Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1866-04-16
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 16 avril 1866 16 avril 1866
Description : 1866/04/16 (N1). 1866/04/16 (N1).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47190595
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/11/2017
LA PRESSE ILLUSTRÉE
JOURNAL QUOTIDIEN
« ) tf i., hi iikîfléro.
5 cent. le numéro.
ABONNEMENTS — Trois mois. Six mois. f ffa al".- . • ~ ^
Paris Ii fr. 9 fr. | «â
Départements. 6 II \ x
LUNDI,--' AVRIL 1866. — No 1.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 24, boulevard des Italiens.
ADMINISTRATION : 15, rue Breda.
CAUSERIES SCIENTIFIQUES
ILE NOUVELLE ; TRICHINOPHOBIE ;
FREINS ÉLECTRIQUES » EMBRAYAGE
Une terre nouvel, it de sur-
gir du fond de la mer. Le 29 jan-
vier dernier, à quelques distances
de l'île Santorin, dans la partie sud
de l'Archipel grec, la mer se mit à
bouillonner et se couvrit d'écume.
En même temps, des bruits toni-
truants grondaient sourdement sous 1
l'élément liquide, qui prit bientôt
une teinte rougeâtre et duquel s'é-
chappèrent alors des masses sulfu-
reuses et de longues colonnes de
feu. Quand le calme eut succédé
à cette grandiose mais terrifiante
tempête, une masse solide, une île
nouvelle était sortie du sein de la
înctr. Et chacun de demander com-
ment a pu se former, si rapide-
ment , un aussi joli morceau de
pierre ponce ; car l'île nouvelle est
exclusivement constituée de ma-
tières poreuses.
Ce phénomène est curieux, en
' effoi, et d'autant plus curieux
qu'il est rare. Voici comment la
science l'explique :
Notre globe a été primitivement
une masse fluide incandescente ,
une espèce de soleil ; l'observa-
tion démontre que le noyau cen-
tral de la terre est toujours en cet
état, puisque la température va
encore en augmentant de la surface
à l'intérieur, et de telle manière qu'à 3,000 mè-
tres ou 3 kilomètres il y aurait déjà 100 degrés,
température de l'eau bouillante ; à 20 kilomètres
se serait 666 degrés, et, au centre, à 6,366 ki-
lomètres on jouirait d'une température de 200,000
pègres !
C'est par suite du refroidissement de la super-
ficie de cette masse de feu qu'une croûte solide
s'est formée tout autour, laquelle croûte s'est
épaissie de plus en plus, jusqu'à concurrence de
20 à 40 kilomètres. Cette épaisseur de l'écorce,
qui paraît considérable, est peu de chose néan-
moins comparativement au rayon terrestre, qui
est de plu3 de 6,000 kilomètres ; sur un globe
de i mètre de rayon, elle se trouverait réduite de
3 à 6 millimètres.
Il y a donc au centre de notre planète un
La Corvée.
noyau incandescent de plus de 42,000 kilomètres
de diamètre qui dégage naturellement une masse
considérable de vapeur. C'est cette vapeur qui sou-
lève les parties les plus faibles de l'écorce terres-
tre, pour en faire des montagnes ou des îles ; mais
qui le plus souvent déterminent les tremblements
de terre, pendant lesquels la terre s'entr'ouvre et
se déchire pour lui livrer passage.
Si ces phénomènes ne sont pas plus fréquents,
c'est grâce aux nombreux volcans qui communi-
quent à ce foyer central, et qui sont à la terre ce
que les soupapes de sûreté sont aux machines à
vapeur.
Telle est l'explication de l'apparition subite
de..J'île nouvelle. C'est un simple soulèvement,
f 1 •une boursouflure de la croûte solide de notre pla-
nète, de ce bon vieux soleil anté-diluvien, qui
s'est enkysté ni plus ni moins qu'une trichine, j
Oui, c'est vrai, parlons donc un peu de ce Cro- i
quemitaine microscopique, la terreur des amateurs
de jambons d'York et de saucissons de Lyon. C'est
la célébrité du moment. On en parle partout;
dans les dîners, les soupers, c'est le sujet de la
conversation depuis le passage des hors-d'œuvre
jusqu'à l'arrivée du dessert, et les trichinophobes
ne commencent à manger qu'après le service du
fromage, tant ils craignent de se trichiner.
