Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1888-01-10
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 10 janvier 1888 10 janvier 1888
Description : 1888/01/10 (A22,N7916). 1888/01/10 (A22,N7916).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4723961r
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 31/12/2017
'lContribuables aussi y passent, mais en sens
inverse. Les premiers palpent, les seconds.
wersent. - . 1
ÉTRANGER
Une prophétie de Shakespeare. — On
connaît le jeu qui consiste à retourner les
lettres d'un mot pour leur donner un autre
sens ; par exemple : avec le mot ancre, en
changeant la disposition des lettres, on fait le
mot éeran. Les gens très forts dans ce genre
d'exercice retournent des phrases entières.
C'est ainsi qu'avec les lettres dé ces deux
mots : Révolution française, on a trouvé : '« Un
Corse la finira. » 1 '
Il y a en ce moment-ci en Angleterre un
monsieur qui retourne des passages.de Shakes-
peare et, en mêlant toutes les, lettres/il arrive
à composer des prophéties. Eiipre^ant la tirade
bien connue d'Ramlet, qui commence par ces
mots : Etre ou n'être pas, et en bouleversant
toutes les lettres qui la composent, il a trouvé
moyen d'écrire la phrase suivante : « Le bill
sur l'Irlande sera introduit par un grand
vieillard. Adoptez-le, si vous , voulez sauver
l'Angleterre ; Signé : Francis Bacon. »
C'est ainsi que Shakespeare se trouve avoir
prédit M. Gladstone. Avouez que ,le jeu du
casse-tête chinois peut produire de bien jolies
chofSes. ".,, r,
— Un présent royal. — La reine. Victo-
ria a fait présent à la femme du docteur Ma-
ckenzie d'un châle brodé d'or, dont la valeur
est considérable. Oè cadeau était accompagné
d'une lattre-autographe de la reine' ainsi
conçue :
« Les services - que rend votre mari à mon
gendre l'obligent souvent à vous _ quitter.1 Afin
de vous prouver combien j'apprécie '(}e sacri-,
lice qu'il fait pour nous, je vous envoie ce
témoignage de ma, bienveillance. » ! :
— Le jubilé de la reine Victoria. —
On se rappelle que, lori de la célébration du
jubilé de la, reine, les femmes anglaises
avaient offert une somme de ëO,000 livres
sterling (deux millions de francs}. Dix mille
livres sterling ont été affectées à l'érection
d'une statue du défunt prince-consort, et le
restant de ,, la sompie-^ été>rdestiné-, par la
reine, à la' création d'un établissement qui
formerait des gardes-malades pour les pau-
vres. Un comité spécial, présidé par le duc
de Westminster, rvient d'élaborer,' pour ce
nouvel établissement,, un, règlement. qui a
reçu Tapprohaiion de la reine... , ;
— Une lettre du prince Guillaume. —
Les prédicateurs de la tour -J» .Berlin ont
adressé, à l'occasion du renouvellement de
l'année, une lettre de félieitations au prince
Guillaume, petit-fils de l'empereur. Dans
cette lettre, les prédicateurs faisant allusion
à la réunion qui a eu lieu chez le comte
Waldersee et à laquelle le prince a assisté,
s'expriment ainsi : ^ ^ ^
« Si vous avez fait; dans les dernières se-
maines de l'année passée, l'expérience que la
part sincère que l'on prend au travail pour
l'établissement du règne de Dieu sur cette
terre provoque, la .contradiction et l'opposi-
tion, affermissez-votiâ dans"'la foi en vous]
souvenant de cette paro'e : « Quiconque me'
confesse devant les hommes, je le confesserai
devant mon Père céleste. »
D'après les informations du Temp3, le
prince Guillaume a répondu : ,
« Les malentendus auxquels a donné lieu
'mon intervention en faveur du bien-être de
ceux qui souffrent m'ont vivement blessé;
mais ils ne m'empêcheront .pas de suivre
l'exemple donné par notre auguste. empereur
et par mon cher père, et de contribuer tou-
jours, dans la mesure de mes forces, au salut
de tous ceux qui sont dans le besoin, sans
me laisser détourner de ma tâche par les agi
btions des partis. )i ' , ; ...
— Les finances russes^ — Les . jour-
naux allema'nds avaient fait ; courir le bruit
que le ministère des finances' de Russie était
en négociations secrètes avec des groupes de
banquiers belges, hollandais et français pour
la conclusion d'uh emprunt,,de 700 millions
de francs. Ils ont affirmé que le ministère
russe avait un si grand besoin d'argent qu'il
aurait chargé la Société des chemins de fer
du Sud de faire un emprunt de ,20'hilllion s
de roubles qu'elle passerait ensuite au mi-
nistère. Tous ces bruits sont démentis par
les considérations puisées à la source la plus
autoris'e. Le ministèro des finances de Rus-
sie a actuellement en dépôt chez des'ban-
quiers de Berlin des sommes disponibles
pour plus de 27 millions de roubles, Les, soin-
. mes dUflTrésor de l'Etat, qui se trouvent
dans la Banque, d'Etat, à Saint-Pétérsbourg,
ont atteint à la fin de la dernière semaine un
chiffre de 87 millions de roubles. En sus, de
ces sommes, le ministère des finances a dé-
posé. il y a six jours, à la Banque d'Etat, la
somme de 20,500,000 roubles en or (82 mil-
lions de francs). _ ... ; -■'
— Un monument commémoratif. —
, S: .. -;U un . , < -
Un monument va être élevé au cimetière
Uurtatône près de Mantoue, à la mémoire
des soldats français et autrichiens, morts en
1796. Les attachés militaires aux ambassades
de France et d'Autriche à Rome, doivent as-
sister à l'inauguration de ce monument.
— Les étudiants russes.—Les étudiants
de Saint-Pétersbourg se sont adressés au czar
pour lui demander la grâoe de leurs camara-
des condamnés à l'occasion des derniers
troubles et la cessation des abus universi-
taires. Malgré l'intervention de la czarine, la
pétition n'a pas été accueillie.. ,
— En Bulgarie. —'Le bruit a couru avec
persistance qu'un corps d'insurgés s'était em-
paré de Bourgas. Les communications télé-
graphiques entre Bourgas et Philippopoli
étaient Interrompues, disait-on. Il semble
que ces nouvelles soient-au moins exagérées ;
il est vrai que 'nous: n'avons encore que des
renseignements officiels, d'après lesquels une
troupe d'insurgés, venant de Constantinople,
auraient remonté la rivière de Bourgas et es-
sayé de pénétrer de force dans la ville. Après
un combat assez sanglant avec la garnison,
ils auraient été repoussés et se seraient reti-
rés sans qu'on ait pu.les poursuivre.
Tentative d'assassinat sur un inspec-
teur de police. — Un des plus habiles ins-
pecteurs de police de Londres, M. Lansdov/ne,
a failli, aujourd'hui, être assassiné dans des
circonstances assez extraordinaires. Lord
Compton, revenant de ses terres, avait perdu,
il y a quelques jours, en chemin de fer, son
porte-manteau, contenant un chèque de mille
francs,. Ce malin, le chèque était présenté à
la Banque, dont le caissier faisait arrêter le
porteur. M. Lansdowpc, appelé immédiate-
ment, demandait à l'individu quelques expli-
cations sur cette propriété d'un chèque de
millè francs dont il ne justifiait pas clairement.
L'individu, qui ne voulait pas donner son
nom, prétendait tenir la valeur de son associé,
dont il indiquait le domicile. L'inspecteur
Lansdowne conduisit l'inculpé à ce domicile
(\Ù, bi¡;n entendu, il n'y avait pas d'associé, et
comme il ramenait à la Banque pour une
nouvelle confrontation son prisonnier, celui-
ci sauta de la voiture, et M. Lansdowne n'eut
que le temps d'agir de même et de, le saisir au
collet. « Laissez-moi aller, pu vous êtes un
hommemort,s'écri,al'individu enbraquant sur
l'officier de police un revolver — qu'heureu-
sement celui-ci put saisir—en plaçant son
poupe sous le chien, qui s'abattit trois fois sur
le doigt de, M. Lansdowne.
