Titre : Le Matin : derniers télégrammes de la nuit
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1909-02-15
Contributeur : Edwards, Alfred (1856-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 15 février 1909 15 février 1909
Description : 1909/02/15 (Numéro 9120). 1909/02/15 (Numéro 9120).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/05/2008
SEUL JOURNAL FRANÇAIS RELIANT PAR SES FILS SPÉCIAUX LES QUATRE PREMIÈRES CAPITALES DU GLOBE
forces militaires de l'An-.
'gleierre étaient organisées en trois caté-
gories l'armée régulière et sa réserve
la milice et la yeominry les volontai-
res.
L'armée anglaise et sa réserve sont
destinées à combattre soit sur le terri-
toire anglais, soit en Europe, soit aux
Colonies les forces auxiliaires (milice,
yèomanry, volontaires), au contraire,
sont exclusivement .réservées à la dé-
fense du territoire national.
L'organisation, la durée et les condi-
tions du service, la solde et les divers
raient pour chacu-
ne de ces catégories
due forces, où ré-
gnait, en outre, un
particularis-
me étroit, résultant
de traditions ne cor-
respondant plus à
aucune réalité. En-
fin, le manque de
personnel auxiliai-
re et la pénurie des
services rendaient
inutilisable une
énorme proportion
de troupes combat-
tantes.
On comprit de
l'autre côté de la
Manche qué c«-&ys-
t è m e défectueux
appelait une sérieu-
se réforme, et c'est
le mérite de M.
Jiaiuane a avoir tenté la simpniication
d'un organisme vieilli, en même temps
que son adaptation aux réalités nou-
velles^
Quel est le plan de M. Haldane'? L'ho-
norable ministre de la guerre s'est pro-
posé pour but, depuis 1906, de rempla-
cer les catégories que nous. venons de
citer par deux grands groupes de for-
ces une armée de campagne de pre-
misère ligne une armée nationale ou
territoriale (pour la défense du sol).
Dans son projet, l'armée de première
Mgne doit pouvoir mobiliser un corps
expéditionnaire de 160,000 hommes en-
viron au moyen de l'armée régulière.
la réserve de cette armée la réserve spé-
ciale (destinée aux services accessoires).
D'autre part, l'armée territoriale doit
pouvoir fournir 14 divisions d'infante-
rie à 3 brigades 14 brigades de cavale-
rie à 3 régiments 14 escadrons d'infan-
terie montée' (avec une yeomanry). Au
environ.
ï)ii en est ce plan ? l'heure actuelle,
iionnaire pourraient être facilement or-
ganisées mais les services ne pour-
raient être entièrement mobilisés faute
de personnel la « réserve spéciale » qui
doit les leur fournir est, en effet, eh dé-
ficit de 16,000 hommes.
En ce qui concerne l'armée territo-
riale, qui devrait compter 300,000 hom-
mes elle n'en compte actuellement que
190,000 mais tous les corps de troupes
qui doivent entrer dans sa' composition
sont-formes. Le complément en effectif;
qui leur viendra peu à peu en temps de
paix et, vraisemblablement, très rapide-
ment en cas de guerre, trouverait, par
suite, des cadres nécessaires.
il s'agit donc, en somme, aujourd'hui,
pour réaliser le plan Ilaldâne, de com-
bler les déficits,de la réserve spéciale
et-de poursuivre l'organisation de l'ar-
mée territoriale.
Est-ce suffisant ? Lord Roberts affirme
que xion.Dans un important discours
sur la situation militaire actuelle, fho-
norable lord a fait le procès de l'organi-
sation militaire de M. Haldane. Pour
lui, les effectifs prévus sont insuffisants
s'est à 600,000 hommes que devrait se
monter l'armée de soldats-citoyens par
suite,: c'est' 1,000,000 d'hommes, au to-
tal, que l'Angleterre devrait instruire
pour la guerre. Enfin, en terminant,
l'ancien commandant en chef au, Trans-
vaal a affirmé la nécessité d'en venir à'
l'instruction militaire obligatoire. »,
pour faire face aux événements.
Il nous est assez difficile d'arbitier
d'autorité entre M. Haldane et lord Ro
bërts. Nous devons cependant reconnai
tre que NI. Haldane a opéré une trans
formation nécessaire de l'armée an-
glaise .en tenant compte de l'opinion pu.
blique, d'une part. et des nécessités im-
périeuses de l'heure présente, de l'autre.
En ce qui concerne le service obliga-
toir, par exemple, lord Roberts en a tou-
jours été partisan, mais il n'en a jamais
précisé les moyens d'application, et.
malgré le récent discours dont nous ve-
nons de parler, cette idée rencontre tou-
jours, en Angleterre, une opposition ab-
solue:
Dans ces conditions spéciales de l'opi-
nion anglaise, il ne semble pas qu'il soit
possible d'augmenter les forces militai-
res de l'Angleterre au delà des limites
prévues par le, plan de M. Haldane.
Le. plan de M. Haldane arrivera-t-il à
sa complète ééalisation ? Il semble qu'il
n'y ait pas à en douter. D'après tous les
renseignements recueillis -aux sources
autorisées, la réserve spéciale sera com-
plète au printemps prochain et l'armée
territoriale en constante croissance.
L'organisation nouvelle, malgré ses
insuffisances, constitue un réel progrès
sur le chaos qui existait avant, et elle
donne, sans rien innover, des forces sen-
siblement plus nombreuses et meilleu-
res. Sans doute, on peut songer à un
système plus fort et plus complet, mais
celui-ci est lié à la question du service
militaire ou de l'instruction militaire
obligatoire. C'est la question qui se po-
sera de nouveau dès que l'Angleterre
voudra augmenter son armée au delà des
limites du plan Haldane actuellement
en cours. Nos voisins auront peut-être
àTexaminer et à la résoudre.. Mais, dés
aujourd'hui, nous estimons que l'effort
qu'ils font pour être un effort mini-
mum est bon et qu'il peut donner
d'appréciables résultats.
A. Gervais.
té auteur, membre de la commission
Ce l'année.
des
ne sultan s'incline à nouveau
Hilmi pacha nomme grand vizir
Le triomphe des jeunes-turcs est com-
plet indéniable, éclatant.
Les dépèches qu'on va lire et qui sont
arrivées dans la soirée d'hier, soulignent
toute l'ampleur de leur triomphe. Les
jeunes-turcs voulaient la démission im-
médiate de Kiamil pacha, grand-vizir
ils l'ont: Les jeunes-turcs voulaient que
les ministres « démissionnes x repren-
nent leurs portefeuilles ils les ont re-
pris. Les jeunes-turcs voulaient une
nouvelle preuve. de la soumission du sul-
tan ils en ont vingt.
Gonstantinoi'LE, 14 ̃ février. Le sultan
avait fait, demander trois' fois, depuis hier
soir, à Kiaanit; de. reméttre le sceau du
grand vizir, Kiamil avait refusé: ce t?,'est
que ce inaldn, à onze heures; qu'il le. rendit.
itaMI PACHA
11 est presque certain que le sultan note-
mera de nouveau Ali Riza comme ministre
de la guerre, et Aril comme ministre de la
marine. (Havas.)
Autre dépêche. Même son.
Constantinople, :li février. -,La Chambre
vient de se réunir en séance extraordinaire.
Ahmed Riza, président, rend compte delà
visite qu'il a faite h,ier à Yildiz Kiosk il
dit que le sultan a pronis de respecter la
Constitution et d'appeler au pouvoir un
hpmme jouissant de la confiance de'la na-
tiop.
