Titre : Le Matin : derniers télégrammes de la nuit
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-11-30
Contributeur : Edwards, Alfred (1856-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 30 novembre 1908 30 novembre 1908
Description : 1908/11/30 (Numéro 9043). 1908/11/30 (Numéro 9043).
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/05/2008
Vingt-Cinquième Année
SEUL JOURNAL FRANÇAIS RELIANT PAR SES FILS S*tCÎ4uT LES QUATRE PREMIÈRES CAPITALES D,U SLOBS
Lundi
Les tMlèmoires
CHAPITRE VI »̃ î
L'art difficile de donner
n est, sans aucun doute, très facile
«récrire quelques généralités sur la joie
que l'on éprouve à faire l'aumône et sur
le devoir qui incombe à chaque créature
humaine de venir eh aide à d'autres
créatures. Aussi ne faut-il pas que le
lecteur, s'attende à ce que je lui fasse des
révélations sensationnelles en abordant
un sujet que des milliers d'écrivains ont
déjà traité. Cependant, ce sujet, je dois
l'aborder, parce que personne ne com-
prendrait que je le laisse de côté, et
aussi parce que la manière dont on doit
donner son argent est, après tout, aussi
intéressante que la manière dont on doit
le gagner:
Avant, toute chose, il me faut bien rap-
peler ce que beaucoup de gensyignorent
à savoir, que la possession de l'ar-
gent n'apporte pas .nécessairement le
bonheur. Ceux qui sont extrêmement
riches ne diffèrent, somme toute, pas
beaucoup du reste de l'humanité. S'ils
ressentent un plaisir quelconque de la
possession de leur argent, cela ne peut
ven'r que de leur aptitude à faire certai-
choses qui procureront une jouis-
sance aiix autres, et non pas seulement
à eux-mêmes.
Je sais bien que l'on a dit cela sou-
vent mais je sais aussi par expérience
qu'il est bon de le répéter, car c'est la
vérité. Le plaisir de la richesse passe ra-
pidement. La sensation agréable que
l'on éprouve tout d'abord à pouvoir
acheter tout ce qui plaît s'émousse trop
vite, et l'on s'aperçoit bientôt que ce
-qu'on désirerait le plus avoir ne peut
pas s'acheter avec de l'argent. Ces mil-
liardaires dont on nous parle tout le
temps dans les journaux ne peuvent pas
éprouver de jouissances beaucoup plus
considérables,- avec leur argent, que le
commun des mortels. Ils rie peuvent pas
manger six fois plus que les pauvres,
parce qu'ils ne peuvent pas acheter un
appareil digestif qui soit six fois meil-
leur ils ne peuvent pas dépenser plus
d'une certaine somme pour s'habiller ou
pour se couvrir de bijoux, parce qu'ils
tombent sans cela fort vite dans le ridi-
home, obtenir beaucoup plus que le con-
fort d'un grand nombre de bourgeois,
parce que, lorsqu'ils atteignent un cer-
tain luxe. ce luxe leur cause plus d'en-
nui que de plaisir.
-Plus j'étudie les riches et plus je vois
qu'il n'y a qu'un seul moyen d'assurer
un réel équivalent à l'argent à dépen-
ser c'est de bâtir avec cet argent quel-
que chose qui reste'comme un monu-
ment éternel de douceur et de bienfai-
sance. Et, puisque nous approchons de
l'époque de Noël, je présente cette "pen-
sée comme un cadeau des plus utiles à
ceux, petits ou grands, que l'on appelle
les rois de l'or.
Et puis, le meilleur art de donner ne
consiste pas toujours à donner un
homme d'affaires, par exemple, qui se
met à la tête d'une entreprise 'où beau-
coup dé travailleurs, trouveront à gagner
leur vie ,un' industriel qui donnera à
s£s employés des salaires équitables, qui
les intéressera à ses bénéfices, font cer-
tainement autant 'de bien que le mil-
lionnaire qui s'inscrit simplement en tête
d'une liste de souscription. Avoir en vue
le bien-être de ses subordonnés, s'intéres-
ser à leur sort vaut mieux que de mettre
simplement la main à la poche. En' un
mot, il ne saurait y avoir de manière
plus étroite, plus basse et plus, inutile
de concevoir les bonnes œuvres que dé
loB faire consister seulement dans le fait
de verser de l'argent.
La meilleure de toutes les philanthro-
pies, celle qui mérite d'être inscrite au
fronton xle la civilisation moderne, n'est
pas ce que l'on appelle habituellement
la charité. La meilleure philanthropie
est, selon moi, l'application de votre ef-
fprt, de votre argent et de votre temps
à améliorer le sort des classes laborieu-
ses; à étendre et à développer les res-
sources d'un pays, à donner du travail
à, ceux qui en cherchent, à ouvrier la
route du progrès sur des terres incultes.
Aucun don d'argent n'est comparable
aux prodigieux résultats qu'apporte une
pareille philanthropie.
Et si, comme je le pense, ma manière
de voir est juste, songez alors combien
vaste est le champ ,où vous pouvez faire
le bien. Songez comment, à chaque
heure, à chaque minute, par un simple
effort de votre pensée, .vous arrivez à
commettre une bonne action. Car l'hom-
me qui se réserve de faire des aumônes
le dimanche est un pauvre auxiliaire des
bonnes institutions de son pays. Le vrai
philanthrope ne fait pas de la philan-
thropie ûn jour il en fait à toutes les
heures de tous les jourr.
Et alors, me voici de nouveau amené
à formuler ce que je considère comme le
principe permanent de la philanthropie;
me voici de nouveau amené à formuler
des conseils. Encore une fois, si j'avais
à parler à des jeunes gens débutant dans
la vie, je leur dirais
Mes amis, si vous avez le succès
pour but de vos efforts, un succès véri-
table et magnifique, ne commencez pas
votre carrière, soit .que vous soyez un
humble travailleurs, soit que vous, soyez
un producteur indépendant avec l'idée
que vous allez gratt.er le globe' avec vos
ongles pour en retirer tout ce que vous
(1) Voir le Matin des 25, 30 septembre, 7, 15.
£7 octobre. 2 et 9 novembre.
pourrez. Non, ne faites pas cela. Dans
le choix de votre profession, ayez une
seule .et unique pensée « Que pourrais-
je bien faire pour me rendre utile. dans
le travail universel du globe ? Où puis-
je mettre la main, de façon à contri-
buer, si peu que ce soit, aux intérêts gé-
néraux de l'humanité ? Oui, c'est cela,
la vérité. Entrez dans la vie avec cette
idée, choisissez votre vocation, et soyez
certain alors.que vous avez déjà fait un
premier pas sur la grande route qui con-
duit au succès. Regardez à travers le
monde, faites des enquêtes, et vous ver-
rez que toutes les grandes fortunes qui
se sont érigées soit dans ce pays,' soit
dans les, autres,- l'ont été par des hô,m-
mes qui ont* rendu de grands services
économiques, par des hommes qui ont
eu une.foi inébranlable. dans les déstï-
nées de leur pays et qui ont toujours
contribué au développement de ses res-
sources. Pas un. individu ne- peut. réus-
sir. complètement s'il ne rend pas en
mfi|Bie temps un service quelconque à. la
communauté, Pas une entreprise com-
merciale n'est susceptible d'apporter un
béuéfice si elle ne rend pas service au
public. Toutes les entreprises commer-
ciales dont on n'a pas besoin font im-
manquablement faillite, et il est juste
qu'elles fassent faillite:
C'est cela que je dirais aux jeunes
gens, et, tout en leur donnant un bon
conseil poùr eux, je leur donnerais aussi
un conseil philanthropique. Ah 1 si céux
qui ne sont pas simplement des mercan-
tis voulaient y prendre g'arde Ah s'ils
voulaient écouter Avant toute chose,
ils éviteraient de dépenser leur temps,
leurs efforts et leur argent à créer des
industries où il en existe déjà de sïmilai-
.res. L'individu qui construit une seconde
usine là où la première usine suffit am-
plement aux besoins du public porte at-
teinte à la richesse et à la prospérité na-
tionales, en même temps qu'il risque
d'enlever du pain à des travailleurs déjà
établis, et qu'il introduit la jalousie, la
misère et la haine dans un coin du
monde où elles ne régneraient pas.
