Titre : Le Matin : derniers télégrammes de la nuit
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1896-11-10
Contributeur : Edwards, Alfred (1856-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 10 novembre 1896 10 novembre 1896
Description : 1896/11/10 (Numéro 4639). 1896/11/10 (Numéro 4639).
Description : Note : 2ème édition. Note : 2ème édition.
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/04/2008
Treizième année. rNa
Paris et DÉPARTEMENTS t0 CENTIMES
n ̃
Mardi 10 Novembre 1 89®
RÉDACTION De 6 h. du. soir h. du matin.
25, KDE D'ARfiENTBTIt
DERNIERS TÉLÉGRAMMES DE LA NUIT
ABMHXISTKA.TIOÎV De 10 h. matin à. 6 soir.
35, RUE D'ARGENTEUU,
SEUL JOURNAL FRANÇAIS RECEVANT PAR FILS ET SERVICES SPÉCIAUX LES DERNIÈRES NOUVELLES DU MONDE ENTIER
y>sx reçu il y a peu de jours, à l'occa-
sion du débat de la Chambre sur lâ
question d'Arménie, une lettre du co-
mité anglais qui: a organisé la grande
manifestation de Hyde Park en faveur
des Arméniens. Bien qu'elle contienne
quelques expressions beaucoup trop
bienveillantes pour moi, on me permet-
tra' d'en donner 'ici la traduction litté-
rale, car il me semble qu'elle a un vé-
ritable intérêt général
Cher monsieur,
C'est avec un grand plaisir que' nous
avons lu le compte rendu des débats A la
Chambre française, contenant les discours
prononcés par vous et d'autres députés, et
nous vous faisons savoir que d'autres sym-
pathisent avec les vues que vous exprimez
dans la question arménienne, en reconnais-
sant, comme vous, les responsabilités en-
courues en cette question même par votre
propre grand pays, par la Russie et par la
Grande-Bretagne.
Les travailleurs .de notre pays sont au-
jourd'hui, comme ils l'ont toujours été, très
préoccupés de la cause de la liberté et de
l'humanité, sans. considération de couleur,
de croyance ou de. nationalité. Ils ont, du-
rant ces derniers mois, fait de grands ef-
forts pour prévenir de nouveaux massacres
et l'extermination du peuple arménien par
le sultan de Turquie. Nous croyons et es-
pérons que vous et vos amis en France
représentez uuelarge part du sentiment du
peuple français et nous avons lu avec une
grande joie votre plaidoyer pour la justice,
et nous vous disons à notre tour « que les
classes travailleuses de tous les pays doi-
vent prendre en mains la cause armé-
nienno ».
C'est de tout cœur que nous nous asso-
cions à vos paroles sur Je devoir des hom-
mes libres d'Europe envers ceux qu'op-
prime le gouvernement turc. C'est sans
réserve aussi que nous souscrivons à votre
déclaration contre le fait de sacrifier des
existences humaines à la jalousie et à la
convoitise territoriale des nations.
En vous adressant, cette lettre, nous par-
Ions comme représentants responsables du
comité qui'a organisé la démonstration de
Hyde Park, à Londres, le 11 octobre, comité
qui représente toutes les classes de travail-
leurs, les rradc-Unionnistes, les sociétés de
tempérance et des sociétés religieuses de
toute confession. Nous nous risquons à ex-
primer l'opinion qu'un grand nombre de
nos compatriotes sont absolument préparés
à soutenu· tout gouvernement, libéral ou
conservateur, qui pourra oilrir des garan-
ties contre tout agrandissement aux dépens
des autres nations, et proposer un tel ajus-
tement des relations internationales que
toute chance de guerre soit écartée, sauf
dans lu cas où la liberté doit se défendre
coutre l'op pression.
Permettez-nous de vous exprimer notre
proiond respect et notre admiration pour
votre pays, et l'espérance que la paix et J'a-
mitie présente ne seront jamais troublées
par des malentendus entre deux, peuples
qu'uu mutuel intérêt et un respect récipro-
que doivent lier à jamais d'uu lien de fra-
et de sympathie pour l'humanité
A vous fraternellement,
ment;'James Rowlands, tré-
sorier Dkw, secrétaire.
Je ne veux point exagérer l'importance
ât l'efficacité de cet échange de sympa-
thie et d'amitié entre une large part du
prolétariat anglais et les représentants
du socialisme français. Je sais très bien
que le monde est livré encore à d'autres
forets; niais il n'est pas inutile de faire
colin à notre peuple les sentiments
de profonde et sincère amitié qu'ont pour
lui les travailleurs anglais. Il y a dans la
lettre que je viens de transcrire un ac-
cent qui ne trompe pas. Il n'est pas inu-
tile non plus de montrer aux diplomates
de profession, très attardés en de routi-
nières habiletés et en de stériles secrets,
--qu'il y a en ce moment-ci, dans le
monde, bien des forces morales disponi-
bles qu'une large politique humaine
pourrait utiliser pour une œuvre supé-
rieure de paix, de concorde et de civili-
sation. A coup sûr, le prolétariat n'est
pas encore assez puissamment organisé
pour exercer une action décisive dans la
conduite générale des affaires du monde
il n'a pas le pouvoir et il ne peut agir
qu'indirectement, en pesant sur ceux qui
ont le pouvoir. Mais il semble, à plus
d'un- indice, qu'il n'entend pas abandon-
ner aux calculs étroits des diplomaties
officielles ou aux combinaisons coupa-
bles des égoïsmes nationaux le gouver-
nement de l'humanité.
Je sais bien qu'on r.ous annonce, dé-
puis quelques jours, les merveilleui ef-
fets de la diplomatie gouvernementale.
Il parait, à en croore les journaux amis
de M. Hanotaux, que le sultan, effrayé
ou émn de son discours, a immédiate-
ment promis les réformes demandées.
Quel ministre! disent les officieux; il a
suffi d'un discours de luipourdénouer la
crise arménienne. Que ces amis zélés y
prennent garde en le louant, ils l'acca-
blent; car s'il a suffi de quelques paro-
ies de M. Hanotaux pour amener le sul-
(an il une vue plus nette de son intérêt et
à des sentiments plus humains, que ne
parlait-il plus lot"/ Que n'agissait-il plus
tôt? Et pourquoi, par lui, la France
muette t-t-elle assisté d'abominables
massacres, qu'une parole ministérielle
aurait prévenus? M. Hanotaux s'est mis
dans une situation terrible, car il ne
peut échouer sans se perdre et réussir
sans se condamner.
Qu'on y prenne garde aussi, les pro-
messes du sultan ne sont point nouvel-
les elles ont été depuis trois ans l'ac-
compagnement périodique et le philan-
thropique refrain des plus horribles
tueries. Et puisque M. Hanotaux nous a
fait espérer pour l'Arménie la même so-
lution que pour la Crèlc, nous avons le
droit de nous émouvoir doublement des
dernières nouvelles crétoise: le man-
que de parole du sultan ranime tous les
conflits dans nie; et les consuls éplorés
télégraphient à toutes les chancelleries
pour demander l'exécution des réformes
solennellement promises et impudem-
ment éludées.
Il est donc infiniment probable que
l'Europe, si elle ne veut pas être com-
plice d'un crime prolongé contre l'huma-
nité, devra se résoudre à une action plus
décisive, et de cette action pourraient
sortir tous les conflits, tous les périls, si
le prolétariat européen n'en éliminait
pas; par un ferme propos, toute arrière-
pensée de 'convoitise nationale, tout en-
traînement de passion chauvine. Il y
aura là, si je puis dire, une noble, mais
redoutable épreuve pour le prolétariat
international; il peut, s'il le veut, en
sortir singulièrement grandi.
Mais ce n'est point par de simples dis-
positions d'âmes conciliantes mais va-
gues qu'il pourra suffire à sa tâche,
maintenir la paix et la cordialité entre
les nations. Il faut qu'il sache examiner
de près et avec précision les problèmes,
j'ose le dire Les socialistes parfois ne
se sont pas bornés à des déclarations
générales. Ils ont courageusement pré-
cisé les responsabilités de la France, ils.
ont signalé .la triste: dépendance de no-
tre politique -à l'égard de la politique
russe, au risque de blesser le chauvi-
nisme aveugle d'une grande partie de
notre nation. Nous croyons fermement
que nos 'amis anglais reconnaissent avec
la même précision les responsabilités de
l'Angleterre. Dans le discours auquel
ils envoient leur adhésion, nous avons
dit que la philanthropie de l'Angleterre
en Arménie était rendue suspecte par sa
politique étroitement égoïste en Egypte.