La lutte dura plus de dix minutes, au mi-
lieu d'un rassemblement considérable; mais
les spectateurs, terrifiés par la vue du revol-
ycr, n'osèrent pas intervenir, et M. Lans-
downe aurait eu le dessous sans le secours de
son cocher, moins prudent que les autres as-
sistants. 12" - _ / ■>
UN ÉMULE DE M. WILSON
, Il y a, à Londres, un Industriel, probable-
ment, un Allemand, car c'est dans la langue
de Gœthe que sont rédigées ses circulaires,
qui offre à sa clientèle « des décorations ». Ce
Limouzin anglo-allemand, dans une circulaire
pas trop mal rédigée, en allemand toujours,
explique que, bien que seuls les souverains
confèrent des décorations et des titres, ils ne
peuvent connaître personnellement ceux qu'ils
comblent de leurs faveurs et que, par consé-
quent, ils sont obligés de s'en rapporter aux
personnes de leur entourage. Or, le Limou-
zin en question est, lui, en relations d'affai-
res avec ceux qui approchent les souve-
rains, et il s'engage à fournir des décora-,
tions aux prix indiqués au tarif joint à la
circulaire.
Voici quelques-unes des décorations à ven-
dre et le prixqu'on en demande : Les ordres
romains de Saint-Grégoire, de Saint-Sylvestre
et du Christ sont cotés 123 livres (3,125 fr.),
pour la croix de chevalier, et 175 livres (4,375
francs) pour celle de commandeur. La déco-
ration de San-Marino se vend au même prix,
à peu près. Les décorations tunisiennes sont
un peu moins chères : on a la croix de corn
mandeur du Nichain Iftikar pour 150 livres.
Le Lion et le Soleil de Perse montent tout
de suite à des prtx fort élovés : 300 livrés
pour le grade de commandeur, 175 pour ce -
lui de chevalier. Ceux qui préfèront un ordre
turc peuvent se le procurer au même prix.
Si l'on désire une décoration moins orien-
tale, il faut, cela va sans dire, .délier davan-
tage les cordons de sa bourse. Les ordres es-
pagnols de Charles III et d'Isabelle-la-Catho-
lique sont cotés 375 livres. Il est vrai que
pour cette somme considérable 'on a la croix
de commandeur avec plaque, ce qui est d'un
excellent effet le soir aux lumières. Les ordres
italiens sont évidemment moins bien portés
et sont cotés au -même prix que ceux de la
Serbie, ce qui fait penser que ceux-ci sont
trop chers et coux-là trop bon marché. L'in-
dustriel anglo-allemand se fait fort de procu-
res à ses clients la Couronne d'Italie ou l'or-
dre de Tacova pour 250 liv. st. La Roumanie
et le Venezuela vont ensemble ; on, se pro-
cure leurs rubans pour 5,000 fr. : quant à
l'ordre de la Rédemption de la république
nègre de Libéria, c'est 2,000 fr. qu'il en coûte
aux amateurs pour- se parer du ruban flam-
boyant de cette décoration. L'ordre de Saint-
Olaf de Suède et celui du Danebrog de Dane-
mark valent dans les 6,000 fr., et l'on peut,
pour 1,000 fr. de moins, ravoir un ordre alle-
mand d'un Etat non indiqué sur les pros-
pectus.
Le pays le mieux assorti en décorations, ti-
tres et dignités est l'Autriche. où l'on peut se
procurer, moyennant finances, même l'ordre
de la Couronne de Fer. Mais cet ordre n'est
pas à la portée de toutes les bourses et coûte
75,000 fr. Celui de Marie-Thérèse se vend
1,500 fr., aux nobles seulement. Le tarif des
titres varie entre 20,000 fr et 75,000 fr.
Le Limouzin londonien ne demande pas
qu'on le paye d'avance; il se contente d'une
garantie pour le montant de sa facture, et on
ne le lui remet qu'après livraison et inspection
de la marchandise.
BULLETIN MARITIME
Le « Malemba » et le « Benefactor »
Un abordage en rade qui aurait pu avoir
de tristes conséquences, s'est produit ven-
dredi, vers midi, à trois quarts de mille du
port du Havre dans les circonstances sui-
vantes :
Le steamer anglais Malemba, de Glasgow,
venant de la côte d'Afrique avec un charge-
ment d'huile dè palme et d'arachides, était
mouillé en rade en attendant l'heure de la
pleine mer pour entrer au Havre, port de
destination, quand un autre steamer anglais
Benefaetor vint également mouiller dans son
voisinage.
Vers onze heures, le Benefaetor, chargé de
houille pour Rouen, levait ses ancres pour
entrer en Seine, et en évitant, il donna de-
bout dans le Malemba. Le choc fut si violent,
que le steamer abordé eut ses tôles de tri-
bord, entre la machine et le grand mât, dé-
foncées sur une hauteur de trois mètres en-
viron au-dessus de la flottaison et de soixante
centimètres au-dessous.
L'eau fit irruption dans la cale et ne tarda
pas à atteindre deux mètres cinquante. Le
capitaine fit immédiatement route pour le
Havre et fut assez heureux pour accoster le
[ quai de l'avant-port •*r
D'après les ordres du ministre,!la levée vo-
lontaire des inscrits maritimes âgés de dix-
huit à vingt ans est ; reprise depuis le f CI jan-
vier. En outre, les engagements pour le corps
des équipages de la flotte seront ouverts dans
les cinq ports militaires seulement du f cr au
29 février 1888 inclus; pour les jeunes gens
exerçant la profession d'ajusteur, de forge-
ron, de chaudronnier en fer ou en cuivre, il,
sont ouverts exceptionnellement depuis le
1 e. janvier 1888. Les candidats devront savoir
lire et écrire.
Avis aux navigateurs
La chambre de commerce a reçu de M. le
consul de Hussie à Bordeaux divers avis aux
navigateurs publiés par l'administration gé-
nérale de l'hydrographie du ministère impé-
rial de la marine et relatifs à la mer Baltique,
la mer Noire, la mer Caspienne et la mer
d'Azoff.
Ces documents sont déposés au secrétariat
de la chambre, à la Bourse, et tenus à la dis-
position des personnes intéressées.
LES CONCERTS
Châtelet. — Manfred, tourmenté par
le souvenir d'un passé criminel et d'un
amour inassouvi, demande tour à tour l'ou-
bli, la consolation, le repos, la mort aux
différentes puissances de la nature, qui
obéissent complaisamment à ses évoca-
tions et lui répondent, agréablement du
reste, p.ir l'organe de Mmes Durand-Ul-
bach, Delorn, MM. Ferrand, Jérôme, de
Mme Segond-Weber, de M. Sylvain.
Mais Manfred ne goûte pas la paix fac-
tice qui lui est offerte et quand, au déclin
de sa vie, la foi lui apparaît comme seul
véritable secours, il la repousse et meurt
impénitent.
M. Mounet-Sully rend dramatiquement le
personnage de Manfred. J'ai cité les noms
de ses partenaires. M. Colonne, oi le voit,
ne cesse pas de s'entourer d'artistes d'élite
dès qu'il s'agit de l'interprétation d'une
grande œuvre. Il faut, au surplus, le félici-
ter de ne pas en débiter les morceaux au
détail, mais de permettre qu'on juge l'ou-
vrage dans son entier, malgré les compli-
cations et les difficultés desquelles, il est
vrai, l'on se joue sous son archet conduc-
teur.
