Titre : Le Petit journal
Auteur : Parti social français. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Clermont-Ferrand)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Pau)
Date d'édition : 1869-02-15
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32895690j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 146118 Nombre total de vues : 146118
Description : 15 février 1869 15 février 1869
Description : 1869/02/15 (Numéro 2237). 1869/02/15 (Numéro 2237).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG64 Collection numérique : BIPFPIG64
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k590288k
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/07/2008
rue de La Fayette, 61
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SIX MOIS 9 FR.
UN AN. 18FR.
QUOTIDIEN
UN NUMERO 5 CENTIMES
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TROIS MOIS 6 FR;
SIX MOIS. 12FR.
UN AN 24 FR.
Septième Année n° 29137
Lundi, 15 février 1869
Tirage du Petit Journal •. 261,4 50
LA CHAINE D'U
forcé les portes de la. littérature.
Les histoires du bagne ont le privilège
d'intéresser un public qui n'est pas tou-
jours en appétit pour les ravissants ta-
bleaux d'intérieur d'Octave Feuillet et de
Jules Sandeau ou les adorables bergeries
de George Sand.
Un maître, Victor Hugo, a, dans les
̃Misérables, pris le forçat libéré, Jean Val-
jean, pour typefavoii.
Depuis le Bonnet- Vert de Méry et l'His-
toire des Bagnes publiée en 1828 par Mau-
rice Alhoy, le forçat est apparu dans les
• œuvres des principaux romanciers,
Vous le trouverez dans les Mystères de
'Paris d'Eugène Sue, dans le Gabriel La,,ni-
bert d'Alexandre Dumas, dans les publi-
cations les plus acclamées de la production
contemporaine.
Cette curiosité se comprend, les por-
teurs de fers sont une population à part,
effrayante, semant l'alarme et la terreur.
1 quelque pitié se mêle au sentiment d'ap-
préhension qu'ils font naître. On sou-
,̃ haite une amélioration' d'idées et de sort
ces mortels égarés qui ont subi la rude
.épreuve de l'expiation.
Et puis la mémoire publique est rem-
plie de traits qui militent peut-être en
-faveur de ces malheureux.
Quand un forçat s'échappe du bagne,
il est donné une prime à qui le ramènera.
On tire le canon d'alarme dès que sa
'disparition est constatée.
Le canon, c'est un dénonciateur à la
voix puissante qui parle à toute une po-
.pulationà la fois.
Un jour, un forçat s'évada du bagne de
Toulon.
On eut beau tirer le canon. il gagna
là campagne, où la voix du bronze ne
par venait pas.
Il se réfugia dans une chaumière. et
r y trouva les enfants effarés, l'épouse en
pleurs, le mari éperdu.
Il manquait à cette famille indigente
une somme pour payer une dette dont l'ac-
quittement ne souffrait pas de délais.
Je suis un forçat évadé, dit l'étran-
ger, qui venait se faire le témoin de ces
̃ misères. ramenez-moi au bagne, vous
toucherez la prime accordée à tout indi-
Feuilleton du 13 Février 1869
LES
MANSARDES DE PARIS
'̃ ''ni
L'Evasion
Ces deux hommes étaient Rougeot-Cadet
'et Polichinelle.
Ils ne s'arrètèrent qu'aux abords du caba-
̃: ret, où nous les avons vus en compagnie de
Louppard.
Eh bien, mon vieux Polichinelle, dit
Rougeot-Cadet, es-tu convaincu. mainte-
nant ?
Polichinelle fit un geste violent.
Ah! le vieux gredin, grommela-t-il
avec une fureur concentrée. c'était donc
lui?.
Quand je te le disais.
e V– Louvet!
vidu qui se rend maître d'un fugitif. et
avec cet argent vous payerez votre dette,
xEt il se laissa conduire avec la docilité
d'un; agneau.
Le; fait est vrai. il est touchant et
s'il.éfait possible de trouver à ces infortu-
nes jfne sorte de réhabilitation. on ai-
mèÀit à la chercher dans de semblables
temples
Mais il n'est pas nécessaire d'avoir re-
cours au roman pour trouver le forçat
dans les situations les plus poignantes.