Il lit deux télégrammes du palais, le pre-
mier annonçant la nomination d 'Eilmi pacha
comme grand vizir et ministre de l'intérieur,
chargé 'de' former le cabinet le secorid an-
nonçant la nomination de lia Eddin connu
suus le nom de lia Mollah, en qualité de
cheikh-ul-lslami
Ahmed Riza a lu ensuite une commùni;-
cation de Kiamil, arrivée hier matin mais
oubliée et démentant les' accusations du
journal Servesti contre les fonctionnaires.
La Chambre a voté des remerciements au
sultan et a repoussé, à l'unanimité, une mo-'
lion de M. Carasso, député israélite de Salo-
nique, tendant \à mettre Kiamil pacha en ac-
cusation pour renvoi arbitraire aes minis-
tres de la guerre et de la marine elle a
repoussé également une motion tendant à
retirer de la dette pu blique le produit des
droits perçus sur les lacs Okhnda et autres
pour le donner au ministère des finances.
La séance ayant cLéle-tièe. les députés se
sont réunis en commissions. (Havas.)
Enfin, les jeunes-turcs souhaitaient
Parrivéc au pouvoir de Hussein Hilmi
pacha, ministre de l'intérieur démission-
naire, homme d'Etat éminent dont toute
l'Europe a pu apprécier la haute valeur,
lors.des troubles sanglants de Macédoi-
ne. Or, Hilmi pacha est élevé au grand
vizirat. C'estdonc le triomphe sur toute
la ligne.
Con'stantinopie, 14 février. L'édit im-
périal nommant Hussein Hilmi pacha grrrnd
vizir, et Zia Eddine cheik-ul-Islam,- été lu
à six heures, ce soir, d la Porte, avec le ce-,
rémomal habituel.
L'édit, sans entrer dans des explications
s'ur les causes ile la démission de Kiamil
pacha, se borne à annoncer la nécessité,
d'un changement d'è grand vizir et déclaré
que le- nouveau grand vizir étë chargé de,
/ormer le cabinet comme le prescrit la,Cons-:
titution.
L'arrivée de Hilmi pacha a été saluée de
vivats, manquant toutefois de chaleur de
la part des groupes massés tant au dehors
qu'au dedans de la Porte. L'attitude géné-
rate dn uublic est,faite d'indifférence, et bon
nombre de curieux, las d'attendre par te
mauvais temps, s'étaient dispersés avant
l'arrivée d'Hilmi.
La Chambre a bien accueilli l'annonce des
deux nominations. (Havas.)
UN PROPHÉTEAU_PAYS NOIR
Il a'un temple et des fidèles S'il n'est certain
qu'il guérisse, il fait, du moins, Êeurir
le commerce
Maubëuge, 14 février. Par dépêche de
notre envayé spécial. Louis Antoine' est
un prophète. Que dis-je ? Un prophète, un
demi-dieu tout au moins, car d'un geste, d'un
mot, d'un regard, il vivifie les égrotants, ra-
fraîchit les fIévreux et fait gambader ca-
gneux, bancals et boiteux
J'ai connu l'émouvant honneur de causer
avec lui hier à .lemeppe-sur-Sambre, où j'é-
lais, venu tout exprès pour me courber sous
le dictame de sa parole.
Avant d'être admis en la présence d'un
homme doué de qualités aussi remarquables,
j'avais entendu raconter des choses fantas-
tiques. Ici, c'est une femme de soixante-dix
ans, atteinte d'un cancer à l'estomac, aban-
donnée par les médecins, et qui, après sa
visite à Antoine, se reprend à boire de la
bière et à manger de's biftecks saignants
sans le moindre embarras. La, c'est un hom-
me perclus de rhumatismes, dont les souf-
frances sont brusquement abolies. Que sais-
je encore ? Pour tout dire, ces cures ne sont
point si fréquentes que certains voudraient
le faire entendre. C'est du moins ce que l'on
chuchote à Jemeppe, où le nom d:Antoine
fait éclore quelques sourires sceptiques
nul n'est crochète en son pays.
Néanmoins- le guérisseur, y est entouré de
la considération due à un homme qui con-
tribue puissamment à la prospérité du com-
meure d'Antoine, chacun me désigna un petit
clocheton qui s'élève au-dessus des maisons.
.Vous le trouverez dans son temple.
On a beau n'être pas d'une excessive timi-
dité, avoir reporté et interviewé un peu
partout, l'idée d'aborder un monsieur qui
demeure dans son.propre temple procure une
petite émotion. Je me bardai d'aplomb pour
me présenter au seuil d'un édifice en briques,
construit selon les plus déplorables formules
de la moderne architecture,catholique. Mais
je me heurtai à une sorte de servante-sacris-
tain, ,qui me déclara tout .net que, le Maî-
tre » ne recevait pas ce jour-ci, scar cela
« contrariait.les lois éternelles et coupait le
fluide ».
Si épouvanté que je fusse par l'idée de
1 couper le fluide j'insistai pourtant avec
une telle vIgueur, que la porte du temple
s'ouvrit devant moi. Je me trouvai, dans une
chapelle où l'autel était remplacé par une
tribune, devant laquelle s'alignaient, des
rangées de bancs.
Soudain, au fond une porte (j'allais dire
la porte de la sacristine) s'entrebâilla, et je
vis apparaitre le prophète.
Hélas nous vivons à une époque déso-
lante, où les prophètes eux-mêmes, 'ressem-
blent à des huissiers de province. L'homme
que j'avais devant moi paraissait avoir une
soixantaine d'années. Il était vêtu d'une re-
dinso te noir-e assez, fatiguée -son regard in-
cerfain' et vague se révélait sous d'épais
sourcils, et en dépit de la lourde moustache
tombante et de la barbe blanche taillée en
pointé, une impression de timidité un peu
falote se dégageait de sa physionomie.
Lisez ordonnait-il.
Et son doigt désignait une inscription qui
étalait sur les murs du temple, au-dessus
de la brique, ces mots admirables Il Ua
seul remède peut guérir l'humanité la foi.
C'est de la foi que naît l'amour, l'amour qui
nous montre dans nos ennemis Dieu lui-
même. Ne pas aimer ses en.nemis, c'est ne
pas aimer Dieu, car c'est l'amour que nous
avons pour nos ennemis qui nous rend di-
gnes de le: servir. C'est le seul amour qui
nous fait vraiment aimer, parce qu'il est pur
et de vérité. Il,
Ayant lu, je regardai M. Antoine d'un œil
plein d'inquiétude.
Voilà dit-il. Maintenant allez, vous
êtes guéri. Pensez à Antoine.
Et il me tourna le dos.
Désespérant, j'attrapai une basque de sa
redingote et je lui expliquai que ce n'était
point le souci dp ma santé qui m'amenait
vers lui, mais l'écho de sa gloire.
Je ne suis qu'un pauvre ouvrier, dit-il
d'un* voix. dolente. J'ai travailjé longtemps
dans une usine de métallurgie. Déjà je m'oc-
cupais de spiritisme. J'étais malade, très
malade les médecins me disaient qu'il n'y
avait rien à faire. Alors j'ai prié. Les esprits
m'ont transmis l'espoir divin, et je me suis
guéri tout seul. Des gens sont venus à moi
je les ai guéris aussi. C'est la foi J'étais
inspiré, j'avais la certitude de la non-exis-
tence du mal et de l'auréole de la cons-
cience. C'est tout naturel.
Ce discours me jeta dans un grand désar-
roi cérébral..
Mais comment guérissez-vous ? m'é-
criai-je, tout angoissé.
Je ne mange jamais de viande, répon-
dit le prophète, et jamais je ne franchis le
seuil de ce temple.