L'examen de la partition de Schumann
m'entraînerait trop loin. Je préfère envoyer
au Châtelet les lecteurs de la Petite Presse
en les assurant d'une exécution parfaite
sans laquelle Manfred serait absolument
incompréhensible.
Le cinquième concerto de Bach a valu
à ses interprêtes M. Diémer (piano), M.
Cantié (fiute), M. Rémy (violon), des ap-
plaudissements chaleureux.
Félix Lemoine.
LES RECETTES DE MAITRE PIERRE
MENU
Potage Pal' mentie l'
Salmis de canard
Selle de présalé rôtie
Salsifis au jus
. Mont-Blanc aux marrons
RECETTE POUR LE l\IO:'\T-BLANC.- Rien de com.
mun avec celui du voyage de M. Perrichon.
Vous faites cuire dans du lait sucré des
marrons épluchés. Vous les faites passer en
vermicelle à travers une passoire à larges
trous. Vous les disposez ensuite sur un plat
en leur donnant la forme d'un gâteau rond et
vous versez dessus une crème fouettée que
vous dressez en pyramide.
Si Rosalie a bien fouetté la crème, votre
Mont-Blanc fera sensation et lès enfants s'en
U/»l-\ûrnnf loe rlnicrfa
Maître Pierre.
CHOCOLAT MENIER
Refiiser les Imitations.
TEMPÊTES ET TREMBLEMENTS DE TERRE
Le bureau météorologique du Neto-York
Hèrald annonce qu'une dépression barométri-
que lui est signalée du cap Race; elle s'éten-
dra probablement dans la direction du Nord-
Est et causera des troubles atmosphériques
sur les côtes d'Angleterre et de France entre
le 9 et le M.
— Le lac Platfensée en Hongrie, qui, à
cause de sa grande étendue, est surnommé
la « mer hongroise », est en ce moment gelé.
C'est un fait excessivement rare.
— Des phénomènes assez singuliers se pro-
duisent, d'autre part, dans l'atmosphère.
Nous apprenons par une dépêche d'Alger
qu'un assez fort tremblement de terre a été
ressenti hier soir vers onze heures trente-cinq ;
la secousse a duré trois secondes et la direc-
tion a été Est et Ouest. Ce n'est pas du reste
le seul tremblement de terre survenu dans ces
derniers jours, car dans diverses villes d'Algé-
rie, à Biidali, par exemple, les mêmes se-
cousses ont été ressenties.
TRIBUNAUX
L'AFFAIRE GUSTAVE NAQUET-MENVIELLE
Samedi est venue devant le 2° chambre de
la cour d'appel l'affaire du duel Gustave Na-
quet-Menvielle. Le rapport de M. le conseil-
ler Benedetti est très favorable au prévenu et
attribue l'acte incriminé à un moment d'in-
conscience. On sait que M. G. Naquet a saisi
de la main gauche l'épée de son adversaire
pendant qu'il le blessait de l'autre main.
L'accusa est défendu par M" Barne, séna-
teur, bâtonnier du barreau de Marseille, as-
sisté de M. Henry Perraud, avocat à Gre-
noble. M. Barne insiste fortement sur les ar-
ticles publiés par MM. Ranc, Arène, Albert
Wolff dont le talent et l'autorité ont, en pa-
reille matière, le plus grand poids. Il critique
la conduite des témoins de M. Menvielle, qui
dénoncèrent M. Naquet, et il s'attache à éta-
blir que l'acte commis par son client, qui
dans ce duel avait contre lui son âge, desépées
trop lourdes, le mauvais côté du terrain, fut
un acte purement instinctif et irréfléchi.
Dans tous les cas, les conséquences furent
très peu graves, ajoute le défenseur; le juge-
ment de première instance a donc été exces-
sif dans ses considérants, qui contiennent,
d'ailleurs, des contradictions flagrantes. La
politique a joué un grand rôle dans l'affaire;
mais, maintenant que les passions sont apai-
sées, la cour, à son tour, fera l'œuvre d'apai-
sement et réformera le jugement.
Me Benoit Cattin, avocat de la partie ci-
vile pour M. Menvielle, réédite la plaidoirie
prononcée en première instance et s'oppose à
une réduction de peine. M. Gensoul, avocat-
générai, qui occupe le siège du ministère pu-
blic, requiert l'application du jugement; il
examine l'analogie des affaires ' Dekeirel et
Meyer avec celle ci. D'après lui, l'affaire Meyer
est dissemblable : mais Dekeirel se trouvait
absolument dans le même cas que Naquet, et
dans cette affaire, lajusticenes'occupa pas du.
duel, mais des faits délictueux commis à l'oc-
casion du duel. Il est nécessaire, conclut M.
l 'avocat-géiléral, de réprimer ces actes qui se
multiplient et que condamnent et le code du
duel et le code pénal. La cour renvoie à.
jeudi le prononcé de son arrêt.
AFFAIRE DE CHANTAGE
La poursuite intentée par le ministère pu-
blic à la femme Pati, pour chantage envers >
M. Maurel, député du Var, est venue samedi
devant le tribunal correctionnel de Toulon.
L'inculpée est une femme de trente-deux
ans ; elle répond aux questions du président
que M. Maurel est venu habiter pendant les >
vacances une maison voisine de la sienne
dans la commune de Bandois. Un jonr qu'eîla
était allée chercher une réponse "au sujet
d'une recommandation qu'elle avait deman-
dée à M. Maurel pour son mari, le député lui
aurait répondu qu'elle devait avant lui ac-
corder ses faveurs. ' '
Mme Pâti raconte ensuite les divers ren-
dez-vcus qu'elle aurait eus avec M. Maurel,'
les promesses que ce dernier lui aurait faites
de l'emmener en Tunisie, et enfin elle énu-
mère les quelques menues sommes qu'elle au-
rait reçues de lui. Elle se défend d'avoir pro-
voqué la scène du 21 octobre dernier à la.
gare de Toulon. Elle prétend que M. Maurel
l'a interpellée en lui disant :
« Que venez-vous faire ici ? » Elle raconta
ensuite ses visiles à Mme Maurel et à M.
Maurel père.
Une discussion assez vive s'est engagée
entre l'avocat de la femme Paty et le substi-
tut du procureur de la République. Celui-ci
dit que la femme Paty a laissé une dette de ■
32 fr. lors de la tournée Clémenceau-Maurel
;i Toulon, dans l'hôtel où était descendu le
député. Son sentiment est que la femme Paty
voulait extorquer de l'argent et qu'elle n'avait
pas les sentiments qu'elle prétend avoir
existé "entre M Maurel et elle ; le délit da
hantag-e existe, par conséquent.
M. Maurel, qui se porte partie civile, con-
clut à la condamnation aux dépens pour tous
dommages-intérêts.
Le défenseur de la femme Pati retrace à
son tour, dans toutes leurs circonstances, ces
relations devenues, dit-il, de notoriété pu-
blique.
Le tribunal admet les circonstances atté-
nuantes et condamne la femmo Pati à 100
francs d'amende et aux dépens ; la partie ci..
vile est condamnée à les garantir vis-à-vis de
l'Etat.
Nécrologie
Nous apprenons avec regret la mort de
Mme Alfred de Wattoville, née Claire Mann.
berguer, qui a succombé hier, chez son père,
rue La Rochefoucauld, à l'âge de ving-neiu
ans. Les obsèques auront lieu aujourd'hui
lundi, à dix heures, en l'église do la Rôdemp*
tion, rue Chauchat.
Le P. Pierre Duvey, supérieur des prêtres
de la Miséricorde, rue de l'Assomption, 88, à
Auteuil, a succombé aux suites d'une longue
maladie. Le P, Duvey avait prêché, pendant
de longues années, dans les églises de Paris
et avait fait plusieurs missions en province,
notamment à Orléans. Il était âgé de soixante*
neuf ans,
FAITS DIVERS
Cuit dans une chaudière! — Un épou"
vantable accident est arrivé à la voirie da
Bondy. Un malheurex ouvrier qui y était
employé, le nommé Adam, père de cinq en..
fants, est tombé dans un bac plein d'ea ,c,
bouillante. A moitié cuit, il eut. l'incroyabla
énergie d'en sortir seul. Il a succombé hier,
dans son domicile, rue dullaincy, 2, à Bondy,
des suites de ses horribles brûlures. Il iaisao
une famille absolument sans ressources.
