Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-09-17
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 17 septembre 1868 17 septembre 1868
Description : 1868/09/17 (A3,N882). 1868/09/17 (A3,N882).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717884c
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
1 JOURNAL QÏÏOTIBIEN
5 cent. le numéro
s S cent. le naméra
AnONl"EME'¡TS. — Trois mois. Six mois. 129 an.
Paris S fr. 9 fr. il8 fr.
Départements.. a Il 8.
Administrateur : E. DELSAUX.
."IDe année. — JEUDI 17 SEPTEMBRE 18fiS. — N* 882
Directeur-Proprié (aire : JAKININ.
ÏUdaeteur en chef: A. DE BALATHIRR DRAGELONIM:.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, rue Da^OMOT. «
ADMINISTRATIF : 13, place Breda.
PARIS, 16 SEPTEMBRE 1868
LES BRACONNIERS
Depuis le f tr septembre, tous les chasseurs
se plaignent du dépeuplement tes !x)is et de-s
plaines. — Eh quoi 1 l'année a été on ne peut
plus favorable à la multiplication du gibier,
et l'on ne trouve pas de gibie t ! Les lièvres et
les perdreaux, à force d'être battus, ont-ils
donc appris la guerre, et réussissent ils à
|échapper aux coups de fusil? Mais alors,
-comment se fait-il qu'on retrouve sur le mar-
;;: pagne?... Entrez dans lin restaurant. Deman-
; ' rien pour v'Os..de'lolts : vous n'y trouverez pas
/t'Un grain 4e u-lornt) !...
C'est qa'e !» braconnage menace de détruire
la chasse.. C'est que la chasse n'est qu'une
. passion, tandis que le braconnage est un mé-
tier. Cest que le chasseur use ses bottes et sa
poudre à courir toute une journée, pour sou-
vent le soir rentrer bredouille, — tandis que
le braconnier, quand il a placé une centaine
de col tels dlH1S les passées et promené les traî-
neaux dans un champ, a la certitude de réa-
liser 1\:q:J, gain en échange de son travail dé-
fendu.
C'.est un fait, établi: les braconniers for-
ment une bande, organisée, disciplinée,
powiwe de tous les moyens de nuire. Cette
Mode a sa caisse de secours mu'uel, sa caisse
de traite pour la vieillesse et ses primes
d'assurances contre les accidents. Qu'un des
membres soit en prison, la société vient en
aide à sa femme et à ses enfants. Elle le peut,
car el-le est riche. Les marchands de gibier la
commanditent. Elle a ses chefs,ses soldats,ses
deoks, ses arsenaux, et même, comme autre-
fois les francs-juges, ses assassins.
Il y a dix ou douze jours, Paris, garde
particulier-de M. Cemus, au château de La-
couarde, rentrait à onze heures du soir, en
compagnie, du gendarme Thomas de la brigade
de'La Queue. Gallois. A deux cents mètres du
château, comme ils traversaient un champ de
betteraves, deux canons de fuèil brillèrent
da»s l'obscuinteé. Une voix releva :
— A toi P;t,!'is; à moi le gendarme!...
Quatre coq,,)s de feu partirent presque à la
fois. Le garde déchargea s&n fusil et tomba
raide -sur le sol. Le gendarme, blessé, se jeta
sur un des ¡meurtrier£ :
— A moi! dit-ilà son tour...
Et 1-e garde se releva pour lui venir en
taide.
i ; Alors une lut'e terrible s'engagea entre les
f trois hommes. Et, quand d'autres gendarmes
accoururent, ils trouvèrent une masse hu-
maine qui s'agitait dans u-o mare de sang.
Le lendemain, il y avait deux veuves et
quatre orphelins'l à La Queue-GaHuis. Les
braconniers, le père et le fils, deux paysans
nommés Lacroix, attendent sous les verroux
que la justice ait prononcé sur leur sort...