Peu à peu le guérisseur se mit en con-
fiance. Il me raconta qu'il n'acceptait jamais
la moindre obole pour prix de ses inestima-
blés' services mais que ce fut une'grande
joie dans sa vie lorsqu'une dame très riche,
et qu'il avait guérie, lui avait fait construire
le temple'où nous nous trouvions. Il m'a-
voua encore qu'il rencontrait bien des obs-
tacles dans l'exercice de son sacerdoce que
certains malades n'arrivaient pas auprès3 de
d'autres s'obstinaient à avaler des médica-
ments, ce qui nuisait beaucoup à l'efficacité
de son action. Je sus enfin que les médecins
avaient tenté de lui créer des ennuis, et nue
les prêtres eux-n^mes n'appréciaient point
son apostolat avec toute l'onction désirable.
Quand je fis mine de me retirer, M. An-
toine posa une main tutélaire sur mon
épaule
C'est bien à vous, mon fils, me dit-il,
d'être venu voir un pauvre homme sans ins-
truction comme moi. Un pauvre homme ins-
piré, oui, mais pas intelligent, pas très
intelligent.
Chez le roi
des
contrebandiers
Joson, sueeesseur de Mandrin,
règne en maître sur la Savoie
Le pqnt DE ia Caiixe,
à 147 mètres au-dessus du gouffre
[DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL]
Saint-Julien-en-Genevois, 12'février.
Je viens de causer, mieux, j'ai déjeuné, j'ai
bu, oh oui, j'ai bu beaucoup avec un con-
trebandier authentique, un chef de bande,
un successeur de Mandrin, dans le pays de
Mandrin Cest un homme admirable
Il se nomme Joson, mais je préfère l'ap-
peler par son sobriquet, qui est l'Isé ».
L:'oiseau 1 Oui, l'oiseau. léger, l'oiseau ra-
pide, qui.pendant plus de quarante ans pas-
sa par-dessus les montagnes de Savoie, les
gorges du Rhene, les précipices du Fier, à
la: barbe des douaniers, en faisant des rou-
lades moqueuses pour les douaniers l'Isé,
l'oiseau radieux que jamais on ne put met-
tre. en cage.
Joson a maintenant soixante-huit ans. Il
aune carrure d'athlète, des petits yeux de
joie que tour à tour le rire et la vieillesse
ont plissés, des grosses moustaches de cro-
quemitaine, un grand chapeau mou et une
veste toute neuve qui lui donne l'allure du
maire de son village.
C'est au Chable, le petit hameau enseveli
sous la neige dans la montagne, à quelques
kilomètres de Samt-Julien-en,-Genevois, tout
près de la frontière surisse, que j'ai été cher
cher Joson, le contrebandier.
Dans cette région de. la Savoie qu'illustra
Mandrin, depuis les temps les plus reculés
la contrebande a été élevée à la hauteur
d'une institution.
On y est contrebandier de père en fils.
Depuis Mandrin, il s'est perpétué des ban-
des ayant pour chefs des hommes qui se
formèrent à cette forte école dans l'une de
ces bandes dont le quartier général était
Vallery, qu'en 1853, à l'âge de douze ans,
Joson s'engagea.
Et dans cette petite troupe, où son frère
aîné occupait déjà une situation importante,
il ne tarda pas à prendre la première place.
Joson possédait, d'ailleurs toutes les qua-
lités d'un chef. Il avait les décisions promp-
tes il avait la force nécessaire pour se faire
respecter de tous,, et surtout il avait l'agi-
lité, l'adresse c'était l'Isé
Les périls du métier.
Dans ce délicieux métier, le péril le moin-
dre c'est encore le douanier. 11 ai rive par-
fois qu'après des heures de marche dans des
sentiers vertigineux, on parvient exténué au
bord d'un gouffre. Au-dessous, à 150 mè-
tres, c'est le Rhône, c'est'le Fier, qui déva-
lent de cascades en cascades. Pour atteindre
l'autre bord il n'y qu'une ressource lan-
cer une corde armée d'un grappin et d'une
poulie, la lancer avec vigueur, pour qu'un
camarade, qui depuis des heures, attend la
petite, troupe, saisisse cette corde et enfonce
le grappin dans un arbre. Alors, à la poulie
les hommes confieront leurs précieux far-
deaux, puis le dernier ballot passé, se con-
fieront eux-mêmes.1 •
Mais cela encore ce n'est rien. Ce qui est
dur, c'est en plein hiver de passer un cours
d'eau il gué. Il faut se dévêtir, entrer dans
l'eau glacée jusqu'aux genoux, parfois jus-
qu'au ventre. Et pendant cette horrible tra-
versée, les glaçons viennent brutalement
vous meurtrir, tandis que vos pieds restent
attachés aux pierres gelées du torrent.
Joson me l'a dit. Il leur est arrivé parfois,
en plein hiver, pour dépister les douaniers
qui leur donnaient la chasse, de rester dans
l'eau, la tête émergeant seule, trois heures
Joson est bon conteur, et m'a narré les
plus réjouissantes anecdotes.
La voiture truquée
L'Isé a toujours conservé avec le person-
nel des douanes les meilleures relations.
Très bien avec les douaniers, il m'a avoué
que ses meilleures affaires avaient été faites
en leur collaboration.
Gc qui ne l'empêche pas, à l'occasion,
de leur jouer des tours de sa façon.
II rit encore au souvenir de sa voiture
truquée, pleine de tabac et de dentelle.ne
avait passé- la douane de Bellegarde sans
encombre, lorsqu'à quelques kilomètres
deux douaniers lui firent signe d'arrêter.
Ils venaient de saisir du sucre que passait
un autre contrebandier et désiraient vive-
ment transporter au prochain poste la mar-
chandise saisie.
Avec une grande courtoisie, Joson leur
offrit de charger les pains de sucre et eux-
mêmes. sur sa'voiture. Et c'est ainsi, qu'en
devisant de l'audace des contrebandiers,
Joson et les douaniers arrivèrent au poste
d'où ceux-ci ne le laissèrent repartir qu'ils
n'eurent consommé entièrement, au débit
voisin, un cinquième litre.
Il va pourtant une fois où j'ai été bien
refait, m'avoua Joson. C'était à la douane
de Usscs. Je passais un tronc d'arbre vide
et rempli de tabac. A la douane, ça va bien.
quand voilà mon cocher de malheur qui
quitte l'attelage pour aller boire un coup.
A côté du charriot, il avait une petite fille
qui jouait pas, bon dieu, que cette
garce de fille elle s'amuse à grimper sur le
Joson, dit « iTIsë u
tronc de sapin et puis avec son couteau,
voilà-t-y pas qu'elle veut graver son nom.
Et alors, naturellement, 1 écorce qui cède,
la petite qui's'enfonce dans le tabac, et voi-
là-t-y pas qu'elle se met à gueuler comme
une anesse, « Papa, papa» alors son
père, qui est douanier, arrive et voila-t-y1
pas.
Joson s'éclipsa, mais je crois qu'il lui en
a coûté a50 francs pour.faire racheter, en
sous-main, son tronc d'arbre, son chariot
et ses deux chevaux.
Une histoire triste
Toutes les histoires que conte Joson ne
sont pas également joyeuses. En voici une
qu'il m'a dite avec quelque réticence
Il y avait un douanier ah celui-là,
l'Isé ne l'aime pas, il lui a coûté "plus de
40,000 francs un douanier illettré, mais
qui, par son zèle et une entente préalable
avec les contrebandiers, ne tarda pas à de-
venir lieutenant, même capitaine. Les con-
trebandiers avaient fait avec lui cet accord
trois fois ils passeraient impunément, ,la
quatrième-fois l'agent ferait une prise. Et
c'est ainsi qu'il coula des jours heureux
dans l'abondance que lui procuraient les
contrebandiers et les honneurs que ses chefs
lui décernaient. Un jour, il arriva que la ba-
lance des passages et des prises ne fut plus
faite avec le scrupule nécessaire, et qu'au
lieu de trois passages pour une prise, les
contrebandiers subirent trois prises pour
un passage.
