Titre : Le Petit journal
Auteur : Parti social français. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Clermont-Ferrand)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Pau)
Date d'édition : 1869-02-13
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32895690j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 146118 Nombre total de vues : 146118
Description : 13 février 1869 13 février 1869
Description : 1869/02/13 (Numéro 2235). 1869/02/13 (Numéro 2235).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG64 Collection numérique : BIPFPIG64
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k590286t
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/07/2008
BDfëaaï: rue de La Fayêtte, 61 Abonnement, paris QUOTIDIEN wp»* 'Septième Année: 2*23S
TROIS MOIS 5 FK. *t ̃ TROIS MOIS 6 FR, •
Librairie du Petit Journal âll UN NUMÉRO 5 CENTIMES Samedi 13 février 1869
Tirage à Petit Journal: 261.1S0
VENDREDI 12
CARÊME
C'est un vieux "terme français, –"une
locution connue des populations, ré-
pandue par les poëtes.
Qu'est-ce que ceci? dit Molière dans
le Bourgeois Gentilhomme; on dit que
vous voulez donner votre fille à un Ca-
rême-Prenant ?
Etllegnard
Au secours! au secours! Votre fille. on l'emporte;
Des Carême-Prenant lui font passer la porte
Il est même un proverbe qui dit « Il
faut faire Carême-Prenant avec sa Femme
et Pâques avec son .Curé, sous-entendant
qu'il importe de faire bombance dans les
derniers jours du Carnaval et pénitence
aux époques du saint anniversaire.
Le Carême n'a pas toujours été la fin
des folies carnavalesques.
L'œuvre encyclopédique de M. Pierre
Larousse, .fruit de recherches infatigables
et de notes précieuses pour l'histoire des
mœurs publiques, nous en donne la cer-
titude.
Carême-Prendnt a été un personnage
presque vivant, mouvant, acclamé par
le peuple
Voulant créer de lui-même un pre-
mier adoucissement aux rigueurs du
Carême, le peuple en avait fait une
figure symbolique. dont il s'amusait
Jadis, au Mardi-Gras, le Carnaval, per-
sonnifié par un joyeux compagnon, aux
joues boursoufflees, était promené sur un
âne.
Puis, le lendemain, on le brûlait publi-
quement. pour lui substituer un autre
mannequin, appelé le Prince Carême ou
bien plutôt. Carême-Prenant.
Alors, de même que les bouchers avaient
suivi le cortège tunèbre du Carnaval, de
même les marchands de poisson accompa-
gnaient Carême, qui, le jour de son inau-
guration, était gras et bien nourri.
Puis, à chaque promenade des diman-
ches, précédant Pâques, Carême maigris-
sait progressivement.
Et a chaque apparition. on voyait
diminuer son embonpoint.
Quand arrivait l'époque de la mi-ca-
rême, le personnage symbolique était for- ]
Feuilleton du 13 Mer 180
MANSARDES P
Le vieux Boiteux
Une âffiïée s'était écoulée.
Il y avait alors, dans l'un des faubourgs
de Toulon, un cabaret borgne, bien connu de
la police de cette ville et où se réunissait
chaque soir, nous pourrions dire chaque
nuit, tout ce qu'il y avait de gens sans aveu,
de vagabonds ou de misérables, qui sortent
du Bagne ou qui sont sur le point d'y en-
trer.
Voir le Petit. Journal depuis le 4 décembre),
cé de faire largesses à la foule. pour
éviter d'être brûlé ou noyé. Il prenait
îïIqis modestement le titre de Comte de la
Mt-Sarême, s'habillait en marquis de l'an-
cien "régime, ou en gentilhomme du sei-
zième siècle, et parcourait les rues en dis-
tiibuant dés jouets aux enfants et des
bonbons aux dames;
r 'Malgré cela, dit M. Larousse, on se ré-
jouissait de sa maigreur, présage de sa -fin
prochaine, et on croquait ses bonbons.
en souhaitant tout bas sa mort.
Carême continuait à maigrir; au di-
manche des Rameaux, il était aussi-dé-
charné que déconsidéré.
11 n'avait plus à sa suite, au lieu des
hérauts d'armes, des valets à riche- li-
vrée, des écuyers et des pages. qu'un
médecin et un apothicaire.