Pendant longtemps — car la trichine n'est pas
chose nouvelle — j'ai supposé que la trichinose
était une pure invention d'un fils trop zélé de la
grande famille d'Israël, qui a voué, comme cha-
cun sait, une haine implacable à l'innocent mais
immonde compagnon de saint Antoine.
Depuis 1859, que les docteurs Leuckart, de Geis-
sen. et Virchow, de Berlin, ont
communiqué à l'Aôadémie <16 mé-
decine de Paris qu'ils avaient dé-
couvert la trichine ( prononcez
trickine ) dans le porc, personne,
en France, n'avait pu me faire voir
ce terrible animal, que les Alle-
mands trouvent partout, dans le
bœuf, dans le mouton, dans la vo-
laille, voire même dans les racines
alimentaires; le docteur Schacht
en a découvert, dit-il, dans la bet-
terave, et il prétend que c'est cette
substance végétale qui produit des
épizooties parmi les bêtes à cornes.
Je viens enfin de faire connaissance
avec ce redoutable parasite, et bien
peu de ceux qui ont écrit, en
France, sur la trichinomont eu pa-
reil honneur. Je lui ai été présenté
par un savant micrographe, pro-
fesseur à -l'Ecole de médecine de
Paris, qui, après a-voir exploré, en
vain, tous les jambons français, a
été obligé d'en faire venir d'Alle-
magne. Il a reçu d'un des plus cé-
lèbres trichinistes allemands une
toute petite tranche trichinée de •
deux centimètres carrés, qu'il con-
serve très-précieusement comme
échantillon. Ce n'est donc pas ,
comme on le voit, aussi commun
que le prétendent les bons Germains,
dont la vive et bouillante imagi-h-
nation a enfanté le romantisme?*. --
chacun sait, du reste, que l'excès
d'exagération est un des défauts de braves descen-
dants des Teutons, qui s'occupent de sciences.
La trichine n'est pas précisément un mythe , elle
existe réellement. Il y a trente ans que les mé-
decins anglais l'ont observée dans les muscles de
l'homme, du chat, de la corneille, du vautour, de
la taupe et de beaucoup d'autres animaux; mais
les flegmatiques et réalistes enfants d'Albion n'y
virent point mal : « Honni soit qui mal y pense. »
C'est un petit ver transparent qui peut acquérir
une longueur de 1 à ~ millimètres ; mais il est gé-
néralement enroulé sur lui-même en spirale comme
un ressort de montre, ce qui en réduit le volume
et ne permet pas de le voir à l'œil nu. Chez les
animaux, il est libre, et, vu avec un fort grossis-
sement, il ressemble assez bien au lombric ou ver
de terre ; chez l'homme qui est affecté de trichi-
N° 1er. — Feuilleton de la PRESSE ILLUSTRÉE
UN PREMIER AMOUR
PAR
GEORGES SAND
I
Quinze jours à peine s'étaient écoulés depuis l'arri-
vée des deux amies sur les bords de la Somme, lor-
sque Rosamonde, instruite par un message d'Archibald,
proposa à Alpaïde de faire une promenade très-agré-
able, en se rendant à Saint-Valery pour y jouir du
magnifique spectacle de la mer, qu'elle n'avail jamais
vue, et dont elle lui fit un tableau capable de piquer vi-
vement sa curiosité. Alpaïde aurait accepté avec joie
cette proposition, si sa chère Odette eût pu être de la
partie. On,Iui objecta qu'Odette ne pouvait quitter le
monarque, et Alpaïde finit par refuser. Rosamonde re-
vint cependant à la charge : on pouvait partir de grand
matin et revenir le soir. Alpaïde consentit enfin à faire
ce petit voyage.
Disons quel était le plan d'Archibald de Précy.