Si le prolétariat anglais affrontant en ce
point le chauvinisme anglais comme
nous affrontons nous-mêmes en d'autres
points. au moins aussi vifs le chauvi-
nisme français, préparait l'Angleterre à
une équitable solution de la question
égyptienne, l'accord si désirable des
deux grandes nations occidentales serait
aisé.
Nous comprenons très bien qu'il faut
tenir compte en cette question des sus-
ceptibilités, des grands intérêts de l'An-
gleterre et aussi des droits que son ac-
tion même et sa décision. lui ont acquis,
et le mot brutal d'évacuation répond mal
aia complexité du problème, car c'est le
lendemain qu'il faut régler.. Mais ce qui
importe, c'est que, dès maintenant, par
des actes précis, par des arrangements à
portée plus ou moins lointaine, mais
dont les 'premiers effets seront immé-
diats, l'Angleterre reconnaisse le carac-
tère international de l'Egypte. Elle le
peut sans sacrifier un seul de ses inté-
rêts essentiels, une parcelle de sa fierté
et de sa force. Quel honneur pour le pro-
létariat anglais et-lé prolétariat français
s'ils délibéraient entre eux, efficacement,
sur les conditions possibles d'un arran-
gement, et s'ils pouvaient proposer. aux
deux pays et à l'Europe tout entière des
solutions'positives, amicales et justes I
Jean Jaurès.
L'ALBUM DU «( MATIN»
LES SOUVERAINS RUSSES EN FRANCE
(Cherbourg Paris-Châlôns)
En présence de la quantité énorme de de-
mandes qui nous arrivent de toutes parts,
nous avons pris des mesures nouvelles afin
que le tirage de l'Album du Matin fût ac-
tivement poussé. Avant peu, les premiers
souscripteurs seront servis, et, naturelle-
ment, les autres envois suivront rapidement,
Le Voyage des Souverains russes en
France renferme, reproduits par la photo-
collographie, plus de cinquante instantanés,
absolument inédits, et qui forment autant
de gravures d'une valeur inestimable. Les
titres seuls de ces illustrations en montrent
l'intérêt. En voici quelques-uns L'Escadre
allant au-devant de l' « Etoile-Polaire
l'Escadre hisse le pavillon russe en tète
de mât; l'Escadre salue l' « Etoile-l'o-
Iccire de cent un coups de canon; Cher-
bourg, la 1'ade, la revue navale; Sur le
« Hoche », visite du lsar, de la tsarine et
du président de la République le Train
imv'érial en rouie pour Paris la Gare
du'Ranelagh; tes Chasseurs d? Afrique
les S2)aliis; le Landau impérial place de
tct Concorde; la Ilue Saint-Simon; le
Boulevard Saint-Germain au passage
du cortège; l'Hôtel de Ville là Rue de
la Paix; 't'Opéra; l'Inauguration du
pont Alexandre III; le Cortège enroule
pour Versailles, l'arrivée du cortège au
château; la Revue de Çhâlons; la Tri-
bune officielle le Défilé des troupes;
etc., etc.
Toutes ces illustrations et celles que nous
ne nommons pas, car la liste en serait trop
longue, accompagnent le texte, l'agrémen-
tent et le complètent de la façon la plus heu-
reuse.
Le Voyage des Souverains russes en
France, par MM. Paul Belon et Paul Gers,
est une publication hors ligne, capable de
satisfaire les plus exigeants.
Tiré sur beau papier de format in-quarto
à grande marge, il compte environ quatre-
vingts pages protégées par un cartonnage
élégant façon euir bieu-eiel, avec la répéü-
lion du faux-titre en lettres dorées. On voit
que la maison Berlhaud frères, qui l'a édité,
n'a reculé devant aucun gacrifice pour en
faire une véritable œuvre d'art.
Le miracle, c'était de mettre ce superbe
album à la portée de toutes les bourses.
Nous l'avons accompli, puisque tous nos
lecteurs pourront se le procurer dans nos
bureaux au prix de 3 fer. 50, le prix réel
étant de 5 francs. On peut souscrire dès à
présent en envoyant un mandat à M. l'Ad-
ministrateur du Malin.
[Pour Paris à domicile, les départements
et l'étranger, le Port en sus, soit 50 "cen-
times.]
L'INTERPELLATION DREYFUS
A la demande de M. Castelin, signataire
de l'interpellation « sur les incklenls relatifs
à l'affaire Dreyfus », la Cuainbn.' a lixé iii-T
la date de sa discussion au !n>jr.ili iH no-
vembre.
LA PREUVE
FAC-SIMILE DU BORDEREAU
ÉCRIT PAR DREYFUS
Il faut en unir Le bordereau et la
lettre dictée Comparaison des
signés Comment la lumière
a été faite Pas de
doute possible:
Comme un boulet, le boulet de la trahi-
son, la patrie traîne l'affaire Dreyfus. Alors
que, dans l'opinion, il n'y a. qu'un cri pour
proclamer la félonie d'un of0cier,.on essaie,
dans sa famille, de jeter le doute sur la cul-
pabilité de l'accusé du conseil de guerre, à
l'unanimité condamné.
A l'aide de manœuvres" savantes et téné-
breuses, en donnant des allures de réquisi-
toires à d'habiles plaidoyers, en faisant ap-
pel aux sentiments.de justice et de généro-
sité qui hantent tous les cœurs dans notre
pays, on s'attèle à cette œuvre surhûmaine
la révision du procès dû traître Dreyfus.
Sous le prétexte fallacieux que contre lui on
aurait restauré nous ne savons quelles, pra-
tiques inquisitorialés, on voudrait le faire
revenir en France .pour y. comparaître de-
vant de nouveaux juges. ̃̃
Comédie; tout cela. Dreyfus est-bien cou-
pable du plus grand de tous les crimes. Et
afiri de ne pas laisser à la pitié le temps ni
la possibilité de naître, il, faut produire la
preuve matérielle et. irrécusable du forfait.
Sur quoi est basée l'accusation ? Com-
ment est justifié le châtiment infligé à l'ex-
capitaine Dreyfus? C'est ce que le Matin
est à même de dire. Pour mener à bien cette
oeuvre de salubrité patriotique, nous pu-
blions le fac-v'milé du fameux « borde-
reau » écrit de la -nain môme de Dreyfus.
Pour quiconque a pu comparer récriture
avouée de Dreyfus et le document que non s
reproduisons, c'est bien la même main qui
a tracé ces lignes.
L'expérience.
En même temps que le « bordereau
puisqu'on donne ce nom à cette ièce, nous
avons eu sous les yeux la lettre d expérience
dictée au capitaine Dreyfus, au ministère de
la guerre, quelques minutes avant son ar-
restation. Voici le texte de ce documént
MINISTÈRE RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
DE LA.
GUERRE
Paris, 18 octobre 1894
« Ayant le plus grave intérêt, monsieur,
à rentrer momentanément en possession des
documents que je vous ai fait passer avant
mon départ aux manœuvres, je vous prie
de me les faire adresser d'urgence par le
porteur de la présente qui est une personne
sûre.
Je vous rappelle qu'il s'agit de une
note sur le frein hydraulique du canon de
et sur la manière dont il s'est comporté
aux manoeuvres 20 une note sur les trou-
pes de couverture; une note sur Mada-
gascar. »
On voit que cette lettre ne reproduit pas
exactement le document incriminé. Au mi-
nistère de la guerre, avant d'arrêter Drey-
fus, déjà soupçonné, on tenait à comparer
t.on écriture et celle de la lettre établissant
la trahison. On prépara un texte reprodui-
sant, dans un ordre différent, les mots ca-
ractéristiques du document et l'énuméra-
tion intervertie des pièces et documents li-
vrés à l'ennemi.
Tout d'abord, Dreyfus ne comprit pas.
Mais quand on vint à l'énumération qui lui
rappelait clairement son envoi à une ambas-
sade étrungèr-e, il se luit à trembler et fut
dans, l'impossibilité d'écrire. An mot Mada-
gascar, la lettre a été dramatiquement in-
terrompue. Dreyfus venait de comprendre
qu'on avait découvert sa félonie, qu il était
perdu et, brutalement, il jeta la plumé.
Identité parfaite.
Dans la physionomie générale comme
dans l'allure particulière de ces deux let-
tres et des autres documents dits de com-
paraison, il y a identité parfaite d'écri-
ture.
Certes, il y a dissimulation dans le borde-
reau mais le naturel reprend, malgré tou-
tes les précautions, le dessus. Habituée à
manier fréquemment la plume, la main n'o-
béit qu'imparfaitement au cerveau. Et ce-
pendant Dreyfus s'était entraîné de long-
temps à varier, non pas le caractère de son
écriture, mais les lettres. Il a des formés
nombreuses pour beaucoup de lettres tes
D, les V, les P majuscules; par exemple.