J'ai sous les yeux le Moniteur des Gardes,
si complet, si intéressant, si bien rédigé par
MM. Muraour et de Cherville, et j'y lis avec
effroi toute une série d'attentats dont les gar-
des et les gendarmes sont les victimes, dont
les braconniers sont les auteurs. Le crime de
La Quene-Galluis est le huitième depuis l'ou-
verture de la chasse.
Quand on a interrogé les assassins :
— Depuis longtemps, ont-ils répondu, nous
avions résolu de tuer le garde,
Et, pendant que trois mille personnes, la
tète nue, silencieuses et recueillies, suivaient
l'enterrement de Pâris et de Thomas, — on
entendit tout à coup des coups de fusil dans le
parc de Lacotlarde.
Ces coups de fusil étaient tirés par des bra-
conniers!...
Le roi Louis XIII, dans Mari-on Delorme,
envie le sort d'un braconnier.
Les braconniers, au début, n'étaient pas ce
qu'ils sont aujourd'hui, c'est-à-dire des chas-
seurs chassant malgré la loi sur les terres
d'autrui. Non. Ils formaient simplement une
classe de valets féodaux, ayant pour fonctions
de soigner les chiens braques dans les équi-
pages.
Le roi Pépin nomma l'un de ses serviteurs
maître l>ractmtÍÍer. Le roi Louis XIII était donc
fort innocent dans son vœu. Valet de son pre-
mier ministre, Richelieu, en politique, il aspi-
rait à être valet de vénerie poar se distraire,
trouvant ce dernier métier moins dur que le
sien.
Dans quelques provinces, le braconnage
était alors un état aussi honorible que celui de
louvetier, de fauconnier, de perdrisseur, et
autres dont il est parlé dans les Ordonnances
et les Coutumes. Les grands seigneurs autori-
saient un certain Eombre de leurs serviteurs
à ciaa&ser, à la condition toutefois que ceux-ci
1 n'exigeraient dps églises, des abbayes et des
laboureurs quoi que ce fut pour leur nourri-
tnre. Une exception confirmant cette 'èg-Ie est
celle du comté de Hairiaut, où le h'"nconmfr,
lorsqu'il avait pris un loup, av'uf le droit
d'exiger du cultivateur le plus voisin soit un
mouton, soit vingt sols tournois. C'est, vers
le dix-septième siècle, que le mot braconnier
prit la signification dans laquelle on l'emploie
aujourd'hui. La loi n'emploie jamais ce mot;
mai* le langage courant du Palais Fadmet, et
on le retrouve quelquefois dans les Ordon-
nances.
. L'ancienne législation est sans pitié ,pour
quiconque chasse sans en avoir le droit. Les
amendes, le fouet, la flétrissure, les galères
en cas de récidive, le bannissement et même
la'mort, protègent les privilèges des nobles ^
contre les matheurf'ux qui seraient tentés de
tuer un lapin. Sous Gniliaumo-le-Conquérant.
on crevait les yeux à l'homme qui avait tiré
un lièvre, et l'on pendait celui qui avait tiré
un daim. Il est vrai que, moyennant une
amenda, on pouvait alors tuer un Juif...
Les législateurs de 1789, frappés de l'o-
dieuse inégalité qui faisait du gibier d~s
plaines et des forêts, comme du poisson des
étangs et des fleuves, la propriété exclusive
de qUb-Iques-uns, voulut remettre généreuse-
ment poissons et gibier à la portée de tous.
Le droit de chasse devint un droit public.
Quand on reconnut que l'exercice de ce
droit aurait pour résultat la destruction com-
plète du gibier; on créa le port d'armes.
Mais le port d'armes est relativement eher.
C'est un impôt au-dessus des moyens de la
plupart, de sorte que la chasse, après avoir
été le monopole de l'aristocratie de la no-
blesse, est devenue celui de l'aristocratie de
l'argent. Comme tout le monde petit s'enrichir
et que tout le monde ne pouvait être noble, il
y a progrès. Sans doute l'avenir résoudra ce
problème, de donner à tous le droit, tout en
restreignant l'exercice de façon à ce que le
gibier ne soit pas entièrement exterminé.