Charles avait, en 1386, fait construire un port à
l'Ecluse. Ses formidables préparatifs de guerre alarmè-
rent l'Angleterre. Sa flotte, composée de douze centqua-
tre-vingt-sept vaisseaux de guerre, tirés de tousles
ports du royaume et des côtes de l'Océan, depuis Sé.-
ville jusqu'en Prusse, devait encore être augmentée de
soixante-douze vaisseaux que le connétable Olivier de
Clisson " faisait armer en Bretagne. Ce nombre pro-
digieux de vaisseaux couvrait la mer, et la faisait parai-
tre comme une grande forêt. Le connétable avait fait
bâtir une ville de bois, dont toutes les pièces désunies
devaient être rassemblées en arrivant en Angleterre ;
et l'on se promettait de trouver dans cette ville artifi-
cielle de quoi se loger et se défendre. Le duc de
Berry fit avorter cette entreprise, qui avait été for-
mée contre son avis. On perdit le temps favorable à la
navigation ; les provisions se gâtèrent ; l'ardeur du sol-
dat se ralentit ; et le connétable, obligé de mettre à la
voile dans un3 saison avancée, fut surpris d'une violente
tempête, lorsque sur un brigantin, qu'il avait fait
armer en Bretagne, il conduisait une partie de la flotte
vers l'Ecluse, où était le rendez-vous général. Le gros
temps dispersa tous les vaisseaux sur lesquels on avait
chargé cette fameuse ville de bois dont onespérait tirer
tant d'avantage. L'un de ces bâtiments fut poussé ju-
sque dans la Tamise, comme pour aller porter aux an-
glais quelques pièces inutilesde la machine la plus ex-
traordinaire que put inventer l'esprit humain. Sept au-
tres furent jetés en Zélande ; le reste fut fracassé,
délabré et mis presque hors d'état de servir.
Des armateurs, des marchands normands et bretons
firent l'acquisition de quelques-uns de ces vaisseaux,
les firent ravitailler, et s'en servirent pour le com-
merce maritime qui, cependant, alors était de fort peu
d'étendue. De ce nombre était Willaume de Précy,
ousin germain d'Archibald. Il se trouvait alors à
Saint-Valery, et devait retourner à Saint-Malo. Archi-
bald avait, à quelques lieues de cette dernière ville,
une habitation isolée sur les bords de la mer : ce fut
là qu'il résolut de conduire Alpaïde. Il communiqua son
projet au capitaine Précy, qui, lui ayant des obliga-
tions, s'engagea à le servir. Il ne s'agissait que d'atti-
rer Alpaïde à Saint-Valery, de l'engager à faire une
, promenade sur la mer, à se rendre au vaisseau de
1
Précy pour le visiter; ce qui devait naturellementexciter
sa curiosité, parce que c'était un objet absolument
nouveau pour elle : le vaisseau ferait voile pour Saint-
Malo; Archibald, qui aurait pris les dé vants, vien-
drait, avec quelques gens bien payés, à unehauteur indi-
quée, s'emparer de sa proie.
monde, qui lui promit de conduire Alpaïde au vaisseau
et de regagner seule le rivage. Une histoire assez vrai-
semblable fut fabriquée d'avance pour rendre compte
de la perte de cette aimable fille, qu'un coup de vint
aurait précipitée dans les flots, sans qu'il eût été pos-,
sible de la sauver. ^
Le jour convenu, Alpaïde partit avec Rosamonde;
mais, cette nuit même, Odette fut agitée par un songjv
terrible. Quoiqu'elle n'eût pas connaissance du voyage
projeté, elle rêva qu'elle se trouvait avec Alpaïde£dans\
un vaisseau battu par la tempête ; la foudre^tombà'sur
le navire, qui s'abîma au sein dA^lots.^ tL à,-itation
de ses esprits occasiohna son réveilTelle se"]rendormit
quelques instants après, mais lesprésentèrent à son imagination \pàndant son sommeil.
Placée sur un roc escarpé, elle aperçoit Alpaide luttant
contre les flots mutinés ; cette derrière parvient cepen-
dant à regagner le rivage. Désespérée d'ètre séparée
d'elle, Odettte se précipite du haut du rocher pour es-
sayer de la rejoindre. Elle se réveille une seconde fois,
harassée, brisée, comme si elle eût réellement éprouvé
ce qui n'était que l'effet d'un songe. Au bout d'une
heure le sommeil appesantit de nouveau ses paupières.
De nouvelles terreurs l'assiégent; elle se trouve sur
un champ de bataille couvert de morts et de mourants.
