme au livre.
Rien, répondit la châtelaine, c'est
sans doute le froid qui me gagne.
Le magistrat de police sortit du château
en homme sûr de son fait.
Il n'avait pas la science de Sweden-
bourg, qui prétendait faire parler les
morts.
Il n'avait même pas les capacités de ce
Spirite dont a parlé Me Durier, plaidant,
il y a dix jours, devant les première et
deuxième chambres réunies de la Cour
impériale, lequel Spirite a inventé l'Ecri-
ture directe des esprits.
Depuis longtemps, a dit Me Durier, on
avait jugé incommode puur consulter les
esprits de faire tourner une table qui ne
tournait pas toujours. On avait adopté
une nouvelle méthode, encore générale-
ment suivie.
Notre spirite prétend avoir découvert
que les esprits écrivent eux-mêmes sans
le secours d'aucune main terrestre. Il dé-
clare avoir enfermé dans une boîte un
morceau de papier, lequel s'est retrouvé
couvert de caractères surnaturels. 11 va
dans les cimetières, dans les églises, dans
les musées. Il dépose ses petits papiers
vait se faire encore à son abaissement et à sa
honte.
Un moment, il pensa au suicide.
Mais le comte était lâche. et il hésita.
Et puis, il avait trop longtemps vécu dans
la compagnie de Polichinelle pour ne pas
avoir appris que l'on s'évade du bagne.
Toulon touche à la mer. à l'Italie. Il
n'y avait qu'un pas. qu'un effort à faire
pour recouvrer la liberté.
Le comte voulait tenter le sort.
Il partit donc, et quinze jours après avoir
quitté Paris il prenait la livrée de l'infa-
mie.
On comprend que ce dénoùment de la
vie d'un homme que l'on avait vu dans les
cercles et dans les salons de la capitale pro-
duisit une certaine impression sur ceux qui
l'avaient connu.
Mais le monde parisien est essentiellement
léger. Le premier étonnement passé, on
s'empressa d'oublier le comte des Aiglades,
et c'est à peine si l'on se souvint, de loin en
loin, qu'il subissait sa destinée sous les voû-
tes du bagne de Toulon.
Rude destinée, s'il en fut! et Grandier
était bien vengé.
Grandier, au bagne, avait été bien mal-
heureux', nous le s avons mais il y avait
apporté une sombr énergie, une ardeur ex-
trême de vengeance -une aspiration inces-
sur !es tombes ou sur le piédestal des
statues, va se promener et revient cher-
cher la réponse.
Lemagistrat russe n'avait pas cette pos-
sibilité de faire écrire au mort, au châte;
lain disparu, au comte absent, l'historique
de sa vie inconnue.
Mais il s'avisa d'un .moyen dont per-
sonne n'avait eu la pensée avant lui.
Il écrivit au gouverneur de sa pr ovince
« Monseigneur, il est absolument inutile de m'en-
voyer des agents de la police de sûreté de Pé-
»̃ tefsbourg ou de Riga. ils ne découvriraient
» rien dans nos contrées couvertes de neiges.
et parfois de neiges persistantes et perpétuel-
» les. J'ai d'ailleurs avec moi un auxiliaire qui
» ne coûte rien au Gouvernement de notre vénéré
» Czar, pas un ducat, pas un rouble, pas même
» un kopeck et qui a plus de perspicacité que
» le lynx de nos contrées. Si je ne me trompe,
» il m'aidera à retrouver le comte disparu. et
» à faire justice s'il est besoin.
C'est un vénér^HtMpr il a cent ans au moins
» et se nomme. Wvmnpire. » v
Le lendemain, le magistrat de pouce
annonça qu'jl allait fairë=ûn;e, perquisition
dans les environs.
Il avait avec lui son agent, le docile
centenaire, le vieux vampire. 'était
Ce n'était pas un homme. ce n était
pas un quadrupède.
C'était. un Corbeau.
̃ C'est un singulier animal que le cor-
beau.
Son cri est lugubre, son plumage est
couleur de deuil. N
Il passe pour vivre cent ans et plus.
Quand on rencontre trois corbeaux
sautillant sur une route, cela passe pour
être de mauvais augure.
