Titre : La Rue : Paris pittoresque et populaire / rédacteur en chef Jules Vallès ; directeur Daniel Lévy
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1867-08-31
Contributeur : Vallès, Jules (1832-1885). Directeur de publication
Contributeur : Lévy, Daniel. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32863356f
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 258 Nombre total de vues : 258
Description : 31 août 1867 31 août 1867
Description : 1867/08/31 (A1,N14). 1867/08/31 (A1,N14).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5458166x
Source : Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres rares, RES FOL-LC2-3093
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 03/12/2008
LA RUE
visite à ces terribles carnassiers. Que nos moeurs sont douces à
côté des leurs ! Jamais nous ne nous mangeons entre nous.
Et s'adressant à la Hyène :
— Allons, vile, détalons, continua-l-il. Ne faisons plus les
braves. Pour moi, je l'avoue, j'ai les os gelés d'épouvante. II
nous faut quitter lestement ce pays barbare.
Alors, ils s'enfuirent honteusement et peureusement. Leur
course devint de plus en plus furieuse et emportée, car l'effroi
les battait aux flancs et les souvenirs terrifiants de la journée
étaient comme autant d'aiguillons qui précipitaient leurs bonds.
Ils arrivèrent ainsi au Jardin des Plantes, hors d'ha'eine,
regardant avec terreur derrière eux. Alors ils respirèrent à l'aise,
ils coururent se blottir dans une cage vide dont ils fermèrent
vigoureusement la porte. Là, ils se félicitèrent avec effusion de
leur, retour.
— Ah ! bien, dit le Lion, on ne me reprendra pas à sortir de
ma cage pour aller me promener dans celle des hommes. 11 n'y
a de paix et de bonheur possibles qu'au fond de cette cellule
douce et civilisée.
VII
Et, comme la Hyène tâtait les barreaux de la cage les uns
après les autres :
— Que regardez-vous donc ? demanda le Lion.
— Je regarde, répondit la Hyène, si ces barreaux sont solides
et s'ils nous défendent suffisamment contre la férocité des hom-
mes.
KM ILE ZOLA.
Nous rappelons que hacun des rédacteurs de la Hue —
M. Edouard Dangin comrn? M. F. Enne — est seul responsable
de ce qu'il signe.
A. DE STAMIK.
LE ZOUAVE DE LA RUE DE LA ROQUETTE
Au numéro 80 de la rue de la Roquette est une sorle de cité,
dont la cour, — pittoresque, inégalement pavée — est bordée de
chaque côté par de vastes hangars et par des maisons ouvrières.
Dans les hangars, — où l'on a établi des ateliers, — diverses
industries fonctionnent; —j'ai vu là des menuisiers, des,forge-
rons, des fabricants d'eau de seltz...
Les maisons, — quoique lourdement bâties et disgracieuses
comme des casernes, — exercent sur le visiteur le charme jeune
et gai des logis populaires; sur toutes les fenêtres chacun a
planté son petit jardin, et c'est à travers les feuilles et les fleurs
qui les cachent à demi et leur donnent un air mystérieux, que le
passant enchanté distingue des tètes de bambins et de jeunes
femmes qui se penchent curieusement .
Dans la cour, quelques voitures, amenant des malades : boiteux,
paralytiques, sourds, aveugles, muets... autour des voitures et
dans toute la cour, du reste, une foule innombrable, émue, in-
quiète... qui se pousse, se presse et pérore...
Les gens bien portants sont peu nombreux ; ce que l'on voit
le plus, ce sont des visages pâles et amaigris par la souffrance,
mais dont l'espoir aujourd'hui rallume la paupière éteinte ; ce que
l'on entend le plus, c'est le bruit des béquilles sonnant sur le
pavé...
Par moments, cette foule s'entr'ouvre pour laisser passer un
vieillard impotent qu'on apporte sur une chaise...
Tous ces malades, les uns portés à bras, les autres appuyés
sur leurs béquilles, franchissent le seuil d'une grande porte qui
se referme sur eux ..