Le'pins grand obstacle qu'il y ait au-
jourd'hùi aux progrès de, la nation amé-
ricaine résjde précisément dans ce qu'il
existe, de ce côté-ci du monde, tant
d'hommes qui :emnloient leur argent et
leur temps. à multiplier. des industries
concurrentes au lieu de créer dès indus-
tries nouvelles, à fonder des maisons
rivales au lieu d'établir des maisons
dans les lieux où il n'y en a pas et où l'on
en aurait besoins La plus grande erreur
que l'on commette aujourd'hui est de
copier au lieu de créer.
suivre.)
Traduction formellement interdite.
UNE DIFFICULTÉ, DIPLOMATIQUE
Les affaires dé la conférence n'allaient
pas déjà trop bien. Or, d'après des ren-
seignements certains, la Russie exige
aujourd'hui .que là question de Bosnie-
Herzégovine' soit soumise à la. confé-
rence. On sait par ailleurs que l'Autriche
s'y oppose absolument. Il y a donc là
un conflit dont la solution n'apparaît
pas encore.
PROPOS D'UN PA RTRTEN
Le seul personnage vraiment sympathi-
que de l'affaire Steinheil mettons à part
la pauvre petite Marthe ̃ est ce M. Bor-
derel qui joue dans le drame le rôle de
l'amoureux ingénu. Oui, il' manquait à la
pièce un personnage généreux, sincère,
tendre, chevaleresque. Nous l'avons ce
n'est pas ma faute si le jeune premier a
cinquante-cinq ans.
Le brave homme i Il est venu de sa pro-
vince, de ses sauvages Ardennes, et, tout
de suite, il a été pris dans ce que M. Bour-
get appelle les « filets de' la séductrice ».
Comment eut-il résisté à pareille femme ?
Il la rencontre dans un milieu ultra-pari-
sien, environnée de gens plus ou moins cé-
lèbres elle est belle, elle est musicienne,
elle de l'esprit, èlle a même la réputation
d'une de ces grandes amoureuses qui ont
joué un rôle dans.l'histoire de France. Elle
minaude, elle chante, elle Vit. Le châte-
lain ardennais est perdu. C'est le Vieil
homme de province Paris, c'est un ro-
main balzacien-lorrain.
Rien ne désillusionne ce pauvre mon-
sieur. Il achète les tableaux du mari, il
paie le loyer, il signe des chèques et quand
il déjeune sous la tonnélle du Vert-Logis
avec la n femme du monde » qu'il croit
avoir difficilement, conquise, il ne trouve
pas étonnant que Mariette lui présente
l'addition dans uncsoucou'pe. Ce n'est plus
l'heure du berger c'est le quart d'heure
de Rabelais. 41 a le cœur sur la main et la
main à la poche. Mais, que voulez-vous, il
croit à l'honnêteté de la dame, à l'igno-
rance du mari, alors que, dans cette aven-
ture. trop parisienne, il est le seul person-
nage honnête et ignorant.
Et, aujourd'hui que le roman finit mal,
çet excellent homme persévère dans son
illusion il n'admet pas qu'on dise du mal
de la femme quTlui a donné c'est son
rhot ce qu'elle avait en elle de plus ex-
quis. A tous les méchants qui veulent bri-
ser son rêve, Il répond par cet, argument
suprême
Comment pourrais-je vous croire ?
Elle riait d'un rire si jeune, si clair, si pur
Et je trouve très bien, je l'avoue, qu'au
milieu de tantde vilenies, de bassesses, de
trahisons, ce soit l'homme exploité et
trompé qui, malgré tout, s'obstine à met-
tre dans cette vilaine histoire un peu de
poésie et de véritable amour-. Clément
Vautei»
LES DEUX
L'accord secret Halo-russe.
La nouvelle que le Matin a reçue de
Londres; la nuit dernière, au sujet d'un
accord secret conclu entre l'Italie et la
Russie, n'est pas encore parvenue dans
les chancelleries.
Il ne faut pas s'en étonner, car la di-
plomatie russe est discrète, même de-
vant ses alliés notre gouvernement
s'en est aperçu plus d'une fois.
Quant à l'Italie, Mn intérêt est de ne
pas ébruiter cette convention. Obligée
de se séparer de l'Allemagne et de l'Au-
triche chaque fois qu'elle veut aller re-
trouver ses. intérêts véritables, elle ne
peut, cependant, pas oublier qu'elle
s'est engagée à maintenir jusqu'en 1912
la façade de la'triple alliance.
D'ailleurs, on pense assez générale-
ment que si les deux pays ont décidé
d'unir leurs politiques dans les Bal-
kans, cette,combinaison a dû se nouer
au mo.ment de l'entrevue de Desio entre
MM. et Ttttoiii. A ce moment,
l'Autriche n'avait pas encore annexé la*
Bosnie-Herzégovine.
L'entente. italô,-russe ne vise donc pas
cette question spéciale, mais les intérêts
généraux des deux nations dans la pé-
ninsule balkanique.
Elle n'a, par conséquent, aucun ca-
ractère agressif contre l'Autriche.
Le traité américano-Japonais.
Le traité qui vient d'être conclu entre
les Etats-Unis et le Japon a été pôrté par
les représentants des deux gouverne-
ments à la connaissance de toutes les
chancelleries.
L'ambassadeur âu Japon à Paris est
allé hier soir au ministère des affaires
étrangères aviser officiellement Mv Pi-
chon.
hlais, avant cette démarche, le gouver-
nement français avait été mis au cou-
rant, le premier entre tous les gouver-
nements d'Europe, il y a une huitaine
de jours, par l'ambassadeur des Etats-
Unis. ̃
G-est le Japon qui a engagé les négo-
1 ciations pour ce traité. On est donc
tenté de supposer que l'influence an-
glaise n'est pas étrangère à sa conclu-
Une femme est élue
conseiller prud'homme
limes Fermandel et Blondeta, Mmes Jus-
selin, Sohweig et Durand, représentant res-
pectivemeint la laiterie, les fleurs, la cou-
ture, les caisses comptables et les nouveau-
tés, ont voulu être conseillers prud'hommes.
A cet effet, elies ont, en toute hâte, fait àp-.
poser des affiches. Une loi, promulguée il y
a moins de deux semaines, autorisant la
femme à accéder à cette fonction de justice,
les candidates ont fort justement pensé que,
dans l'intérêt des camarades, il n'y avait
pas de temps à perdre.
Légitimes revendications, certes, mais tâ-
che bien ardue Si peu d'éleétrices se sont
fait inscrire dans les délais légaux Pour-
tant, les porte-drapeaux de la cause fémi-
nine, hier, devant les salles d'école où l'on
distribuait leurs bulletins, gardaient pleine
confiance.