Et lorsqu'on en rencontre un ou deux,
c'est bon signe si l'oiseau vole droite, et
signe funeste s'il vole gauche.
Le corbeau était consacré à Apollon.
La Fable dit qu'il devint noir pour avoir
trop parlé, et que ce fut une vengeance
d'Apollon qui, sur le rapport que lui fit
le corbeau de l'infidélité de Coronis, tua,
celle-ci, et punit l'oiseau délateur en le
privant de sa blancheur..
Le corbeau a une histoire anecdotique'
très complète..
Il y prêter car s'il est voleur comme la
pie, lugubre comme le hibou il est lo-
quace comme la perruche. et suscepti-'
ble d'éducation.
Tout le monde connaît l'histoire de ce
chasseur maladroit, qui tira sur son cor-
beau perché sur un arbre. et le man-
,qua.
Le corbeau lui cria d'une voix solen-
nelle Imbécile!
santé vers la liberté; et cela l'avait soutenu
et fait vivre.
Le comte, au contraire, n'avait plus rien.
Il était tombé au fond de l'abîme, sans es-
poir d'en sortir jamais. Il n'avait pas la con-
science de son innocence; il ne trouvait pas,
dans ses souvenirs, un sentiment sur lequel
il eût pu s'appuyer dans son malheur.
Il devint. sombre, triste, cherchant avec
passion une issue par laquelle il pourrait
échapper à cette éternité infernale qui com-
mençait si tôt pour lui.
C'est alors qu'il rencontra Polichinehe.
Un jour, dans le port, comme il travail-
lait à l'empilement des bois de la marine, il
aperçut à quelques pas de lui un curieux qui
le regardait.
Polichinelle était déguisé en matelot.
mais il le reconnut tout de suite.
Il y avait si longtemps qu'il l'attendait»
Ils n'échangèrent que quelques mots.
quelques signes .et ce fut assez.
Quand le comte rentra, ce soir-là, dans
les vastes salles, il était beaucoup plus gai
qu'à l'ordinaire.
Il ne dormit pas de la nuit.
QuBind le jour commença à poindre, il fut
Et pendant toute la journée, son regard
fouilla tous les recoins du port.
Mais ce fut inutilementt
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Dimanche 14 février 1869
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SAMEDI 13 FÉVRlEi£l86§
LE MANGEUR DE
Il m'a été conté hier une lugubre et sai-
sissante histoire.
Plus attachante que l'examen de la
bonbonnière dont une belle madame de-
vait faire les honneurs à un grand sei-
gneur attiré au bal de l'Opéra, histoire
qui eût séduit assurément Edgar Poë et
son original traducteur, le regretté Char-
les Baudelaire, auquel on commence à
rendre quelque justice. après sa mort.
Si mon ami Lmile Gaboriau connais-
sait mon fait, il en confectionnerait un de
ces romans attachants qu'il- raconte si
bien.
Et que Dentu ferait illustrer, comme il
illustre Y Affaire Lerouge, dont l'édition
avec gravures est le succès du moment.
J'ai eu l'idée de lui apporter ma
trouvaille; mais je me suis arrêté à la
pensée d'être mal reçu.
On a beau affirmer qu'on, ne prête
qu'aux riches. il y a bon nombre de
riches qui ne veulent pas accepter, et
Gaboriau peut bien être de ce nombre.
J'ai donc résolu de garder pour ma
Causerie le fait qui m'a été révèle.
De n'en faire qu'une Chronique de
quelques colonnes. que vous avalerez
d'une seule bouchée, ô mon Lecteur, aux
appétits blasés.
Dans un des pays que baigne l'Océan
glacial arctique,- vivaient un châtelain et
une châtelaine.
Le châtelain eût pu rappeler à l'esprit
un des burgraves d'Hugo, car sa barbe
était blanche comme son âme, et son front
avait regardé en face les frimats de
soixante-dix hivers.
La châtelaine était moins âgée que cette
neige que les naturalistes appellent per-
sistante, dont son habitation était en-
tourée.