Enfin, le samedi saint, il faisait mine
d'expirer à l'heure précise de midi, dans
les bras d'une garde-malade.
Dès qu'il était mort. on lui mettait
la corde au cou. on le brûlait sur une
place.
Et les bouchers, reprenant leurs droits,
faisaient la chasse aux! marchands de
poissons.
Le Carême de 1869 ne verra pas se re-
nouveler ces plaisanteries dvn autre
âge.
Il ne sera égayé que parles voitures de
blanchisseuses qui inaugureront la fête
des battoirs au commencement du mois
prochain.
11 est vrai que le Père Félix à Notre-
Dame, le Père Olivier à Saint-Gel'main-
l'Auxerrois, l'abbé Jacquet à Notre-Dame-
des-Victoires ne sont pas intolérants,
comme le docteur Rose, évêque de Sentis,
lequel, nous apprend le Journal de
Henri III, cria, le jour des Cendres de
l'année 1588, effroyablement [en chaire
contre le roi
Il lui reprocha durement' d'avoir été à
la mascarade la nuit précédente.
A cause de quoi sa majesté l'ayant fait
venir, lui dit avec une douceur^incroya-
ble
« Qu'il l'avait bien laissé dix ans cou-
rir les rues jour et nuit sans jamais lui en
avoir fait ni dit aucune chose, tandis que
pour les avoir seulement couru une nuit,
encore était-ce au jour du carême-pre-
nant, il l'avait prêché en pleine chaire
qu'il n'y retournât plus, qu'il était temps
qu'il fût sage. »
Il faut ajouter pourtant, à la louange de
la tolérance actuelle, qu'on ne condamne
Quelquefois, il s'y fourvoyait des matelots,
gens de sac et de corde, de ceux qui ne s'em-
barquent que pour fuir les recherches trop
actives dont ils sont l'objet ou qui n'atten-
dent qu'une occasion pour prêter leur con-
cours à quelque œuvre de ténèbres et de mys-
tères.
Le cabaret avait pour enseigne une ancre,
ornée d'attributs de marine, et il était tenu
par un ancien forçat libéré, nommé Desbois,
qui avait trouvé à sa sortie une digne com-
pagne, disposée à l'aider dans ¡le métier
qu'il avait entrepris.
Nous avons dit que la police connaissait
cet établissement, et nous ajouterons qu'elle
avait l'œil sur ce.qui s'y passait.
Mais, malgré l'activité déployée, elle ne
pouvait se tenir constamment aux écoutes,
et l'on avait eu lieu souvent de constater que
les hôtes de ce bouge étaient encore plus ha-
biles que les agents de la sûreté.
Les maitres de l'établissement homme
et femme avaient surtout pour spécialité
de favoriser les évasions qui se préparaient
au bagne.
On y recélait tous les objets qui servent
d'ordinaire aux forçats qui s'évadent. Mous-
taches, barbe, perruque, nécessaire de voyage
d'une forme particulière. On y trouvait tous
les objets de première utilité, sans compter
les déguisements l'aide desquels les gale--
pas à mort ceux qui n'observent pas les
prescriptions du Carême.
Voici la teneur d'un de ces arrêts du
Bon Vieux Temps
« Nous, après avoir vu toutes les piè-
ces du procès, et de l'avis des docteurs
en droit, déclarons ledit Guillon, écuyer,
dûment atteint et convaincu d'avoir, le
31 du mois de mars passé, jour de samedi
en carême, emporté des morceaux d'un
cheval jeté la voirie dans le pré de
cette ville,, et ^d'en avoir mange le 1"
avril. Pour réparation de quoi«nous le
condamnons à être conduit sur un écha-
faud qui sera dressé sur la place du mar-
ché, pour y avoir la tëte tranchée, etc. »
Suit¿le procès-verbal de l'exécution.
Victorien Sardou, dans sa Séraphine,
au théâtre du Gymnase, met dans la bou-
che du mari de cette dévote une impré-
cation contre le Carême, représenté gas-
tronomiquement. par la morue.
Le personnage de Sardou qui peste con-
tre la morue. pourrait dire comme Eras-
me
J'ai l'âme catholique et l'estomac
luthérien.