Ils sortent un quart d'heure après, et... le paralytique marche,
le muet parle, le sourd entend, le boiteux va droit...
Car c'est un simple soldat que cet homme : il est trombone
dans un régiment de zouaves caserne à Versailles : il guérit le
matin à Versailles, le soir il guérit à Paris.
11 ne veut rien accepter : — ni argent, ni présent, — pas même
des remerciements, llsoulage ses semblables et se juge suffisam-
ment récompensé par le résultat obtenu. Dieu lui a accordé un
don, il dit que ce que l'on a reçu de Dieu appartient à lui seul,
et que c'est le rendre à Dieu que de le distribuera tous...
Aceux qui viennent frappera sa porte,il fait donner des numé-
ros, et nul ne passe avant son tour; c'est ici le séjour de la jus-
tice et personne ne saurait, même à prix d'or, obtenir un passe-
droit.
On ne laisse entrer, sans numéros, que les malades pauvres
qui ont été forcés de venir en fiacre et auxquels il est humain
d'épargner des frais de voiture.
Dieu, — pour humilier l'homme sans doute, et abaisser son
orgueil en soulageant ses plaies, — lance parfois ainsi à travers
les siècles des hommes qu'il doue spécialement, et qui, triple-
ment forts de leur volonté, du don qu'ils ont reçu et de la con-
science qu'ils ontd'être venus de par Dieu et d'agir au nom de
Dieu, frappent le monde d'étonnement en le forçant à accepter
l'existence matérielle, réelle, d'une puissance incompréhensible,
mystérieuse, dont la force bienfaisante a éclaté tout à coup,
aveuglant ceux qui ne croient pas.
Parlons maintenant du guérisseur :
Jacob est un homme de haute taille, puissant et bien propor-
tionné ; le torse est vigoureux et solidement planté surles reins,
l'encolure est large et bien prise.
Tout dans sa nature respire la vitalité et l'énergie et rappelle
le type de l'homme primitif; on comprend à le voir qu'il a usé
de tous les bienfaits de la vie, mais qu'il n'a jamais abusé d'aucun
d'eux : il est d'une sobriété bien entendue.
La tête est forte, le visage et le front larges ; le masque aU'ecto
légèrement la forme oblongue et le menton se termine un peu
en pointe.
Les cheveux et la barbe, — qu'il porte ras, — sont blonds,
la moustache est prononcée et se dessine virilement. Le teint est
uniformément bronzé; il n'a pas une tache, pas une variétédans
sa nuance.
L'oeil, — qui est le point à considérer dans toute physiono-
mie, — surtout dans celle d'un homme comme Jacob, — l'oeil
est brun, peu grand,—se fermant souvent par l'habitude delà
méditation, — mais montrant, quand il s'ouvre, une grande puis-
sance et une étonnante profondeur : il est du nombre de ces re-
gards que l'on sonde sans en pouvoir jamais rencontrer le fond.
Il paraît avoir de trente à trente-trois ans : c'est au reste l'âge
où les dons se révèlent.
Comment et depuis combien de temps guérit-il?
Il s'ignorait d'abord lui-même et ne se connaissait pas ce don
précieux, qui lui fut révélé au camp de Chûlons, où il se trouva
faire une cure par hasard et sans s'en douter; il ne tarda pas à
acquérir une grande renommée et il résolut dès lors de consa-
crer au soulagement de l'humanité tous les loisirs que lui laisse
le service : il a tenu parole.
Il loge à Paris, chez un négociant, M. Dufayct, dont il a guéri
la fille et qui, — chose rare en ce siècle, — veut par reconnais-
sance que tous ceux qui souffrent s,oient guéris comme le futson
enfant, et croit qu'il est de son devoir de procurer à ses sem-
blables le bonheur qui lui est advenu.
11 prête sa maison, il prête ses employés, il s'emploie lui-
même...
On ne saurait trop lui donner d'éloges.