En attendant, les braconniers régnent, et la
loi est impuissante contre eux ; car ici l'exem-
ple du châtiment n'arrête pas les délits.
Des associations pour la suppression du bra-
connage sont venues en aide à la loi, elles ont
accordé des gratifications et des récompenses
aux gendarmes et aux gardes, créé des pen-.
sions pour les veuves et les orphelins, orga-
nisé des enquêtes, payé des primes. Tous ces
1 ïùoyftns d'action sont demeurés insuffisants.
Des braconniers, les uns ont la passion d,u
chasseur. Ce sont des- sauvage?, pour lesquels
le péril est -un attrait. Comme les contreban-
diers avec les gens de la douane, ils je plai-
sent à échanger des coups ,de fusil avec ie,-
défenseurs de léJ. grande-propriété. C'est la
guerre, — une guerre à l'affût, avec ses
pièges, ses surprises, ses embuscade?, et cette
poésie, faite d'aventures, qui plaît à l'homme
de la nature, mêive le plus grossier.
Autrefois les gen'bilhomiiies ' qni portaient
l'épée se battaient sous le moindre prétexte.
Encore aujourd'hui, les duels sont plus fré-
quents dans l'armée que dans les autres classes
de la nation. L'arme appelle le combat.
L'homme du bois ou de la montagne, habitué
à manier un fusil, fera toujours plus volon-
tiers le coup de feu qu'un garde national, qui
vend des gilets de flanelle ou du sucre dans
sa boutique.
Ces braconniers sont des brigands, puis-
qu'ils tuent. Du moins, ont-ils l'excuse de
leur sauvagerie. Et puis, ils ne gagnent pas
grand chose à leur métier si dangereux. Car
il faut brûler bien de la poudre,'pour faire
fortune en vendant sa chasse.
Aussi ce braconnage,médiocrement lucratif,
est-il peu exercé. I .'immense majorité1 des bra-
conniers se compose de simples filous, dont
les afrmes sont les lacs, les lacets, les tirasses,
les tonnelles, les traîneaux, les brieolles, les
rets, les collets, les ailiers, les filets, les
bourses, les panneaux, etc., etc. Les engins
sont presque aussi nombreux que les délits.
Ne pas oublier les furets, avec lesquels on fait
la chasse aux lapins.
Grâce à tous ces moyens, nos voleurs ont
créé une industrie lucrative, dont ils vivent
grassement.
La loi de 1844 prononce une amende de
cinquante à deux cents francs contre ceux
qui auront chassé pendant la nuit ou à l'aide
d'instruments prohibés. Ils peuvent, en outre,
être punis d'un emprisonnement de six jours
à deux mois. Si le terrain sur lequel le délit
a été commis est clos, l'amende va de cent
francs à mille franos, et l'emprisonnement de
trois mois à deux ans. En cas de réeidive
dans l'année, les peines peuvent être portées
au double....
LA
FEMME IMMORTELLE
mess=""91 PAR
PONSON DU TERRAIL
DEUXIÈME PARTIE
V
Le rayon de clarté qui venait de frapper le
«parquis au visage était un rayon de lune.
Il nagea quelques secondes encore et se trouva
£out à coup hors du chenal souterrain et en
pleine Seine.
Alors, il se mit à respirer bruyamment, et il
était .libre.
La unit règnait, la lune brillait sur les mai-
;..iVeir lgs numéros parais depuis le 21 juin.
sons du vieux Paris et les deux rives du fleuve
étaient désertes.
I
| Le marquis chercha un moment à s'orienter.
Traverserait-il le fleuve ? ou bien reviendrait-
il s'accrocher à quelqu'un des bateaux amarré.
sur la rive gauche.
Mais comme il délibérait avec lui même sur
le parti à prendre, une barque se détacha et
vint droit à lui.