Elle cherche des yeux la compagne de son enfance; elle
l'aperçoit à une grande distance et s'efforce de franchir
l'intervalle qui les sépare : ses. efforts sont infructueux ;
elle semble enchaînée nu sol où ses pieds ont pris ra-
cine ; et, pour la troisième fois, elle rouvre les yeux. Les
rayons du soleil éclairent son appartement. Elle se lève
inquiète, agitée... elle se rend dans la chambre occupée
par Alpaïde, et ne l'y trouve pas. Elle s'informe; elle
apprend qu'Alpaïde est depuis deux heures partie avec
Rosamonde pour Saint-Valery. Cette circonstance ajoute
à son trouble, à l'inquiétude que luicause un songe si-
nistre. Rien n'est impossible à l'amitié : Odette se dé-
cide à voler sur les traces d'Alpaïde. Deux coursiers
sont préparés pour Odette et une femme de service
Qu'elle emmène avec elle; un écuyer les accompagne.
î^le arrive à Saint-Valery ; elle apprend que les dames
qu'elle cherche sont descendues à l'auberge du grand
Saint-Nicolas. Un enfant est sur la porte, qui, répon-
dant à ses questions, lui annonce que ces dames sont à -
se promener sur les bords de la mer, et qu'elles ont
témoigné le désir de visiter un vaisseau stationné à
quelque distance. Il s'offre d'y conduire Odette et la
femme qui l'accomagne. L'écuyer reste pour aVoir soin
des chevaux. Cet enfant les guide et leot montre le
vaisseau : une chaloupe les y conduit. Eîes'jpiontent
à' bord ; et, tandis que la chaloupe revient à terre, le
vaisseau, à l'aide d'un vent propice, fend le sein des
ondes et s'éloigne de ces parages. V
II
MORT D'ODON.
La trop confiante Alpaïde n'avait pas le plus léger
soupçon du trait affreux Sont èlle allait devenir la vic-
time. Elle s'était acheminée avec Rosamonde vers les
bords de la mer. Déjà ce spectacle imposant avait frappé
ses yeux et fait sur'fses sens un effet difficile à décrire.
Déjà, après avoir1 néanmoins hésité pendant quelques
instants, vaincue par les sollicitations de Rosamonde, l
elle allait poser un'* pied timide dans,; la chaloupe qui
JOURNAL QUOTIDIEN
« ) tf i., hi iikîfléro.
5 cent. le numéro.
ABONNEMENTS — Trois mois. Six mois. f ffa al".- . • ~ ^
Paris Ii fr. 9 fr. | «â
Départements. 6 II \ x
LUNDI,--' AVRIL 1866. — No 1.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 24, boulevard des Italiens.
ADMINISTRATION : 15, rue Breda.
CAUSERIES SCIENTIFIQUES
ILE NOUVELLE ; TRICHINOPHOBIE ;
FREINS ÉLECTRIQUES » EMBRAYAGE
Une terre nouvel, it de sur-
gir du fond de la mer. Le 29 jan-
vier dernier, à quelques distances
de l'île Santorin, dans la partie sud
de l'Archipel grec, la mer se mit à
bouillonner et se couvrit d'écume.
En même temps, des bruits toni-
truants grondaient sourdement sous 1
l'élément liquide, qui prit bientôt
une teinte rougeâtre et duquel s'é-
chappèrent alors des masses sulfu-
reuses et de longues colonnes de
feu. Quand le calme eut succédé
à cette grandiose mais terrifiante
tempête, une masse solide, une île
nouvelle était sortie du sein de la
înctr. Et chacun de demander com-
ment a pu se former, si rapide-
ment , un aussi joli morceau de
pierre ponce ; car l'île nouvelle est
exclusivement constituée de ma-
tières poreuses.
Ce phénomène est curieux, en
' effoi, et d'autant plus curieux
qu'il est rare. Voici comment la
science l'explique :
Notre globe a été primitivement
une masse fluide incandescente ,
une espèce de soleil ; l'observa-
tion démontre que le noyau cen-
tral de la terre est toujours en cet
état, puisque la température va
encore en augmentant de la surface
à l'intérieur, et de telle manière qu'à 3,000 mè-
tres ou 3 kilomètres il y aurait déjà 100 degrés,
température de l'eau bouillante ; à 20 kilomètres
se serait 666 degrés, et, au centre, à 6,366 ki-
lomètres on jouirait d'une température de 200,000
pègres !