— Le crime de la rue de Belleohasse»
— L'état de M. Raynaud ne s'améliore pas.
Le bulletin suivant le constate : « Nuit du 7
au 8 janvier : état stationnaire ; température,
37°4'; pouls, 96. Faiblesse notable. »
Les personnes de la famille seules peuvent
pénétrer dans la chambre du' malade, qui re-
çoit tous les jours de nombreuses mal'''
ques de sympathie de la part de tous ceux
qui l'ont connu. Hier matin, un élève de
l'Ecole polytechnique a déposé, au nom de
ses camarades de l'Ecole, une carte portant
N° 25 — Feuilleton de la PETITE PRESSE.
LA DOUBLE VUE
PAR
PIERRE MAEL
Deuxième Partie
VIII
— Il vous sera facile, par votre conduite
et votre travail, de1 vous faire relever d'un
poste inférieur, et même de monter d'un
échelon. Faites votre profit de la leçon.
Vidal ne se le fit pas dire deux fois. Certes,
il maugréa, du fond du coeur, contre une ad-
ministration revêche, prude et morose qui
veut de la morale chez ses employés. La di-
minution des honoraires lui fut surtout sen-
sible. Les natures de cette sorte ne compren-
nent le remords qu'appuyé d'une crainte im-
médiate. Le bon propos leur est inconnu. Or,
tout en se disant que l'on savait son histoire,
il ne se reprocha que de l'avoir laissée trans-
' pirer,, Puis il en, prit son parti., Au demeu-
rant, ce n'était pas un niais, bien qu'il fût un
peu fat, et il avait pour le mal un fond d'é-
nergie qui aiguisait ses 'résistan,.iés.' Le der-
nier mot de'son ressentiment fut une aigreur
qui lui suffit pour s'excuseçàsespropresyeux.
Il en arriva à considérer comme de justes re-
présailles ce 7 qu'il ' entreprendrait encore
co:o.tre;YtY°n:ne. Il voulait répondre à laguerre
par la guerre. Puisqu'on le persécutait, il se
vengerait.:" ' 1 r ' ■ ' -
1 Cela était licite à son raisonnement.'Et,
d'ailleurs; la vengeance était - de celles qui
surexcitent les passions et aiguisent une vo-
lonté. Il avait un mois' devant lui pour .as-
souvir sa haine et son désir. C'était assez
•Dès lors IL ne se montra plus à Kernavel.
Que lui importait d'ailleurs? Mieux que le
plus expert médecin aliéniste, Il pratiquait la
névropathie mystérieuse de la victime. Il
comptait sur la suggestion pour lui amener
Yvonne au lieu et à l'heure qu'il lui.âvait
assignés. Et ses mesures étaient bien prises.
Ni Cloarek ni Foskin ne seraient présents à ce
moment. Force serait donc à la jeune femme
d'obéir à l'appel maudit. Il comptait sans la
Providence., 1 -
Pendant ce temps, Pierre, d'accord avec
Yvonne, pressait les apprêts du mariage. On
avait Ipublié deux bans. Yvonne, toute en-
tière à l'Ivresse de son amour, éprouvait d'é-
tranges frissons de volupté, son intelligence
n'en comprenait ni. le motif ni l'origine. Le
quartier-maître, aux heures de tête-à-tête,
voyait distinctement cet état morbide chez la
pauvre fille restée vierge dans sa conscience.
La folie avait si promptement succédé au ré-
veil qu'elle avait perdu toute mémoire..,
La faute inconsciente était bel et bien en-
sevelie dans la fosse du petit être disparu.
Mais les sens, malgré l'épreuve, avaient gardé
l'étonnante sensation des voluptés partagées.
A ces heures, si Pierre eût voulu, il eût pos-
sédé sa fiancée, écrasée par le trouble de ses
nerfs. Mais c'était un honnête homme que le
gabier. Il voulait Yvonne pour femme, non
pour. maîtresse, et il se rendait un compte
exact de l'abominable crime qu'il aurait com-
mis en s'abandonnant lui-même aux convoi-
tises de sa chair. Aussi pressait-il les épou-
sailles. Tout le monde, dans le pays, admirait
ce jeune et beau garçon que rien n'avait pu
faire dévier de sa droiture native. On n'avait
qu'une surprise, qu'il eût si promptement et
si aisément pardonné, du moins à Vidal. Mais
ceux qui connaissaient bien le marin se di-
saient que ce n'était que partie remise, et
Pierre Foskin était un Breton de dure roche.
Il se taisait, n'ayant pas besoin de confidents.
IX
Le jour vint enfin. La cérémonie fut sim-
ple et touchante. On remarque qu'un officier
de marine, un enseigne de vaisseau y assis -
taient, voulant donner au jeune homme, au
nom da, tout l'équipage de son bâtiment,
cette marque d'estime et d'affection. Jamais
Yvonne ne fut plus belle que sous son voile
de mariée. Le recteur avait exigé qu'on lui^
mît la couronne d'oranger, la pauvre enfant
n'ayant jamais péché. — Pierre fut profondé-
ment ému de cette délicatesse du vieux prê
tre, et comme il l'en remerciait, celui-ci le
prit à part, tenant les mains du gabier dans
les siennes :
— Pierre, mon fils, lui dit-il, le passé n'a
jamais existé, ou, s'il a existé, il est mort au-
jourd'hui. Il faut qu'il soit mort, entends-tu,
mon enfant? Avant de conduire ta femme à
l'autel, jure-moi que tu as tout oublié, que
tu as tout pardonné.
— J'ai tout oublié, monsieur le recteur, et
je n'avais rien à lui pardonner; à elle, la^
pauvre chère aimée.
— Non, reprit le prêtre, pas à elle, mais
à l'autre ?
Pierre tressaillit et ne répondit pas.
— M'as-tu compris, garçon? iosista le
vieillard.
Il proféra d'une voix sourde »
— Pas cela, monsieur le recteur i ne me
demandez pas cela.
Mais l'homme de Dieu reprit avec sa dou-
ceur angélique :
— Ecoute, Piarrik, je t'ai baptisé, je t'ai
vu pousser sur les roches et courir après les
goélands, te rouler dans le varech, boire tesr
premières gorgées d'eau verte. Tu as fait ti
première communion de mes mains, et til
m'as toujours aimé comme un fils aime son
( père. Puis, tu es devenu grand. Tes épaules
se sont élargies ; te voilà un brave et solidq
matelot de la Bretagne et de la France ; tu
es un honnête homme et un homme de
cœur, et tu auras des fils qui te ressemble -
ront. Eh bien! Dieu ne t'a rien demandé
jusqu'ici, ni moi non plus. Pour qu'il te bé...
nisse, toi et ta femme et vos enfants ensuite,
il faut que tu fasses un sacrifice, le dernier.
Pardonne à ce malheureux qui vous a si
cruellement blessés tous les deux, et laisse lt:
Celui qui seul a le droit de punir le soin dte
châtier son crime. ' ï
Le prêtre joignit d'autres paroles émues. 11
ne fallait pas qu'au premier jour, au moment
où il refaisait la vie de cette pauvre enfant
trompée, le jeune époux apportât sous le toit
conjugal de sinistres pensées, de sombres dé-
sirs de vengeance. Aussi bien la Providence
avait mis remède à tout, puisque la folle
d'Yvonne lui avait ôté la mémoire de l'ouf
trage subi.