Trois hommes la montaient.
Le marquis entendit ces paroles î
— Enfin., nous en tenons un !
Des trois hommes, deux tenaient les avirons
et nageaient vigoureusement; le troisième était
debout à l'arrière.
Cependant le marquis, pensant qu'il avait
affaire à des gens de Janine où du chevalier j
d'Esparron, essaya de se dérober à cette pour- 1
suite.
Mais si bon nageur .qu'il fût, il ne pouvait
échapper longtemps â ceux qui le poursuivaient.
La barque le gagnait de vitesse, et bientôt il
entendit un bruit sec qui dominait celui des
avirons tombant à l'eau.
C'était le bruit d'un pistolet qu'on armait.
En même temps l'homme debout dansla bar-
que lui cria :
■ <— rei tu n-e t'arrêtes, tu es mort! =
Mais le marquis ne tint compte de l'injonc-
tion et continua de tirer au large.
Alors un éclair brilla, une détonation se fit
entendre et une balle siffla.
Soudain le marquis disparut sous l'eau.
Mais ce fut pour aller reparaître à deux brasses
plus loin.
Il avait plongé habilement et la balle avait
passé par-dessus sa tête sans lo toucher.
— Arrête! arrête! cria la voix irritée.
Alors le marquis se retourna à demi et ré-
pondit:
— Par la mort-dieu! aussi vrai que je me -
nomme le marquis' de la Roche-Maubert, vous
ne m'aurez pas vivant !
Un triple cri lui répondit.
Un cri d'étonnement et presque de joie.
Et la voix, tout à l'heure en colère, s'étant
subitement radoucie, lui répondit :
— Mais, monsieur le marquis, nous sommes
vos amis, et voici quinze jours que nous voua
cherchons.
Il y avait un tel accent de sincérité dan9 ces
paroles que M. de La Roche-Maubert, au lieu
de fuir., ce mit au-contraire à nager vers la bar-
que et, deux minutes après, il se cramponnait
à un aviron qu'on lui tendait.
Alors il regarda loi gens qui se disaient ses
amis. ' , .
Tous trois lui étaient parfaitement inconnus.
Mais celui qui était debout et qui paraissait, le
chef lui dit :
— Vrai? vous êtes le marquis de la Roete-
Maubert ?
— Puisque, vous êtes mes amis, vous devez le
savoir, répondit le marquis.
| Et il se hissa dans la barque.
î — Nous ne sommes pas précisément vos
amis, dit l'homme qui était debout, mais nous-
sommes payés par vos amis pour vous retrouver,
et voici trois nuits que nous ceruons cette
maison iriystérieu.so...,
— Dites une maison infernale ! s'éc:ia le m;)'P-
quis dont toute la colère revint.
— Aussi, reprit cet homme, avons-roue cru
d'abord que c'était un des suppôts de la sorcière
qui s'échappait.
Alors le marquis raconta aux trois hommes,
qui n'étaient autres que Porion et deu& de ses
agents, comment ii était parvenu à s'échap-
per.
Puis quand il eut fini :
— Oh 1 dit-il, quelque protection que leur ac-
corde monseigneur le Régent...
— Monseigneur le Régent ne protégera plus
personne, répondit Porion. :
— Heln1 fit le marquis. Que vou!ez'voaa
dire?
1 JOURNAL QÏÏOTIBIEN
5 cent. le numéro
s S cent. le naméra
AnONl"EME'¡TS. — Trois mois. Six mois. 129 an.
Paris S fr. 9 fr. il8 fr.
Départements.. a Il 8.
Administrateur : E. DELSAUX.
."IDe année. — JEUDI 17 SEPTEMBRE 18fiS. — N* 882
Directeur-Proprié (aire : JAKININ.
ÏUdaeteur en chef: A. DE BALATHIRR DRAGELONIM:.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, rue Da^OMOT. «
ADMINISTRATIF : 13, place Breda.