Est-il rien de plus naturel, nons dit Mlle
Fermand-el, que notre vœu de voir, parmi
les prud'hommes, des femmes dont la mis-
sion sera de protéger les intérêts des ou-
vrières, qu'elles peuvent apprécier mieux
que personne. Réussirai-je ? Il eût fallu que
les candidats hommes se désistassent en
ma faveur. Quoi qu'il en soit, l'avenir est
à nous. Le temps est proche où chaque corps
de métier aura sa représentante femme aux
prud'hommes L'essentiel, aujourd'hui,
est que la femme ait vu reconnaître légale-
ment sa prétention à intervenir dans des ju-
gexnents- dont elle a si souvent pâti.
Mes chances sont assez restreintes, pré-
sage Mu" BJondelu. Les voix se répartissent
sur cinq noms dans ma section,et l'organisa-
tion des votes féminins s'est trouvée con-
trariée par la presque impossibilité de faire
appel aux bons vouloirs en quelques jours.
Un délai, demandé par nous, a été refusé.
Je suis assez, peu optimiste en ce qui, con-
cerne l'avenir. Si, comme on peut le p%ser,
les élus sefribntrent à la hauteur de leur
tache, nous aurons beaucoup à lutter pour
triompher aux prochaines élections.
Et, à quelques* nouveaux venus, MUe Blon-
delu tendit le bulletin qui portait son nom.
-Il y a eu, l'année dernière, dit Mme Jus-
selin, 793 affâires aux prud'hommes intéres-
sant,directement des intérêts féminins. C'est
.vovs1 dire d'un mot jusqu'à quel point s'im-
pose l'élection des femmes, donne principe
vient d'être reconnu par la loi. Cela est tel-
lement évident que beaucoup de nos cama-
rades hommes n'ont pas manqué de le re-
connaître et, dans la section où je me porte.
ont affirmé qu'ils voteraient pour moi. Si
vous ajoutez qu'il y a ici cinquante-huit cou-
turières, inscrites et ayant droit au vote,
vous pouvez apprécier qu'il y a, au moins
dans ce bureau, un intéressant mouvement
dans' le sens de nos revendications. Mais
n'allez pas, s'il vous plaît, me faire pronos-
tiquer mon sort. Nous verrions bien.
Quelques heures plus tard, nous rencon-
trions devnt les urnes, Mme Clémence
Jussélin. Élle était souriante. Par 128 voix,
elle .venait de se voir élue. C'est ùn fait, un
fait presque historique..
Je suis heureuse d'un tel résultat, di
sait-elle à ceux qui la félicitaient. C'est quoi-
que chose que d'être, en France, ta pre-
mière femme dont le nom soit proclamé par
un scrutin que reconnaît la loi. Et mainte-
nant, nous allons faire de la bonne besogne.
Des bravos unanimes saluèrent. ces paro-
les, et le chœur des petites ouvrières éprit
Que Clémence nous soit clémente 1
TEMOIGNAGE POSTHUME
DU CARDINAL RICHARD
La petite fiole du président
Nous avons successivement reproduit,
touchant Jp mort- dramatique de Mf Fé-
lix Faure, le témoignage de M. Hugues
Leroux, le témoignage de M. Charles
Dupuy et le témoignage de M. le docteur
Gheuriot, qui tous ont approché le pré-
siaent soit au moment de son agouie,
soit quelques instants après son dernier
soupir. Nous sommes en mesure aujour-
d'hui de faire-connaître le récit que Mgr
le cardinal Richard lit de- sa visite au
président Faure une demi-heure avant
sa mort. Le vénérable prélat fit ce récit,
]p lendemain même du drame, et il le
ï'^péta plusieurs fois, notamment au
nonce du pape à Paris.
Je fus introduit à trois heures trente
de l'après-midi, le 16 février 1899 a
raconté le cardinal Richard dans le
cabinet du président, et, malgré la
grande couttoisie avec laquelle il m'ac-
cueillit, je fus frappé par l'état de
surexcitation anormale dans lequel il.se
trouvait. Il semblait à la fois agité et
souffrant. Il me demanda l'autorisation
de rester debout et, tout en parlant, mar-
cha de long en large, dans son cabinet.
J'eus bientôt l'impression qu'il écoutait.
mal ce que Je disais, et je mis sur le
compte de son état nerveux l'impatience
à -peine déguisée qu'il montrait. Lorsque
l'audience fut levée, il m'accompagna
avec rapidité jusqu'à quelques mètres de
la porte, comme pour hâter. ma sortie.
Ce n'était point la première fois que
j'approchais le chef de l'Etat, et je partis
péniblement impressionné, par cette en-
trevue.
quelques minutes après le départ du
cardinal de Paris,, à quatre heures du
soir, un autre visiteur était introduit au-
près du président Faure c'était le
prince de Monaco. On affirme que lui
aussi fut frappé par. l'agitation extraor-
dinaire que trahissaient les paroles est
l'attitude de M. Félix Faure.. On con-
naît d'ailleurs, aujourd'hui avèc, certi-
tude la cause de cette, surexcitation
anormale une fiole, que l'on retrouva
dans les objets de toilette du président,
indiqua à quel stimulant il avait parfois
recours pour tromper sa. fatigue physi-r
que. Les médecins qui furent appelés à
son chevet et qui signèrent le bulletin
funèbre que nous donnâmes hier eu-
rent la preuve manifeste que le prési-
dent-avait absorbé ce stimulant, dans le
cours de l'après-midi fatal.'
Il est seulement vraisemblable que,
lorsque le président eut recours à sa
médicamentation, il ne comptait pas re-
cevoir– ou il avait oublié qu'il devait
recevoir, les visites du cardinal Ri-
chard et du prince de Monaco. En outre,
avant de leur donner audience, il sa-
vait qu'une visiteuse l'attendait dans le
cabinet de M. Le Gall. La hâte qu'il
avait, d'aller .retrouver cette visiteuse,
les efforts qu'il dut s'imposer pendant
l'audience du prélat et du prince pour
dominer son énervement, ont, selon l'a-
vis même de plusieurs médecins, con-
tribué à amener la congestion fou-
droyante qui, une. demi-heure plus tard,
frappait le malheureux président.
"M. Faure est donc bien mort, comme
l'écrivait avant-hier M. Hugues Le Roux,
d'une brusque cassure de tout le sys-
tème artériel et tous les témoignages
concordent à prouver que, le, 16 février-
ce, système artériel était déjà dans un
état qui permettait de craindre toutes
les catastrophes.
Cinq ofïielers supérieurs
sont frappés*
LAON, 29 novembre. Dépêche de notre
envoyé spécial. Ainsi que nous l'avons
annoncé, cinq officiers de la garnison de
Laon vienàent d'être subitement frappés par
le. ministre de la guerre. Ce sont le colonel
Rouquerol, commandant le 29e dJartillerie,
remplacé par le colonel Marchand les lieu-
tenants-colonels Deffontaine et J'annet, du,
45e d'infanterie; le commandent Lambert, du
45e, qui est envoyé à Auch, au 88e, et le ca-
pitaine Poli, qui quitte Laon pour Mamers.
Ces mesures disciplinaires font ici l'objet
de toutes les conversations. On fait remar-
quer que le colonel Rouquerol, ainsi que les
deux lieutenants-colonels, ne reçoivent au-
cttne destination nouvelle, ce qui semble in-
diquer pour eux la mise en disponibilité par
retrait d'emploi. En voici les motifs
Le 11 novembre dernier s'ouvrait à La.on
le'congrèâ' de la Jeunesse catholique de l'Ais-
ne. L'évêque de Soissons, Mgr Péchenard,
avait tenu à présider lui-même ces soietiai-
pendant deux jours, les messes succédè-
rent aux réunirons, les fêtes aux conféren-
ces. La population' put voir défiler par les
rues, précédée' de tambours et' de clairons
et commandée par l'abbé Bossut, la'société
de gymnast'tque l'Espérance, suivie par la
masse des congressistes, portant fièrement
des drapeaux tricolores, sur lesquels bril-
lait la croix;
Plusieurs fois, l'ëvëque prit la parole, une
fois entre autres pour développer ce thè-
me :« La liberté engendre la liberté, com-
me l'erreur engendre la servitude.