D'or étaient ses cheveux, de lapis la-
zuli ses yeux inquisiteurs, et ses deux lè-
vres rouges eussent ressemblé à une rose
épanouie. n'étaient ses dents d'une é-
clatante blancheur. qui formaient com-
me un calice d'ivoire.
Le comte Astraconoff avait quatre-
vingts ans; la comtesse Finla en comptait
dix-huit à peine. Un ménage mal as-
sorti, assurément. Mais, dans ce pays
Feuilleton du Février 1869
LES
MANSARDES DE PARIS
LI
préparatifs d'évasion
Depuis uneiannée, bien des faits s'étaient
accomplis dont nous devons l'exposé succinc
au lecteur.
Dès le lendemain du jour où s'était passée
la scène du banquet chez le Philosophe, le
comte des Aiglades avait été mis en état
d'arrestation, et l'instruction de son affaire
avait commencé aussitôt.
L'affaire était mauvaise.
Nonpasprécismentàcause du crime com-
mis quinze'années auparavant, et auquel il
Voir le Petit Journal depuis le 4 décembre),
de glace, il faut bien quelquefois marier
les hivers. à des printemps.
1 Un matin il y eut grand émoi au cas-
tel. Le comte avait disparu. Le grand
vieillard n'était ni dans sa couche, ni
ans sa chambre, ni dans son domaine,
ni aux environs d'aucune des mines qu'il
possédait dans la contrée.
On s'adressa aux autorités. on saisit
la justice de l'affaire. on fit d'inutiles
recherches
Le vieux comte était grand escaladeur
de montagnes. avait-il péri en gravis-
sant les monts Ourals ou Povas?
Le vieux comte était grand chasseur de
Avait-il succombé victime des loups,
des ours ou des sangliers dtths le silence
des nuits désolées ?
Ou bien était-il tombé sous le fer d'un
assassin ?
On a souvent parlé au théâtre et dans
les romans. de la supériorité de la po-
lice russe sur toutes les polices de l'uni-
vers civilisé.
Le magistrat de police du district
qu'habitait le seigneur disparu, ne voulut
pas voir cette réputation déchoir entre ses
mains.
11 se rendit au château, troisjours après
la constatation de la' disparition de son
propriétaire et annonça il la comtesse
Finla qu'avant que le soleil se soit couché
trois fois-aux bords de l'horizon. il au-
rait découvert le cadavre de son mari.
La belle dame fit éclater des témoigna-
ges de reconnaissance. mais il sembla
au magistrat que des teintes pâles entou-
raient ses yeux. comme si une terreur
intérieure se forçait passage. à travers
le splendide épidémie de son charmant
visage.
n
Le magistrat demeura quelques heures
au château interrogeant les chambres
du regard, faisant subir un interrogatoi-
re aux meubles et aux ustensiles les plus
prosaïques..
Le maître introuvable n'a pas été
bien loin dans les montagnes, disait le
magistrat, car voici ses bottes de peau de
bouc, destinées à garantir ses pieds dans
les grandes excursions.
Il n'a pas été chasser les bêtes re-
doutables, car voici ses armes à feu, au
grand complet, fusils, carabines et mous-
quets
La comtesse s'extasiait, s'étonnait, se
dépitait par gestes. mais ne répon-
dait que par des soupirs.
était manifeste maintenant 'qu'il avait coo-
péré, mais à cause surtout de faits plus ré-
cents, de vols, d'abus de confiance et de dé-
tournements qui furent découverts à sa
charge.
On rechercha bien également la malheu-
reuse Clotilde. mais on eut beau fouiller
tout Paris, et s'enquérir de tous côtés, toutes
les investigations restèrent infructueuses, et
l'on dut renoncer à l'impliquer dans l'affaire
du comte.
Ce dernier passa donc aux assises en com-
pagnie de Polichinelle, et tous deux furent
condamnés à la peine infamante du bagne.
Pour Polichinelle, c'était la moindre des
choses, et il le prouva bien vite.
La veille du jour où il devait être ramené
à Brest, il manqua à l'appel de la chaîne, et
l'on s'aperçut avec stupéfaction qu'il avait
pris la chef des champs.