Mais on retrouve, dans le document même,
ces diverses variétés, comme dans les D
de la deuxième ligne.
Veut-on une précaution prise ?.Habituel-
lement, dans les mots où deux s se suivent,
Dreyfus fait un grand s d'abord; un petit
ensuite. Regardez les mots adresse, inlé-
ressants, intéresse, fasse, vous verrez tue
le grand 5 est mis le dernier.
Cette double identité de .physionomie et
d'allure, cependant très frappante, ne suffi-
sait pas encore pour établir d'une façon suf-
fisamment solide et palpable la culpabilité
de Dreyfus. C'est alors qu'on a commis qua-
tre experts en écritures MM.Charavay,
Gûbert, Pelletier et Teyssonnières; Mt Ber-
tiîion, directeur du service anthropométri-
que, est venu par surcroît.
C'est alors que les experts ont recherché
les « tics » particuliers aux écrivains, qui se
trouvent en quelque sorte dans la mam, et
que celle-ci exécute régulièrement et ma-
chinalement, sans intervention du cerveau;
c'est mécanique et aussi mathématique.
C'est ce qui permet à chacun de nous de re-
connaître au premier coup d'œil l'écriture
familière d'un parent ou d'un ami; c'est ce
qui lui donne sa personnalité.
Eh bien ces tics spéciaux à Dreyfus exis-
tent dans le document que nous reprodui-
sons. Nous allons en faire connaître quel-
ques-uns
La main qui trahit.
Voici, à la vingt et unième ligne de la
lettre, le mot orftciér. Considérez les quatre
dernières lettres ciel', Dreyfus met le
point sur le premier i et, sans lever la
plume, trace le c qui sui t l'i. Ce c est donc
transformé, comme on peut le voir, en r.
Dans un document retrouvé aux archives
du ministère de la guerre et que Dreyfus
reconnaît avoir écrit de sa main, on a relevé
le mot officier. Calquée sur gélatine, la der-
nière syllabe s'applique rigoureusement,
y compris le tic, sur la dernière syllabe du
même mot dans le document dont nous re-
produisons le fac-similé.
On a fait le même travail pour les lettres
finales uvres-des mots manœuvres;
pour les chiffres 2, de 120 et de 20. On a
trouvé, toujours au ministère de la guerre,
des mots ainsi stéréotypés sur ceux de la
lettre preuve du crime.
A la vingt-huitième ligne, considérez l'ex-
pression in-extenso. Un calque a été versé
au procès s'appliquant rigoureusement sur
ces lettres in-exte: Le même intervalle est
observé entre in et ex. D'ailleurs, cela a été
con taté dans l'écriture avouée de Dreyfus
et dans le document, quand il y ade légères
divergences dans la concordance du calque
des lettres séparées! les mêmes mots occu-
pent le même espace et sont lancés dumôine
coup de plume.
Quiconque a pu comparer le document
avec les vingt-neuf autres pièces du dossier
affirme en son âme et conscience que c'est
la même main qui a tracé et la lettre preuve
de la trahison et les pièces que Dreyfus re-
connaît avoir écrites.
Ainsi, la culpabilité de Dreyfus éclate in-
discutablement. A moins d'être aveugle, on
ne pent nier quc Dreyfus soit fauteur du do-
cument que nous reproduisons.
C'est ce document, et ce document seul,
que connaissait la défense, et dont la famille
a livré le texte exact, faisant ainsi connaître
l'importance et l'éténdue du crime; c'est ce
document, disons-nous, qui motivé la con-
damnation de Dreyfus à l'unanimité par le
conseil de guerre.
Et maintenant le doute est-il encore possi:
ble? Va-t-on essayer de vaines tentatives
pour. arrêter l'œuvre juste de l'expiation?
Oublions-le!
Un mot encore. M. Bertillon a établi un
calque du mot adresse contenu, dans le do?
cument. Il s'applique d'une- façon, saisis-
saute sur.la signature de A. Dreyfus, prise
sur une lettre privée. L'identité des deux
boucles inférieures du d' -minuscule d'a-
dresse et du D majuscule de Dreyfus.
Au Cherche-Midi, on a fait éoriré le pré-
venu. Il a rempli des pages entières avec
ces mots ,Te vais puis Je vais partir,
et enfin: Je vais partir aux manœuvres.
Il a tracé des dictées, copié des pages de
stratégie ou de description de forteresse:
Dans tout cela, on sent la retenue et la dis-
simulation. L'écriture manque de franchise.
Elle est incontestablement déguisée. Ne di-
rions-nous pas qu'on y voit un nouveau té-
moignage et comme un aveu de la culpabi-
bilite de Dreyfus si nous ne craignions d'af-
faiblir les preuves irréfutables .et saisis-
santes apportées par la dissection de l'écri-
ture ?
En résumé, Dreyfus est coupable. Le bor-
dereau existe, la preuve le voici reproduit.
il est établi sur papier pelure, quadnilédans
le filigrane il avait été déchire en quatre;
un morceau manque dans un coin, sur le-
quel rien n'était vraisemblablement écrit.
Ce document, il est bien de la main de
Dreyfus, tout le prouve l'allure et la phy-
sionomie de l'écriture la reproduction des
tics de l'écrivain; la stéréotypie non seule-
ment des lettres, mais aussi d'un grand
nombre de mots.
Et maintenant, que Dreyfus, le traître,
écoule sa misérable existence dans son en-
banon de Vile du Diable!
Chez M. Bertillon.
Nous avons rencontré hier "M, Bertillon.:
Le chef du service anthropométrique, obser-
vateur scrupuleux du secret professionnel,
s'est refusé à toute interview. Néanmoins
comme nous insistons pour obtenir quel-
ques explications au sujet des accusations
portées contre lui par M. Bernard Lazare,
Al. Bertillon nous dit avec vivacité
Je ne veux et ne puis répondre, et ce-
pendant il me serait facile de relever les
contradictions qui fourmillent dans les pages
qui me concernent. Par exemple, l'auteur de
la brochure dit, tout d'abord, que le c;om-
) mandant Brisset, qui reniplissait-les fonc-
lions de commissaire du gouvernement,
s'est servi de mon rapport pour l'accusation,
et plus loin il déclare que ma déposition fut
incompréhensible pour tous, de l'avis même
du commandant Brisset. Or, ma déposition
fut la reproduction de mon rapport.
» Quant il l'affirmation que me prête M.
Bernard Lazare d'avoir trouvé dans le bor-
dereau, à l'aide'de procédés qui me sont
spéciaux, la somme touchée parlc capitaine
Dreyfus pour sa trahison, cinq cent mille
francs, c'est une simple fumisterie.
» Cela n'est plus argumenter, c'est vouloir
ridiculiser. »
Ajoutons que M. Bertillon n'a pas regu la
brochure où il est incriminé, alors qu'elle
a été envoyée, sous pli recommandé, à tou s
les chefs de service de la préfecture de
police.
L'ELECTION DES CAPITOULS
Déjà une interpellation La déléga-
tion municipale sur la sellette
Des faits, pas de preuves.
Les résultats des élections municipales de
Toulouse étaient à peine connus, que déjà
on annonçait, dans les couloirs de la Cham-
bre, qu'une interpellation allait être 'déposée
sur le bureau.
Que s'est-il donc passéde si extraordinaire
à Toulouse ? Il parait ce sont les députés
de la Haute-Garonne qui le racontent que
la délégation municipale nommée par le
gouvernement pour présider à ces élections
est sortie de son rôle. On l'accuse d'avoir eu
des complaisances potir une liste socialiste
qui n'était présentée que pour faire échec à
la liste de protestation, cest-à-dire à celle
qui comprenait les membres de la municipa-
lité dissoute. On disait encore que des let-
trés très compromettantes existaient, et
qu'elles ne tarderaient pas à être entre les
mains du futur interpellateur.
A la vérité, les renseignements reçus par
les députés de la Haute-Garonne n'ont pas
ce caractère de précision, au moins quant à
présent. Ils savent seulement que le prési-
dent de la délégation municipale, M. Com-
moul, vice-président du tribunal civil, a été
très vivement attaqué par l'organe des radi-
caux socialistes la Depéclte, mais, d'àprès
nos renseignements, ils n'auraient pas entre
les mains les preuves des faits qu'ils repro-
chent à la délegation.