Naturellement, j'ai cherché — comme tout le monde — à
m'expliquer le fait surnaturel des guérisons du zouave...
11 ne guérit pas tout le monde ; il est bien évidentqu'il ne peut
rendre la jambe ou l'oeil à ceux qui ont perdu l'une ou l'autre ;
visite à ces terribles carnassiers. Que nos moeurs sont douces à
côté des leurs ! Jamais nous ne nous mangeons entre nous.
Et s'adressant à la Hyène :
— Allons, vile, détalons, continua-l-il. Ne faisons plus les
braves. Pour moi, je l'avoue, j'ai les os gelés d'épouvante. II
nous faut quitter lestement ce pays barbare.
Alors, ils s'enfuirent honteusement et peureusement. Leur
course devint de plus en plus furieuse et emportée, car l'effroi
les battait aux flancs et les souvenirs terrifiants de la journée
étaient comme autant d'aiguillons qui précipitaient leurs bonds.
Ils arrivèrent ainsi au Jardin des Plantes, hors d'ha'eine,
regardant avec terreur derrière eux. Alors ils respirèrent à l'aise,
ils coururent se blottir dans une cage vide dont ils fermèrent
vigoureusement la porte. Là, ils se félicitèrent avec effusion de
leur, retour.
— Ah ! bien, dit le Lion, on ne me reprendra pas à sortir de
ma cage pour aller me promener dans celle des hommes. 11 n'y
a de paix et de bonheur possibles qu'au fond de cette cellule
douce et civilisée.
VII
Et, comme la Hyène tâtait les barreaux de la cage les uns
après les autres :
— Que regardez-vous donc ? demanda le Lion.
— Je regarde, répondit la Hyène, si ces barreaux sont solides
et s'ils nous défendent suffisamment contre la férocité des hom-
mes.
KM ILE ZOLA.
Nous rappelons que hacun des rédacteurs de la Hue —
M. Edouard Dangin comrn? M. F. Enne — est seul responsable
de ce qu'il signe.
A. DE STAMIK.
LE ZOUAVE DE LA RUE DE LA ROQUETTE
Au numéro 80 de la rue de la Roquette est une sorle de cité,
dont la cour, — pittoresque, inégalement pavée — est bordée de
chaque côté par de vastes hangars et par des maisons ouvrières.
Dans les hangars, — où l'on a établi des ateliers, — diverses
industries fonctionnent; —j'ai vu là des menuisiers, des,forge-
rons, des fabricants d'eau de seltz...
Les maisons, — quoique lourdement bâties et disgracieuses
comme des casernes, — exercent sur le visiteur le charme jeune
et gai des logis populaires; sur toutes les fenêtres chacun a
planté son petit jardin, et c'est à travers les feuilles et les fleurs
qui les cachent à demi et leur donnent un air mystérieux, que le
passant enchanté distingue des tètes de bambins et de jeunes
femmes qui se penchent curieusement .
Dans la cour, quelques voitures, amenant des malades : boiteux,
paralytiques, sourds, aveugles, muets... autour des voitures et
dans toute la cour, du reste, une foule innombrable, émue, in-
quiète... qui se pousse, se presse et pérore...
Les gens bien portants sont peu nombreux ; ce que l'on voit
le plus, ce sont des visages pâles et amaigris par la souffrance,
mais dont l'espoir aujourd'hui rallume la paupière éteinte ; ce que
l'on entend le plus, c'est le bruit des béquilles sonnant sur le
pavé...
Par moments, cette foule s'entr'ouvre pour laisser passer un
vieillard impotent qu'on apporte sur une chaise...
Tous ces malades, les uns portés à bras, les autres appuyés
sur leurs béquilles, franchissent le seuil d'une grande porte qui
se referme sur eux ..
Ils sortent un quart d'heure après, et... le paralytique marche,
le muet parle, le sourd entend, le boiteux va droit...
Car c'est un simple soldat que cet homme : il est trombone
dans un régiment de zouaves caserne à Versailles : il guérit le
matin à Versailles, le soir il guérit à Paris.