Or, à ces diverses réunions, où l'on ne fut
i>as tendre pour le gouvernement, assistaient
tes officiers.dont nous avons parlé plus haut.
Le ministre, qui ne tarda pas à être infor-
̃ iïc, les manda par dépêche. Le général Pic-
quart tint à les interroger perso-Ririellement
et leur reprocha'de s'être associés à une ma-
nifestation dirigée contre le gouvernement
et les institutions de la République. On sait
la s aile et quelles furent les sanctions.
On ouvre des tombes
On autopsie les morts
L'opinion .publique et c'est jus-
tice-a a protésté de la manière la plus
formelle contre les arrestations un peu
hâtives 'que lès aveux successifs de Mme
Steinheil ont. amenées. La .pensée que
des hommes- innocents pouvaient être
emprisonnés suivant les, caprices d'une
femme, certainement malade et peut-
être coupable, révolte le sentiment pro-
La Maison ou EST née Mma Steikheu,va
BfiUJCOURT
fond que nous avons tous de la liberté
individuelle.
En procédant à. l'arrestation de Mme
Steinheil et en relâchant, après une
instruction sommaire, les coupables
que sa fantaisie désignait à l'action pu-
blique, la justice a certainement fait
une part à l'indignation générale tout
engrenant une mesure nécessaire
l'égard d'une femme dont les mertson-
la maison 00 elle habite ACTUELLEMENT
ges certains laissaient présumer une
conscience douteuse.
La presse et l'opinion publique ne
doivent pas oublier cette leçon.
Chaque 'jour, -presque à chaque
heure, de nouveaux noms. de coupables
sont jetés en pâture à la curiosité insa-
tiable des lecteurs. Il nous serait aisé
d'en faire .autant et d'imprimer des
noms au sujet desquels nous avons non
des soupçons, mais des certitudes.
Nous ne le fàisons pas, parce que,
LA maison de M. Steinheu. À l'Hay
avant tout, notce rôle n'est pas de nous
substituer à la justice, même si nous la
trouvons lente à s'acheminer vers le
but, mais tout au plus de la stimuler.
Et, ensuite, parce que l'opinion, pu-
blique doit conserver à l'égard de l'in 1
cuipé la neutralité, sans laquelle la jus-
tice devient la vengeance.
Témoin unique du drame, Mme Stein-
heil a causé dans le passé des. erreurs;
douloureuses.
Il ne faut pas que la presse et l'opi-
nion publique Lui succèdent dans*ce
rôle.. 1
Collaborateurs du 'crime.
Deux faits importants ont marqué la jour-
née judiciaire d'hier l'exhumation et l'au-
topsie du cadavre.de M.' Steinheil une par-
quisition opérée par M. André et le chef
de la Sûreté dans la villa Steinheil, impasse
Bonsin.. Et, si M. André, n'a pas paru à son
cabinet du palais de justice, il ''ne faut pas
on conclure que l'information ne 9é soit
point poursuivie activement en dehors des
actes d'instruction que nous venons de si-
gnaler. • ̃ ̃̃̃.
Sur commission rogatoire du juge, la S0-
reM.a procédé à des filatures et à des en-
quêtes sur la nature desquelles il nous est
impossible d'insister davantage. Qu'il nous
suffise de dire que l'opinion du parquet, que
nous explosions hier, semble s'être encore
fortifiée, et que, plus que jamais, les magis-
trats enquêteurs estiment que, si Mme
Steinheil fut bien le cerveau qui conçut l"»- il
dée du crime, elle eut besoin, pour mettre
son horrible projet à exécution, de la colla-
boration d'un homme peut-être de deux
mais en tout cas d'un homme d'une rare ni-
gueur. On se refuse, en effet, à admettre,
dans l'état actuel de' l'enquête, qu'une fem-
me, aussi robuste {ùt-elle, ait pu fracturer
d'une manière aussi nette la trachée de M.
Steinheil.
Nous avons dit que, lors de la première
autopsie, pratiquée par Je docteur Courtois-
Suffit, des observations très conduantea
ont été effectuées sur ce point
Et c'est pourquoi les agents de M. Ha-
mard surveillent d'une façon très étroite
deux individus, que l'on ne saurait, â rheuxa
actuelle désigner plus clairement.
Au cimetière de L'ÏÏay..
Ce fat hier matin, àu petit,çimetière da
L'Hay, près de Bourg-la-Reine, un spectacle
impressionnant dans le brouillard; que na
parvenaient jpas encore à dissiper les pre- -1
mières clartés de l'aube, deux hommes, qui ̃'̃
s'éclairaient de lanternes, descellaient, péni-
blemént la lourde pierre tombale sous la*
quelle le malheureux peintre Steinheil dor-
mait son dernier sommeil.
Les travailleurs deThumble nécropole, où,
seule, la sépulture du grand savant Cbe-
vreul retient l'attention, étaient M. Lamor- J
lette; marbrier, et M. Kotïmann. conserva»
teur et fossoyeur du cimetière,
On allait interroger la' mort -j
Le jour se leva. Et, dans la campagne
toute blanche de givre, on entendit le ha-
lètement d'une auto: M. Hamard, chef de la
Sûreté, arrivait, accompagné de M. Jouin,
son secrétaire,
En présence dù maire, M. ''Bernard, de
M. Michaud, adjoint aü. maire, et de M.
Vinciguerra, garde champêtre, on attaqua
la maçonnerie qui recouVrait le cercueil de i
M. Steinheil, et on remonta ce cercueil, qui,
tout aussitôt, fut placé .dans un fourgon at-
télé de. deux chevaux, arrivé presque en
mêmes temps que l'automobile du chef de la
Sûreté.
Ce fut très rapide. A sept heures et ,de-
mie, M. Hamard repartait pour Paris, sarvi
par le fourgon, qui se dirigea vers la Mot-
gue.
Les habitants de L'Hay tie s'aperçttreat
de rien. C'était dimanche. On faisait la
grasse matinée, non sans raison, d'ailleurs, ̃
car le froid était assez vif.
La pierre tombale ne portait qu'une ins»
cription, que voici
STEINHEIL
ÏXJOIS-CHARLES-AOGOSTE
Né à Strasbourg, 26 juin' 181*
Décédé à Paris, 16 mai 1885.,
C'était là le nom du père de l'artiste qoî
épousa Mlle Marguerite Japy, aujourd'hui
à Saint-Lazare M. Louis Steinheil, peintre
lui-même, peintre de valeur même, avait
longtemps habité L'Hay, dans une assez jo-
lie maison entourée' d'un grand jardin, et
qui se trouve, au n° 1 de la rue du Val.
Mais, sur la'pierre du claveau de famille,
rien ne rappelle le souvenir de M. Stein-
heil. l'auteur du portrait de AT. Félix Faure
aux manœuvres alpines. Un pot de chrysan-
thèmes fanés, une petite couronne de
faïence, c'est tout.