L'Histoire est là. un Journal des dé-
partements, daté d'avant-hier, nous 'fait
assister aux incidents les plus terribles.
.Demandez la vous y
trouverez les faits que je vais essayer de
résumer sommairement.
Le 31 du mois dernier, un honnête cul-
tivateur de la commune de Saint-Just
était occupé à une rude tâche.
Il défrichait un bois.
En 1835, M. V. de Moléon soutenait
que la septième partie de la France était
perdue pour l'agriculture.
Depuis cette époque, la science agri-
cole s'est étendue, et plus d'un proprié-
taire a changé avec avantage tous ses bois
en prairies. »
Il existe le défrichement en grand, ob-
tenu à l'aide d'outils perfectionnés et
après lequel on emploie les engrais avec
Mais il y a aussi le défrichement sim-
ple; celui qui se fait à la main, et pour
lequel on emploie le pic pointes et èc tail-
lant }la tournée ordinaire pour extraire les
pierres et arracher les arbres, et les le-
viers armés d'un trident de fer, pour dé-
raciner les arbrisseaux.
L'honnête cultivateur, dont je viens de
parler, M. Pierre Faure, défrichait donc
un bois de la façon la plus élémentaire.
Il attaquait vigoureusement le sol avec
un pic en fer. et d'un bras robuste,
Lorsque, arrivé à une profondeur de
90 centimètres, son instrument rencontra
un corps solide. résistant. de forme
sphérique.
11 voulut connaître la nature de l'objet
qui s'offrait à lui.
Il dégagea l'objet du sable. dans le-
quel il était enfoui.
Il amena. une tête humaine!
A la place de M. Pierre Faüre, j'aur ais
jeté là mon outil, et je n'aurais pas conti-
nué mon défrichement.
Il est partout!
Mais alors, c'est lui qui mène l'affaire,
et les camarades qui vont s'évader sont per-
dus.
C'est probable.
Que faire?
Rougeot-Cadet se prit à réfléchir, et il y
eut un moment de silence.
Quant à cela, reprit-il quelque temps
après, il faut y songer mûrement, et nous
avons la nuit devant nous.
Mais comment les prévenir?
C'est mon affaires.
]l"faut pénétrer dans le pré.
Je m'eu charge.
Enfin,
Enfin. enfin. interrompit Rou-
geot-Cadet,il faut être plus malin que le vieux
Louvet, et j'espère que j'y arriverai sans
peine.
Les deux amis pénétrèrent sur ces mots
dans le cabaret, et le reste de la nuit fut em-
ployé à la discussion des mesures à prendre,
pour déjouer les projets du père Louves.
A quelle résolution s'arrêtèrent-ils? il
nous serait fort difficile de le dire.
Ce qu'il y a de certain, c'est que le lende-
main, à l'heure fixée pour l'évasion, il se
produisait un fait que n'avait pas prévu Lou-
vet et qui devait modifier singulièrement
ses plans.
Mais les bons campagnards n'ont pas
mes sensibleries de citadin.
Notre agriculteur se dit qu'une tête
humaine n'était pas venue là toute
seule.
Il continua son travail. pratiqua une
tranchée.
Jàt mit h découvert un long squelette,
près duquel s'étendait une chaîne, ter-
minée par un anneau entourant encore
l'os infér:eur d'une jambe..
Il est des pays où la vue d'un squelette
n'a rien que d'agréable.
Sainte-Foix, dans ses Essccis historiques,
nous apprend que les Acouacats rédui-
saienf en poudre les squelettes de leurs
parents et de leurs amis, pour pouvoir les
avaler et, en les incorporant à eux-mêmes,
ne faire plus qu'un seul être avec eux.
Les Egyptiens s'excitaient mutuelle-
ment aux plaisirs de la table et aux dou-
ceurs de la vie, en présentant un squelette
aux yeux de leurs convives avec ces mots
sacramentels Jouis et bois, en voyant ce
gu.e tu deviendras.
M. Pierre Faure ne trouva rien d'aussi
divertissant dans la vue du squelette qu'il
venait d'arracher à la terre.