Mais, franchement, les Carêmes de ce
siècle ne sont pas bien rigoureux.
On ne retrouve plus, contre les délin-
quants de la loi religieuse, ces sévérités
des Polonais, qui punissaient ceux qui
avaient mangé de la viande en carême.
en leur arrachant toutes les dents. ce
qui était bien un moyen ingénieux d'em-
pêcher la récidive
On ne publie plus, comme cela eut lieu
le 7 février 1595, des avis dans Paris, où
il était défendu aux bouchers de vendre de
la viande sous peine de vie! ce qui vou-
lait dire sous peine de mort!
toutefois les Normands avaent déjà
quelque bénéfice dans les stipulations de
cette époque.
Les fressures et les tripes des animaux
étaient considérées comme des aliments
maigres, et l'Eglise en permettait l'usage
tous les samedis.
Ce serait aujourd'hui un privilége pour
les nombreux amateurs de tripes à la mo-
delde Caen
On jeûnait donc, il y a deux ou trois
siècles, durant l'époque austère du Carê-
me. Mais était-on bien austère pour
cela?
Je crois que non, et j'en appelle à mon
confière Amédée de Ponthieu, qui nous
initie aux joyeusetésdes Carêmes-Prenant
du quatorzième siècle.
riens parvenaient quelquefois à tromper l'ceil
le plus exercé.
M. et Mme Desbois avaient gagné des som-
mes relativement considérables dans ce mé-
tier, et s'ils n'avaient été dépouillés à plu-
sieurs reprises par ceux-là même dont ils
voulaient favoriser l'évasion, ils eussent pu
depuis longtemps se retirer des affaires, et
aller jouir en paix, dans quelque bastide, du
fruit de leur honnête travail..
Un soir du mois de juin, vers dix heures,
le cabaret était plein de buveurs. On buvait,
on chantait, et de temps à autres les conver-
sations dégénéraient en disputes violentes;
à la suite de querelles on voyait luire quel-
ques lames de couteau.
La mère Desbois était habituée à ces scè-
nes de désordre, et elle ne faisait guère at-
tention à ce qui se disait autour d'elle.
A Toulon d'ailleurs, le sang coule plus
vif dans les veines, les esprits s'exaltent fa-
cilement mais c'est le plus souvent un feu
de paille et l'apaisement touche de près à la
surexcitation.
Un des buveurs surtout 'paraissait parti-
culièrementbruyant etbavard, deux ou trois
fois, il avait été bien près d'en venir aux
mains avec ses compagnon, et sans l'inter-
vention d'un ami, qui était placé à la même
table que lui il n'est .lias douteux que le sang
eût^coulé..
Au quatorzième siècle, le tournoi des
aveugles était une fête populaire qui at-
tirait beaucoup de monde à l'ouverture
du Carême.
Quatre aveugles, armés de toutes piè-
ces et d'un bâton en guise de lance, étaient
promenés, le jour de Carême-Prenant, par
tous les carrefours de Paris, avec des
hommes d'armes qui marchaient devant
eux. L'un jouait-du hautbois et l'autre
portait une bannière sur laquelle était ̃-
représenté un pourceau.
Ainsi équipés, on les mettait dans la
cour de l'hôtel. d'Armagnac situé rue.
Saint-Honoré, vis-à-vis celle de Froid-
manteau.
Là, en présence de la Cour et du Peu-
pie, ils se battaient en champ-clos. Mais
au lieu d'attaquer le pourceau qui devait
appartenir à celui qui le tuerait, ils se
frappaient eux-mêmes, et sans les armu-
res dont ils étaient couverts,ils se seraient
assommés.
Aujourd'hui, nous avons bien encore
le Café des Aveugles, au Palais-Royal, où
les étrangers vont entendre des sympho-
nistes qui ont avec Homère une grande
ressemblance. leur cécité..[
Mais les monarques ne vont plus, com-'
me le faisaient les dévots Charles *1X et
Henri III, assister à ces combats d'aveu-
gles et rire de leur misère.