C'est par suite du refroidissement de la super-
ficie de cette masse de feu qu'une croûte solide
s'est formée tout autour, laquelle croûte s'est
épaissie de plus en plus, jusqu'à concurrence de
20 à 40 kilomètres. Cette épaisseur de l'écorce,
qui paraît considérable, est peu de chose néan-
moins comparativement au rayon terrestre, qui
est de plu3 de 6,000 kilomètres ; sur un globe
de i mètre de rayon, elle se trouverait réduite de
3 à 6 millimètres.
Il y a donc au centre de notre planète un
La Corvée.
noyau incandescent de plus de 42,000 kilomètres
de diamètre qui dégage naturellement une masse
considérable de vapeur. C'est cette vapeur qui sou-
lève les parties les plus faibles de l'écorce terres-
tre, pour en faire des montagnes ou des îles ; mais
qui le plus souvent déterminent les tremblements
de terre, pendant lesquels la terre s'entr'ouvre et
se déchire pour lui livrer passage.
Si ces phénomènes ne sont pas plus fréquents,
c'est grâce aux nombreux volcans qui communi-
quent à ce foyer central, et qui sont à la terre ce
que les soupapes de sûreté sont aux machines à
vapeur.
Telle est l'explication de l'apparition subite
de..J'île nouvelle. C'est un simple soulèvement,
f 1 •une boursouflure de la croûte solide de notre pla-
nète, de ce bon vieux soleil anté-diluvien, qui
s'est enkysté ni plus ni moins qu'une trichine, j
Oui, c'est vrai, parlons donc un peu de ce Cro- i
quemitaine microscopique, la terreur des amateurs
de jambons d'York et de saucissons de Lyon. C'est
la célébrité du moment. On en parle partout;
dans les dîners, les soupers, c'est le sujet de la
conversation depuis le passage des hors-d'œuvre
jusqu'à l'arrivée du dessert, et les trichinophobes
ne commencent à manger qu'après le service du
fromage, tant ils craignent de se trichiner.
Pendant longtemps — car la trichine n'est pas
chose nouvelle — j'ai supposé que la trichinose
était une pure invention d'un fils trop zélé de la
grande famille d'Israël, qui a voué, comme cha-
cun sait, une haine implacable à l'innocent mais
immonde compagnon de saint Antoine.
Depuis 1859, que les docteurs Leuckart, de Geis-
sen. et Virchow, de Berlin, ont
communiqué à l'Aôadémie <16 mé-
decine de Paris qu'ils avaient dé-
couvert la trichine ( prononcez
trickine ) dans le porc, personne,
en France, n'avait pu me faire voir
ce terrible animal, que les Alle-
mands trouvent partout, dans le
bœuf, dans le mouton, dans la vo-
laille, voire même dans les racines
alimentaires; le docteur Schacht
en a découvert, dit-il, dans la bet-
terave, et il prétend que c'est cette
substance végétale qui produit des
épizooties parmi les bêtes à cornes.
Je viens enfin de faire connaissance
avec ce redoutable parasite, et bien
peu de ceux qui ont écrit, en
France, sur la trichinomont eu pa-
reil honneur. Je lui ai été présenté
par un savant micrographe, pro-
fesseur à -l'Ecole de médecine de
Paris, qui, après a-voir exploré, en
vain, tous les jambons français, a
été obligé d'en faire venir d'Alle-
magne. Il a reçu d'un des plus cé-
lèbres trichinistes allemands une
toute petite tranche trichinée de •
deux centimètres carrés, qu'il con-
serve très-précieusement comme
échantillon. Ce n'est donc pas ,
comme on le voit, aussi commun
que le prétendent les bons Germains,
dont la vive et bouillante imagi-h-
nation a enfanté le romantisme?*. --
chacun sait, du reste, que l'excès
d'exagération est un des défauts de braves descen-
dants des Teutons, qui s'occupent de sciences.