Et il alla faire, en bon citoyen, sa dé-
claration aux autorités
Pierre Zaccone, qui publie en ce mo-
ment une Histoire illustrée des Bagnes,
m'a montré, le mois dernier, une histoire
très curieuse.
C'est un manuscrit, rédigé par un For-
çat et orné par lui de dessins coloriés.
C'est terrible et naïf à la fois. Le
tableau le plus saisissant est peut-être
celui de l'accouplement.
On sait que chaque condamné partie à
la jambe un anneau de fer, appelé ma-
nille; cet anneau est fermé par un bon-
lon,- à l'extrémité duquel se trouve une
clavette que l'on rive sur une euclume;
à cette manille est attachée une chaîne
de neuf maillons, servant à l'accouple-
ment des forçats.
Les condamnés à vie, ceux à long ter-
me et les suspects, portent en outre trois
organeaux au milieu de leur chaîne, pour
y passer le cordon qui sert à les conduire
avec plus de sûreté sur les travaux ce
cordon est surtout indispensable pour le
service de nuit.
Pour tous les condamnés employés en
couple à la fatigue, la manille est du poids
de 1,000 à 1,100 grammes; la chaîne
d'accouplement de 1,350 grammes; les
organeaux t ajoutés à la chaîne des con-i
Les évasions sont fréquentes dans les
établissements de répression (1).
Ce que l'homme du bagne dépense en in-
telligence pour arriver à rompre son ban fait
souvent regretter qu'il n'ait pas porté dans
une voie de droiture l'énergie et l'adresse
que la nature lui a données. Ce qu'il réa-
lise'au-, milieu des obstacles de tout genre et
d'une surveillance qui ne s'endort jamais
tient presque du merveilleux.
Et puis, il y a une particularité éminem-
ment curieuse.
Chaque évasion révèle un instinct spécial;
elle porte, pour ainsi dire, le cachet même
de l'individu qui l'accomplit.
L'assassin ne s'évade pas comme le faus-
saire,-le voleur a d'autres ruses que l'aven-
turier on dirait que chacun met son orgueil
à continuer le rôle qu'il a choisi à son début
dans le crime.
Que d'observations saisissantes il y aurait
à tirer de l'étude de ce monde invisible. Si
nous n'en étions pas arrivé aux derniers
chapitres de ce récit, nous en donnerions
une idée au lecteur.
Mais quelques exemples suffiront à l'édi-
fier complètement.
Au nombre des évasions célèbres, et qui
Voir notre Histoire des Bagnes,-En vente chez
tous les correspondants du Petit Journal.– 'Dix cen-
times la livraison. • ̃
damnés à vie et des suspects pèsent 245
grammes. Il en résulte que chaque con-
damné de cette dernière catégorie traîne
après lui un poids moyen de gram-
mes.
L'accouplement de deux forçats se fait
à l'aide d'un anneau de jonction qui
marie la chaîne de l'un avec celle de
son camarade.
Dans ce livre de mémoires illustrés d'un
forçat, que Zaccone m'a montré. l'ac-
couplement présente un pénible tableau.
Deux iorçats sont enchaînés l'un à
l'autre.
L'un, à terre, a été battu par son cama-
rade, et il a le visage en sang.
L'autre, aussi terrible, aussi menaçant
que la victime est horripilée et san-
glante. tire le malheureux renversé
avec.lachaîne de fer qui les rive l'un à
l'autre.
Je ne connais rien de si terrible que ce
dessin fait d'après nature.
C'est à l'accouplement de deux forçats
que l'on rapporte la découverte faite le
31 j janvier dernier, dans la forêt de Saint-
Just.
Voici ce que raconte le journaliste de
la Charente.
Un homme, nommé Drouet, fut, il y a
bien des années, accusë et convaincu d'un
crime.
Puis frappé par la justice d'une con*
damnation aux travaux forcés.
Il fut conduit au Bagne de Rochefort,
et là, on l'accoupla à l'un des hôtes flétris
de ce lieu d'expiation.
Etre deux absolument, ne pouvoir faire
un projet, un mouvement, un pas sans
la permission de son compagnon. c'est
l'abdication de toute initiative. c'est un
Malgré cela, le couple s'évada un jour.