Nos Bouchers, en Carême,ne sont te-
nus à respecter aucune prohibition offi-
cielle. Ils ne. ferment leurs boutiques
que le Vendredi-Saint, et cela par^
simple esprit de convenance. '̃
Sous ce Charles IX, qui tirait sur les;
Huguenots et qui allait voir se battre les,;
gens privés de la vue, comme en Angle-'
terre on va voir des batailles de coqs.x
il n'en était pas de même.
Le Parlement exigeait que chaque
Boucher demandât le nom et l'adresse
du client qui se disait malade, et consé-
quemment dispensé du maigre.
Il fallut plus tard une attestation du
médecin et un certificat du curé.
Malheur aux délinquants et aux délin-j
quantes a
Brantôme nous raconte une scène qui*
est un trait de l'époque
« Une certaine ville avait fait proces-
sion au Carême; une fille, belle et déli-
cate, y avait assisté nu pieds, faisant la
marmiteuse plus que dix. Au sortir de la,
l'hypocrite alla dîner avec son amant j
d'un quartier d'agneau et d'un jambon.
La senteur en vint jusqu'en la rue. On
monta en haut. Elle fut prise et condam-
née à se promener par la ville, avec son
Rougeot, mon vieux, lui dit à voix ra-
pide et basse son ami, qui n'était autre que
Polichinelle. tu as le vin mauvais aujour-
d'hui. faudrait voir à calmer ça.
Fiche-moi la paix répondit brusque-
ment Rougeot-Cadet, qui paraissait peu dis-
posé à écouter des remontrances.
La paixl la paix! répartit son compa-
gnon c'est à toi qu'il faut dire ça. Le soleil
du Midi t'a frappé sur la tête. et si tu con-
tinues^nous n'en aurons pas pour longtemps
Qu'est-ce que ça me fait?
A toi. rien peut-être. puisque tu
as eu ta cartouche jaunc. mais moi, c'est
différent, et je puis être repincé. Tandis
que, songes-y donc, si nous parvenons à
faire évader l'autre.
Eh bien.
Eh bien. il a le sac, celui-là. Nous
prenons avec lui un bateau qui nous conduit
au diable. Et alors. vogue la galère.
Oui, mais il faut le faire évader."
L'affaire est en bon train.
Tu l'as donc vu?
Une fois. dans le port.
Et vous avez pu causer?
Quelques mots. mais la correspond
dance marche son train. et tous les Àours
j'ai quelques lignes de lui.
Par gui?
TROIS MOIS 5 FK. *t ̃ TROIS MOIS 6 FR, •
Librairie du Petit Journal âll UN NUMÉRO 5 CENTIMES Samedi 13 février 1869
Tirage à Petit Journal: 261.1S0
VENDREDI 12
CARÊME
C'est un vieux "terme français, –"une
locution connue des populations, ré-
pandue par les poëtes.
Qu'est-ce que ceci? dit Molière dans
le Bourgeois Gentilhomme; on dit que
vous voulez donner votre fille à un Ca-
rême-Prenant ?
Etllegnard
Au secours! au secours! Votre fille. on l'emporte;
Des Carême-Prenant lui font passer la porte
Il est même un proverbe qui dit « Il
faut faire Carême-Prenant avec sa Femme
et Pâques avec son .Curé, sous-entendant
qu'il importe de faire bombance dans les
derniers jours du Carnaval et pénitence
aux époques du saint anniversaire.
Le Carême n'a pas toujours été la fin
des folies carnavalesques.
L'œuvre encyclopédique de M. Pierre
Larousse, .fruit de recherches infatigables
et de notes précieuses pour l'histoire des
mœurs publiques, nous en donne la cer-
titude.
Carême-Prendnt a été un personnage
presque vivant, mouvant, acclamé par
le peuple
Voulant créer de lui-même un pre-
mier adoucissement aux rigueurs du
Carême, le peuple en avait fait une
figure symbolique. dont il s'amusait
Jadis, au Mardi-Gras, le Carnaval, per-
sonnifié par un joyeux compagnon, aux
joues boursoufflees, était promené sur un
âne.
Puis, le lendemain, on le brûlait publi-
quement. pour lui substituer un autre
mannequin, appelé le Prince Carême ou
bien plutôt. Carême-Prenant.