Si une interpellation est déposée, elle ne
le sera pas avant quelques jours. Au Palais-
Bourbon on a cité le nom de M. Jaurès
comme devant porter cette affaire électorale
à la tribune. Nous croyons, au contraire,
que c'est un député de la Haute-Garonne
qui sera chargé de cette mission M. Cal-
vinhac très probablement.
A TOULOUSE
Proclamation des résultats Vingt-
six é.us, dix ballottages
Majorités douteuses.
TOULOUSE, y novembre. De notre cor-
respondant particulier. On avait an-
noncé, ce matin, la nomination de treize
conseillers municipaux. La Dépêche même
avait publié ce résultat.
Pendant toute la journée, le bureau cen-
tral a vérifié des procès-verbaux et, à quatre
heures,on affirmait qu'un seul candidat était
élu. 11 parait qu'il y avait de nombreuses er-
reurs provenant des bulletins nuls qui de-
vaient entrer en compte pour le calcul de la
majorité.
Les radicaux occupaient la salle, exigeant
que l'on proèlamât les élus d'après les chif- ]
fres trouvés par eux. Le président hésitait.
Enfin, ce soir à dix heures, il a déclaré que
vingt-six candidats-qui tous appartiennent
à la liste du conseil dissous étaient élus.
Parmi eux, plus de quinze n'ont que luit à a
dix voix de majorité. ]
Il y a ballottage pour dix autres. L'ancien
maire Serres n'est pas parmi les élus.
On affirme que plusieurs présidents de
sections refusent de signer le procès-verbal
général.
Aussitôt le résultat proclamé, on a chanté 1
la Carmagnole en demandant à grands t
cris l'iliummation du Capitole. Les manifes-
tants, n'ayant pas obtenu satisfaction, se
sont rendus devant le bureau du Télé- (
gramme pour le conspuer. Ils étaient d'ail- 1
leurs tout au plus une centaine.
Le premier tour de scrutin va être déféré
au conseil de préfecture.
C'ÉTAIT INÉVITABLE
LES COMPÉTENCES DU CONSEIL
GÉNÉRAL DES PONTS
Le pont Alexandre A quand la se»
conde pierre?– Projets évanouis
De l'acier coulé, ques aco ?
A vous, monsieur le
ministre.
L'aurons- nous jamais? On en a, il esf.
vrai, posé la première pierre, très solennel-
lement. en prése ice du tsar et de la tsarine,
mais quand posera-t-on la seconde ? Ques-
tion fort embarrassante à laquelle le moins
pessimiste de nos fonctionnaires' des tra-
vaux publics ne se hasarderait pas de ré-
pondre en ce moment. et pour cause. Ah
si vous eussiez, demandé quelques rensei-
gnements à l'un- d'eux» à ce-sujet, l'an passé,
ils vous en auraient fourni de nombreux.
Alors tout était prêt. Il y avait des plans et
devis arrêtés. On vons eût appris que le
service due la construction des ponts dans
Paris qui, apparenvnent, est ainsi dé-
nomme parce qu'il' a pour mission de cons-,
t mire les ponts, avait proposé de faire un
pont d'une seule arche' en acier coulé de
cent dix mètres de traversée sur quarante
mètres de largeur. Mais, depuis cette épo-
que, il a coulé beaucoup d'eau sous les
ponts existants: la construction de celui de
l'Exposition n'a pas avancé d'un pas. Préci-
sons elle a reculé, s'il est permis de parler
un tel langage. Il y a un an, on pouvait se
mettre à l'œuvre. On possédait un projet
étudié.
A l'heure présenter, il a fondu, on n'en'
connait même plus. Nous le devons à notre
système tant décrié, mais toujours puis-
sant, d'obstruction administrative.
Le projet élaboré, comme nous le disions
plus haut, par le service de la construction
des ponts dans Paris fut soumis, c'est l'u-
sage, au conseil général des ponts et chaus-
sees, cette maison de retraite des vieux in-
génieurs, Le cénacle d'hommes qui furent
autrefois distingués, ignorant les npplica-
tions de l'acier coulé, prit peur. Construira
avec ce meftil un pont de plus de cent mé-
tres d'une seule arche,- y songeait-on? La
stabilité.des culées n'étaitrelle pas compro-
mise ? L'auteur principal du projet, fil. Re-
sal, aurait pu se contenter de sourire et de
hausser les épaules des
plus compétents, il a acquis dans l'art de
construire des ponts. dont on se sert.
comme le pont Mirabeau, récemment livré
à la circulation, une réputation qui, déjà,
Fa désigné comme successeur de son pèro
à l'Académie des sciences. Construire dos
ponts constitue son travail quotidien, son
métier, et. il l'enseigne officiellement aux
ingénieurs de demain.
A la rescousse
C'est lui, en effet; qui occupe la chaire de
professeur du cours de construction des
ponts à l'Ecole des ponts et chaussées.
Donc, M. Piesal aurait pu répondre aux ins-
pecteurs généraux qu> composent le con-
seil des ponts et chaussées A chacun son
métier. Vous travaillez en chambre et vivez
dans et sur le passé. Vous ne connaissez
aucun des progrès de la science industrielle
moderne. Moi, je les suis, je les mets à pro-
fit chaque jour. Laissez-moi faire mon pont
de l'Exposition et soyez tranquilles pour sa
solidité. Vos arrière-petits-enfants s y pro-
mèneront sans danger. Dormez en paix. »
L'éminent ingénieur préféra défendre sé-
rieusement son projet. 11 flt bien, car le mi-
nistère, finalement, en accepta le principe,
l'arche unique, reconnue nécessaire A la na-
vigation et pour le débouché de la rivière.
Mais le conseil des ponts et chaussées no
se tinl pas pour battu. Il désigna l'un de ses
membres, l'honorable M. Maurice Lévy,
pour amender, simplifier le projet. Mathé-
maticien remarquable, M. Maurice Léyy est
absolument étrangler aux questions de cons-
truction. Il n'a jamais su assembler des
tôles et des cornières. Il enfante tous les
quinze jours un projet nouveau. Le cin-
̃ quième projet de M. Lévy date du courant
d'octobre.
Cet éminent représentant du conseil- gé.
néra! des ponts et chaussées, fort aimable
homme, d'ailleurs, a imagine un moyen in-
génieux d'assurer la solidité du pont primi-
tif, c'est de l'étayer. avant sa mise en ser-
vice De construire dessous, la carcasse d'un
autre pont. Si bien que le pontAlexandre-IH
devra être débaptisé et porter à l'avenir le
nom de pont. des Invalides.
Les uns contre les autres.
A la rigueur, on pourrait se passer cette
fantaisie pour faire plaisir à un corps de
l'Etat, qui trouve trop souvent l'occasion
d'affirmer son existence. Mais elle se solde-
rait par une dépense vraiment exagérée:
deux millions et demi, alors que le premier
pont coûterait seul trois millions.On avouera
que deux miltions et demi pour des béquil-
les, c'est trop cher.
Cette opinion, le service de la construction
des ponts dans Paris s'eûorce de la faire
prévaloir. Et pendant que se poursuit cette
lutte entre les techniciens, dont le métier
consiste à fabriquer des ponts, et les sa-
vants qui se préoccupent; sans même con-
naître les applications industrielles nouvel-
les, de prévoir quelle sera la résistance des
matériaux employés, les chantiers du futur
pont, qui devraient être en pleine activité;
sont déserts.
Or, l'heure actuelle, on n'a, que le temps
très juste, à peine suffisant, de conduire le
travail et d'arriver pour l'inauguration de
l'Exposition. Une solution immédiate s'im-
1 pose donc. Il appartient au ministre das tr?
LE SÉNAT RENOUVELÉ
La date des élections Notre infor»
mation confirmée La lutte dans
les départements.
Le décret de convocation des électeurs sé.
natoriaux pour le renouvellement triennal,
du Sénat a été promulgué hier. Il comporte
les dates que nous avions annoncées dès
hier matin, à savoir 29 novembre pour la
nomination des délégués des conseils mu7
nicipaux 3 janvier, pour l'élection des sé-
nateurs.
Dès maintenant, on peut considérer la pé-
riode électorale eomme ouverte. Dans 1&
plupart des départements intéressés, d'ail-
leurs, on n'avait pas attendu la promulga-
tion du décret de convocation pour s'occu-
per du choix des candidats.
Dès maintenant, on constate à ce renoue
vellement, comme à ceux qui l'ont précédé
depuis une dizaine d'années, la propension
de plus en plus marquée des députés à re-
chercher un siège au Sénat, en raison de la
plus grande sécurité qu'offre le mandat séna-
torial, qui est d'une durée de neuf années.