Le canon eut beau retentir, les gardes-
chiourme battirent en vain la campa-
gne Par miracle, par prodige, ces deux
etres retenus par une même chaîne.
échappèrent à tous les regards.
Voici ce qu'ajoute la Charente infé-
rieure
Que d'efforts, que de ruses, que de courage il
fallut à ces deux hommes pour se soustraire à la
meute lancée sur leur piste; quels prodiges ne
réalisèrent pas ces deux misérables, chargés de
leurs chaînes, encore revêtus de leur hideuse li-
vrée, rampant la nuit le long des fossés de la
grande prairie, arrivant au fleuve si dangereux et
le traversant ensemble à la nage, atteignant en-
fin, épuisés par la faim, par la fatigue, par la
souffrance, les bois de la commune de Saint-Just,
où: dans le plus épais du taillis, ils n'eurent pour
aliment que des feuilles d'arbres et des racines.
dénotent de la part du criminel une étrange
aptitude dans ce genre d'opérations, il faut
citer celle du forçat Cauchet.
On sait que lorsqu'une évasion est décou-
verte et constatée, le canon d'alarme est aus-
sitôt tiré, et qu'à ce signal bien connu dans
les environs des bagnes, les paysans sortent
de leurs demeures, quittent leurs travaux,
s'arment de bâtons ou de fusils, et se mettent
à la recherche du fugitif, avec une ardeur
d'autant plus grande qu'il y a une prime
d'argent, payée comptant, pour celui qui
ramène un forcat évadé.
C'est une chasse à l'homme, dans toute
l'acception du mot, et il est rare que le fugi-
tif parvienne à échapper.
Cauchet savait cela, et voici ce qu'il s'était
dit
Tous les ans, le jour de la fête du Roi,
c'était sous Louis-Philippe, on a coutume
de tirer dans le port des salves d'artillerie.
Si je brisais mes fers, au milieu de cessal-
ves d'artillerie, et que je fusse assez heureux
pour gagner la campagne, le canon d'alar-
me resterait muet, car il serait inutile qu'il
se fit entendre, il est au même diapason que
celui de la fête royale; rien n'indiquerait l'é-
vasion qu'il signale, et je profiterais de cette
fête. moi aussi j'aurais un peu de joie.
Et le jour de la saint Philippe, à peine les
•" rentiers coups de canon avaient-ils retenti,
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SIX MOIS. 12FR.
UN AN 24 FR.
Septième Année n° 29137
Lundi, 15 février 1869
Tirage du Petit Journal •. 261,4 50
LA CHAINE D'U
forcé les portes de la. littérature.
Les histoires du bagne ont le privilège
d'intéresser un public qui n'est pas tou-
jours en appétit pour les ravissants ta-
bleaux d'intérieur d'Octave Feuillet et de
Jules Sandeau ou les adorables bergeries
de George Sand.
Un maître, Victor Hugo, a, dans les
̃Misérables, pris le forçat libéré, Jean Val-
jean, pour typefavoii.
Depuis le Bonnet- Vert de Méry et l'His-
toire des Bagnes publiée en 1828 par Mau-
rice Alhoy, le forçat est apparu dans les
• œuvres des principaux romanciers,
Vous le trouverez dans les Mystères de
'Paris d'Eugène Sue, dans le Gabriel La,,ni-
bert d'Alexandre Dumas, dans les publi-
cations les plus acclamées de la production
contemporaine.
Cette curiosité se comprend, les por-
teurs de fers sont une population à part,
effrayante, semant l'alarme et la terreur.
1 quelque pitié se mêle au sentiment d'ap-
préhension qu'ils font naître. On sou-
,̃ haite une amélioration' d'idées et de sort
ces mortels égarés qui ont subi la rude
.épreuve de l'expiation.
Et puis la mémoire publique est rem-
plie de traits qui militent peut-être en
-faveur de ces malheureux.
Quand un forçat s'échappe du bagne,
il est donné une prime à qui le ramènera.
On tire le canon d'alarme dès que sa
'disparition est constatée.
Le canon, c'est un dénonciateur à la
voix puissante qui parle à toute une po-
.pulationà la fois.