La résistance fut longue. Pourtant le quar4
tier-maître se laissa toucher. Il promit d'out
blier l'injure et de pardonner au coupable.
(A suivrd
inverse. Les premiers palpent, les seconds.
wersent. - . 1
ÉTRANGER
Une prophétie de Shakespeare. — On
connaît le jeu qui consiste à retourner les
lettres d'un mot pour leur donner un autre
sens ; par exemple : avec le mot ancre, en
changeant la disposition des lettres, on fait le
mot éeran. Les gens très forts dans ce genre
d'exercice retournent des phrases entières.
C'est ainsi qu'avec les lettres dé ces deux
mots : Révolution française, on a trouvé : '« Un
Corse la finira. » 1 '
Il y a en ce moment-ci en Angleterre un
monsieur qui retourne des passages.de Shakes-
peare et, en mêlant toutes les, lettres/il arrive
à composer des prophéties. Eiipre^ant la tirade
bien connue d'Ramlet, qui commence par ces
mots : Etre ou n'être pas, et en bouleversant
toutes les lettres qui la composent, il a trouvé
moyen d'écrire la phrase suivante : « Le bill
sur l'Irlande sera introduit par un grand
vieillard. Adoptez-le, si vous , voulez sauver
l'Angleterre ; Signé : Francis Bacon. »
C'est ainsi que Shakespeare se trouve avoir
prédit M. Gladstone. Avouez que ,le jeu du
casse-tête chinois peut produire de bien jolies
chofSes. ".,, r,
— Un présent royal. — La reine. Victo-
ria a fait présent à la femme du docteur Ma-
ckenzie d'un châle brodé d'or, dont la valeur
est considérable. Oè cadeau était accompagné
d'une lattre-autographe de la reine' ainsi
conçue :
« Les services - que rend votre mari à mon
gendre l'obligent souvent à vous _ quitter.1 Afin
de vous prouver combien j'apprécie '(}e sacri-,
lice qu'il fait pour nous, je vous envoie ce
témoignage de ma, bienveillance. » ! :
— Le jubilé de la reine Victoria. —
On se rappelle que, lori de la célébration du
jubilé de la, reine, les femmes anglaises
avaient offert une somme de ëO,000 livres
sterling (deux millions de francs}. Dix mille
livres sterling ont été affectées à l'érection
d'une statue du défunt prince-consort, et le
restant de ,, la sompie-^ été>rdestiné-, par la
reine, à la' création d'un établissement qui
formerait des gardes-malades pour les pau-
vres. Un comité spécial, présidé par le duc
de Westminster, rvient d'élaborer,' pour ce
nouvel établissement,, un, règlement. qui a
reçu Tapprohaiion de la reine... , ;
— Une lettre du prince Guillaume. —
Les prédicateurs de la tour -J» .Berlin ont
adressé, à l'occasion du renouvellement de
l'année, une lettre de félieitations au prince
Guillaume, petit-fils de l'empereur. Dans
cette lettre, les prédicateurs faisant allusion
à la réunion qui a eu lieu chez le comte
Waldersee et à laquelle le prince a assisté,
s'expriment ainsi : ^ ^ ^
« Si vous avez fait; dans les dernières se-
maines de l'année passée, l'expérience que la
part sincère que l'on prend au travail pour
l'établissement du règne de Dieu sur cette
terre provoque, la .contradiction et l'opposi-
tion, affermissez-votiâ dans"'la foi en vous]
souvenant de cette paro'e : « Quiconque me'
confesse devant les hommes, je le confesserai
devant mon Père céleste. »
D'après les informations du Temp3, le
prince Guillaume a répondu : ,
« Les malentendus auxquels a donné lieu
'mon intervention en faveur du bien-être de
ceux qui souffrent m'ont vivement blessé;
mais ils ne m'empêcheront .pas de suivre
l'exemple donné par notre auguste. empereur
et par mon cher père, et de contribuer tou-
jours, dans la mesure de mes forces, au salut
de tous ceux qui sont dans le besoin, sans
me laisser détourner de ma tâche par les agi
btions des partis. )i ' , ; ...
— Les finances russes^ — Les . jour-
naux allema'nds avaient fait ; courir le bruit
que le ministère des finances' de Russie était
en négociations secrètes avec des groupes de
banquiers belges, hollandais et français pour
la conclusion d'uh emprunt,,de 700 millions
de francs. Ils ont affirmé que le ministère
russe avait un si grand besoin d'argent qu'il
aurait chargé la Société des chemins de fer
du Sud de faire un emprunt de ,20'hilllion s
de roubles qu'elle passerait ensuite au mi-
nistère. Tous ces bruits sont démentis par
les considérations puisées à la source la plus
autoris'e. Le ministèro des finances de Rus-
sie a actuellement en dépôt chez des'ban-
quiers de Berlin des sommes disponibles
pour plus de 27 millions de roubles, Les, soin-
. mes dUflTrésor de l'Etat, qui se trouvent
dans la Banque, d'Etat, à Saint-Pétérsbourg,
ont atteint à la fin de la dernière semaine un
chiffre de 87 millions de roubles. En sus, de
ces sommes, le ministère des finances a dé-
posé. il y a six jours, à la Banque d'Etat, la
somme de 20,500,000 roubles en or (82 mil-
lions de francs). _ ... ; -■'
— Un monument commémoratif. —
, S: .. -;U un . , < -
Un monument va être élevé au cimetière
Uurtatône près de Mantoue, à la mémoire
des soldats français et autrichiens, morts en
1796. Les attachés militaires aux ambassades
de France et d'Autriche à Rome, doivent as-
sister à l'inauguration de ce monument.
— Les étudiants russes.—Les étudiants
de Saint-Pétersbourg se sont adressés au czar
pour lui demander la grâoe de leurs camara-
des condamnés à l'occasion des derniers
troubles et la cessation des abus universi-
taires. Malgré l'intervention de la czarine, la
pétition n'a pas été accueillie.. ,
— En Bulgarie. —'Le bruit a couru avec
persistance qu'un corps d'insurgés s'était em-
paré de Bourgas. Les communications télé-
graphiques entre Bourgas et Philippopoli
étaient Interrompues, disait-on. Il semble
que ces nouvelles soient-au moins exagérées ;
il est vrai que 'nous: n'avons encore que des
renseignements officiels, d'après lesquels une
troupe d'insurgés, venant de Constantinople,
auraient remonté la rivière de Bourgas et es-
sayé de pénétrer de force dans la ville. Après
un combat assez sanglant avec la garnison,
ils auraient été repoussés et se seraient reti-
rés sans qu'on ait pu.les poursuivre.
Tentative d'assassinat sur un inspec-
teur de police. — Un des plus habiles ins-
pecteurs de police de Londres, M. Lansdov/ne,
a failli, aujourd'hui, être assassiné dans des
circonstances assez extraordinaires. Lord
Compton, revenant de ses terres, avait perdu,
il y a quelques jours, en chemin de fer, son
porte-manteau, contenant un chèque de mille
francs,. Ce malin, le chèque était présenté à
la Banque, dont le caissier faisait arrêter le
porteur. M. Lansdowpc, appelé immédiate-
ment, demandait à l'individu quelques expli-
cations sur cette propriété d'un chèque de
millè francs dont il ne justifiait pas clairement.
L'individu, qui ne voulait pas donner son
nom, prétendait tenir la valeur de son associé,
dont il indiquait le domicile. L'inspecteur
Lansdowne conduisit l'inculpé à ce domicile
(\Ù, bi¡;n entendu, il n'y avait pas d'associé, et
comme il ramenait à la Banque pour une
nouvelle confrontation son prisonnier, celui-
ci sauta de la voiture, et M. Lansdowne n'eut
que le temps d'agir de même et de, le saisir au
collet. « Laissez-moi aller, pu vous êtes un
hommemort,s'écri,al'individu enbraquant sur
l'officier de police un revolver — qu'heureu-
sement celui-ci put saisir—en plaçant son
poupe sous le chien, qui s'abattit trois fois sur
le doigt de, M. Lansdowne.