La chaîne partit sans lui, et il la vit s'éloi-
gner sans regret.
Quant au comte des Aiglades, on le dirigea
bur Toulon.
On avait voulu le séparer de son compa-
gnon.
Le comte ne possédait ni l'audace, ni l'a-
dresse de Polichinelle; aussi, ne chercha-t-il
même pas à s'évader, et il arriva à Toulon
en proie à la prostration la plus complète.
La chute avait été terrible. il ne pou-
Ne vous désolez pas, madame, lui
dit l'homme de police, le chagrin ne sied
point à votre âge, souffrez plutôt que je
vous donne quelque distraction ''par la
lecture d'un auteur en vogue Tenez,
voici un volume. 11 contient les poésies
de Pouschkine, un barde libéral de la
jeune Russie.
Et il lui tendit le livre où la châtelaine
lut le passage que notre Alexandre Du-
mas a traduit ainsi qu'il suit en vers fran-
çais .•̃ ••
LES DEUX CORBEAUX.
Le corbeau vers le corbeau vole,
Èi tout en croassant lui dit
• Où déjeuner? Sur ma parole,
Ce matin j'ai grand appétit.
A l'oiseau, l'oiseau répond Frère,
Je v.ais te tirer d'embarras.
Un chevalier, sur la bruyère,
Dans son sang est couché là-bas!
Qui commit l'action infâme?
Et dans quel but la commit-on?
Nul ne le sait, sinon sa femme,
Sa jument noire et son faucon.
Le faucon s'est à tire d'aile,
Envolé dans le bois altier;
Et sur sa jument infidèle, ;;•
A disparu le meurtrier.
Et la femme, beauté farouche,
Qui ne se permet qu'un servant.
Alte.ïd le baiser à la bouche
Non l'ami mort, mais le vivant.
Après avoir lu ces vers, la comtesse
éprouva un tremblement nerveux.
Qu'avez-vous? dit l'homme au livre.
Rien, répondit la châtelaine, c'est
sans doute le froid qui me gagne.
Le magistrat de police sortit du château
en homme sûr de son fait.
Il n'avait pas la science de Sweden-
bourg, qui prétendait faire parler les
morts.
Il n'avait même pas les capacités de ce
Spirite dont a parlé Me Durier, plaidant,
il y a dix jours, devant les première et
deuxième chambres réunies de la Cour
impériale, lequel Spirite a inventé l'Ecri-
ture directe des esprits.
Depuis longtemps, a dit Me Durier, on
avait jugé incommode puur consulter les
esprits de faire tourner une table qui ne
tournait pas toujours. On avait adopté
une nouvelle méthode, encore générale-
ment suivie.
Notre spirite prétend avoir découvert
que les esprits écrivent eux-mêmes sans
le secours d'aucune main terrestre. Il dé-
clare avoir enfermé dans une boîte un
morceau de papier, lequel s'est retrouvé
couvert de caractères surnaturels. 11 va
dans les cimetières, dans les églises, dans
les musées. Il dépose ses petits papiers
vait se faire encore à son abaissement et à sa
honte.
Un moment, il pensa au suicide.
Mais le comte était lâche. et il hésita.
Et puis, il avait trop longtemps vécu dans
la compagnie de Polichinelle pour ne pas
avoir appris que l'on s'évade du bagne.
Toulon touche à la mer. à l'Italie. Il
n'y avait qu'un pas. qu'un effort à faire
pour recouvrer la liberté.
Le comte voulait tenter le sort.
Il partit donc, et quinze jours après avoir
quitté Paris il prenait la livrée de l'infa-
mie.
On comprend que ce dénoùment de la
vie d'un homme que l'on avait vu dans les
cercles et dans les salons de la capitale pro-
duisit une certaine impression sur ceux qui
l'avaient connu.
Mais le monde parisien est essentiellement
léger. Le premier étonnement passé, on
s'empressa d'oublier le comte des Aiglades,
et c'est à peine si l'on se souvint, de loin en
loin, qu'il subissait sa destinée sous les voû-
tes du bagne de Toulon.
Rude destinée, s'il en fut! et Grandier
était bien vengé.