Un jour, un forçat s'évada du bagne de
Toulon.
On eut beau tirer le canon. il gagna
là campagne, où la voix du bronze ne
par venait pas.
Il se réfugia dans une chaumière. et
r y trouva les enfants effarés, l'épouse en
pleurs, le mari éperdu.
Il manquait à cette famille indigente
une somme pour payer une dette dont l'ac-
quittement ne souffrait pas de délais.
Je suis un forçat évadé, dit l'étran-
ger, qui venait se faire le témoin de ces
̃ misères. ramenez-moi au bagne, vous
toucherez la prime accordée à tout indi-
Feuilleton du 13 Février 1869
LES
MANSARDES DE PARIS
'̃ ''ni
L'Evasion
Ces deux hommes étaient Rougeot-Cadet
'et Polichinelle.
Ils ne s'arrètèrent qu'aux abords du caba-
̃: ret, où nous les avons vus en compagnie de
Louppard.
Eh bien, mon vieux Polichinelle, dit
Rougeot-Cadet, es-tu convaincu. mainte-
nant ?
Polichinelle fit un geste violent.
Ah! le vieux gredin, grommela-t-il
avec une fureur concentrée. c'était donc
lui?.
Quand je te le disais.
e V– Louvet!
vidu qui se rend maître d'un fugitif. et
avec cet argent vous payerez votre dette,
xEt il se laissa conduire avec la docilité
d'un; agneau.
Le; fait est vrai. il est touchant et
s'il.éfait possible de trouver à ces infortu-
nes jfne sorte de réhabilitation. on ai-
mèÀit à la chercher dans de semblables
temples
Mais il n'est pas nécessaire d'avoir re-
cours au roman pour trouver le forçat
dans les situations les plus poignantes.
L'Histoire est là. un Journal des dé-
partements, daté d'avant-hier, nous 'fait
assister aux incidents les plus terribles.
.Demandez la vous y
trouverez les faits que je vais essayer de
résumer sommairement.
Le 31 du mois dernier, un honnête cul-
tivateur de la commune de Saint-Just
était occupé à une rude tâche.
Il défrichait un bois.
En 1835, M. V. de Moléon soutenait
que la septième partie de la France était
perdue pour l'agriculture.
Depuis cette époque, la science agri-
cole s'est étendue, et plus d'un proprié-
taire a changé avec avantage tous ses bois
en prairies. »
Il existe le défrichement en grand, ob-
tenu à l'aide d'outils perfectionnés et
après lequel on emploie les engrais avec
Mais il y a aussi le défrichement sim-
ple; celui qui se fait à la main, et pour
lequel on emploie le pic pointes et èc tail-
lant }la tournée ordinaire pour extraire les
pierres et arracher les arbres, et les le-
viers armés d'un trident de fer, pour dé-
raciner les arbrisseaux.
L'honnête cultivateur, dont je viens de
parler, M. Pierre Faure, défrichait donc
un bois de la façon la plus élémentaire.
Il attaquait vigoureusement le sol avec
un pic en fer. et d'un bras robuste,
Lorsque, arrivé à une profondeur de
90 centimètres, son instrument rencontra
un corps solide. résistant. de forme
sphérique.
11 voulut connaître la nature de l'objet
qui s'offrait à lui.
Il dégagea l'objet du sable. dans le-
quel il était enfoui.
Il amena. une tête humaine!
A la place de M. Pierre Faüre, j'aur ais
jeté là mon outil, et je n'aurais pas conti-
nué mon défrichement.
Il est partout!
Mais alors, c'est lui qui mène l'affaire,
et les camarades qui vont s'évader sont per-
dus.
C'est probable.
Que faire?
Rougeot-Cadet se prit à réfléchir, et il y
eut un moment de silence.
Quant à cela, reprit-il quelque temps
après, il faut y songer mûrement, et nous
avons la nuit devant nous.
Mais comment les prévenir?
C'est mon affaires.
]l"faut pénétrer dans le pré.
Je m'eu charge.
Enfin,
Enfin. enfin. interrompit Rou-
geot-Cadet,il faut être plus malin que le vieux
Louvet, et j'espère que j'y arriverai sans
peine.