11 ne veut rien accepter : — ni argent, ni présent, — pas même
des remerciements, llsoulage ses semblables et se juge suffisam-
ment récompensé par le résultat obtenu. Dieu lui a accordé un
don, il dit que ce que l'on a reçu de Dieu appartient à lui seul,
et que c'est le rendre à Dieu que de le distribuera tous...
Aceux qui viennent frappera sa porte,il fait donner des numé-
ros, et nul ne passe avant son tour; c'est ici le séjour de la jus-
tice et personne ne saurait, même à prix d'or, obtenir un passe-
droit.
On ne laisse entrer, sans numéros, que les malades pauvres
qui ont été forcés de venir en fiacre et auxquels il est humain
d'épargner des frais de voiture.
Dieu, — pour humilier l'homme sans doute, et abaisser son
orgueil en soulageant ses plaies, — lance parfois ainsi à travers
les siècles des hommes qu'il doue spécialement, et qui, triple-
ment forts de leur volonté, du don qu'ils ont reçu et de la con-
science qu'ils ontd'être venus de par Dieu et d'agir au nom de
Dieu, frappent le monde d'étonnement en le forçant à accepter
l'existence matérielle, réelle, d'une puissance incompréhensible,
mystérieuse, dont la force bienfaisante a éclaté tout à coup,
aveuglant ceux qui ne croient pas.
Parlons maintenant du guérisseur :
Jacob est un homme de haute taille, puissant et bien propor-
tionné ; le torse est vigoureux et solidement planté surles reins,
l'encolure est large et bien prise.
Tout dans sa nature respire la vitalité et l'énergie et rappelle
le type de l'homme primitif; on comprend à le voir qu'il a usé
de tous les bienfaits de la vie, mais qu'il n'a jamais abusé d'aucun
d'eux : il est d'une sobriété bien entendue.
La tête est forte, le visage et le front larges ; le masque aU'ecto
légèrement la forme oblongue et le menton se termine un peu
en pointe.
Les cheveux et la barbe, — qu'il porte ras, — sont blonds,
la moustache est prononcée et se dessine virilement. Le teint est
uniformément bronzé; il n'a pas une tache, pas une variétédans
sa nuance.
L'oeil, — qui est le point à considérer dans toute physiono-
mie, — surtout dans celle d'un homme comme Jacob, — l'oeil
est brun, peu grand,—se fermant souvent par l'habitude delà
méditation, — mais montrant, quand il s'ouvre, une grande puis-
sance et une étonnante profondeur : il est du nombre de ces re-
gards que l'on sonde sans en pouvoir jamais rencontrer le fond.
Il paraît avoir de trente à trente-trois ans : c'est au reste l'âge
où les dons se révèlent.
Comment et depuis combien de temps guérit-il?
Il s'ignorait d'abord lui-même et ne se connaissait pas ce don
précieux, qui lui fut révélé au camp de Chûlons, où il se trouva
faire une cure par hasard et sans s'en douter; il ne tarda pas à
acquérir une grande renommée et il résolut dès lors de consa-
crer au soulagement de l'humanité tous les loisirs que lui laisse
le service : il a tenu parole.
Il loge à Paris, chez un négociant, M. Dufayct, dont il a guéri
la fille et qui, — chose rare en ce siècle, — veut par reconnais-
sance que tous ceux qui souffrent s,oient guéris comme le futson
enfant, et croit qu'il est de son devoir de procurer à ses sem-
blables le bonheur qui lui est advenu.
11 prête sa maison, il prête ses employés, il s'emploie lui-
même...
On ne saurait trop lui donner d'éloges.
Naturellement, j'ai cherché — comme tout le monde — à
m'expliquer le fait surnaturel des guérisons du zouave...
11 ne guérit pas tout le monde ; il est bien évidentqu'il ne peut
rendre la jambe ou l'oeil à ceux qui ont perdu l'une ou l'autre ;
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