-Cette couronne et ces chrysanthèmes,
nous .a dit M. Koffmann, le fossoyeur,
été apportés ici, la veille de la Toussaint,
à neuf heures du matin, par Mme Steinheil
'et sa fille, en grand deuil. Elles étaient ac-
compagnons de Mariette Wolf, qui portait le
carton daos lequel se trouvait la couronne
SEUL JOURNAL FRANÇAIS RELIANT PAR SES FILS S*tCÎ4uT LES QUATRE PREMIÈRES CAPITALES D,U SLOBS
Lundi
Les tMlèmoires
CHAPITRE VI »̃ î
L'art difficile de donner
n est, sans aucun doute, très facile
«récrire quelques généralités sur la joie
que l'on éprouve à faire l'aumône et sur
le devoir qui incombe à chaque créature
humaine de venir eh aide à d'autres
créatures. Aussi ne faut-il pas que le
lecteur, s'attende à ce que je lui fasse des
révélations sensationnelles en abordant
un sujet que des milliers d'écrivains ont
déjà traité. Cependant, ce sujet, je dois
l'aborder, parce que personne ne com-
prendrait que je le laisse de côté, et
aussi parce que la manière dont on doit
donner son argent est, après tout, aussi
intéressante que la manière dont on doit
le gagner:
Avant, toute chose, il me faut bien rap-
peler ce que beaucoup de gensyignorent
à savoir, que la possession de l'ar-
gent n'apporte pas .nécessairement le
bonheur. Ceux qui sont extrêmement
riches ne diffèrent, somme toute, pas
beaucoup du reste de l'humanité. S'ils
ressentent un plaisir quelconque de la
possession de leur argent, cela ne peut
ven'r que de leur aptitude à faire certai-
choses qui procureront une jouis-
sance aiix autres, et non pas seulement
à eux-mêmes.
Je sais bien que l'on a dit cela sou-
vent mais je sais aussi par expérience
qu'il est bon de le répéter, car c'est la
vérité. Le plaisir de la richesse passe ra-
pidement. La sensation agréable que
l'on éprouve tout d'abord à pouvoir
acheter tout ce qui plaît s'émousse trop
vite, et l'on s'aperçoit bientôt que ce
-qu'on désirerait le plus avoir ne peut
pas s'acheter avec de l'argent. Ces mil-
liardaires dont on nous parle tout le
temps dans les journaux ne peuvent pas
éprouver de jouissances beaucoup plus
considérables,- avec leur argent, que le
commun des mortels. Ils rie peuvent pas
manger six fois plus que les pauvres,
parce qu'ils ne peuvent pas acheter un
appareil digestif qui soit six fois meil-
leur ils ne peuvent pas dépenser plus
d'une certaine somme pour s'habiller ou
pour se couvrir de bijoux, parce qu'ils
tombent sans cela fort vite dans le ridi-
home, obtenir beaucoup plus que le con-
fort d'un grand nombre de bourgeois,
parce que, lorsqu'ils atteignent un cer-
tain luxe. ce luxe leur cause plus d'en-
nui que de plaisir.
-Plus j'étudie les riches et plus je vois
qu'il n'y a qu'un seul moyen d'assurer
un réel équivalent à l'argent à dépen-
ser c'est de bâtir avec cet argent quel-
que chose qui reste'comme un monu-
ment éternel de douceur et de bienfai-
sance. Et, puisque nous approchons de
l'époque de Noël, je présente cette "pen-
sée comme un cadeau des plus utiles à
ceux, petits ou grands, que l'on appelle
les rois de l'or.
Et puis, le meilleur art de donner ne
consiste pas toujours à donner un
homme d'affaires, par exemple, qui se
met à la tête d'une entreprise 'où beau-
coup dé travailleurs, trouveront à gagner
leur vie ,un' industriel qui donnera à
s£s employés des salaires équitables, qui
les intéressera à ses bénéfices, font cer-
tainement autant 'de bien que le mil-
lionnaire qui s'inscrit simplement en tête
d'une liste de souscription. Avoir en vue
le bien-être de ses subordonnés, s'intéres-
ser à leur sort vaut mieux que de mettre
simplement la main à la poche. En' un
mot, il ne saurait y avoir de manière
plus étroite, plus basse et plus, inutile
de concevoir les bonnes œuvres que dé
loB faire consister seulement dans le fait
de verser de l'argent.
La meilleure de toutes les philanthro-
pies, celle qui mérite d'être inscrite au
fronton xle la civilisation moderne, n'est
pas ce que l'on appelle habituellement
la charité. La meilleure philanthropie
est, selon moi, l'application de votre ef-
fprt, de votre argent et de votre temps
à améliorer le sort des classes laborieu-
ses; à étendre et à développer les res-
sources d'un pays, à donner du travail
à, ceux qui en cherchent, à ouvrier la
route du progrès sur des terres incultes.
Aucun don d'argent n'est comparable
aux prodigieux résultats qu'apporte une
pareille philanthropie.
Et si, comme je le pense, ma manière
de voir est juste, songez alors combien
vaste est le champ ,où vous pouvez faire
le bien. Songez comment, à chaque
heure, à chaque minute, par un simple
effort de votre pensée, .vous arrivez à
commettre une bonne action. Car l'hom-
me qui se réserve de faire des aumônes
le dimanche est un pauvre auxiliaire des
bonnes institutions de son pays. Le vrai
philanthrope ne fait pas de la philan-
thropie ûn jour il en fait à toutes les
heures de tous les jourr.
Et alors, me voici de nouveau amené
à formuler ce que je considère comme le
principe permanent de la philanthropie;
me voici de nouveau amené à formuler
des conseils. Encore une fois, si j'avais
à parler à des jeunes gens débutant dans
la vie, je leur dirais
Mes amis, si vous avez le succès
pour but de vos efforts, un succès véri-
table et magnifique, ne commencez pas
votre carrière, soit .que vous soyez un
humble travailleurs, soit que vous, soyez
un producteur indépendant avec l'idée
que vous allez gratt.er le globe' avec vos
ongles pour en retirer tout ce que vous
(1) Voir le Matin des 25, 30 septembre, 7, 15.
£7 octobre. 2 et 9 novembre.
pourrez. Non, ne faites pas cela. Dans
le choix de votre profession, ayez une
seule .et unique pensée « Que pourrais-
je bien faire pour me rendre utile. dans
le travail universel du globe ? Où puis-
je mettre la main, de façon à contri-
buer, si peu que ce soit, aux intérêts gé-
néraux de l'humanité ? Oui, c'est cela,
la vérité. Entrez dans la vie avec cette
idée, choisissez votre vocation, et soyez
certain alors.que vous avez déjà fait un
premier pas sur la grande route qui con-
duit au succès. Regardez à travers le
monde, faites des enquêtes, et vous ver-
rez que toutes les grandes fortunes qui
se sont érigées soit dans ce pays,' soit
dans les, autres,- l'ont été par des hô,m-
mes qui ont* rendu de grands services
économiques, par des hommes qui ont
eu une.foi inébranlable. dans les déstï-
nées de leur pays et qui ont toujours
contribué au développement de ses res-
sources. Pas un. individu ne- peut. réus-
sir. complètement s'il ne rend pas en
mfi|Bie temps un service quelconque à. la
communauté, Pas une entreprise com-
merciale n'est susceptible d'apporter un
béuéfice si elle ne rend pas service au
public. Toutes les entreprises commer-
ciales dont on n'a pas besoin font im-
manquablement faillite, et il est juste
qu'elles fassent faillite:
C'est cela que je dirais aux jeunes
gens, et, tout en leur donnant un bon
conseil poùr eux, je leur donnerais aussi
un conseil philanthropique. Ah 1 si céux
qui ne sont pas simplement des mercan-
tis voulaient y prendre g'arde Ah s'ils
voulaient écouter Avant toute chose,
ils éviteraient de dépenser leur temps,
leurs efforts et leur argent à créer des
industries où il en existe déjà de sïmilai-
.res. L'individu qui construit une seconde
usine là où la première usine suffit am-
plement aux besoins du public porte at-
teinte à la richesse et à la prospérité na-
tionales, en même temps qu'il risque
d'enlever du pain à des travailleurs déjà
établis, et qu'il introduit la jalousie, la
misère et la haine dans un coin du
monde où elles ne régneraient pas.