Les deux amis pénétrèrent sur ces mots
dans le cabaret, et le reste de la nuit fut em-
ployé à la discussion des mesures à prendre,
pour déjouer les projets du père Louves.
A quelle résolution s'arrêtèrent-ils? il
nous serait fort difficile de le dire.
Ce qu'il y a de certain, c'est que le lende-
main, à l'heure fixée pour l'évasion, il se
produisait un fait que n'avait pas prévu Lou-
vet et qui devait modifier singulièrement
ses plans.
Mais les bons campagnards n'ont pas
mes sensibleries de citadin.
Notre agriculteur se dit qu'une tête
humaine n'était pas venue là toute
seule.
Il continua son travail. pratiqua une
tranchée.
Jàt mit h découvert un long squelette,
près duquel s'étendait une chaîne, ter-
minée par un anneau entourant encore
l'os infér:eur d'une jambe..
Il est des pays où la vue d'un squelette
n'a rien que d'agréable.
Sainte-Foix, dans ses Essccis historiques,
nous apprend que les Acouacats rédui-
saienf en poudre les squelettes de leurs
parents et de leurs amis, pour pouvoir les
avaler et, en les incorporant à eux-mêmes,
ne faire plus qu'un seul être avec eux.
Les Egyptiens s'excitaient mutuelle-
ment aux plaisirs de la table et aux dou-
ceurs de la vie, en présentant un squelette
aux yeux de leurs convives avec ces mots
sacramentels Jouis et bois, en voyant ce
gu.e tu deviendras.
M. Pierre Faure ne trouva rien d'aussi
divertissant dans la vue du squelette qu'il
venait d'arracher à la terre.
Et il alla faire, en bon citoyen, sa dé-
claration aux autorités
Pierre Zaccone, qui publie en ce mo-
ment une Histoire illustrée des Bagnes,
m'a montré, le mois dernier, une histoire
très curieuse.
C'est un manuscrit, rédigé par un For-
çat et orné par lui de dessins coloriés.
C'est terrible et naïf à la fois. Le
tableau le plus saisissant est peut-être
celui de l'accouplement.
On sait que chaque condamné partie à
la jambe un anneau de fer, appelé ma-
nille; cet anneau est fermé par un bon-
lon,- à l'extrémité duquel se trouve une
clavette que l'on rive sur une euclume;
à cette manille est attachée une chaîne
de neuf maillons, servant à l'accouple-
ment des forçats.
Les condamnés à vie, ceux à long ter-
me et les suspects, portent en outre trois
organeaux au milieu de leur chaîne, pour
y passer le cordon qui sert à les conduire
avec plus de sûreté sur les travaux ce
cordon est surtout indispensable pour le
service de nuit.
Pour tous les condamnés employés en
couple à la fatigue, la manille est du poids
de 1,000 à 1,100 grammes; la chaîne
d'accouplement de 1,350 grammes; les
organeaux t ajoutés à la chaîne des con-i
Les évasions sont fréquentes dans les
établissements de répression (1).
Ce que l'homme du bagne dépense en in-
telligence pour arriver à rompre son ban fait
souvent regretter qu'il n'ait pas porté dans
une voie de droiture l'énergie et l'adresse
que la nature lui a données. Ce qu'il réa-
lise'au-, milieu des obstacles de tout genre et
d'une surveillance qui ne s'endort jamais
tient presque du merveilleux.
Et puis, il y a une particularité éminem-
ment curieuse.
Chaque évasion révèle un instinct spécial;
elle porte, pour ainsi dire, le cachet même
de l'individu qui l'accomplit.
L'assassin ne s'évade pas comme le faus-
saire,-le voleur a d'autres ruses que l'aven-
turier on dirait que chacun met son orgueil
à continuer le rôle qu'il a choisi à son début
dans le crime.
Que d'observations saisissantes il y aurait
à tirer de l'étude de ce monde invisible. Si
nous n'en étions pas arrivé aux derniers
chapitres de ce récit, nous en donnerions
une idée au lecteur.
Mais quelques exemples suffiront à l'édi-
fier complètement.