Ainsi, actuellement, on connaît déjà une
dizaine de députés qui vont tenter la lutte
dans leurs départements respectifs, soit
pour des sièges sénatoriaux vacants, soit
même contre des sénateurs sortants qui sa
représentent eux-mêmes.
On cite comme étant dans ce cas
Paris et DÉPARTEMENTS t0 CENTIMES
n ̃
Mardi 10 Novembre 1 89®
RÉDACTION De 6 h. du. soir h. du matin.
25, KDE D'ARfiENTBTIt
DERNIERS TÉLÉGRAMMES DE LA NUIT
ABMHXISTKA.TIOÎV De 10 h. matin à. 6 soir.
35, RUE D'ARGENTEUU,
SEUL JOURNAL FRANÇAIS RECEVANT PAR FILS ET SERVICES SPÉCIAUX LES DERNIÈRES NOUVELLES DU MONDE ENTIER
y>sx reçu il y a peu de jours, à l'occa-
sion du débat de la Chambre sur lâ
question d'Arménie, une lettre du co-
mité anglais qui: a organisé la grande
manifestation de Hyde Park en faveur
des Arméniens. Bien qu'elle contienne
quelques expressions beaucoup trop
bienveillantes pour moi, on me permet-
tra' d'en donner 'ici la traduction litté-
rale, car il me semble qu'elle a un vé-
ritable intérêt général
Cher monsieur,
C'est avec un grand plaisir que' nous
avons lu le compte rendu des débats A la
Chambre française, contenant les discours
prononcés par vous et d'autres députés, et
nous vous faisons savoir que d'autres sym-
pathisent avec les vues que vous exprimez
dans la question arménienne, en reconnais-
sant, comme vous, les responsabilités en-
courues en cette question même par votre
propre grand pays, par la Russie et par la
Grande-Bretagne.
Les travailleurs .de notre pays sont au-
jourd'hui, comme ils l'ont toujours été, très
préoccupés de la cause de la liberté et de
l'humanité, sans. considération de couleur,
de croyance ou de. nationalité. Ils ont, du-
rant ces derniers mois, fait de grands ef-
forts pour prévenir de nouveaux massacres
et l'extermination du peuple arménien par
le sultan de Turquie. Nous croyons et es-
pérons que vous et vos amis en France
représentez uuelarge part du sentiment du
peuple français et nous avons lu avec une
grande joie votre plaidoyer pour la justice,
et nous vous disons à notre tour « que les
classes travailleuses de tous les pays doi-
vent prendre en mains la cause armé-
nienno ».
C'est de tout cœur que nous nous asso-
cions à vos paroles sur Je devoir des hom-
mes libres d'Europe envers ceux qu'op-
prime le gouvernement turc. C'est sans
réserve aussi que nous souscrivons à votre
déclaration contre le fait de sacrifier des
existences humaines à la jalousie et à la
convoitise territoriale des nations.
En vous adressant, cette lettre, nous par-
Ions comme représentants responsables du
comité qui'a organisé la démonstration de
Hyde Park, à Londres, le 11 octobre, comité
qui représente toutes les classes de travail-
leurs, les rradc-Unionnistes, les sociétés de
tempérance et des sociétés religieuses de
toute confession. Nous nous risquons à ex-
primer l'opinion qu'un grand nombre de
nos compatriotes sont absolument préparés
à soutenu· tout gouvernement, libéral ou
conservateur, qui pourra oilrir des garan-
ties contre tout agrandissement aux dépens
des autres nations, et proposer un tel ajus-
tement des relations internationales que
toute chance de guerre soit écartée, sauf
dans lu cas où la liberté doit se défendre
coutre l'op pression.
Permettez-nous de vous exprimer notre
proiond respect et notre admiration pour
votre pays, et l'espérance que la paix et J'a-
mitie présente ne seront jamais troublées
par des malentendus entre deux, peuples
qu'uu mutuel intérêt et un respect récipro-
que doivent lier à jamais d'uu lien de fra-
et de sympathie pour l'humanité
A vous fraternellement,
ment;'James Rowlands, tré-
sorier Dkw, secrétaire.
Je ne veux point exagérer l'importance
ât l'efficacité de cet échange de sympa-
thie et d'amitié entre une large part du
prolétariat anglais et les représentants
du socialisme français. Je sais très bien
que le monde est livré encore à d'autres
forets; niais il n'est pas inutile de faire
colin à notre peuple les sentiments
de profonde et sincère amitié qu'ont pour
lui les travailleurs anglais. Il y a dans la
lettre que je viens de transcrire un ac-
cent qui ne trompe pas. Il n'est pas inu-
tile non plus de montrer aux diplomates
de profession, très attardés en de routi-
nières habiletés et en de stériles secrets,
--qu'il y a en ce moment-ci, dans le
monde, bien des forces morales disponi-
bles qu'une large politique humaine
pourrait utiliser pour une œuvre supé-
rieure de paix, de concorde et de civili-
sation. A coup sûr, le prolétariat n'est
pas encore assez puissamment organisé
pour exercer une action décisive dans la
conduite générale des affaires du monde
il n'a pas le pouvoir et il ne peut agir
qu'indirectement, en pesant sur ceux qui
ont le pouvoir. Mais il semble, à plus
d'un- indice, qu'il n'entend pas abandon-
ner aux calculs étroits des diplomaties
officielles ou aux combinaisons coupa-
bles des égoïsmes nationaux le gouver-
nement de l'humanité.
Je sais bien qu'on r.ous annonce, dé-
puis quelques jours, les merveilleui ef-
fets de la diplomatie gouvernementale.
Il parait, à en croore les journaux amis
de M. Hanotaux, que le sultan, effrayé
ou émn de son discours, a immédiate-
ment promis les réformes demandées.
Quel ministre! disent les officieux; il a
suffi d'un discours de luipourdénouer la
crise arménienne. Que ces amis zélés y
prennent garde en le louant, ils l'acca-
blent; car s'il a suffi de quelques paro-
ies de M. Hanotaux pour amener le sul-
(an il une vue plus nette de son intérêt et
à des sentiments plus humains, que ne
parlait-il plus lot"/ Que n'agissait-il plus
tôt? Et pourquoi, par lui, la France
muette t-t-elle assisté d'abominables
massacres, qu'une parole ministérielle
aurait prévenus? M. Hanotaux s'est mis
dans une situation terrible, car il ne
peut échouer sans se perdre et réussir
sans se condamner.
Qu'on y prenne garde aussi, les pro-
messes du sultan ne sont point nouvel-
les elles ont été depuis trois ans l'ac-
compagnement périodique et le philan-
thropique refrain des plus horribles
tueries. Et puisque M. Hanotaux nous a
fait espérer pour l'Arménie la même so-
lution que pour la Crèlc, nous avons le
droit de nous émouvoir doublement des
dernières nouvelles crétoise: le man-
que de parole du sultan ranime tous les
conflits dans nie; et les consuls éplorés
télégraphient à toutes les chancelleries
pour demander l'exécution des réformes
solennellement promises et impudem-
ment éludées.
Il est donc infiniment probable que
l'Europe, si elle ne veut pas être com-
plice d'un crime prolongé contre l'huma-
nité, devra se résoudre à une action plus
décisive, et de cette action pourraient
sortir tous les conflits, tous les périls, si
le prolétariat européen n'en éliminait
pas; par un ferme propos, toute arrière-
pensée de 'convoitise nationale, tout en-
traînement de passion chauvine. Il y
aura là, si je puis dire, une noble, mais
redoutable épreuve pour le prolétariat
international; il peut, s'il le veut, en
sortir singulièrement grandi.
Mais ce n'est point par de simples dis-
positions d'âmes conciliantes mais va-
gues qu'il pourra suffire à sa tâche,
maintenir la paix et la cordialité entre
les nations. Il faut qu'il sache examiner
de près et avec précision les problèmes,
j'ose le dire Les socialistes parfois ne
se sont pas bornés à des déclarations
générales. Ils ont courageusement pré-
cisé les responsabilités de la France, ils.
ont signalé .la triste: dépendance de no-
tre politique -à l'égard de la politique
russe, au risque de blesser le chauvi-
nisme aveugle d'une grande partie de
notre nation. Nous croyons fermement
que nos 'amis anglais reconnaissent avec
la même précision les responsabilités de
l'Angleterre. Dans le discours auquel
ils envoient leur adhésion, nous avons
dit que la philanthropie de l'Angleterre
en Arménie était rendue suspecte par sa
politique étroitement égoïste en Egypte.
Si le prolétariat anglais affrontant en ce
point le chauvinisme anglais comme
nous affrontons nous-mêmes en d'autres
points. au moins aussi vifs le chauvi-
nisme français, préparait l'Angleterre à
une équitable solution de la question
égyptienne, l'accord si désirable des
deux grandes nations occidentales serait
aisé.