Joson et les siens étaient gens intelli-
gents et de décision prompte, et leur opinion
une fois faite que le capitaine les trahissait,
ils le convoquèrent un soir, pour minuit,
dans les défilés du Salève.
Le capitaine fut exact au rendez-vous,
Et, dans cette nuit tragique, il se passa sans
doute des choses bien impressionnantes car,
à les conter, la voix de l'Isé se baisse à
n'être plus qu'un souffle.
C'était un lâche conclut-il. Je crois
qu.'on ne lui a rien fait.. Oui, c'était un lâ-
che il a pleuré.
Il a pleuré. Et c'est sans doute d'avoir
tant pleuré cette nuit-là qu'au lendemain
il était borgne.
M. Bcflnauit à fez
FEz, 9 février. Dépêche de notre en-
voyé spéciale (réexpédiée de Tanger le 14 fér
vrier). Depuis trois jours, les conféren-
ces se .poursuivent, de dix heures du matin
à midi, avec le sultan, dans le plus grand
mystère..
La première audience a été employée
examiner l'ensemble général des questions
à discuter ultérieurement. Dans les suivan-
tes, on a commencé à aborder la question
relative à l'évacuation progressive de la
Chaouïa.
Pour le moment, rien encore ne semble
se dessiner. Toutefois, je crois savoir que
la discussion semble s'engager sur un ter-
rain assez favorable.
Premiers résultats obtenus.
FEZ, 11 février. Dépêche de notre en»
voué spécial (réexpédiée de.Tanger le 14 lé-,
vrier). Sans pouvoir entrer encore dans
le détail des questions qui ont été discutées
avec le sultan ni des solutions proposées, je
puis affirmer que le makhzen s'est montré
extrêmement satisfait des conversations
qu'il a eues avec notre ministre et des dis-
positions de la France à l'égard du Maroc
C'est avec une grande célérité que les
pourparlers ont été menés, et les questions
de l'évacuation provisoire de la Ghaouîa,
dans les conditions dernièrement exposees
à la tribune de la Chambre par le ministre
des affaires étrangères, la question de l'in-
demnité de guerre à verser par des annui-
tés pendant, un délai de quinze années et la
question relative à la police franco-maro-
caine dans la région limitrophe. de l'Orante,
avec la création de marchés sur plusieurs
points du territoire marocain jusque sur
les bords du Moulouïa, ont été déjà discu-
tees et résolues.
Pour le moment, les résultats obtenus
sont transmis à Paris pour obtenir
l'adhésion du gouvernement français, et ils
ne pourront être considérés comme acquis
que lorsque le nouvel accord aura eu lieu
avec le makhzen, après la réponse de Pa-
ris.
HUBERT JACQUES.
Il y a deux crises à l'Opéra la crise de
la direction et la crise du foyer de la danse.
Et toutes deux ont pour cause le mal d'ar-
gent.,
Jusqu'en ces dernières années, le foyer
de la danse était un des centres tradition-
nels de ce qu'il est convenu d'appeler la vie
parisienne. Chaque soir, de nombreux ha-
bits noirs parmi lesquels on voyait M.
Clemenceau se croyaient obligés d'aller
échanger quelques propos libertins avec les
ballerines nationales, Un véritable homme
du monde se faisait un point d'honneur de
s'intéresser à l'une ou l'autre de ces de-
moiselles pour être chic, il fallait être
tutuet à toi avec une- danseuse.
C'est fini, tout cela. Les.jdanseuses spïit
dans le marasme. On ne rencontre plus au i
foyer de la danse que quelques très vieux
messieurs qui étaient beaux sous l'Empire.
Les jeunes ne mettent jamais les pieds dans
ce salon à la fois galant et officiel. Le
foyer qui fut cher à Ludovic Halévy, sem-
ble un autre Palais-Royal comme celui-ci,
il fut le rendez-vous du Tout-Paris qui s'a-
muse et voici qu'il devient mélancolique et
désert.
La « fille d'Opéra » on disait ainsi
autrefois est à son tour une victime des
mœurs nouvelles. On se couche tôt, on
parle peu, 'on joue au bridge, on fait du
sport. Le jeune fêtard de l'ancienne chro-
nique parisienne tend disparaître on tra-
vaille plus aujourd'hui parce que le fils veut
refaire la fortune que papa dilapida jadis
justement à force de fréquenter le foyer de
la danse. Et si le fils a une maîtresse
ce n'est pas certain il la prévient de son
arrivée par téléphone, lui, consacre vingt-
cinq minutes et ne cherche pas à lui racon-
ter d'éblouissantes anecdotes. Voilà pour-
auoi, madame Cardinal, vos filles sont dé-
laissées.
Et puis, il y a l'automobile. Cela coûte
cher. Les pneumatiques font concurrence
aux danseuses les sens passent après l'es-
sence, le volant a triomphé du tutu.
Je vous le dis en vérité, il y a deux-
crises l'Opéra la crise de la direction et
¡ la crise du foyer de la danse. Elles sont
soeurs, comme les petites Cardinal, et com-
me celles-ci elles sont rivales, car hélas il
n'jva a pas de commanditaires pour tout le
1 monde. CLÉMENT Vautel.
LES DESSOUS
POLICES RUSSE
Gommenfi on fabrique
une fausse fabrique
de bombes
Tout autant que je le suppose delà
part du lecteur, je suis pressé moi-même
d arriver aux grands faits tragiques de
ces dernières années, c'est-à-dire aux
exécutions* de Plehve et du grand-duc
Serge, exécutions, complots, qui furent
l'œuvre commune du parti'de combat et
de la haute police, dans la personne du
traître Azew.
Mais pour que l'on comprenne com-
ment de telles choses ont été possibles,il
est nécessaire de placer le lecteur dans
l'atmosphère de ces atrocités. C'est ce
que j'essaye de faire en lui narrant
chronologiquement les faits moindres
et pourtant si suggestifs auxquels j'ai
été mêlé.
Au nombre des a collaborateurs se-
crets » de Cheviakoff, le nouveau chef
de la Sûreté, se trouvait un ouvrier
nommé Chtchiguelsky. Il appartenait
à un groupement du parti socialiste po-
lonais. et ne dénonçait généralement
que ses camarades ouvriers, et fort
rement des intellectuels.
Exacts -au début, ses renseignements
devinrent de plus en plus fantastiques.
Ses camarade.s commençaient-ils à le
soupçonner ? Etait-ce parce qu'on le sa-
vait enclin à la boisson ?'Bref, l'Okhra*
na apprit qu'on ne confiait à Chtchi-
guelsky plus rien de sérieux. Aussi, la
Sûreté elle-même. sauf Cheviakoff. ne
faisait-elle plus grand cas de ses dénon-
ciations.
Un jour, comme j'entrai dans le cabi-
net de Cheviakoff, j'y trouvai Ghtchi:
guelsky.
Celui-ci était en train d'entretenir le
chef de l'Okhrana d'un projet conçu par
quelques jeunes gens de fabriquer des
bombes en vue du 1er mai qui devait
suivre.
Connaissez-vous le nom de ces jeu-
nes gens ? lui demanda Cheviakoff.
Non, répondit l'agent provoca-
teur, j'ignore leurs noms, ainsi que
leurs domiciles: je ne connais que le so-
briquet de quelques-uns.
Il faut donc tâcher de savoir l'en-
droit de fabrication des bombes, afin de
prendre les bombistes en flagrant délit.
Si vous y parvenez, vous serez large-
ment récompensé.
Chtchiguelsky promit de faire son
possible.