Alors, de même que les bouchers avaient
suivi le cortège tunèbre du Carnaval, de
même les marchands de poisson accompa-
gnaient Carême, qui, le jour de son inau-
guration, était gras et bien nourri.
Puis, à chaque promenade des diman-
ches, précédant Pâques, Carême maigris-
sait progressivement.
Et a chaque apparition. on voyait
diminuer son embonpoint.
Quand arrivait l'époque de la mi-ca-
rême, le personnage symbolique était for- ]
Feuilleton du 13 Mer 180
MANSARDES P
Le vieux Boiteux
Une âffiïée s'était écoulée.
Il y avait alors, dans l'un des faubourgs
de Toulon, un cabaret borgne, bien connu de
la police de cette ville et où se réunissait
chaque soir, nous pourrions dire chaque
nuit, tout ce qu'il y avait de gens sans aveu,
de vagabonds ou de misérables, qui sortent
du Bagne ou qui sont sur le point d'y en-
trer.
Voir le Petit. Journal depuis le 4 décembre),
cé de faire largesses à la foule. pour
éviter d'être brûlé ou noyé. Il prenait
îïIqis modestement le titre de Comte de la
Mt-Sarême, s'habillait en marquis de l'an-
cien "régime, ou en gentilhomme du sei-
zième siècle, et parcourait les rues en dis-
tiibuant dés jouets aux enfants et des
bonbons aux dames;
r 'Malgré cela, dit M. Larousse, on se ré-
jouissait de sa maigreur, présage de sa -fin
prochaine, et on croquait ses bonbons.
en souhaitant tout bas sa mort.
Carême continuait à maigrir; au di-
manche des Rameaux, il était aussi-dé-
charné que déconsidéré.
11 n'avait plus à sa suite, au lieu des
hérauts d'armes, des valets à riche- li-
vrée, des écuyers et des pages. qu'un
médecin et un apothicaire.
Enfin, le samedi saint, il faisait mine
d'expirer à l'heure précise de midi, dans
les bras d'une garde-malade.
Dès qu'il était mort. on lui mettait
la corde au cou. on le brûlait sur une
place.
Et les bouchers, reprenant leurs droits,
faisaient la chasse aux! marchands de
poissons.
Le Carême de 1869 ne verra pas se re-
nouveler ces plaisanteries dvn autre
âge.
Il ne sera égayé que parles voitures de
blanchisseuses qui inaugureront la fête
des battoirs au commencement du mois
prochain.
11 est vrai que le Père Félix à Notre-
Dame, le Père Olivier à Saint-Gel'main-
l'Auxerrois, l'abbé Jacquet à Notre-Dame-
des-Victoires ne sont pas intolérants,
comme le docteur Rose, évêque de Sentis,
lequel, nous apprend le Journal de
Henri III, cria, le jour des Cendres de
l'année 1588, effroyablement [en chaire
contre le roi
Il lui reprocha durement' d'avoir été à
la mascarade la nuit précédente.
A cause de quoi sa majesté l'ayant fait
venir, lui dit avec une douceur^incroya-
ble
« Qu'il l'avait bien laissé dix ans cou-
rir les rues jour et nuit sans jamais lui en
avoir fait ni dit aucune chose, tandis que
pour les avoir seulement couru une nuit,
encore était-ce au jour du carême-pre-
nant, il l'avait prêché en pleine chaire
qu'il n'y retournât plus, qu'il était temps
qu'il fût sage. »
Il faut ajouter pourtant, à la louange de
la tolérance actuelle, qu'on ne condamne
Quelquefois, il s'y fourvoyait des matelots,
gens de sac et de corde, de ceux qui ne s'em-
barquent que pour fuir les recherches trop
actives dont ils sont l'objet ou qui n'atten-
dent qu'une occasion pour prêter leur con-
cours à quelque œuvre de ténèbres et de mys-
tères.
Le cabaret avait pour enseigne une ancre,
ornée d'attributs de marine, et il était tenu
par un ancien forçat libéré, nommé Desbois,
qui avait trouvé à sa sortie une digne com-
pagne, disposée à l'aider dans ¡le métier
qu'il avait entrepris.