Nous comprenons très bien qu'il faut
tenir compte en cette question des sus-
ceptibilités, des grands intérêts de l'An-
gleterre et aussi des droits que son ac-
tion même et sa décision. lui ont acquis,
et le mot brutal d'évacuation répond mal
aia complexité du problème, car c'est le
lendemain qu'il faut régler.. Mais ce qui
importe, c'est que, dès maintenant, par
des actes précis, par des arrangements à
portée plus ou moins lointaine, mais
dont les 'premiers effets seront immé-
diats, l'Angleterre reconnaisse le carac-
tère international de l'Egypte. Elle le
peut sans sacrifier un seul de ses inté-
rêts essentiels, une parcelle de sa fierté
et de sa force. Quel honneur pour le pro-
létariat anglais et-lé prolétariat français
s'ils délibéraient entre eux, efficacement,
sur les conditions possibles d'un arran-
gement, et s'ils pouvaient proposer. aux
deux pays et à l'Europe tout entière des
solutions'positives, amicales et justes I
Jean Jaurès.
L'ALBUM DU «( MATIN»
LES SOUVERAINS RUSSES EN FRANCE
(Cherbourg Paris-Châlôns)
En présence de la quantité énorme de de-
mandes qui nous arrivent de toutes parts,
nous avons pris des mesures nouvelles afin
que le tirage de l'Album du Matin fût ac-
tivement poussé. Avant peu, les premiers
souscripteurs seront servis, et, naturelle-
ment, les autres envois suivront rapidement,
Le Voyage des Souverains russes en
France renferme, reproduits par la photo-
collographie, plus de cinquante instantanés,
absolument inédits, et qui forment autant
de gravures d'une valeur inestimable. Les
titres seuls de ces illustrations en montrent
l'intérêt. En voici quelques-uns L'Escadre
allant au-devant de l' « Etoile-Polaire
l'Escadre hisse le pavillon russe en tète
de mât; l'Escadre salue l' « Etoile-l'o-
Iccire de cent un coups de canon; Cher-
bourg, la 1'ade, la revue navale; Sur le
« Hoche », visite du lsar, de la tsarine et
du président de la République le Train
imv'érial en rouie pour Paris la Gare
du'Ranelagh; tes Chasseurs d? Afrique
les S2)aliis; le Landau impérial place de
tct Concorde; la Ilue Saint-Simon; le
Boulevard Saint-Germain au passage
du cortège; l'Hôtel de Ville là Rue de
la Paix; 't'Opéra; l'Inauguration du
pont Alexandre III; le Cortège enroule
pour Versailles, l'arrivée du cortège au
château; la Revue de Çhâlons; la Tri-
bune officielle le Défilé des troupes;
etc., etc.
Toutes ces illustrations et celles que nous
ne nommons pas, car la liste en serait trop
longue, accompagnent le texte, l'agrémen-
tent et le complètent de la façon la plus heu-
reuse.
Le Voyage des Souverains russes en
France, par MM. Paul Belon et Paul Gers,
est une publication hors ligne, capable de
satisfaire les plus exigeants.
Tiré sur beau papier de format in-quarto
à grande marge, il compte environ quatre-
vingts pages protégées par un cartonnage
élégant façon euir bieu-eiel, avec la répéü-
lion du faux-titre en lettres dorées. On voit
que la maison Berlhaud frères, qui l'a édité,
n'a reculé devant aucun gacrifice pour en
faire une véritable œuvre d'art.
Le miracle, c'était de mettre ce superbe
album à la portée de toutes les bourses.
Nous l'avons accompli, puisque tous nos
lecteurs pourront se le procurer dans nos
bureaux au prix de 3 fer. 50, le prix réel
étant de 5 francs. On peut souscrire dès à
présent en envoyant un mandat à M. l'Ad-
ministrateur du Malin.
[Pour Paris à domicile, les départements
et l'étranger, le Port en sus, soit 50 "cen-
times.]
L'INTERPELLATION DREYFUS
A la demande de M. Castelin, signataire
de l'interpellation « sur les incklenls relatifs
à l'affaire Dreyfus », la Cuainbn.' a lixé iii-T
la date de sa discussion au !n>jr.ili iH no-
vembre.
LA PREUVE
FAC-SIMILE DU BORDEREAU
ÉCRIT PAR DREYFUS
Il faut en unir Le bordereau et la
lettre dictée Comparaison des
signés Comment la lumière
a été faite Pas de
doute possible:
Comme un boulet, le boulet de la trahi-
son, la patrie traîne l'affaire Dreyfus. Alors
que, dans l'opinion, il n'y a. qu'un cri pour
proclamer la félonie d'un of0cier,.on essaie,
dans sa famille, de jeter le doute sur la cul-
pabilité de l'accusé du conseil de guerre, à
l'unanimité condamné.
A l'aide de manœuvres" savantes et téné-
breuses, en donnant des allures de réquisi-
toires à d'habiles plaidoyers, en faisant ap-
pel aux sentiments.de justice et de généro-
sité qui hantent tous les cœurs dans notre
pays, on s'attèle à cette œuvre surhûmaine
la révision du procès dû traître Dreyfus.
Sous le prétexte fallacieux que contre lui on
aurait restauré nous ne savons quelles, pra-
tiques inquisitorialés, on voudrait le faire
revenir en France .pour y. comparaître de-
vant de nouveaux juges. ̃̃
Comédie; tout cela. Dreyfus est-bien cou-
pable du plus grand de tous les crimes. Et
afiri de ne pas laisser à la pitié le temps ni
la possibilité de naître, il, faut produire la
preuve matérielle et. irrécusable du forfait.
Sur quoi est basée l'accusation ? Com-
ment est justifié le châtiment infligé à l'ex-
capitaine Dreyfus? C'est ce que le Matin
est à même de dire. Pour mener à bien cette
oeuvre de salubrité patriotique, nous pu-
blions le fac-v'milé du fameux « borde-
reau » écrit de la -nain môme de Dreyfus.
Pour quiconque a pu comparer récriture
avouée de Dreyfus et le document que non s
reproduisons, c'est bien la même main qui
a tracé ces lignes.
L'expérience.
En même temps que le « bordereau
puisqu'on donne ce nom à cette ièce, nous
avons eu sous les yeux la lettre d expérience
dictée au capitaine Dreyfus, au ministère de
la guerre, quelques minutes avant son ar-
restation. Voici le texte de ce documént
MINISTÈRE RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
DE LA.
GUERRE
Paris, 18 octobre 1894
« Ayant le plus grave intérêt, monsieur,
à rentrer momentanément en possession des
documents que je vous ai fait passer avant
mon départ aux manœuvres, je vous prie
de me les faire adresser d'urgence par le
porteur de la présente qui est une personne
sûre.
Je vous rappelle qu'il s'agit de une
note sur le frein hydraulique du canon de
et sur la manière dont il s'est comporté
aux manoeuvres 20 une note sur les trou-
pes de couverture; une note sur Mada-
gascar. »
On voit que cette lettre ne reproduit pas
exactement le document incriminé. Au mi-
nistère de la guerre, avant d'arrêter Drey-
fus, déjà soupçonné, on tenait à comparer
t.on écriture et celle de la lettre établissant
la trahison. On prépara un texte reprodui-
sant, dans un ordre différent, les mots ca-
ractéristiques du document et l'énuméra-
tion intervertie des pièces et documents li-
vrés à l'ennemi.
Tout d'abord, Dreyfus ne comprit pas.
Mais quand on vint à l'énumération qui lui
rappelait clairement son envoi à une ambas-
sade étrungèr-e, il se luit à trembler et fut
dans, l'impossibilité d'écrire. An mot Mada-
gascar, la lettre a été dramatiquement in-
terrompue. Dreyfus venait de comprendre
qu'on avait découvert sa félonie, qu il était
perdu et, brutalement, il jeta la plumé.
Identité parfaite.
Dans la physionomie générale comme
dans l'allure particulière de ces deux let-
tres et des autres documents dits de com-
paraison, il y a identité parfaite d'écri-
ture.
Certes, il y a dissimulation dans le borde-
reau mais le naturel reprend, malgré tou-
tes les précautions, le dessus. Habituée à
manier fréquemment la plume, la main n'o-
béit qu'imparfaitement au cerveau. Et ce-
pendant Dreyfus s'était entraîné de long-
temps à varier, non pas le caractère de son
écriture, mais les lettres. Il a des formés
nombreuses pour beaucoup de lettres tes
D, les V, les P majuscules; par exemple.