Un ou deux jours plus tard, il revint
chez Cheviakoff et lui raconta que les
conspirateurs manquant d'un endroit
propice à la fabrication des bombes,
étaient sur le point de renoncer à leurs
Cheviakoff prit .un air déçu et même,
regarda le dénonciateur d'un œil pro-
metteur de disgrâce,
forces militaires de l'An-.
'gleierre étaient organisées en trois caté-
gories l'armée régulière et sa réserve
la milice et la yeominry les volontai-
res.
L'armée anglaise et sa réserve sont
destinées à combattre soit sur le terri-
toire anglais, soit en Europe, soit aux
Colonies les forces auxiliaires (milice,
yèomanry, volontaires), au contraire,
sont exclusivement .réservées à la dé-
fense du territoire national.
L'organisation, la durée et les condi-
tions du service, la solde et les divers
raient pour chacu-
ne de ces catégories
due forces, où ré-
gnait, en outre, un
particularis-
me étroit, résultant
de traditions ne cor-
respondant plus à
aucune réalité. En-
fin, le manque de
personnel auxiliai-
re et la pénurie des
services rendaient
inutilisable une
énorme proportion
de troupes combat-
tantes.
On comprit de
l'autre côté de la
Manche qué c«-&ys-
t è m e défectueux
appelait une sérieu-
se réforme, et c'est
le mérite de M.
Jiaiuane a avoir tenté la simpniication
d'un organisme vieilli, en même temps
que son adaptation aux réalités nou-
velles^
Quel est le plan de M. Haldane'? L'ho-
norable ministre de la guerre s'est pro-
posé pour but, depuis 1906, de rempla-
cer les catégories que nous. venons de
citer par deux grands groupes de for-
ces une armée de campagne de pre-
misère ligne une armée nationale ou
territoriale (pour la défense du sol).
Dans son projet, l'armée de première
Mgne doit pouvoir mobiliser un corps
expéditionnaire de 160,000 hommes en-
viron au moyen de l'armée régulière.
la réserve de cette armée la réserve spé-
ciale (destinée aux services accessoires).
D'autre part, l'armée territoriale doit
pouvoir fournir 14 divisions d'infante-
rie à 3 brigades 14 brigades de cavale-
rie à 3 régiments 14 escadrons d'infan-
terie montée' (avec une yeomanry). Au
environ.
ï)ii en est ce plan ? l'heure actuelle,
iionnaire pourraient être facilement or-
ganisées mais les services ne pour-
raient être entièrement mobilisés faute
de personnel la « réserve spéciale » qui
doit les leur fournir est, en effet, eh dé-
ficit de 16,000 hommes.
En ce qui concerne l'armée territo-
riale, qui devrait compter 300,000 hom-
mes elle n'en compte actuellement que
190,000 mais tous les corps de troupes
qui doivent entrer dans sa' composition
sont-formes. Le complément en effectif;
qui leur viendra peu à peu en temps de
paix et, vraisemblablement, très rapide-
ment en cas de guerre, trouverait, par
suite, des cadres nécessaires.
il s'agit donc, en somme, aujourd'hui,
pour réaliser le plan Ilaldâne, de com-
bler les déficits,de la réserve spéciale
et-de poursuivre l'organisation de l'ar-
mée territoriale.
Est-ce suffisant ? Lord Roberts affirme
que xion.Dans un important discours
sur la situation militaire actuelle, fho-
norable lord a fait le procès de l'organi-
sation militaire de M. Haldane. Pour
lui, les effectifs prévus sont insuffisants
s'est à 600,000 hommes que devrait se
monter l'armée de soldats-citoyens par
suite,: c'est' 1,000,000 d'hommes, au to-
tal, que l'Angleterre devrait instruire
pour la guerre. Enfin, en terminant,
l'ancien commandant en chef au, Trans-
vaal a affirmé la nécessité d'en venir à'
l'instruction militaire obligatoire. »,
pour faire face aux événements.
Il nous est assez difficile d'arbitier
d'autorité entre M. Haldane et lord Ro
bërts. Nous devons cependant reconnai
tre que NI. Haldane a opéré une trans
formation nécessaire de l'armée an-
glaise .en tenant compte de l'opinion pu.
blique, d'une part. et des nécessités im-
périeuses de l'heure présente, de l'autre.
En ce qui concerne le service obliga-
toir, par exemple, lord Roberts en a tou-
jours été partisan, mais il n'en a jamais
précisé les moyens d'application, et.
malgré le récent discours dont nous ve-
nons de parler, cette idée rencontre tou-
jours, en Angleterre, une opposition ab-
solue:
Dans ces conditions spéciales de l'opi-
nion anglaise, il ne semble pas qu'il soit
possible d'augmenter les forces militai-
res de l'Angleterre au delà des limites
prévues par le, plan de M. Haldane.
Le. plan de M. Haldane arrivera-t-il à
sa complète ééalisation ? Il semble qu'il
n'y ait pas à en douter. D'après tous les
renseignements recueillis -aux sources
autorisées, la réserve spéciale sera com-
plète au printemps prochain et l'armée
territoriale en constante croissance.
L'organisation nouvelle, malgré ses
insuffisances, constitue un réel progrès
sur le chaos qui existait avant, et elle
donne, sans rien innover, des forces sen-
siblement plus nombreuses et meilleu-
res. Sans doute, on peut songer à un
système plus fort et plus complet, mais
celui-ci est lié à la question du service
militaire ou de l'instruction militaire
obligatoire. C'est la question qui se po-
sera de nouveau dès que l'Angleterre
voudra augmenter son armée au delà des
limites du plan Haldane actuellement
en cours. Nos voisins auront peut-être
àTexaminer et à la résoudre.. Mais, dés
aujourd'hui, nous estimons que l'effort
qu'ils font pour être un effort mini-
mum est bon et qu'il peut donner
d'appréciables résultats.
A. Gervais.
té auteur, membre de la commission
Ce l'année.
des
ne sultan s'incline à nouveau
Hilmi pacha nomme grand vizir
Le triomphe des jeunes-turcs est com-
plet indéniable, éclatant.
Les dépèches qu'on va lire et qui sont
arrivées dans la soirée d'hier, soulignent
toute l'ampleur de leur triomphe. Les
jeunes-turcs voulaient la démission im-
médiate de Kiamil pacha, grand-vizir
ils l'ont: Les jeunes-turcs voulaient que
les ministres « démissionnes x repren-
nent leurs portefeuilles ils les ont re-
pris. Les jeunes-turcs voulaient une
nouvelle preuve. de la soumission du sul-
tan ils en ont vingt.
Gonstantinoi'LE, 14 ̃ février. Le sultan
avait fait, demander trois' fois, depuis hier
soir, à Kiaanit; de. reméttre le sceau du
grand vizir, Kiamil avait refusé: ce t?,'est
que ce inaldn, à onze heures; qu'il le. rendit.
itaMI PACHA
11 est presque certain que le sultan note-
mera de nouveau Ali Riza comme ministre
de la guerre, et Aril comme ministre de la
marine. (Havas.)
Autre dépêche. Même son.
Constantinople, :li février. -,La Chambre
vient de se réunir en séance extraordinaire.
Ahmed Riza, président, rend compte delà
visite qu'il a faite h,ier à Yildiz Kiosk il
dit que le sultan a pronis de respecter la
Constitution et d'appeler au pouvoir un
hpmme jouissant de la confiance de'la na-
tiop.
Il lit deux télégrammes du palais, le pre-
mier annonçant la nomination d 'Eilmi pacha
comme grand vizir et ministre de l'intérieur,
chargé 'de' former le cabinet le secorid an-
nonçant la nomination de lia Eddin connu
suus le nom de lia Mollah, en qualité de
cheikh-ul-lslami
Ahmed Riza a lu ensuite une commùni;-
cation de Kiamil, arrivée hier matin mais
oubliée et démentant les' accusations du
journal Servesti contre les fonctionnaires.