Nous avons dit que la police connaissait
cet établissement, et nous ajouterons qu'elle
avait l'œil sur ce.qui s'y passait.
Mais, malgré l'activité déployée, elle ne
pouvait se tenir constamment aux écoutes,
et l'on avait eu lieu souvent de constater que
les hôtes de ce bouge étaient encore plus ha-
biles que les agents de la sûreté.
Les maitres de l'établissement homme
et femme avaient surtout pour spécialité
de favoriser les évasions qui se préparaient
au bagne.
On y recélait tous les objets qui servent
d'ordinaire aux forçats qui s'évadent. Mous-
taches, barbe, perruque, nécessaire de voyage
d'une forme particulière. On y trouvait tous
les objets de première utilité, sans compter
les déguisements l'aide desquels les gale--
pas à mort ceux qui n'observent pas les
prescriptions du Carême.
Voici la teneur d'un de ces arrêts du
Bon Vieux Temps
« Nous, après avoir vu toutes les piè-
ces du procès, et de l'avis des docteurs
en droit, déclarons ledit Guillon, écuyer,
dûment atteint et convaincu d'avoir, le
31 du mois de mars passé, jour de samedi
en carême, emporté des morceaux d'un
cheval jeté la voirie dans le pré de
cette ville,, et ^d'en avoir mange le 1"
avril. Pour réparation de quoi«nous le
condamnons à être conduit sur un écha-
faud qui sera dressé sur la place du mar-
ché, pour y avoir la tëte tranchée, etc. »
Suit¿le procès-verbal de l'exécution.
Victorien Sardou, dans sa Séraphine,
au théâtre du Gymnase, met dans la bou-
che du mari de cette dévote une impré-
cation contre le Carême, représenté gas-
tronomiquement. par la morue.
Le personnage de Sardou qui peste con-
tre la morue. pourrait dire comme Eras-
me
J'ai l'âme catholique et l'estomac
luthérien.
Mais, franchement, les Carêmes de ce
siècle ne sont pas bien rigoureux.
On ne retrouve plus, contre les délin-
quants de la loi religieuse, ces sévérités
des Polonais, qui punissaient ceux qui
avaient mangé de la viande en carême.
en leur arrachant toutes les dents. ce
qui était bien un moyen ingénieux d'em-
pêcher la récidive
On ne publie plus, comme cela eut lieu
le 7 février 1595, des avis dans Paris, où
il était défendu aux bouchers de vendre de
la viande sous peine de vie! ce qui vou-
lait dire sous peine de mort!
toutefois les Normands avaent déjà
quelque bénéfice dans les stipulations de
cette époque.
Les fressures et les tripes des animaux
étaient considérées comme des aliments
maigres, et l'Eglise en permettait l'usage
tous les samedis.
Ce serait aujourd'hui un privilége pour
les nombreux amateurs de tripes à la mo-
delde Caen
On jeûnait donc, il y a deux ou trois
siècles, durant l'époque austère du Carê-
me. Mais était-on bien austère pour
cela?
Je crois que non, et j'en appelle à mon
confière Amédée de Ponthieu, qui nous
initie aux joyeusetésdes Carêmes-Prenant
du quatorzième siècle.
riens parvenaient quelquefois à tromper l'ceil
le plus exercé.
M. et Mme Desbois avaient gagné des som-
mes relativement considérables dans ce mé-
tier, et s'ils n'avaient été dépouillés à plu-
sieurs reprises par ceux-là même dont ils
voulaient favoriser l'évasion, ils eussent pu
depuis longtemps se retirer des affaires, et
aller jouir en paix, dans quelque bastide, du
fruit de leur honnête travail..
Un soir du mois de juin, vers dix heures,
le cabaret était plein de buveurs. On buvait,
on chantait, et de temps à autres les conver-
sations dégénéraient en disputes violentes;
à la suite de querelles on voyait luire quel-
ques lames de couteau.
La mère Desbois était habituée à ces scè-
nes de désordre, et elle ne faisait guère at-
tention à ce qui se disait autour d'elle.
A Toulon d'ailleurs, le sang coule plus
vif dans les veines, les esprits s'exaltent fa-
cilement mais c'est le plus souvent un feu
de paille et l'apaisement touche de près à la
surexcitation.