La trichine n'est pas précisément un mythe , elle
existe réellement. Il y a trente ans que les mé-
decins anglais l'ont observée dans les muscles de
l'homme, du chat, de la corneille, du vautour, de
la taupe et de beaucoup d'autres animaux; mais
les flegmatiques et réalistes enfants d'Albion n'y
virent point mal : « Honni soit qui mal y pense. »
C'est un petit ver transparent qui peut acquérir
une longueur de 1 à ~ millimètres ; mais il est gé-
néralement enroulé sur lui-même en spirale comme
un ressort de montre, ce qui en réduit le volume
et ne permet pas de le voir à l'œil nu. Chez les
animaux, il est libre, et, vu avec un fort grossis-
sement, il ressemble assez bien au lombric ou ver
de terre ; chez l'homme qui est affecté de trichi-
N° 1er. — Feuilleton de la PRESSE ILLUSTRÉE
UN PREMIER AMOUR
PAR
GEORGES SAND
I
Quinze jours à peine s'étaient écoulés depuis l'arri-
vée des deux amies sur les bords de la Somme, lor-
sque Rosamonde, instruite par un message d'Archibald,
proposa à Alpaïde de faire une promenade très-agré-
able, en se rendant à Saint-Valery pour y jouir du
magnifique spectacle de la mer, qu'elle n'avail jamais
vue, et dont elle lui fit un tableau capable de piquer vi-
vement sa curiosité. Alpaïde aurait accepté avec joie
cette proposition, si sa chère Odette eût pu être de la
partie. On,Iui objecta qu'Odette ne pouvait quitter le
monarque, et Alpaïde finit par refuser. Rosamonde re-
vint cependant à la charge : on pouvait partir de grand
matin et revenir le soir. Alpaïde consentit enfin à faire
ce petit voyage.
Disons quel était le plan d'Archibald de Précy.
Charles avait, en 1386, fait construire un port à
l'Ecluse. Ses formidables préparatifs de guerre alarmè-
rent l'Angleterre. Sa flotte, composée de douze centqua-
tre-vingt-sept vaisseaux de guerre, tirés de tousles
ports du royaume et des côtes de l'Océan, depuis Sé.-
ville jusqu'en Prusse, devait encore être augmentée de
soixante-douze vaisseaux que le connétable Olivier de
Clisson " faisait armer en Bretagne. Ce nombre pro-
digieux de vaisseaux couvrait la mer, et la faisait parai-
tre comme une grande forêt. Le connétable avait fait
bâtir une ville de bois, dont toutes les pièces désunies
devaient être rassemblées en arrivant en Angleterre ;
et l'on se promettait de trouver dans cette ville artifi-
cielle de quoi se loger et se défendre. Le duc de
Berry fit avorter cette entreprise, qui avait été for-
mée contre son avis. On perdit le temps favorable à la
navigation ; les provisions se gâtèrent ; l'ardeur du sol-
dat se ralentit ; et le connétable, obligé de mettre à la
voile dans un3 saison avancée, fut surpris d'une violente
tempête, lorsque sur un brigantin, qu'il avait fait
armer en Bretagne, il conduisait une partie de la flotte
vers l'Ecluse, où était le rendez-vous général. Le gros
temps dispersa tous les vaisseaux sur lesquels on avait
chargé cette fameuse ville de bois dont onespérait tirer
tant d'avantage. L'un de ces bâtiments fut poussé ju-
sque dans la Tamise, comme pour aller porter aux an-
glais quelques pièces inutilesde la machine la plus ex-
traordinaire que put inventer l'esprit humain. Sept au-
tres furent jetés en Zélande ; le reste fut fracassé,
délabré et mis presque hors d'état de servir.
Des armateurs, des marchands normands et bretons
firent l'acquisition de quelques-uns de ces vaisseaux,
les firent ravitailler, et s'en servirent pour le com-
merce maritime qui, cependant, alors était de fort peu
d'étendue. De ce nombre était Willaume de Précy,
ousin germain d'Archibald. Il se trouvait alors à
Saint-Valery, et devait retourner à Saint-Malo. Archi-
bald avait, à quelques lieues de cette dernière ville,
une habitation isolée sur les bords de la mer : ce fut
là qu'il résolut de conduire Alpaïde. Il communiqua son
projet au capitaine Précy, qui, lui ayant des obliga-
tions, s'engagea à le servir. Il ne s'agissait que d'atti-
rer Alpaïde à Saint-Valery, de l'engager à faire une
, promenade sur la mer, à se rendre au vaisseau de
1
Précy pour le visiter; ce qui devait naturellementexciter
sa curiosité, parce que c'était un objet absolument
nouveau pour elle : le vaisseau ferait voile pour Saint-
Malo; Archibald, qui aurait pris les dé vants, vien-
drait, avec quelques gens bien payés, à unehauteur indi-
quée, s'emparer de sa proie.