La Chambre a voté des remerciements au
sultan et a repoussé, à l'unanimité, une mo-'
lion de M. Carasso, député israélite de Salo-
nique, tendant \à mettre Kiamil pacha en ac-
cusation pour renvoi arbitraire aes minis-
tres de la guerre et de la marine elle a
repoussé également une motion tendant à
retirer de la dette pu blique le produit des
droits perçus sur les lacs Okhnda et autres
pour le donner au ministère des finances.
La séance ayant cLéle-tièe. les députés se
sont réunis en commissions. (Havas.)
Enfin, les jeunes-turcs souhaitaient
Parrivéc au pouvoir de Hussein Hilmi
pacha, ministre de l'intérieur démission-
naire, homme d'Etat éminent dont toute
l'Europe a pu apprécier la haute valeur,
lors.des troubles sanglants de Macédoi-
ne. Or, Hilmi pacha est élevé au grand
vizirat. C'estdonc le triomphe sur toute
la ligne.
Con'stantinopie, 14 février. L'édit im-
périal nommant Hussein Hilmi pacha grrrnd
vizir, et Zia Eddine cheik-ul-Islam,- été lu
à six heures, ce soir, d la Porte, avec le ce-,
rémomal habituel.
L'édit, sans entrer dans des explications
s'ur les causes ile la démission de Kiamil
pacha, se borne à annoncer la nécessité,
d'un changement d'è grand vizir et déclaré
que le- nouveau grand vizir étë chargé de,
/ormer le cabinet comme le prescrit la,Cons-:
titution.
L'arrivée de Hilmi pacha a été saluée de
vivats, manquant toutefois de chaleur de
la part des groupes massés tant au dehors
qu'au dedans de la Porte. L'attitude géné-
rate dn uublic est,faite d'indifférence, et bon
nombre de curieux, las d'attendre par te
mauvais temps, s'étaient dispersés avant
l'arrivée d'Hilmi.
La Chambre a bien accueilli l'annonce des
deux nominations. (Havas.)
UN PROPHÉTEAU_PAYS NOIR
Il a'un temple et des fidèles S'il n'est certain
qu'il guérisse, il fait, du moins, Êeurir
le commerce
Maubëuge, 14 février. Par dépêche de
notre envayé spécial. Louis Antoine' est
un prophète. Que dis-je ? Un prophète, un
demi-dieu tout au moins, car d'un geste, d'un
mot, d'un regard, il vivifie les égrotants, ra-
fraîchit les fIévreux et fait gambader ca-
gneux, bancals et boiteux
J'ai connu l'émouvant honneur de causer
avec lui hier à .lemeppe-sur-Sambre, où j'é-
lais, venu tout exprès pour me courber sous
le dictame de sa parole.
Avant d'être admis en la présence d'un
homme doué de qualités aussi remarquables,
j'avais entendu raconter des choses fantas-
tiques. Ici, c'est une femme de soixante-dix
ans, atteinte d'un cancer à l'estomac, aban-
donnée par les médecins, et qui, après sa
visite à Antoine, se reprend à boire de la
bière et à manger de's biftecks saignants
sans le moindre embarras. La, c'est un hom-
me perclus de rhumatismes, dont les souf-
frances sont brusquement abolies. Que sais-
je encore ? Pour tout dire, ces cures ne sont
point si fréquentes que certains voudraient
le faire entendre. C'est du moins ce que l'on
chuchote à Jemeppe, où le nom d:Antoine
fait éclore quelques sourires sceptiques
nul n'est crochète en son pays.
Néanmoins- le guérisseur, y est entouré de
la considération due à un homme qui con-
tribue puissamment à la prospérité du com-
meure d'Antoine, chacun me désigna un petit
clocheton qui s'élève au-dessus des maisons.
.Vous le trouverez dans son temple.
On a beau n'être pas d'une excessive timi-
dité, avoir reporté et interviewé un peu
partout, l'idée d'aborder un monsieur qui
demeure dans son.propre temple procure une
petite émotion. Je me bardai d'aplomb pour
me présenter au seuil d'un édifice en briques,
construit selon les plus déplorables formules
de la moderne architecture,catholique. Mais
je me heurtai à une sorte de servante-sacris-
tain, ,qui me déclara tout .net que, le Maî-
tre » ne recevait pas ce jour-ci, scar cela
« contrariait.les lois éternelles et coupait le
fluide ».
Si épouvanté que je fusse par l'idée de
1 couper le fluide j'insistai pourtant avec
une telle vIgueur, que la porte du temple
s'ouvrit devant moi. Je me trouvai, dans une
chapelle où l'autel était remplacé par une
tribune, devant laquelle s'alignaient, des
rangées de bancs.
Soudain, au fond une porte (j'allais dire
la porte de la sacristine) s'entrebâilla, et je
vis apparaitre le prophète.
Hélas nous vivons à une époque déso-
lante, où les prophètes eux-mêmes, 'ressem-
blent à des huissiers de province. L'homme
que j'avais devant moi paraissait avoir une
soixantaine d'années. Il était vêtu d'une re-
dinso te noir-e assez, fatiguée -son regard in-
cerfain' et vague se révélait sous d'épais
sourcils, et en dépit de la lourde moustache
tombante et de la barbe blanche taillée en
pointé, une impression de timidité un peu
falote se dégageait de sa physionomie.
Lisez ordonnait-il.
Et son doigt désignait une inscription qui
étalait sur les murs du temple, au-dessus
de la brique, ces mots admirables Il Ua
seul remède peut guérir l'humanité la foi.
C'est de la foi que naît l'amour, l'amour qui
nous montre dans nos ennemis Dieu lui-
même. Ne pas aimer ses en.nemis, c'est ne
pas aimer Dieu, car c'est l'amour que nous
avons pour nos ennemis qui nous rend di-
gnes de le: servir. C'est le seul amour qui
nous fait vraiment aimer, parce qu'il est pur
et de vérité. Il,
Ayant lu, je regardai M. Antoine d'un œil
plein d'inquiétude.
Voilà dit-il. Maintenant allez, vous
êtes guéri. Pensez à Antoine.
Et il me tourna le dos.
Désespérant, j'attrapai une basque de sa
redingote et je lui expliquai que ce n'était
point le souci dp ma santé qui m'amenait
vers lui, mais l'écho de sa gloire.
Je ne suis qu'un pauvre ouvrier, dit-il
d'un* voix. dolente. J'ai travailjé longtemps
dans une usine de métallurgie. Déjà je m'oc-
cupais de spiritisme. J'étais malade, très
malade les médecins me disaient qu'il n'y
avait rien à faire. Alors j'ai prié. Les esprits
m'ont transmis l'espoir divin, et je me suis
guéri tout seul. Des gens sont venus à moi
je les ai guéris aussi. C'est la foi J'étais
inspiré, j'avais la certitude de la non-exis-
tence du mal et de l'auréole de la cons-
cience. C'est tout naturel.
Ce discours me jeta dans un grand désar-
roi cérébral..
Mais comment guérissez-vous ? m'é-
criai-je, tout angoissé.
Je ne mange jamais de viande, répon-
dit le prophète, et jamais je ne franchis le
seuil de ce temple.
Peu à peu le guérisseur se mit en con-
fiance. Il me raconta qu'il n'acceptait jamais
la moindre obole pour prix de ses inestima-
blés' services mais que ce fut une'grande
joie dans sa vie lorsqu'une dame très riche,
et qu'il avait guérie, lui avait fait construire
le temple'où nous nous trouvions. Il m'a-
voua encore qu'il rencontrait bien des obs-
tacles dans l'exercice de son sacerdoce que
certains malades n'arrivaient pas auprès3 de
d'autres s'obstinaient à avaler des médica-
ments, ce qui nuisait beaucoup à l'efficacité
de son action. Je sus enfin que les médecins
avaient tenté de lui créer des ennuis, et nue
les prêtres eux-n^mes n'appréciaient point
son apostolat avec toute l'onction désirable.