Au nombre des évasions célèbres, et qui
Voir notre Histoire des Bagnes,-En vente chez
tous les correspondants du Petit Journal.– 'Dix cen-
times la livraison. • ̃
damnés à vie et des suspects pèsent 245
grammes. Il en résulte que chaque con-
damné de cette dernière catégorie traîne
après lui un poids moyen de gram-
mes.
L'accouplement de deux forçats se fait
à l'aide d'un anneau de jonction qui
marie la chaîne de l'un avec celle de
son camarade.
Dans ce livre de mémoires illustrés d'un
forçat, que Zaccone m'a montré. l'ac-
couplement présente un pénible tableau.
Deux iorçats sont enchaînés l'un à
l'autre.
L'un, à terre, a été battu par son cama-
rade, et il a le visage en sang.
L'autre, aussi terrible, aussi menaçant
que la victime est horripilée et san-
glante. tire le malheureux renversé
avec.lachaîne de fer qui les rive l'un à
l'autre.
Je ne connais rien de si terrible que ce
dessin fait d'après nature.
C'est à l'accouplement de deux forçats
que l'on rapporte la découverte faite le
31 j janvier dernier, dans la forêt de Saint-
Just.
Voici ce que raconte le journaliste de
la Charente.
Un homme, nommé Drouet, fut, il y a
bien des années, accusë et convaincu d'un
crime.
Puis frappé par la justice d'une con*
damnation aux travaux forcés.
Il fut conduit au Bagne de Rochefort,
et là, on l'accoupla à l'un des hôtes flétris
de ce lieu d'expiation.
Etre deux absolument, ne pouvoir faire
un projet, un mouvement, un pas sans
la permission de son compagnon. c'est
l'abdication de toute initiative. c'est un
Malgré cela, le couple s'évada un jour.
Le canon eut beau retentir, les gardes-
chiourme battirent en vain la campa-
gne Par miracle, par prodige, ces deux
etres retenus par une même chaîne.
échappèrent à tous les regards.
Voici ce qu'ajoute la Charente infé-
rieure
Que d'efforts, que de ruses, que de courage il
fallut à ces deux hommes pour se soustraire à la
meute lancée sur leur piste; quels prodiges ne
réalisèrent pas ces deux misérables, chargés de
leurs chaînes, encore revêtus de leur hideuse li-
vrée, rampant la nuit le long des fossés de la
grande prairie, arrivant au fleuve si dangereux et
le traversant ensemble à la nage, atteignant en-
fin, épuisés par la faim, par la fatigue, par la
souffrance, les bois de la commune de Saint-Just,
où: dans le plus épais du taillis, ils n'eurent pour
aliment que des feuilles d'arbres et des racines.
dénotent de la part du criminel une étrange
aptitude dans ce genre d'opérations, il faut
citer celle du forçat Cauchet.
On sait que lorsqu'une évasion est décou-
verte et constatée, le canon d'alarme est aus-
sitôt tiré, et qu'à ce signal bien connu dans
les environs des bagnes, les paysans sortent
de leurs demeures, quittent leurs travaux,
s'arment de bâtons ou de fusils, et se mettent
à la recherche du fugitif, avec une ardeur
d'autant plus grande qu'il y a une prime
d'argent, payée comptant, pour celui qui
ramène un forcat évadé.
C'est une chasse à l'homme, dans toute
l'acception du mot, et il est rare que le fugi-
tif parvienne à échapper.
Cauchet savait cela, et voici ce qu'il s'était
dit
Tous les ans, le jour de la fête du Roi,
c'était sous Louis-Philippe, on a coutume
de tirer dans le port des salves d'artillerie.
Si je brisais mes fers, au milieu de cessal-
ves d'artillerie, et que je fusse assez heureux
pour gagner la campagne, le canon d'alar-
me resterait muet, car il serait inutile qu'il
se fit entendre, il est au même diapason que
celui de la fête royale; rien n'indiquerait l'é-
vasion qu'il signale, et je profiterais de cette
fête. moi aussi j'aurais un peu de joie.
Et le jour de la saint Philippe, à peine les
•" rentiers coups de canon avaient-ils retenti,
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