Un des buveurs surtout 'paraissait parti-
culièrementbruyant etbavard, deux ou trois
fois, il avait été bien près d'en venir aux
mains avec ses compagnon, et sans l'inter-
vention d'un ami, qui était placé à la même
table que lui il n'est .lias douteux que le sang
eût^coulé..
Au quatorzième siècle, le tournoi des
aveugles était une fête populaire qui at-
tirait beaucoup de monde à l'ouverture
du Carême.
Quatre aveugles, armés de toutes piè-
ces et d'un bâton en guise de lance, étaient
promenés, le jour de Carême-Prenant, par
tous les carrefours de Paris, avec des
hommes d'armes qui marchaient devant
eux. L'un jouait-du hautbois et l'autre
portait une bannière sur laquelle était ̃-
représenté un pourceau.
Ainsi équipés, on les mettait dans la
cour de l'hôtel. d'Armagnac situé rue.
Saint-Honoré, vis-à-vis celle de Froid-
manteau.
Là, en présence de la Cour et du Peu-
pie, ils se battaient en champ-clos. Mais
au lieu d'attaquer le pourceau qui devait
appartenir à celui qui le tuerait, ils se
frappaient eux-mêmes, et sans les armu-
res dont ils étaient couverts,ils se seraient
assommés.
Aujourd'hui, nous avons bien encore
le Café des Aveugles, au Palais-Royal, où
les étrangers vont entendre des sympho-
nistes qui ont avec Homère une grande
ressemblance. leur cécité..[
Mais les monarques ne vont plus, com-'
me le faisaient les dévots Charles *1X et
Henri III, assister à ces combats d'aveu-
gles et rire de leur misère.
Nos Bouchers, en Carême,ne sont te-
nus à respecter aucune prohibition offi-
cielle. Ils ne. ferment leurs boutiques
que le Vendredi-Saint, et cela par^
simple esprit de convenance. '̃
Sous ce Charles IX, qui tirait sur les;
Huguenots et qui allait voir se battre les,;
gens privés de la vue, comme en Angle-'
terre on va voir des batailles de coqs.x
il n'en était pas de même.
Le Parlement exigeait que chaque
Boucher demandât le nom et l'adresse
du client qui se disait malade, et consé-
quemment dispensé du maigre.
Il fallut plus tard une attestation du
médecin et un certificat du curé.
Malheur aux délinquants et aux délin-j
quantes a
Brantôme nous raconte une scène qui*
est un trait de l'époque
« Une certaine ville avait fait proces-
sion au Carême; une fille, belle et déli-
cate, y avait assisté nu pieds, faisant la
marmiteuse plus que dix. Au sortir de la,
l'hypocrite alla dîner avec son amant j
d'un quartier d'agneau et d'un jambon.
La senteur en vint jusqu'en la rue. On
monta en haut. Elle fut prise et condam-
née à se promener par la ville, avec son
Rougeot, mon vieux, lui dit à voix ra-
pide et basse son ami, qui n'était autre que
Polichinelle. tu as le vin mauvais aujour-
d'hui. faudrait voir à calmer ça.
Fiche-moi la paix répondit brusque-
ment Rougeot-Cadet, qui paraissait peu dis-
posé à écouter des remontrances.
La paixl la paix! répartit son compa-
gnon c'est à toi qu'il faut dire ça. Le soleil
du Midi t'a frappé sur la tête. et si tu con-
tinues^nous n'en aurons pas pour longtemps
Qu'est-ce que ça me fait?
A toi. rien peut-être. puisque tu
as eu ta cartouche jaunc. mais moi, c'est
différent, et je puis être repincé. Tandis
que, songes-y donc, si nous parvenons à
faire évader l'autre.
Eh bien.
Eh bien. il a le sac, celui-là. Nous
prenons avec lui un bateau qui nous conduit
au diable. Et alors. vogue la galère.
Oui, mais il faut le faire évader."
L'affaire est en bon train.
Tu l'as donc vu?
Une fois. dans le port.
Et vous avez pu causer?
Quelques mots. mais la correspond
dance marche son train. et tous les Àours
j'ai quelques lignes de lui.
Par gui?
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