Quand je fis mine de me retirer, M. An-
toine posa une main tutélaire sur mon
épaule
C'est bien à vous, mon fils, me dit-il,
d'être venu voir un pauvre homme sans ins-
truction comme moi. Un pauvre homme ins-
piré, oui, mais pas intelligent, pas très
intelligent.
Chez le roi
des
contrebandiers
Joson, sueeesseur de Mandrin,
règne en maître sur la Savoie
Le pqnt DE ia Caiixe,
à 147 mètres au-dessus du gouffre
[DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL]
Saint-Julien-en-Genevois, 12'février.
Je viens de causer, mieux, j'ai déjeuné, j'ai
bu, oh oui, j'ai bu beaucoup avec un con-
trebandier authentique, un chef de bande,
un successeur de Mandrin, dans le pays de
Mandrin Cest un homme admirable
Il se nomme Joson, mais je préfère l'ap-
peler par son sobriquet, qui est l'Isé ».
L:'oiseau 1 Oui, l'oiseau. léger, l'oiseau ra-
pide, qui.pendant plus de quarante ans pas-
sa par-dessus les montagnes de Savoie, les
gorges du Rhene, les précipices du Fier, à
la: barbe des douaniers, en faisant des rou-
lades moqueuses pour les douaniers l'Isé,
l'oiseau radieux que jamais on ne put met-
tre. en cage.
Joson a maintenant soixante-huit ans. Il
aune carrure d'athlète, des petits yeux de
joie que tour à tour le rire et la vieillesse
ont plissés, des grosses moustaches de cro-
quemitaine, un grand chapeau mou et une
veste toute neuve qui lui donne l'allure du
maire de son village.
C'est au Chable, le petit hameau enseveli
sous la neige dans la montagne, à quelques
kilomètres de Samt-Julien-en,-Genevois, tout
près de la frontière surisse, que j'ai été cher
cher Joson, le contrebandier.
Dans cette région de. la Savoie qu'illustra
Mandrin, depuis les temps les plus reculés
la contrebande a été élevée à la hauteur
d'une institution.
On y est contrebandier de père en fils.
Depuis Mandrin, il s'est perpétué des ban-
des ayant pour chefs des hommes qui se
formèrent à cette forte école dans l'une de
ces bandes dont le quartier général était
Vallery, qu'en 1853, à l'âge de douze ans,
Joson s'engagea.
Et dans cette petite troupe, où son frère
aîné occupait déjà une situation importante,
il ne tarda pas à prendre la première place.
Joson possédait, d'ailleurs toutes les qua-
lités d'un chef. Il avait les décisions promp-
tes il avait la force nécessaire pour se faire
respecter de tous,, et surtout il avait l'agi-
lité, l'adresse c'était l'Isé
Les périls du métier.
Dans ce délicieux métier, le péril le moin-
dre c'est encore le douanier. 11 ai rive par-
fois qu'après des heures de marche dans des
sentiers vertigineux, on parvient exténué au
bord d'un gouffre. Au-dessous, à 150 mè-
tres, c'est le Rhône, c'est'le Fier, qui déva-
lent de cascades en cascades. Pour atteindre
l'autre bord il n'y qu'une ressource lan-
cer une corde armée d'un grappin et d'une
poulie, la lancer avec vigueur, pour qu'un
camarade, qui depuis des heures, attend la
petite, troupe, saisisse cette corde et enfonce
le grappin dans un arbre. Alors, à la poulie
les hommes confieront leurs précieux far-
deaux, puis le dernier ballot passé, se con-
fieront eux-mêmes.1 •
Mais cela encore ce n'est rien. Ce qui est
dur, c'est en plein hiver de passer un cours
d'eau il gué. Il faut se dévêtir, entrer dans
l'eau glacée jusqu'aux genoux, parfois jus-
qu'au ventre. Et pendant cette horrible tra-
versée, les glaçons viennent brutalement
vous meurtrir, tandis que vos pieds restent
attachés aux pierres gelées du torrent.
Joson me l'a dit. Il leur est arrivé parfois,
en plein hiver, pour dépister les douaniers
qui leur donnaient la chasse, de rester dans
l'eau, la tête émergeant seule, trois heures
Joson est bon conteur, et m'a narré les
plus réjouissantes anecdotes.
La voiture truquée
L'Isé a toujours conservé avec le person-
nel des douanes les meilleures relations.
Très bien avec les douaniers, il m'a avoué
que ses meilleures affaires avaient été faites
en leur collaboration.
Gc qui ne l'empêche pas, à l'occasion,
de leur jouer des tours de sa façon.
II rit encore au souvenir de sa voiture
truquée, pleine de tabac et de dentelle.ne
avait passé- la douane de Bellegarde sans
encombre, lorsqu'à quelques kilomètres
deux douaniers lui firent signe d'arrêter.
Ils venaient de saisir du sucre que passait
un autre contrebandier et désiraient vive-
ment transporter au prochain poste la mar-
chandise saisie.
Avec une grande courtoisie, Joson leur
offrit de charger les pains de sucre et eux-
mêmes. sur sa'voiture. Et c'est ainsi, qu'en
devisant de l'audace des contrebandiers,
Joson et les douaniers arrivèrent au poste
d'où ceux-ci ne le laissèrent repartir qu'ils
n'eurent consommé entièrement, au débit
voisin, un cinquième litre.
Il va pourtant une fois où j'ai été bien
refait, m'avoua Joson. C'était à la douane
de Usscs. Je passais un tronc d'arbre vide
et rempli de tabac. A la douane, ça va bien.
quand voilà mon cocher de malheur qui
quitte l'attelage pour aller boire un coup.
A côté du charriot, il avait une petite fille
qui jouait pas, bon dieu, que cette
garce de fille elle s'amuse à grimper sur le
Joson, dit « iTIsë u
tronc de sapin et puis avec son couteau,
voilà-t-y pas qu'elle veut graver son nom.
Et alors, naturellement, 1 écorce qui cède,
la petite qui's'enfonce dans le tabac, et voi-
là-t-y pas qu'elle se met à gueuler comme
une anesse, « Papa, papa» alors son
père, qui est douanier, arrive et voila-t-y1
pas.
Joson s'éclipsa, mais je crois qu'il lui en
a coûté a50 francs pour.faire racheter, en
sous-main, son tronc d'arbre, son chariot
et ses deux chevaux.
Une histoire triste
Toutes les histoires que conte Joson ne
sont pas également joyeuses. En voici une
qu'il m'a dite avec quelque réticence
Il y avait un douanier ah celui-là,
l'Isé ne l'aime pas, il lui a coûté "plus de
40,000 francs un douanier illettré, mais
qui, par son zèle et une entente préalable
avec les contrebandiers, ne tarda pas à de-
venir lieutenant, même capitaine. Les con-
trebandiers avaient fait avec lui cet accord
trois fois ils passeraient impunément, ,la
quatrième-fois l'agent ferait une prise. Et
c'est ainsi qu'il coula des jours heureux
dans l'abondance que lui procuraient les
contrebandiers et les honneurs que ses chefs
lui décernaient. Un jour, il arriva que la ba-
lance des passages et des prises ne fut plus
faite avec le scrupule nécessaire, et qu'au
lieu de trois passages pour une prise, les
contrebandiers subirent trois prises pour
un passage.
Joson et les siens étaient gens intelli-
gents et de décision prompte, et leur opinion
une fois faite que le capitaine les trahissait,
ils le convoquèrent un soir, pour minuit,
dans les défilés du Salève.