Mais on retrouve, dans le document même,
ces diverses variétés, comme dans les D
de la deuxième ligne.
Veut-on une précaution prise ?.Habituel-
lement, dans les mots où deux s se suivent,
Dreyfus fait un grand s d'abord; un petit
ensuite. Regardez les mots adresse, inlé-
ressants, intéresse, fasse, vous verrez tue
le grand 5 est mis le dernier.
Cette double identité de .physionomie et
d'allure, cependant très frappante, ne suffi-
sait pas encore pour établir d'une façon suf-
fisamment solide et palpable la culpabilité
de Dreyfus. C'est alors qu'on a commis qua-
tre experts en écritures MM.Charavay,
Gûbert, Pelletier et Teyssonnières; Mt Ber-
tiîion, directeur du service anthropométri-
que, est venu par surcroît.
C'est alors que les experts ont recherché
les « tics » particuliers aux écrivains, qui se
trouvent en quelque sorte dans la mam, et
que celle-ci exécute régulièrement et ma-
chinalement, sans intervention du cerveau;
c'est mécanique et aussi mathématique.
C'est ce qui permet à chacun de nous de re-
connaître au premier coup d'œil l'écriture
familière d'un parent ou d'un ami; c'est ce
qui lui donne sa personnalité.
Eh bien ces tics spéciaux à Dreyfus exis-
tent dans le document que nous reprodui-
sons. Nous allons en faire connaître quel-
ques-uns
La main qui trahit.
Voici, à la vingt et unième ligne de la
lettre, le mot orftciér. Considérez les quatre
dernières lettres ciel', Dreyfus met le
point sur le premier i et, sans lever la
plume, trace le c qui sui t l'i. Ce c est donc
transformé, comme on peut le voir, en r.
Dans un document retrouvé aux archives
du ministère de la guerre et que Dreyfus
reconnaît avoir écrit de sa main, on a relevé
le mot officier. Calquée sur gélatine, la der-
nière syllabe s'applique rigoureusement,
y compris le tic, sur la dernière syllabe du
même mot dans le document dont nous re-
produisons le fac-similé.
On a fait le même travail pour les lettres
finales uvres-des mots manœuvres;
pour les chiffres 2, de 120 et de 20. On a
trouvé, toujours au ministère de la guerre,
des mots ainsi stéréotypés sur ceux de la
lettre preuve du crime.
A la vingt-huitième ligne, considérez l'ex-
pression in-extenso. Un calque a été versé
au procès s'appliquant rigoureusement sur
ces lettres in-exte: Le même intervalle est
observé entre in et ex. D'ailleurs, cela a été
con taté dans l'écriture avouée de Dreyfus
et dans le document, quand il y ade légères
divergences dans la concordance du calque
des lettres séparées! les mêmes mots occu-
pent le même espace et sont lancés dumôine
coup de plume.
Quiconque a pu comparer le document
avec les vingt-neuf autres pièces du dossier
affirme en son âme et conscience que c'est
la même main qui a tracé et la lettre preuve
de la trahison et les pièces que Dreyfus re-
connaît avoir écrites.
Ainsi, la culpabilité de Dreyfus éclate in-
discutablement. A moins d'être aveugle, on
ne pent nier quc Dreyfus soit fauteur du do-
cument que nous reproduisons.
C'est ce document, et ce document seul,
que connaissait la défense, et dont la famille
a livré le texte exact, faisant ainsi connaître
l'importance et l'éténdue du crime; c'est ce
document, disons-nous, qui motivé la con-
damnation de Dreyfus à l'unanimité par le
conseil de guerre.
Et maintenant le doute est-il encore possi:
ble? Va-t-on essayer de vaines tentatives
pour. arrêter l'œuvre juste de l'expiation?
Oublions-le!
Un mot encore. M. Bertillon a établi un
calque du mot adresse contenu, dans le do?
cument. Il s'applique d'une- façon, saisis-
saute sur.la signature de A. Dreyfus, prise
sur une lettre privée. L'identité des deux
boucles inférieures du d' -minuscule d'a-
dresse et du D majuscule de Dreyfus.
Au Cherche-Midi, on a fait éoriré le pré-
venu. Il a rempli des pages entières avec
ces mots ,Te vais puis Je vais partir,
et enfin: Je vais partir aux manœuvres.
Il a tracé des dictées, copié des pages de
stratégie ou de description de forteresse:
Dans tout cela, on sent la retenue et la dis-
simulation. L'écriture manque de franchise.
Elle est incontestablement déguisée. Ne di-
rions-nous pas qu'on y voit un nouveau té-
moignage et comme un aveu de la culpabi-
bilite de Dreyfus si nous ne craignions d'af-
faiblir les preuves irréfutables .et saisis-
santes apportées par la dissection de l'écri-
ture ?
En résumé, Dreyfus est coupable. Le bor-
dereau existe, la preuve le voici reproduit.
il est établi sur papier pelure, quadnilédans
le filigrane il avait été déchire en quatre;
un morceau manque dans un coin, sur le-
quel rien n'était vraisemblablement écrit.
Ce document, il est bien de la main de
Dreyfus, tout le prouve l'allure et la phy-
sionomie de l'écriture la reproduction des
tics de l'écrivain; la stéréotypie non seule-
ment des lettres, mais aussi d'un grand
nombre de mots.
Et maintenant, que Dreyfus, le traître,
écoule sa misérable existence dans son en-
banon de Vile du Diable!
Chez M. Bertillon.
Nous avons rencontré hier "M, Bertillon.:
Le chef du service anthropométrique, obser-
vateur scrupuleux du secret professionnel,
s'est refusé à toute interview. Néanmoins
comme nous insistons pour obtenir quel-
ques explications au sujet des accusations
portées contre lui par M. Bernard Lazare,
Al. Bertillon nous dit avec vivacité
Je ne veux et ne puis répondre, et ce-
pendant il me serait facile de relever les
contradictions qui fourmillent dans les pages
qui me concernent. Par exemple, l'auteur de
la brochure dit, tout d'abord, que le c;om-
) mandant Brisset, qui reniplissait-les fonc-
lions de commissaire du gouvernement,
s'est servi de mon rapport pour l'accusation,
et plus loin il déclare que ma déposition fut
incompréhensible pour tous, de l'avis même
du commandant Brisset. Or, ma déposition
fut la reproduction de mon rapport.
» Quant il l'affirmation que me prête M.
Bernard Lazare d'avoir trouvé dans le bor-
dereau, à l'aide'de procédés qui me sont
spéciaux, la somme touchée parlc capitaine
Dreyfus pour sa trahison, cinq cent mille
francs, c'est une simple fumisterie.
» Cela n'est plus argumenter, c'est vouloir
ridiculiser. »
Ajoutons que M. Bertillon n'a pas regu la
brochure où il est incriminé, alors qu'elle
a été envoyée, sous pli recommandé, à tou s
les chefs de service de la préfecture de
police.
L'ELECTION DES CAPITOULS
Déjà une interpellation La déléga-
tion municipale sur la sellette
Des faits, pas de preuves.
Les résultats des élections municipales de
Toulouse étaient à peine connus, que déjà
on annonçait, dans les couloirs de la Cham-
bre, qu'une interpellation allait être 'déposée
sur le bureau.
Que s'est-il donc passéde si extraordinaire
à Toulouse ? Il parait ce sont les députés
de la Haute-Garonne qui le racontent que
la délégation municipale nommée par le
gouvernement pour présider à ces élections
est sortie de son rôle. On l'accuse d'avoir eu
des complaisances potir une liste socialiste
qui n'était présentée que pour faire échec à
la liste de protestation, cest-à-dire à celle
qui comprenait les membres de la municipa-
lité dissoute. On disait encore que des let-
trés très compromettantes existaient, et
qu'elles ne tarderaient pas à être entre les
mains du futur interpellateur.
A la vérité, les renseignements reçus par
les députés de la Haute-Garonne n'ont pas
ce caractère de précision, au moins quant à
présent. Ils savent seulement que le prési-
dent de la délégation municipale, M. Com-
moul, vice-président du tribunal civil, a été
très vivement attaqué par l'organe des radi-
caux socialistes la Depéclte, mais, d'àprès
nos renseignements, ils n'auraient pas entre
les mains les preuves des faits qu'ils repro-
chent à la délegation.
Si une interpellation est déposée, elle ne
le sera pas avant quelques jours. Au Palais-
Bourbon on a cité le nom de M. Jaurès
comme devant porter cette affaire électorale
à la tribune. Nous croyons, au contraire,
que c'est un député de la Haute-Garonne
qui sera chargé de cette mission M. Cal-
vinhac très probablement.