La lutte dura plus de dix minutes, au mi-
lieu d'un rassemblement considérable; mais
les spectateurs, terrifiés par la vue du revol-
ycr, n'osèrent pas intervenir, et M. Lans-
downe aurait eu le dessous sans le secours de
son cocher, moins prudent que les autres as-
sistants. 12" - _ / ■>
UN ÉMULE DE M. WILSON
, Il y a, à Londres, un Industriel, probable-
ment, un Allemand, car c'est dans la langue
de Gœthe que sont rédigées ses circulaires,
qui offre à sa clientèle « des décorations ». Ce
Limouzin anglo-allemand, dans une circulaire
pas trop mal rédigée, en allemand toujours,
explique que, bien que seuls les souverains
confèrent des décorations et des titres, ils ne
peuvent connaître personnellement ceux qu'ils
comblent de leurs faveurs et que, par consé-
quent, ils sont obligés de s'en rapporter aux
personnes de leur entourage. Or, le Limou-
zin en question est, lui, en relations d'affai-
res avec ceux qui approchent les souve-
rains, et il s'engage à fournir des décora-,
tions aux prix indiqués au tarif joint à la
circulaire.
Voici quelques-unes des décorations à ven-
dre et le prixqu'on en demande : Les ordres
romains de Saint-Grégoire, de Saint-Sylvestre
et du Christ sont cotés 123 livres (3,125 fr.),
pour la croix de chevalier, et 175 livres (4,375
francs) pour celle de commandeur. La déco-
ration de San-Marino se vend au même prix,
à peu près. Les décorations tunisiennes sont
un peu moins chères : on a la croix de corn
mandeur du Nichain Iftikar pour 150 livres.
Le Lion et le Soleil de Perse montent tout
de suite à des prtx fort élovés : 300 livrés
pour le grade de commandeur, 175 pour ce -
lui de chevalier. Ceux qui préfèront un ordre
turc peuvent se le procurer au même prix.
Si l'on désire une décoration moins orien-
tale, il faut, cela va sans dire, .délier davan-
tage les cordons de sa bourse. Les ordres es-
pagnols de Charles III et d'Isabelle-la-Catho-
lique sont cotés 375 livres. Il est vrai que
pour cette somme considérable 'on a la croix
de commandeur avec plaque, ce qui est d'un
excellent effet le soir aux lumières. Les ordres
italiens sont évidemment moins bien portés
et sont cotés au -même prix que ceux de la
Serbie, ce qui fait penser que ceux-ci sont
trop chers et coux-là trop bon marché. L'in-
dustriel anglo-allemand se fait fort de procu-
res à ses clients la Couronne d'Italie ou l'or-
dre de Tacova pour 250 liv. st. La Roumanie
et le Venezuela vont ensemble ; on, se pro-
cure leurs rubans pour 5,000 fr. : quant à
l'ordre de la Rédemption de la république
nègre de Libéria, c'est 2,000 fr. qu'il en coûte
aux amateurs pour- se parer du ruban flam-
boyant de cette décoration. L'ordre de Saint-
Olaf de Suède et celui du Danebrog de Dane-
mark valent dans les 6,000 fr., et l'on peut,
pour 1,000 fr. de moins, ravoir un ordre alle-
mand d'un Etat non indiqué sur les pros-
pectus.
Le pays le mieux assorti en décorations, ti-
tres et dignités est l'Autriche. où l'on peut se
procurer, moyennant finances, même l'ordre
de la Couronne de Fer. Mais cet ordre n'est
pas à la portée de toutes les bourses et coûte
75,000 fr. Celui de Marie-Thérèse se vend
1,500 fr., aux nobles seulement. Le tarif des
titres varie entre 20,000 fr et 75,000 fr.
Le Limouzin londonien ne demande pas
qu'on le paye d'avance; il se contente d'une
garantie pour le montant de sa facture, et on
ne le lui remet qu'après livraison et inspection
de la marchandise.
BULLETIN MARITIME
Le « Malemba » et le « Benefactor »
Un abordage en rade qui aurait pu avoir
de tristes conséquences, s'est produit ven-
dredi, vers midi, à trois quarts de mille du
port du Havre dans les circonstances sui-
vantes :
Le steamer anglais Malemba, de Glasgow,
venant de la côte d'Afrique avec un charge-
ment d'huile dè palme et d'arachides, était
mouillé en rade en attendant l'heure de la
pleine mer pour entrer au Havre, port de
destination, quand un autre steamer anglais
Benefaetor vint également mouiller dans son
voisinage.
Vers onze heures, le Benefaetor, chargé de
houille pour Rouen, levait ses ancres pour
entrer en Seine, et en évitant, il donna de-
bout dans le Malemba. Le choc fut si violent,
que le steamer abordé eut ses tôles de tri-
bord, entre la machine et le grand mât, dé-
foncées sur une hauteur de trois mètres en-
viron au-dessus de la flottaison et de soixante
centimètres au-dessous.
L'eau fit irruption dans la cale et ne tarda
pas à atteindre deux mètres cinquante. Le
capitaine fit immédiatement route pour le
Havre et fut assez heureux pour accoster le
[ quai de l'avant-port •*r
D'après les ordres du ministre,!la levée vo-
lontaire des inscrits maritimes âgés de dix-
huit à vingt ans est ; reprise depuis le f CI jan-
vier. En outre, les engagements pour le corps
des équipages de la flotte seront ouverts dans
les cinq ports militaires seulement du f cr au
29 février 1888 inclus; pour les jeunes gens
exerçant la profession d'ajusteur, de forge-
ron, de chaudronnier en fer ou en cuivre, il,
sont ouverts exceptionnellement depuis le
1 e. janvier 1888. Les candidats devront savoir
lire et écrire.
Avis aux navigateurs
La chambre de commerce a reçu de M. le
consul de Hussie à Bordeaux divers avis aux
navigateurs publiés par l'administration gé-
nérale de l'hydrographie du ministère impé-
rial de la marine et relatifs à la mer Baltique,
la mer Noire, la mer Caspienne et la mer
d'Azoff.
Ces documents sont déposés au secrétariat
de la chambre, à la Bourse, et tenus à la dis-
position des personnes intéressées.
LES CONCERTS
Châtelet. — Manfred, tourmenté par
le souvenir d'un passé criminel et d'un
amour inassouvi, demande tour à tour l'ou-
bli, la consolation, le repos, la mort aux
différentes puissances de la nature, qui
obéissent complaisamment à ses évoca-
tions et lui répondent, agréablement du
reste, p.ir l'organe de Mmes Durand-Ul-
bach, Delorn, MM. Ferrand, Jérôme, de
Mme Segond-Weber, de M. Sylvain.
Mais Manfred ne goûte pas la paix fac-
tice qui lui est offerte et quand, au déclin
de sa vie, la foi lui apparaît comme seul
véritable secours, il la repousse et meurt
impénitent.
M. Mounet-Sully rend dramatiquement le
personnage de Manfred. J'ai cité les noms
de ses partenaires. M. Colonne, oi le voit,
ne cesse pas de s'entourer d'artistes d'élite
dès qu'il s'agit de l'interprétation d'une
grande œuvre. Il faut, au surplus, le félici-
ter de ne pas en débiter les morceaux au
détail, mais de permettre qu'on juge l'ou-
vrage dans son entier, malgré les compli-
cations et les difficultés desquelles, il est
vrai, l'on se joue sous son archet conduc-
teur.
L'examen de la partition de Schumann
m'entraînerait trop loin. Je préfère envoyer
au Châtelet les lecteurs de la Petite Presse
en les assurant d'une exécution parfaite
sans laquelle Manfred serait absolument
incompréhensible.