Le capitaine fut exact au rendez-vous,
Et, dans cette nuit tragique, il se passa sans
doute des choses bien impressionnantes car,
à les conter, la voix de l'Isé se baisse à
n'être plus qu'un souffle.
C'était un lâche conclut-il. Je crois
qu.'on ne lui a rien fait.. Oui, c'était un lâ-
che il a pleuré.
Il a pleuré. Et c'est sans doute d'avoir
tant pleuré cette nuit-là qu'au lendemain
il était borgne.
M. Bcflnauit à fez
FEz, 9 février. Dépêche de notre en-
voyé spéciale (réexpédiée de Tanger le 14 fér
vrier). Depuis trois jours, les conféren-
ces se .poursuivent, de dix heures du matin
à midi, avec le sultan, dans le plus grand
mystère..
La première audience a été employée
examiner l'ensemble général des questions
à discuter ultérieurement. Dans les suivan-
tes, on a commencé à aborder la question
relative à l'évacuation progressive de la
Chaouïa.
Pour le moment, rien encore ne semble
se dessiner. Toutefois, je crois savoir que
la discussion semble s'engager sur un ter-
rain assez favorable.
Premiers résultats obtenus.
FEZ, 11 février. Dépêche de notre en»
voué spécial (réexpédiée de.Tanger le 14 lé-,
vrier). Sans pouvoir entrer encore dans
le détail des questions qui ont été discutées
avec le sultan ni des solutions proposées, je
puis affirmer que le makhzen s'est montré
extrêmement satisfait des conversations
qu'il a eues avec notre ministre et des dis-
positions de la France à l'égard du Maroc
C'est avec une grande célérité que les
pourparlers ont été menés, et les questions
de l'évacuation provisoire de la Ghaouîa,
dans les conditions dernièrement exposees
à la tribune de la Chambre par le ministre
des affaires étrangères, la question de l'in-
demnité de guerre à verser par des annui-
tés pendant, un délai de quinze années et la
question relative à la police franco-maro-
caine dans la région limitrophe. de l'Orante,
avec la création de marchés sur plusieurs
points du territoire marocain jusque sur
les bords du Moulouïa, ont été déjà discu-
tees et résolues.
Pour le moment, les résultats obtenus
sont transmis à Paris pour obtenir
l'adhésion du gouvernement français, et ils
ne pourront être considérés comme acquis
que lorsque le nouvel accord aura eu lieu
avec le makhzen, après la réponse de Pa-
ris.
HUBERT JACQUES.
Il y a deux crises à l'Opéra la crise de
la direction et la crise du foyer de la danse.
Et toutes deux ont pour cause le mal d'ar-
gent.,
Jusqu'en ces dernières années, le foyer
de la danse était un des centres tradition-
nels de ce qu'il est convenu d'appeler la vie
parisienne. Chaque soir, de nombreux ha-
bits noirs parmi lesquels on voyait M.
Clemenceau se croyaient obligés d'aller
échanger quelques propos libertins avec les
ballerines nationales, Un véritable homme
du monde se faisait un point d'honneur de
s'intéresser à l'une ou l'autre de ces de-
moiselles pour être chic, il fallait être
tutuet à toi avec une- danseuse.
C'est fini, tout cela. Les.jdanseuses spïit
dans le marasme. On ne rencontre plus au i
foyer de la danse que quelques très vieux
messieurs qui étaient beaux sous l'Empire.
Les jeunes ne mettent jamais les pieds dans
ce salon à la fois galant et officiel. Le
foyer qui fut cher à Ludovic Halévy, sem-
ble un autre Palais-Royal comme celui-ci,
il fut le rendez-vous du Tout-Paris qui s'a-
muse et voici qu'il devient mélancolique et
désert.
La « fille d'Opéra » on disait ainsi
autrefois est à son tour une victime des
mœurs nouvelles. On se couche tôt, on
parle peu, 'on joue au bridge, on fait du
sport. Le jeune fêtard de l'ancienne chro-
nique parisienne tend disparaître on tra-
vaille plus aujourd'hui parce que le fils veut
refaire la fortune que papa dilapida jadis
justement à force de fréquenter le foyer de
la danse. Et si le fils a une maîtresse
ce n'est pas certain il la prévient de son
arrivée par téléphone, lui, consacre vingt-
cinq minutes et ne cherche pas à lui racon-
ter d'éblouissantes anecdotes. Voilà pour-
auoi, madame Cardinal, vos filles sont dé-
laissées.
Et puis, il y a l'automobile. Cela coûte
cher. Les pneumatiques font concurrence
aux danseuses les sens passent après l'es-
sence, le volant a triomphé du tutu.
Je vous le dis en vérité, il y a deux-
crises l'Opéra la crise de la direction et
¡ la crise du foyer de la danse. Elles sont
soeurs, comme les petites Cardinal, et com-
me celles-ci elles sont rivales, car hélas il
n'jva a pas de commanditaires pour tout le
1 monde. CLÉMENT Vautel.
LES DESSOUS
POLICES RUSSE
Gommenfi on fabrique
une fausse fabrique
de bombes
Tout autant que je le suppose delà
part du lecteur, je suis pressé moi-même
d arriver aux grands faits tragiques de
ces dernières années, c'est-à-dire aux
exécutions* de Plehve et du grand-duc
Serge, exécutions, complots, qui furent
l'œuvre commune du parti'de combat et
de la haute police, dans la personne du
traître Azew.
Mais pour que l'on comprenne com-
ment de telles choses ont été possibles,il
est nécessaire de placer le lecteur dans
l'atmosphère de ces atrocités. C'est ce
que j'essaye de faire en lui narrant
chronologiquement les faits moindres
et pourtant si suggestifs auxquels j'ai
été mêlé.
Au nombre des a collaborateurs se-
crets » de Cheviakoff, le nouveau chef
de la Sûreté, se trouvait un ouvrier
nommé Chtchiguelsky. Il appartenait
à un groupement du parti socialiste po-
lonais. et ne dénonçait généralement
que ses camarades ouvriers, et fort
rement des intellectuels.
Exacts -au début, ses renseignements
devinrent de plus en plus fantastiques.
Ses camarade.s commençaient-ils à le
soupçonner ? Etait-ce parce qu'on le sa-
vait enclin à la boisson ?'Bref, l'Okhra*
na apprit qu'on ne confiait à Chtchi-
guelsky plus rien de sérieux. Aussi, la
Sûreté elle-même. sauf Cheviakoff. ne
faisait-elle plus grand cas de ses dénon-
ciations.
Un jour, comme j'entrai dans le cabi-
net de Cheviakoff, j'y trouvai Ghtchi:
guelsky.
Celui-ci était en train d'entretenir le
chef de l'Okhrana d'un projet conçu par
quelques jeunes gens de fabriquer des
bombes en vue du 1er mai qui devait
suivre.
Connaissez-vous le nom de ces jeu-
nes gens ? lui demanda Cheviakoff.
Non, répondit l'agent provoca-
teur, j'ignore leurs noms, ainsi que
leurs domiciles: je ne connais que le so-
briquet de quelques-uns.
Il faut donc tâcher de savoir l'en-
droit de fabrication des bombes, afin de
prendre les bombistes en flagrant délit.
Si vous y parvenez, vous serez large-
ment récompensé.
Chtchiguelsky promit de faire son
possible.
Un ou deux jours plus tard, il revint
chez Cheviakoff et lui raconta que les
conspirateurs manquant d'un endroit
propice à la fabrication des bombes,
étaient sur le point de renoncer à leurs
Cheviakoff prit .un air déçu et même,
regarda le dénonciateur d'un œil pro-
metteur de disgrâce,
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