monde, qui lui promit de conduire Alpaïde au vaisseau
et de regagner seule le rivage. Une histoire assez vrai-
semblable fut fabriquée d'avance pour rendre compte
de la perte de cette aimable fille, qu'un coup de vint
aurait précipitée dans les flots, sans qu'il eût été pos-,
sible de la sauver. ^
Le jour convenu, Alpaïde partit avec Rosamonde;
mais, cette nuit même, Odette fut agitée par un songjv
terrible. Quoiqu'elle n'eût pas connaissance du voyage
projeté, elle rêva qu'elle se trouvait avec Alpaïde£dans\
un vaisseau battu par la tempête ; la foudre^tombà'sur
le navire, qui s'abîma au sein dA^lots.^ tL à,-itation
de ses esprits occasiohna son réveilTelle se"]rendormit
quelques instants après, mais les
Placée sur un roc escarpé, elle aperçoit Alpaide luttant
contre les flots mutinés ; cette derrière parvient cepen-
dant à regagner le rivage. Désespérée d'ètre séparée
d'elle, Odettte se précipite du haut du rocher pour es-
sayer de la rejoindre. Elle se réveille une seconde fois,
harassée, brisée, comme si elle eût réellement éprouvé
ce qui n'était que l'effet d'un songe. Au bout d'une
heure le sommeil appesantit de nouveau ses paupières.
De nouvelles terreurs l'assiégent; elle se trouve sur
un champ de bataille couvert de morts et de mourants.
Elle cherche des yeux la compagne de son enfance; elle
l'aperçoit à une grande distance et s'efforce de franchir
l'intervalle qui les sépare : ses. efforts sont infructueux ;
elle semble enchaînée nu sol où ses pieds ont pris ra-
cine ; et, pour la troisième fois, elle rouvre les yeux. Les
rayons du soleil éclairent son appartement. Elle se lève
inquiète, agitée... elle se rend dans la chambre occupée
par Alpaïde, et ne l'y trouve pas. Elle s'informe; elle
apprend qu'Alpaïde est depuis deux heures partie avec
Rosamonde pour Saint-Valery. Cette circonstance ajoute
à son trouble, à l'inquiétude que luicause un songe si-
nistre. Rien n'est impossible à l'amitié : Odette se dé-
cide à voler sur les traces d'Alpaïde. Deux coursiers
sont préparés pour Odette et une femme de service
Qu'elle emmène avec elle; un écuyer les accompagne.
î^le arrive à Saint-Valery ; elle apprend que les dames
qu'elle cherche sont descendues à l'auberge du grand
Saint-Nicolas. Un enfant est sur la porte, qui, répon-
dant à ses questions, lui annonce que ces dames sont à -
se promener sur les bords de la mer, et qu'elles ont
témoigné le désir de visiter un vaisseau stationné à
quelque distance. Il s'offre d'y conduire Odette et la
femme qui l'accomagne. L'écuyer reste pour aVoir soin
des chevaux. Cet enfant les guide et leot montre le
vaisseau : une chaloupe les y conduit. Eîes'jpiontent
à' bord ; et, tandis que la chaloupe revient à terre, le
vaisseau, à l'aide d'un vent propice, fend le sein des
ondes et s'éloigne de ces parages. V
II
MORT D'ODON.
La trop confiante Alpaïde n'avait pas le plus léger
soupçon du trait affreux Sont èlle allait devenir la vic-
time. Elle s'était acheminée avec Rosamonde vers les
bords de la mer. Déjà ce spectacle imposant avait frappé
ses yeux et fait sur'fses sens un effet difficile à décrire.
Déjà, après avoir1 néanmoins hésité pendant quelques
instants, vaincue par les sollicitations de Rosamonde, l
elle allait poser un'* pied timide dans,; la chaloupe qui
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