Le cinquième concerto de Bach a valu
à ses interprêtes M. Diémer (piano), M.
Cantié (fiute), M. Rémy (violon), des ap-
plaudissements chaleureux.
Félix Lemoine.
LES RECETTES DE MAITRE PIERRE
MENU
Potage Pal' mentie l'
Salmis de canard
Selle de présalé rôtie
Salsifis au jus
. Mont-Blanc aux marrons
RECETTE POUR LE l\IO:'\T-BLANC.- Rien de com.
mun avec celui du voyage de M. Perrichon.
Vous faites cuire dans du lait sucré des
marrons épluchés. Vous les faites passer en
vermicelle à travers une passoire à larges
trous. Vous les disposez ensuite sur un plat
en leur donnant la forme d'un gâteau rond et
vous versez dessus une crème fouettée que
vous dressez en pyramide.
Si Rosalie a bien fouetté la crème, votre
Mont-Blanc fera sensation et lès enfants s'en
U/»l-\ûrnnf loe rlnicrfa
Maître Pierre.
CHOCOLAT MENIER
Refiiser les Imitations.
TEMPÊTES ET TREMBLEMENTS DE TERRE
Le bureau météorologique du Neto-York
Hèrald annonce qu'une dépression barométri-
que lui est signalée du cap Race; elle s'éten-
dra probablement dans la direction du Nord-
Est et causera des troubles atmosphériques
sur les côtes d'Angleterre et de France entre
le 9 et le M.
— Le lac Platfensée en Hongrie, qui, à
cause de sa grande étendue, est surnommé
la « mer hongroise », est en ce moment gelé.
C'est un fait excessivement rare.
— Des phénomènes assez singuliers se pro-
duisent, d'autre part, dans l'atmosphère.
Nous apprenons par une dépêche d'Alger
qu'un assez fort tremblement de terre a été
ressenti hier soir vers onze heures trente-cinq ;
la secousse a duré trois secondes et la direc-
tion a été Est et Ouest. Ce n'est pas du reste
le seul tremblement de terre survenu dans ces
derniers jours, car dans diverses villes d'Algé-
rie, à Biidali, par exemple, les mêmes se-
cousses ont été ressenties.
TRIBUNAUX
L'AFFAIRE GUSTAVE NAQUET-MENVIELLE
Samedi est venue devant le 2° chambre de
la cour d'appel l'affaire du duel Gustave Na-
quet-Menvielle. Le rapport de M. le conseil-
ler Benedetti est très favorable au prévenu et
attribue l'acte incriminé à un moment d'in-
conscience. On sait que M. G. Naquet a saisi
de la main gauche l'épée de son adversaire
pendant qu'il le blessait de l'autre main.
L'accusa est défendu par M" Barne, séna-
teur, bâtonnier du barreau de Marseille, as-
sisté de M. Henry Perraud, avocat à Gre-
noble. M. Barne insiste fortement sur les ar-
ticles publiés par MM. Ranc, Arène, Albert
Wolff dont le talent et l'autorité ont, en pa-
reille matière, le plus grand poids. Il critique
la conduite des témoins de M. Menvielle, qui
dénoncèrent M. Naquet, et il s'attache à éta-
blir que l'acte commis par son client, qui
dans ce duel avait contre lui son âge, desépées
trop lourdes, le mauvais côté du terrain, fut
un acte purement instinctif et irréfléchi.
Dans tous les cas, les conséquences furent
très peu graves, ajoute le défenseur; le juge-
ment de première instance a donc été exces-
sif dans ses considérants, qui contiennent,
d'ailleurs, des contradictions flagrantes. La
politique a joué un grand rôle dans l'affaire;
mais, maintenant que les passions sont apai-
sées, la cour, à son tour, fera l'œuvre d'apai-
sement et réformera le jugement.
Me Benoit Cattin, avocat de la partie ci-
vile pour M. Menvielle, réédite la plaidoirie
prononcée en première instance et s'oppose à
une réduction de peine. M. Gensoul, avocat-
générai, qui occupe le siège du ministère pu-
blic, requiert l'application du jugement; il
examine l'analogie des affaires ' Dekeirel et
Meyer avec celle ci. D'après lui, l'affaire Meyer
est dissemblable : mais Dekeirel se trouvait
absolument dans le même cas que Naquet, et
dans cette affaire, lajusticenes'occupa pas du.
duel, mais des faits délictueux commis à l'oc-
casion du duel. Il est nécessaire, conclut M.
l 'avocat-géiléral, de réprimer ces actes qui se
multiplient et que condamnent et le code du
duel et le code pénal. La cour renvoie à.
jeudi le prononcé de son arrêt.
AFFAIRE DE CHANTAGE
La poursuite intentée par le ministère pu-
blic à la femme Pati, pour chantage envers >
M. Maurel, député du Var, est venue samedi
devant le tribunal correctionnel de Toulon.
L'inculpée est une femme de trente-deux
ans ; elle répond aux questions du président
que M. Maurel est venu habiter pendant les >
vacances une maison voisine de la sienne
dans la commune de Bandois. Un jonr qu'eîla
était allée chercher une réponse "au sujet
d'une recommandation qu'elle avait deman-
dée à M. Maurel pour son mari, le député lui
aurait répondu qu'elle devait avant lui ac-
corder ses faveurs. ' '
Mme Pâti raconte ensuite les divers ren-
dez-vcus qu'elle aurait eus avec M. Maurel,'
les promesses que ce dernier lui aurait faites
de l'emmener en Tunisie, et enfin elle énu-
mère les quelques menues sommes qu'elle au-
rait reçues de lui. Elle se défend d'avoir pro-
voqué la scène du 21 octobre dernier à la.
gare de Toulon. Elle prétend que M. Maurel
l'a interpellée en lui disant :
« Que venez-vous faire ici ? » Elle raconta
ensuite ses visiles à Mme Maurel et à M.
Maurel père.
Une discussion assez vive s'est engagée
entre l'avocat de la femme Paty et le substi-
tut du procureur de la République. Celui-ci
dit que la femme Paty a laissé une dette de ■
32 fr. lors de la tournée Clémenceau-Maurel
;i Toulon, dans l'hôtel où était descendu le
député. Son sentiment est que la femme Paty
voulait extorquer de l'argent et qu'elle n'avait
pas les sentiments qu'elle prétend avoir
existé "entre M Maurel et elle ; le délit da
hantag-e existe, par conséquent.
M. Maurel, qui se porte partie civile, con-
clut à la condamnation aux dépens pour tous
dommages-intérêts.
Le défenseur de la femme Pati retrace à
son tour, dans toutes leurs circonstances, ces
relations devenues, dit-il, de notoriété pu-
blique.
Le tribunal admet les circonstances atté-
nuantes et condamne la femmo Pati à 100
francs d'amende et aux dépens ; la partie ci..
vile est condamnée à les garantir vis-à-vis de
l'Etat.
Nécrologie
Nous apprenons avec regret la mort de
Mme Alfred de Wattoville, née Claire Mann.
berguer, qui a succombé hier, chez son père,
rue La Rochefoucauld, à l'âge de ving-neiu
ans. Les obsèques auront lieu aujourd'hui
lundi, à dix heures, en l'église do la Rôdemp*
tion, rue Chauchat.
Le P. Pierre Duvey, supérieur des prêtres
de la Miséricorde, rue de l'Assomption, 88, à
Auteuil, a succombé aux suites d'une longue
maladie. Le P, Duvey avait prêché, pendant
de longues années, dans les églises de Paris
et avait fait plusieurs missions en province,
notamment à Orléans. Il était âgé de soixante*
neuf ans,
FAITS DIVERS
Cuit dans une chaudière! — Un épou"
vantable accident est arrivé à la voirie da
Bondy. Un malheurex ouvrier qui y était
employé, le nommé Adam, père de cinq en..
fants, est tombé dans un bac plein d'ea ,c,
bouillante. A moitié cuit, il eut. l'incroyabla
énergie d'en sortir seul. Il a succombé hier,
dans son domicile, rue dullaincy, 2, à Bondy,
des suites de ses horribles brûlures. Il iaisao
une famille absolument sans ressources.