Le'pins grand obstacle qu'il y ait au-
jourd'hùi aux progrès de, la nation amé-
ricaine résjde précisément dans ce qu'il
existe, de ce côté-ci du monde, tant
d'hommes qui :emnloient leur argent et
leur temps. à multiplier. des industries
concurrentes au lieu de créer dès indus-
tries nouvelles, à fonder des maisons
rivales au lieu d'établir des maisons
dans les lieux où il n'y en a pas et où l'on
en aurait besoins La plus grande erreur
que l'on commette aujourd'hui est de
copier au lieu de créer.
suivre.)
Traduction formellement interdite.
UNE DIFFICULTÉ, DIPLOMATIQUE
Les affaires dé la conférence n'allaient
pas déjà trop bien. Or, d'après des ren-
seignements certains, la Russie exige
aujourd'hui .que là question de Bosnie-
Herzégovine' soit soumise à la. confé-
rence. On sait par ailleurs que l'Autriche
s'y oppose absolument. Il y a donc là
un conflit dont la solution n'apparaît
pas encore.
PROPOS D'UN PA RTRTEN
Le seul personnage vraiment sympathi-
que de l'affaire Steinheil mettons à part
la pauvre petite Marthe ̃ est ce M. Bor-
derel qui joue dans le drame le rôle de
l'amoureux ingénu. Oui, il' manquait à la
pièce un personnage généreux, sincère,
tendre, chevaleresque. Nous l'avons ce
n'est pas ma faute si le jeune premier a
cinquante-cinq ans.
Le brave homme i Il est venu de sa pro-
vince, de ses sauvages Ardennes, et, tout
de suite, il a été pris dans ce que M. Bour-
get appelle les « filets de' la séductrice ».
Comment eut-il résisté à pareille femme ?
Il la rencontre dans un milieu ultra-pari-
sien, environnée de gens plus ou moins cé-
lèbres elle est belle, elle est musicienne,
elle de l'esprit, èlle a même la réputation
d'une de ces grandes amoureuses qui ont
joué un rôle dans.l'histoire de France. Elle
minaude, elle chante, elle Vit. Le châte-
lain ardennais est perdu. C'est le Vieil
homme de province Paris, c'est un ro-
main balzacien-lorrain.
Rien ne désillusionne ce pauvre mon-
sieur. Il achète les tableaux du mari, il
paie le loyer, il signe des chèques et quand
il déjeune sous la tonnélle du Vert-Logis
avec la n femme du monde » qu'il croit
avoir difficilement, conquise, il ne trouve
pas étonnant que Mariette lui présente
l'addition dans uncsoucou'pe. Ce n'est plus
l'heure du berger c'est le quart d'heure
de Rabelais. 41 a le cœur sur la main et la
main à la poche. Mais, que voulez-vous, il
croit à l'honnêteté de la dame, à l'igno-
rance du mari, alors que, dans cette aven-
ture. trop parisienne, il est le seul person-
nage honnête et ignorant.
Et, aujourd'hui que le roman finit mal,
çet excellent homme persévère dans son
illusion il n'admet pas qu'on dise du mal
de la femme quTlui a donné c'est son
rhot ce qu'elle avait en elle de plus ex-
quis. A tous les méchants qui veulent bri-
ser son rêve, Il répond par cet, argument
suprême
Comment pourrais-je vous croire ?
Elle riait d'un rire si jeune, si clair, si pur
Et je trouve très bien, je l'avoue, qu'au
milieu de tantde vilenies, de bassesses, de
trahisons, ce soit l'homme exploité et
trompé qui, malgré tout, s'obstine à met-
tre dans cette vilaine histoire un peu de
poésie et de véritable amour-. Clément
Vautei»
LES DEUX
L'accord secret Halo-russe.
La nouvelle que le Matin a reçue de
Londres; la nuit dernière, au sujet d'un
accord secret conclu entre l'Italie et la
Russie, n'est pas encore parvenue dans
les chancelleries.
Il ne faut pas s'en étonner, car la di-
plomatie russe est discrète, même de-
vant ses alliés notre gouvernement
s'en est aperçu plus d'une fois.
Quant à l'Italie, Mn intérêt est de ne
pas ébruiter cette convention. Obligée
de se séparer de l'Allemagne et de l'Au-
triche chaque fois qu'elle veut aller re-
trouver ses. intérêts véritables, elle ne
peut, cependant, pas oublier qu'elle
s'est engagée à maintenir jusqu'en 1912
la façade de la'triple alliance.
D'ailleurs, on pense assez générale-
ment que si les deux pays ont décidé
d'unir leurs politiques dans les Bal-
kans, cette,combinaison a dû se nouer
au mo.ment de l'entrevue de Desio entre
MM. et Ttttoiii. A ce moment,
l'Autriche n'avait pas encore annexé la*
Bosnie-Herzégovine.
L'entente. italô,-russe ne vise donc pas
cette question spéciale, mais les intérêts
généraux des deux nations dans la pé-
ninsule balkanique.
Elle n'a, par conséquent, aucun ca-
ractère agressif contre l'Autriche.
Le traité américano-Japonais.
Le traité qui vient d'être conclu entre
les Etats-Unis et le Japon a été pôrté par
les représentants des deux gouverne-
ments à la connaissance de toutes les
chancelleries.
L'ambassadeur âu Japon à Paris est
allé hier soir au ministère des affaires
étrangères aviser officiellement Mv Pi-
chon.
hlais, avant cette démarche, le gouver-
nement français avait été mis au cou-
rant, le premier entre tous les gouver-
nements d'Europe, il y a une huitaine
de jours, par l'ambassadeur des Etats-
Unis. ̃
G-est le Japon qui a engagé les négo-
1 ciations pour ce traité. On est donc
tenté de supposer que l'influence an-
glaise n'est pas étrangère à sa conclu-
Une femme est élue
conseiller prud'homme
limes Fermandel et Blondeta, Mmes Jus-
selin, Sohweig et Durand, représentant res-
pectivemeint la laiterie, les fleurs, la cou-
ture, les caisses comptables et les nouveau-
tés, ont voulu être conseillers prud'hommes.
A cet effet, elies ont, en toute hâte, fait àp-.
poser des affiches. Une loi, promulguée il y
a moins de deux semaines, autorisant la
femme à accéder à cette fonction de justice,
les candidates ont fort justement pensé que,
dans l'intérêt des camarades, il n'y avait
pas de temps à perdre.
Légitimes revendications, certes, mais tâ-
che bien ardue Si peu d'éleétrices se sont
fait inscrire dans les délais légaux Pour-
tant, les porte-drapeaux de la cause fémi-
nine, hier, devant les salles d'école où l'on
distribuait leurs bulletins, gardaient pleine
confiance.
