Presse et revues
32 pages
Titre : La Culture physique : revue bi-mensuelle illustrée
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1936-03-01
Contributeur : Surier, Albert (1871-1944). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb344303451
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 15531 Nombre total de vues : 15531
Description : 01 mars 1936 01 mars 1936
Description : 1936/03/01 (A40,N551)-1936/03/31. 1936/03/01 (A40,N551)-1936/03/31.
Description : Collection numérique : Musée national du sport. Collection numérique : Musée national du sport.
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5422654r
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/07/2008
UN BON TIENS" VAUT MIEUX
QUE DEUX " TU L'AURAS "
Mieux vaut une méthode médiocre et qui fonctionne
qu'une autre, parfaite, mais qui ne fonctionnera jamais
Je roulais l'autre jour en auto sur une de nos
belles routes de France, lorsque je trouvais sur
le bord du chemin un pauvre diable qui, traînant
la jambe, semblait n'avancer qu'à grand peine. Il
était hâve, tremblant et comme eût dit le bon La
Fontaine «... mort plus qu'à moitié. »
Je stoppai et, désireux de lui venir en aide,
l'interpellai :
— Où allez-vous ainsi, mon brave ?
— A la ville voisine, me répondit-il. Je vais
tâcher d'y trouver quelque chose à manger car
je meurs d'inanition.
■—• Mais savez-vous, repris-je, qu'il y a encore
15 bons kilomètres avant la ville voisine ?
— Hélas ! donc, s'il en est ainsi, je ne pour-
rai jamais y arriver. Il y a 3 jours que je n'ai
rien mangé et je suis à bout. Te vais donc m 'éten-
dre dans le fossé et attendre l'arrêt de la Provi-
dence. »
Je ne pouvais pas laisser en aussi piètre état
un de mes semblables. Je l'invitai à monter dans
ma voiture jusqu'à la ville voisine. Il accepta avec
joie.
Nous y arrivions peu de temps après. Il y avait,
tout à l'entrée du pays une auberge accueillante.
Décidé à accomplir jusqu'au bout ma bonne action
je m'y arrêtai, et ayant appelé l'aubergiste lui
commandai pour mon protégé un repas substan-
tiel et réconfortant.
On lui servit bientôt un demi-litre de vin et
un entrecôte garni de pommes frites, cuite à point
et du plus bel aspect. Voilà, pensais-je, de quoi
réjouir l'estomac le plus paresseux. Ce pauvre
hère va, sans nul doute, dévorer cela en moins de
temps qu'il ne faut pour le dire.
Imaginez donc ma stupéfaction en entendant la
déclaration que voici :
« Vous êtes, Monsieur, bien honnête et bien
brave de vouloir rendre ainsi service à un pauvre
diable d'ancien combattant que vous ne connais-
sez pas. Mon foyer a été détruit par la guerre, je
suis chômeur et sans ressources et je serais heu-
reux de profiter du bon repas que vous m'offrez.
Excusez-moi pourtant, cela m'est impossible !
— Impossible ? et pourquoi diable ?
—■ Parce que, Monsieur, je ne suis pas un
être comme les autres. Il ne m'est pas possible
de manger autrement qu'en habit de soirée, dans
une salle de 25 m. 70 de long, 18 m. 22 de large
et 4 m. 65 de hauteur. Je dois de plus être
entouré du patron, du gérant, du maître d'hôtel,
du sommelier et être servi par trois garçons. Il
me faut enfin des couverts d'argent à mon chif-
fre, une serviette brodée pareillement, un petit
banc et un orchestre de mon goût. Je ne puis,
enfin, me passer de quelques cigares Manille
Conchas, de Bénédictine, de Sel Cérébos, de mou-
tarde de Dijon, poivre de Cayenne et sauce
— 65
QUE DEUX " TU L'AURAS "
Mieux vaut une méthode médiocre et qui fonctionne
qu'une autre, parfaite, mais qui ne fonctionnera jamais
Je roulais l'autre jour en auto sur une de nos
belles routes de France, lorsque je trouvais sur
le bord du chemin un pauvre diable qui, traînant
la jambe, semblait n'avancer qu'à grand peine. Il
était hâve, tremblant et comme eût dit le bon La
Fontaine «... mort plus qu'à moitié. »
Je stoppai et, désireux de lui venir en aide,
l'interpellai :
— Où allez-vous ainsi, mon brave ?
— A la ville voisine, me répondit-il. Je vais
tâcher d'y trouver quelque chose à manger car
je meurs d'inanition.
■—• Mais savez-vous, repris-je, qu'il y a encore
15 bons kilomètres avant la ville voisine ?
— Hélas ! donc, s'il en est ainsi, je ne pour-
rai jamais y arriver. Il y a 3 jours que je n'ai
rien mangé et je suis à bout. Te vais donc m 'éten-
dre dans le fossé et attendre l'arrêt de la Provi-
dence. »
Je ne pouvais pas laisser en aussi piètre état
un de mes semblables. Je l'invitai à monter dans
ma voiture jusqu'à la ville voisine. Il accepta avec
joie.
Nous y arrivions peu de temps après. Il y avait,
tout à l'entrée du pays une auberge accueillante.
Décidé à accomplir jusqu'au bout ma bonne action
je m'y arrêtai, et ayant appelé l'aubergiste lui
commandai pour mon protégé un repas substan-
tiel et réconfortant.
On lui servit bientôt un demi-litre de vin et
un entrecôte garni de pommes frites, cuite à point
et du plus bel aspect. Voilà, pensais-je, de quoi
réjouir l'estomac le plus paresseux. Ce pauvre
hère va, sans nul doute, dévorer cela en moins de
temps qu'il ne faut pour le dire.
Imaginez donc ma stupéfaction en entendant la
déclaration que voici :
« Vous êtes, Monsieur, bien honnête et bien
brave de vouloir rendre ainsi service à un pauvre
diable d'ancien combattant que vous ne connais-
sez pas. Mon foyer a été détruit par la guerre, je
suis chômeur et sans ressources et je serais heu-
reux de profiter du bon repas que vous m'offrez.
Excusez-moi pourtant, cela m'est impossible !
— Impossible ? et pourquoi diable ?
—■ Parce que, Monsieur, je ne suis pas un
être comme les autres. Il ne m'est pas possible
de manger autrement qu'en habit de soirée, dans
une salle de 25 m. 70 de long, 18 m. 22 de large
et 4 m. 65 de hauteur. Je dois de plus être
entouré du patron, du gérant, du maître d'hôtel,
du sommelier et être servi par trois garçons. Il
me faut enfin des couverts d'argent à mon chif-
fre, une serviette brodée pareillement, un petit
banc et un orchestre de mon goût. Je ne puis,
enfin, me passer de quelques cigares Manille
Conchas, de Bénédictine, de Sel Cérébos, de mou-
tarde de Dijon, poivre de Cayenne et sauce
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