— Le crime de la rue de Belleohasse»
— L'état de M. Raynaud ne s'améliore pas.
Le bulletin suivant le constate : « Nuit du 7
au 8 janvier : état stationnaire ; température,
37°4'; pouls, 96. Faiblesse notable. »
Les personnes de la famille seules peuvent
pénétrer dans la chambre du' malade, qui re-
çoit tous les jours de nombreuses mal'''
ques de sympathie de la part de tous ceux
qui l'ont connu. Hier matin, un élève de
l'Ecole polytechnique a déposé, au nom de
ses camarades de l'Ecole, une carte portant
N° 25 — Feuilleton de la PETITE PRESSE.
LA DOUBLE VUE
PAR
PIERRE MAEL
Deuxième Partie
VIII
— Il vous sera facile, par votre conduite
et votre travail, de1 vous faire relever d'un
poste inférieur, et même de monter d'un
échelon. Faites votre profit de la leçon.
Vidal ne se le fit pas dire deux fois. Certes,
il maugréa, du fond du coeur, contre une ad-
ministration revêche, prude et morose qui
veut de la morale chez ses employés. La di-
minution des honoraires lui fut surtout sen-
sible. Les natures de cette sorte ne compren-
nent le remords qu'appuyé d'une crainte im-
médiate. Le bon propos leur est inconnu. Or,
tout en se disant que l'on savait son histoire,
il ne se reprocha que de l'avoir laissée trans-
' pirer,, Puis il en, prit son parti., Au demeu-
rant, ce n'était pas un niais, bien qu'il fût un
peu fat, et il avait pour le mal un fond d'é-
nergie qui aiguisait ses 'résistan,.iés.' Le der-
nier mot de'son ressentiment fut une aigreur
qui lui suffit pour s'excuseçàsespropresyeux.
Il en arriva à considérer comme de justes re-
présailles ce 7 qu'il ' entreprendrait encore
co:o.tre;YtY°n:ne. Il voulait répondre à laguerre
par la guerre. Puisqu'on le persécutait, il se
vengerait.:" ' 1 r ' ■ ' -
1 Cela était licite à son raisonnement.'Et,
d'ailleurs; la vengeance était - de celles qui
surexcitent les passions et aiguisent une vo-
lonté. Il avait un mois' devant lui pour .as-
souvir sa haine et son désir. C'était assez
•Dès lors IL ne se montra plus à Kernavel.
Que lui importait d'ailleurs? Mieux que le
plus expert médecin aliéniste, Il pratiquait la
névropathie mystérieuse de la victime. Il
comptait sur la suggestion pour lui amener
Yvonne au lieu et à l'heure qu'il lui.âvait
assignés. Et ses mesures étaient bien prises.
Ni Cloarek ni Foskin ne seraient présents à ce
moment. Force serait donc à la jeune femme
d'obéir à l'appel maudit. Il comptait sans la
Providence., 1 -
Pendant ce temps, Pierre, d'accord avec
Yvonne, pressait les apprêts du mariage. On
avait Ipublié deux bans. Yvonne, toute en-
tière à l'Ivresse de son amour, éprouvait d'é-
tranges frissons de volupté, son intelligence
n'en comprenait ni. le motif ni l'origine. Le
quartier-maître, aux heures de tête-à-tête,
voyait distinctement cet état morbide chez la
pauvre fille restée vierge dans sa conscience.
La folie avait si promptement succédé au ré-
veil qu'elle avait perdu toute mémoire..,
La faute inconsciente était bel et bien en-
sevelie dans la fosse du petit être disparu.
Mais les sens, malgré l'épreuve, avaient gardé
l'étonnante sensation des voluptés partagées.
A ces heures, si Pierre eût voulu, il eût pos-
sédé sa fiancée, écrasée par le trouble de ses
nerfs. Mais c'était un honnête homme que le
gabier. Il voulait Yvonne pour femme, non
pour. maîtresse, et il se rendait un compte
exact de l'abominable crime qu'il aurait com-
mis en s'abandonnant lui-même aux convoi-
tises de sa chair. Aussi pressait-il les épou-
sailles. Tout le monde, dans le pays, admirait
ce jeune et beau garçon que rien n'avait pu
faire dévier de sa droiture native. On n'avait
qu'une surprise, qu'il eût si promptement et
si aisément pardonné, du moins à Vidal. Mais
ceux qui connaissaient bien le marin se di-
saient que ce n'était que partie remise, et
Pierre Foskin était un Breton de dure roche.
Il se taisait, n'ayant pas besoin de confidents.
IX
Le jour vint enfin. La cérémonie fut sim-
ple et touchante. On remarque qu'un officier
de marine, un enseigne de vaisseau y assis -
taient, voulant donner au jeune homme, au
nom da, tout l'équipage de son bâtiment,
cette marque d'estime et d'affection. Jamais
Yvonne ne fut plus belle que sous son voile
de mariée. Le recteur avait exigé qu'on lui^
mît la couronne d'oranger, la pauvre enfant
n'ayant jamais péché. — Pierre fut profondé-
ment ému de cette délicatesse du vieux prê
tre, et comme il l'en remerciait, celui-ci le
prit à part, tenant les mains du gabier dans
les siennes :
— Pierre, mon fils, lui dit-il, le passé n'a
jamais existé, ou, s'il a existé, il est mort au-
jourd'hui. Il faut qu'il soit mort, entends-tu,
mon enfant? Avant de conduire ta femme à
l'autel, jure-moi que tu as tout oublié, que
tu as tout pardonné.
— J'ai tout oublié, monsieur le recteur, et
je n'avais rien à lui pardonner; à elle, la^
pauvre chère aimée.
— Non, reprit le prêtre, pas à elle, mais
à l'autre ?
Pierre tressaillit et ne répondit pas.
— M'as-tu compris, garçon? iosista le
vieillard.
Il proféra d'une voix sourde »
— Pas cela, monsieur le recteur i ne me
demandez pas cela.
Mais l'homme de Dieu reprit avec sa dou-
ceur angélique :
— Ecoute, Piarrik, je t'ai baptisé, je t'ai
vu pousser sur les roches et courir après les
goélands, te rouler dans le varech, boire tesr
premières gorgées d'eau verte. Tu as fait ti
première communion de mes mains, et til
m'as toujours aimé comme un fils aime son
( père. Puis, tu es devenu grand. Tes épaules
se sont élargies ; te voilà un brave et solidq
matelot de la Bretagne et de la France ; tu
es un honnête homme et un homme de
cœur, et tu auras des fils qui te ressemble -
ront. Eh bien! Dieu ne t'a rien demandé
jusqu'ici, ni moi non plus. Pour qu'il te bé...
nisse, toi et ta femme et vos enfants ensuite,
il faut que tu fasses un sacrifice, le dernier.
Pardonne à ce malheureux qui vous a si
cruellement blessés tous les deux, et laisse lt:
Celui qui seul a le droit de punir le soin dte
châtier son crime. ' ï
Le prêtre joignit d'autres paroles émues. 11
ne fallait pas qu'au premier jour, au moment
où il refaisait la vie de cette pauvre enfant
trompée, le jeune époux apportât sous le toit
conjugal de sinistres pensées, de sombres dé-
sirs de vengeance. Aussi bien la Providence
avait mis remède à tout, puisque la folle
d'Yvonne lui avait ôté la mémoire de l'ouf
trage subi.
La résistance fut longue. Pourtant le quar4
tier-maître se laissa toucher. Il promit d'out
blier l'injure et de pardonner au coupable.
(A suivrd
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