A TOULOUSE
Proclamation des résultats Vingt-
six é.us, dix ballottages
Majorités douteuses.
TOULOUSE, y novembre. De notre cor-
respondant particulier. On avait an-
noncé, ce matin, la nomination de treize
conseillers municipaux. La Dépêche même
avait publié ce résultat.
Pendant toute la journée, le bureau cen-
tral a vérifié des procès-verbaux et, à quatre
heures,on affirmait qu'un seul candidat était
élu. 11 parait qu'il y avait de nombreuses er-
reurs provenant des bulletins nuls qui de-
vaient entrer en compte pour le calcul de la
majorité.
Les radicaux occupaient la salle, exigeant
que l'on proèlamât les élus d'après les chif- ]
fres trouvés par eux. Le président hésitait.
Enfin, ce soir à dix heures, il a déclaré que
vingt-six candidats-qui tous appartiennent
à la liste du conseil dissous étaient élus.
Parmi eux, plus de quinze n'ont que luit à a
dix voix de majorité. ]
Il y a ballottage pour dix autres. L'ancien
maire Serres n'est pas parmi les élus.
On affirme que plusieurs présidents de
sections refusent de signer le procès-verbal
général.
Aussitôt le résultat proclamé, on a chanté 1
la Carmagnole en demandant à grands t
cris l'iliummation du Capitole. Les manifes-
tants, n'ayant pas obtenu satisfaction, se
sont rendus devant le bureau du Télé- (
gramme pour le conspuer. Ils étaient d'ail- 1
leurs tout au plus une centaine.
Le premier tour de scrutin va être déféré
au conseil de préfecture.
C'ÉTAIT INÉVITABLE
LES COMPÉTENCES DU CONSEIL
GÉNÉRAL DES PONTS
Le pont Alexandre A quand la se»
conde pierre?– Projets évanouis
De l'acier coulé, ques aco ?
A vous, monsieur le
ministre.
L'aurons- nous jamais? On en a, il esf.
vrai, posé la première pierre, très solennel-
lement. en prése ice du tsar et de la tsarine,
mais quand posera-t-on la seconde ? Ques-
tion fort embarrassante à laquelle le moins
pessimiste de nos fonctionnaires' des tra-
vaux publics ne se hasarderait pas de ré-
pondre en ce moment. et pour cause. Ah
si vous eussiez, demandé quelques rensei-
gnements à l'un- d'eux» à ce-sujet, l'an passé,
ils vous en auraient fourni de nombreux.
Alors tout était prêt. Il y avait des plans et
devis arrêtés. On vons eût appris que le
service due la construction des ponts dans
Paris qui, apparenvnent, est ainsi dé-
nomme parce qu'il' a pour mission de cons-,
t mire les ponts, avait proposé de faire un
pont d'une seule arche' en acier coulé de
cent dix mètres de traversée sur quarante
mètres de largeur. Mais, depuis cette épo-
que, il a coulé beaucoup d'eau sous les
ponts existants: la construction de celui de
l'Exposition n'a pas avancé d'un pas. Préci-
sons elle a reculé, s'il est permis de parler
un tel langage. Il y a un an, on pouvait se
mettre à l'œuvre. On possédait un projet
étudié.
A l'heure présenter, il a fondu, on n'en'
connait même plus. Nous le devons à notre
système tant décrié, mais toujours puis-
sant, d'obstruction administrative.
Le projet élaboré, comme nous le disions
plus haut, par le service de la construction
des ponts dans Paris fut soumis, c'est l'u-
sage, au conseil général des ponts et chaus-
sees, cette maison de retraite des vieux in-
génieurs, Le cénacle d'hommes qui furent
autrefois distingués, ignorant les npplica-
tions de l'acier coulé, prit peur. Construira
avec ce meftil un pont de plus de cent mé-
tres d'une seule arche,- y songeait-on? La
stabilité.des culées n'étaitrelle pas compro-
mise ? L'auteur principal du projet, fil. Re-
sal, aurait pu se contenter de sourire et de
hausser les épaules des
plus compétents, il a acquis dans l'art de
construire des ponts. dont on se sert.
comme le pont Mirabeau, récemment livré
à la circulation, une réputation qui, déjà,
Fa désigné comme successeur de son pèro
à l'Académie des sciences. Construire dos
ponts constitue son travail quotidien, son
métier, et. il l'enseigne officiellement aux
ingénieurs de demain.
A la rescousse
C'est lui, en effet; qui occupe la chaire de
professeur du cours de construction des
ponts à l'Ecole des ponts et chaussées.
Donc, M. Piesal aurait pu répondre aux ins-
pecteurs généraux qu> composent le con-
seil des ponts et chaussées A chacun son
métier. Vous travaillez en chambre et vivez
dans et sur le passé. Vous ne connaissez
aucun des progrès de la science industrielle
moderne. Moi, je les suis, je les mets à pro-
fit chaque jour. Laissez-moi faire mon pont
de l'Exposition et soyez tranquilles pour sa
solidité. Vos arrière-petits-enfants s y pro-
mèneront sans danger. Dormez en paix. »
L'éminent ingénieur préféra défendre sé-
rieusement son projet. 11 flt bien, car le mi-
nistère, finalement, en accepta le principe,
l'arche unique, reconnue nécessaire A la na-
vigation et pour le débouché de la rivière.
Mais le conseil des ponts et chaussées no
se tinl pas pour battu. Il désigna l'un de ses
membres, l'honorable M. Maurice Lévy,
pour amender, simplifier le projet. Mathé-
maticien remarquable, M. Maurice Léyy est
absolument étrangler aux questions de cons-
truction. Il n'a jamais su assembler des
tôles et des cornières. Il enfante tous les
quinze jours un projet nouveau. Le cin-
̃ quième projet de M. Lévy date du courant
d'octobre.
Cet éminent représentant du conseil- gé.
néra! des ponts et chaussées, fort aimable
homme, d'ailleurs, a imagine un moyen in-
génieux d'assurer la solidité du pont primi-
tif, c'est de l'étayer. avant sa mise en ser-
vice De construire dessous, la carcasse d'un
autre pont. Si bien que le pontAlexandre-IH
devra être débaptisé et porter à l'avenir le
nom de pont. des Invalides.
Les uns contre les autres.
A la rigueur, on pourrait se passer cette
fantaisie pour faire plaisir à un corps de
l'Etat, qui trouve trop souvent l'occasion
d'affirmer son existence. Mais elle se solde-
rait par une dépense vraiment exagérée:
deux millions et demi, alors que le premier
pont coûterait seul trois millions.On avouera
que deux miltions et demi pour des béquil-
les, c'est trop cher.
Cette opinion, le service de la construction
des ponts dans Paris s'eûorce de la faire
prévaloir. Et pendant que se poursuit cette
lutte entre les techniciens, dont le métier
consiste à fabriquer des ponts, et les sa-
vants qui se préoccupent; sans même con-
naître les applications industrielles nouvel-
les, de prévoir quelle sera la résistance des
matériaux employés, les chantiers du futur
pont, qui devraient être en pleine activité;
sont déserts.
Or, l'heure actuelle, on n'a, que le temps
très juste, à peine suffisant, de conduire le
travail et d'arriver pour l'inauguration de
l'Exposition. Une solution immédiate s'im-
1 pose donc. Il appartient au ministre das tr?
LE SÉNAT RENOUVELÉ
La date des élections Notre infor»
mation confirmée La lutte dans
les départements.
Le décret de convocation des électeurs sé.
natoriaux pour le renouvellement triennal,
du Sénat a été promulgué hier. Il comporte
les dates que nous avions annoncées dès
hier matin, à savoir 29 novembre pour la
nomination des délégués des conseils mu7
nicipaux 3 janvier, pour l'élection des sé-
nateurs.
Dès maintenant, on peut considérer la pé-
riode électorale eomme ouverte. Dans 1&
plupart des départements intéressés, d'ail-
leurs, on n'avait pas attendu la promulga-
tion du décret de convocation pour s'occu-
per du choix des candidats.
Dès maintenant, on constate à ce renoue
vellement, comme à ceux qui l'ont précédé
depuis une dizaine d'années, la propension
de plus en plus marquée des députés à re-
chercher un siège au Sénat, en raison de la
plus grande sécurité qu'offre le mandat séna-
torial, qui est d'une durée de neuf années.
Ainsi, actuellement, on connaît déjà une
dizaine de députés qui vont tenter la lutte
dans leurs départements respectifs, soit
pour des sièges sénatoriaux vacants, soit
même contre des sénateurs sortants qui sa
représentent eux-mêmes.
On cite comme étant dans ce cas
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