Est-il rien de plus naturel, nons dit Mlle
Fermand-el, que notre vœu de voir, parmi
les prud'hommes, des femmes dont la mis-
sion sera de protéger les intérêts des ou-
vrières, qu'elles peuvent apprécier mieux
que personne. Réussirai-je ? Il eût fallu que
les candidats hommes se désistassent en
ma faveur. Quoi qu'il en soit, l'avenir est
à nous. Le temps est proche où chaque corps
de métier aura sa représentante femme aux
prud'hommes L'essentiel, aujourd'hui,
est que la femme ait vu reconnaître légale-
ment sa prétention à intervenir dans des ju-
gexnents- dont elle a si souvent pâti.
Mes chances sont assez restreintes, pré-
sage Mu" BJondelu. Les voix se répartissent
sur cinq noms dans ma section,et l'organisa-
tion des votes féminins s'est trouvée con-
trariée par la presque impossibilité de faire
appel aux bons vouloirs en quelques jours.
Un délai, demandé par nous, a été refusé.
Je suis assez, peu optimiste en ce qui, con-
cerne l'avenir. Si, comme on peut le p%ser,
les élus sefribntrent à la hauteur de leur
tache, nous aurons beaucoup à lutter pour
triompher aux prochaines élections.
Et, à quelques* nouveaux venus, MUe Blon-
delu tendit le bulletin qui portait son nom.
-Il y a eu, l'année dernière, dit Mme Jus-
selin, 793 affâires aux prud'hommes intéres-
sant,directement des intérêts féminins. C'est
.vovs1 dire d'un mot jusqu'à quel point s'im-
pose l'élection des femmes, donne principe
vient d'être reconnu par la loi. Cela est tel-
lement évident que beaucoup de nos cama-
rades hommes n'ont pas manqué de le re-
connaître et, dans la section où je me porte.
ont affirmé qu'ils voteraient pour moi. Si
vous ajoutez qu'il y a ici cinquante-huit cou-
turières, inscrites et ayant droit au vote,
vous pouvez apprécier qu'il y a, au moins
dans ce bureau, un intéressant mouvement
dans' le sens de nos revendications. Mais
n'allez pas, s'il vous plaît, me faire pronos-
tiquer mon sort. Nous verrions bien.
Quelques heures plus tard, nous rencon-
trions devnt les urnes, Mme Clémence
Jussélin. Élle était souriante. Par 128 voix,
elle .venait de se voir élue. C'est ùn fait, un
fait presque historique..
Je suis heureuse d'un tel résultat, di
sait-elle à ceux qui la félicitaient. C'est quoi-
que chose que d'être, en France, ta pre-
mière femme dont le nom soit proclamé par
un scrutin que reconnaît la loi. Et mainte-
nant, nous allons faire de la bonne besogne.
Des bravos unanimes saluèrent. ces paro-
les, et le chœur des petites ouvrières éprit
Que Clémence nous soit clémente 1
TEMOIGNAGE POSTHUME
DU CARDINAL RICHARD
La petite fiole du président
Nous avons successivement reproduit,
touchant Jp mort- dramatique de Mf Fé-
lix Faure, le témoignage de M. Hugues
Leroux, le témoignage de M. Charles
Dupuy et le témoignage de M. le docteur
Gheuriot, qui tous ont approché le pré-
siaent soit au moment de son agouie,
soit quelques instants après son dernier
soupir. Nous sommes en mesure aujour-
d'hui de faire-connaître le récit que Mgr
le cardinal Richard lit de- sa visite au
président Faure une demi-heure avant
sa mort. Le vénérable prélat fit ce récit,
]p lendemain même du drame, et il le
ï'^péta plusieurs fois, notamment au
nonce du pape à Paris.
Je fus introduit à trois heures trente
de l'après-midi, le 16 février 1899 a
raconté le cardinal Richard dans le
cabinet du président, et, malgré la
grande couttoisie avec laquelle il m'ac-
cueillit, je fus frappé par l'état de
surexcitation anormale dans lequel il.se
trouvait. Il semblait à la fois agité et
souffrant. Il me demanda l'autorisation
de rester debout et, tout en parlant, mar-
cha de long en large, dans son cabinet.
J'eus bientôt l'impression qu'il écoutait.
mal ce que Je disais, et je mis sur le
compte de son état nerveux l'impatience
à -peine déguisée qu'il montrait. Lorsque
l'audience fut levée, il m'accompagna
avec rapidité jusqu'à quelques mètres de
la porte, comme pour hâter. ma sortie.
Ce n'était point la première fois que
j'approchais le chef de l'Etat, et je partis
péniblement impressionné, par cette en-
trevue.
quelques minutes après le départ du
cardinal de Paris,, à quatre heures du
soir, un autre visiteur était introduit au-
près du président Faure c'était le
prince de Monaco. On affirme que lui
aussi fut frappé par. l'agitation extraor-
dinaire que trahissaient les paroles est
l'attitude de M. Félix Faure.. On con-
naît d'ailleurs, aujourd'hui avèc, certi-
tude la cause de cette, surexcitation
anormale une fiole, que l'on retrouva
dans les objets de toilette du président,
indiqua à quel stimulant il avait parfois
recours pour tromper sa. fatigue physi-r
que. Les médecins qui furent appelés à
son chevet et qui signèrent le bulletin
funèbre que nous donnâmes hier eu-
rent la preuve manifeste que le prési-
dent-avait absorbé ce stimulant, dans le
cours de l'après-midi fatal.'
Il est seulement vraisemblable que,
lorsque le président eut recours à sa
médicamentation, il ne comptait pas re-
cevoir– ou il avait oublié qu'il devait
recevoir, les visites du cardinal Ri-
chard et du prince de Monaco. En outre,
avant de leur donner audience, il sa-
vait qu'une visiteuse l'attendait dans le
cabinet de M. Le Gall. La hâte qu'il
avait, d'aller .retrouver cette visiteuse,
les efforts qu'il dut s'imposer pendant
l'audience du prélat et du prince pour
dominer son énervement, ont, selon l'a-
vis même de plusieurs médecins, con-
tribué à amener la congestion fou-
droyante qui, une. demi-heure plus tard,
frappait le malheureux président.
"M. Faure est donc bien mort, comme
l'écrivait avant-hier M. Hugues Le Roux,
d'une brusque cassure de tout le sys-
tème artériel et tous les témoignages
concordent à prouver que, le, 16 février-
ce, système artériel était déjà dans un
état qui permettait de craindre toutes
les catastrophes.
Cinq ofïielers supérieurs
sont frappés*
LAON, 29 novembre. Dépêche de notre
envoyé spécial. Ainsi que nous l'avons
annoncé, cinq officiers de la garnison de
Laon vienàent d'être subitement frappés par
le. ministre de la guerre. Ce sont le colonel
Rouquerol, commandant le 29e dJartillerie,
remplacé par le colonel Marchand les lieu-
tenants-colonels Deffontaine et J'annet, du,
45e d'infanterie; le commandent Lambert, du
45e, qui est envoyé à Auch, au 88e, et le ca-
pitaine Poli, qui quitte Laon pour Mamers.
Ces mesures disciplinaires font ici l'objet
de toutes les conversations. On fait remar-
quer que le colonel Rouquerol, ainsi que les
deux lieutenants-colonels, ne reçoivent au-
cttne destination nouvelle, ce qui semble in-
diquer pour eux la mise en disponibilité par
retrait d'emploi. En voici les motifs
Le 11 novembre dernier s'ouvrait à La.on
le'congrèâ' de la Jeunesse catholique de l'Ais-
ne. L'évêque de Soissons, Mgr Péchenard,
avait tenu à présider lui-même ces soietiai-
pendant deux jours, les messes succédè-
rent aux réunirons, les fêtes aux conféren-
ces. La population' put voir défiler par les
rues, précédée' de tambours et' de clairons
et commandée par l'abbé Bossut, la'société
de gymnast'tque l'Espérance, suivie par la
masse des congressistes, portant fièrement
des drapeaux tricolores, sur lesquels bril-
lait la croix;
Plusieurs fois, l'ëvëque prit la parole, une
fois entre autres pour développer ce thè-
me :« La liberté engendre la liberté, com-
me l'erreur engendre la servitude.