Grandier, au bagne, avait été bien mal-
heureux', nous le s avons mais il y avait
apporté une sombr énergie, une ardeur ex-
trême de vengeance -une aspiration inces-
sur !es tombes ou sur le piédestal des
statues, va se promener et revient cher-
cher la réponse.
Lemagistrat russe n'avait pas cette pos-
sibilité de faire écrire au mort, au châte;
lain disparu, au comte absent, l'historique
de sa vie inconnue.
Mais il s'avisa d'un .moyen dont per-
sonne n'avait eu la pensée avant lui.
Il écrivit au gouverneur de sa pr ovince
« Monseigneur, il est absolument inutile de m'en-
voyer des agents de la police de sûreté de Pé-
»̃ tefsbourg ou de Riga. ils ne découvriraient
» rien dans nos contrées couvertes de neiges.
et parfois de neiges persistantes et perpétuel-
» les. J'ai d'ailleurs avec moi un auxiliaire qui
» ne coûte rien au Gouvernement de notre vénéré
» Czar, pas un ducat, pas un rouble, pas même
» un kopeck et qui a plus de perspicacité que
» le lynx de nos contrées. Si je ne me trompe,
» il m'aidera à retrouver le comte disparu. et
» à faire justice s'il est besoin.
C'est un vénér^HtMpr il a cent ans au moins
» et se nomme. Wvmnpire. » v
Le lendemain, le magistrat de pouce
annonça qu'jl allait fairë=ûn;e, perquisition
dans les environs.
Il avait avec lui son agent, le docile
centenaire, le vieux vampire. 'était
Ce n'était pas un homme. ce n était
pas un quadrupède.
C'était. un Corbeau.
̃ C'est un singulier animal que le cor-
beau.
Son cri est lugubre, son plumage est
couleur de deuil. N
Il passe pour vivre cent ans et plus.
Quand on rencontre trois corbeaux
sautillant sur une route, cela passe pour
être de mauvais augure.
Et lorsqu'on en rencontre un ou deux,
c'est bon signe si l'oiseau vole droite, et
signe funeste s'il vole gauche.
Le corbeau était consacré à Apollon.
La Fable dit qu'il devint noir pour avoir
trop parlé, et que ce fut une vengeance
d'Apollon qui, sur le rapport que lui fit
le corbeau de l'infidélité de Coronis, tua,
celle-ci, et punit l'oiseau délateur en le
privant de sa blancheur..
Le corbeau a une histoire anecdotique'
très complète..
Il y prêter car s'il est voleur comme la
pie, lugubre comme le hibou il est lo-
quace comme la perruche. et suscepti-'
ble d'éducation.
Tout le monde connaît l'histoire de ce
chasseur maladroit, qui tira sur son cor-
beau perché sur un arbre. et le man-
,qua.
Le corbeau lui cria d'une voix solen-
nelle Imbécile!
santé vers la liberté; et cela l'avait soutenu
et fait vivre.
Le comte, au contraire, n'avait plus rien.
Il était tombé au fond de l'abîme, sans es-
poir d'en sortir jamais. Il n'avait pas la con-
science de son innocence; il ne trouvait pas,
dans ses souvenirs, un sentiment sur lequel
il eût pu s'appuyer dans son malheur.
Il devint. sombre, triste, cherchant avec
passion une issue par laquelle il pourrait
échapper à cette éternité infernale qui com-
mençait si tôt pour lui.
C'est alors qu'il rencontra Polichinehe.
Un jour, dans le port, comme il travail-
lait à l'empilement des bois de la marine, il
aperçut à quelques pas de lui un curieux qui
le regardait.
Polichinelle était déguisé en matelot.
mais il le reconnut tout de suite.
Il y avait si longtemps qu'il l'attendait»
Ils n'échangèrent que quelques mots.
quelques signes .et ce fut assez.
Quand le comte rentra, ce soir-là, dans
les vastes salles, il était beaucoup plus gai
qu'à l'ordinaire.
Il ne dormit pas de la nuit.
QuBind le jour commença à poindre, il fut
Et pendant toute la journée, son regard
fouilla tous les recoins du port.
Mais ce fut inutilementt
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