Or, à ces diverses réunions, où l'on ne fut
i>as tendre pour le gouvernement, assistaient
tes officiers.dont nous avons parlé plus haut.
Le ministre, qui ne tarda pas à être infor-
̃ iïc, les manda par dépêche. Le général Pic-
quart tint à les interroger perso-Ririellement
et leur reprocha'de s'être associés à une ma-
nifestation dirigée contre le gouvernement
et les institutions de la République. On sait
la s aile et quelles furent les sanctions.
On ouvre des tombes
On autopsie les morts
L'opinion .publique et c'est jus-
tice-a a protésté de la manière la plus
formelle contre les arrestations un peu
hâtives 'que lès aveux successifs de Mme
Steinheil ont. amenées. La .pensée que
des hommes- innocents pouvaient être
emprisonnés suivant les, caprices d'une
femme, certainement malade et peut-
être coupable, révolte le sentiment pro-
La Maison ou EST née Mma Steikheu,va
BfiUJCOURT
fond que nous avons tous de la liberté
individuelle.
En procédant à. l'arrestation de Mme
Steinheil et en relâchant, après une
instruction sommaire, les coupables
que sa fantaisie désignait à l'action pu-
blique, la justice a certainement fait
une part à l'indignation générale tout
engrenant une mesure nécessaire
l'égard d'une femme dont les mertson-
la maison 00 elle habite ACTUELLEMENT
ges certains laissaient présumer une
conscience douteuse.
La presse et l'opinion publique ne
doivent pas oublier cette leçon.
Chaque 'jour, -presque à chaque
heure, de nouveaux noms. de coupables
sont jetés en pâture à la curiosité insa-
tiable des lecteurs. Il nous serait aisé
d'en faire .autant et d'imprimer des
noms au sujet desquels nous avons non
des soupçons, mais des certitudes.
Nous ne le fàisons pas, parce que,
LA maison de M. Steinheu. À l'Hay
avant tout, notce rôle n'est pas de nous
substituer à la justice, même si nous la
trouvons lente à s'acheminer vers le
but, mais tout au plus de la stimuler.
Et, ensuite, parce que l'opinion, pu-
blique doit conserver à l'égard de l'in 1
cuipé la neutralité, sans laquelle la jus-
tice devient la vengeance.
Témoin unique du drame, Mme Stein-
heil a causé dans le passé des. erreurs;
douloureuses.
Il ne faut pas que la presse et l'opi-
nion publique Lui succèdent dans*ce
rôle.. 1
Collaborateurs du 'crime.
Deux faits importants ont marqué la jour-
née judiciaire d'hier l'exhumation et l'au-
topsie du cadavre.de M.' Steinheil une par-
quisition opérée par M. André et le chef
de la Sûreté dans la villa Steinheil, impasse
Bonsin.. Et, si M. André, n'a pas paru à son
cabinet du palais de justice, il ''ne faut pas
on conclure que l'information ne 9é soit
point poursuivie activement en dehors des
actes d'instruction que nous venons de si-
gnaler. • ̃ ̃̃̃.
Sur commission rogatoire du juge, la S0-
reM.a procédé à des filatures et à des en-
quêtes sur la nature desquelles il nous est
impossible d'insister davantage. Qu'il nous
suffise de dire que l'opinion du parquet, que
nous explosions hier, semble s'être encore
fortifiée, et que, plus que jamais, les magis-
trats enquêteurs estiment que, si Mme
Steinheil fut bien le cerveau qui conçut l"»- il
dée du crime, elle eut besoin, pour mettre
son horrible projet à exécution, de la colla-
boration d'un homme peut-être de deux
mais en tout cas d'un homme d'une rare ni-
gueur. On se refuse, en effet, à admettre,
dans l'état actuel de' l'enquête, qu'une fem-
me, aussi robuste {ùt-elle, ait pu fracturer
d'une manière aussi nette la trachée de M.
Steinheil.
Nous avons dit que, lors de la première
autopsie, pratiquée par Je docteur Courtois-
Suffit, des observations très conduantea
ont été effectuées sur ce point
Et c'est pourquoi les agents de M. Ha-
mard surveillent d'une façon très étroite
deux individus, que l'on ne saurait, â rheuxa
actuelle désigner plus clairement.
Au cimetière de L'ÏÏay..
Ce fat hier matin, àu petit,çimetière da
L'Hay, près de Bourg-la-Reine, un spectacle
impressionnant dans le brouillard; que na
parvenaient jpas encore à dissiper les pre- -1
mières clartés de l'aube, deux hommes, qui ̃'̃
s'éclairaient de lanternes, descellaient, péni-
blemént la lourde pierre tombale sous la*
quelle le malheureux peintre Steinheil dor-
mait son dernier sommeil.
Les travailleurs deThumble nécropole, où,
seule, la sépulture du grand savant Cbe-
vreul retient l'attention, étaient M. Lamor- J
lette; marbrier, et M. Kotïmann. conserva»
teur et fossoyeur du cimetière,
On allait interroger la' mort -j
Le jour se leva. Et, dans la campagne
toute blanche de givre, on entendit le ha-
lètement d'une auto: M. Hamard, chef de la
Sûreté, arrivait, accompagné de M. Jouin,
son secrétaire,
En présence dù maire, M. ''Bernard, de
M. Michaud, adjoint aü. maire, et de M.
Vinciguerra, garde champêtre, on attaqua
la maçonnerie qui recouVrait le cercueil de i
M. Steinheil, et on remonta ce cercueil, qui,
tout aussitôt, fut placé .dans un fourgon at-
télé de. deux chevaux, arrivé presque en
mêmes temps que l'automobile du chef de la
Sûreté.
Ce fut très rapide. A sept heures et ,de-
mie, M. Hamard repartait pour Paris, sarvi
par le fourgon, qui se dirigea vers la Mot-
gue.
Les habitants de L'Hay tie s'aperçttreat
de rien. C'était dimanche. On faisait la
grasse matinée, non sans raison, d'ailleurs, ̃
car le froid était assez vif.
La pierre tombale ne portait qu'une ins»
cription, que voici
STEINHEIL
ÏXJOIS-CHARLES-AOGOSTE
Né à Strasbourg, 26 juin' 181*
Décédé à Paris, 16 mai 1885.,
C'était là le nom du père de l'artiste qoî
épousa Mlle Marguerite Japy, aujourd'hui
à Saint-Lazare M. Louis Steinheil, peintre
lui-même, peintre de valeur même, avait
longtemps habité L'Hay, dans une assez jo-
lie maison entourée' d'un grand jardin, et
qui se trouve, au n° 1 de la rue du Val.
Mais, sur la'pierre du claveau de famille,
rien ne rappelle le souvenir de M. Stein-
heil. l'auteur du portrait de AT. Félix Faure
aux manœuvres alpines. Un pot de chrysan-
thèmes fanés, une petite couronne de
faïence, c'est tout.
-Cette couronne et ces chrysanthèmes,
nous .a dit M. Koffmann, le fossoyeur,
été apportés ici, la veille de la Toussaint,
à neuf heures du matin, par Mme Steinheil
'et sa fille, en grand deuil. Elles étaient ac-
compagnons de Mariette Wolf, qui portait le
carton daos lequel se trouvait la couronne
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