PARIS, 16 SEPTEMBRE 1868
LES BRACONNIERS
Depuis le f tr septembre, tous les chasseurs
se plaignent du dépeuplement tes !x)is et de-s
plaines. — Eh quoi 1 l'année a été on ne peut
plus favorable à la multiplication du gibier,
et l'on ne trouve pas de gibie t ! Les lièvres et
les perdreaux, à force d'être battus, ont-ils
donc appris la guerre, et réussissent ils à
|échapper aux coups de fusil? Mais alors,
-comment se fait-il qu'on retrouve sur le mar-
;;
;
/t'Un grain 4e u-lornt) !...
C'est qa'e !» braconnage menace de détruire
la chasse.. C'est que la chasse n'est qu'une
. passion, tandis que le braconnage est un mé-
tier. Cest que le chasseur use ses bottes et sa
poudre à courir toute une journée, pour sou-
vent le soir rentrer bredouille, — tandis que
le braconnier, quand il a placé une centaine
de col tels dlH1S les passées et promené les traî-
neaux dans un champ, a la certitude de réa-
liser 1\:q:J, gain en échange de son travail dé-
fendu.
C'.est un fait, établi: les braconniers for-
ment une bande, organisée, disciplinée,
powiwe de tous les moyens de nuire. Cette
Mode a sa caisse de secours mu'uel, sa caisse
de traite pour la vieillesse et ses primes
d'assurances contre les accidents. Qu'un des
membres soit en prison, la société vient en
aide à sa femme et à ses enfants. Elle le peut,
car el-le est riche. Les marchands de gibier la
commanditent. Elle a ses chefs,ses soldats,ses
deoks, ses arsenaux, et même, comme autre-
fois les francs-juges, ses assassins.
Il y a dix ou douze jours, Paris, garde
particulier-de M. Cemus, au château de La-
couarde, rentrait à onze heures du soir, en
compagnie, du gendarme Thomas de la brigade
de'La Queue. Gallois. A deux cents mètres du
château, comme ils traversaient un champ de
betteraves, deux canons de fuèil brillèrent
da»s l'obscuinteé. Une voix releva :
— A toi P;t,!'is; à moi le gendarme!...
Quatre coq,,)s de feu partirent presque à la
fois. Le garde déchargea s&n fusil et tomba
raide -sur le sol. Le gendarme, blessé, se jeta
sur un des ¡meurtrier£ :
— A moi! dit-ilà son tour...
Et 1-e garde se releva pour lui venir en
taide.
i ; Alors une lut'e terrible s'engagea entre les
f trois hommes. Et, quand d'autres gendarmes
accoururent, ils trouvèrent une masse hu-
maine qui s'agitait dans u-o mare de sang.
Le lendemain, il y avait deux veuves et
quatre orphelins'l à La Queue-GaHuis. Les
braconniers, le père et le fils, deux paysans
nommés Lacroix, attendent sous les verroux
que la justice ait prononcé sur leur sort...
J'ai sous les yeux le Moniteur des Gardes,
si complet, si intéressant, si bien rédigé par
MM. Muraour et de Cherville, et j'y lis avec
effroi toute une série d'attentats dont les gar-
des et les gendarmes sont les victimes, dont
les braconniers sont les auteurs. Le crime de
La Quene-Galluis est le huitième depuis l'ou-
verture de la chasse.
Quand on a interrogé les assassins :
— Depuis longtemps, ont-ils répondu, nous
avions résolu de tuer le garde,
Et, pendant que trois mille personnes, la
tète nue, silencieuses et recueillies, suivaient
l'enterrement de Pâris et de Thomas, — on
entendit tout à coup des coups de fusil dans le
parc de Lacotlarde.
Ces coups de fusil étaient tirés par des bra-
conniers!...
Le roi Louis XIII, dans Mari-on Delorme,
envie le sort d'un braconnier.
Les braconniers, au début, n'étaient pas ce
qu'ils sont aujourd'hui, c'est-à-dire des chas-
seurs chassant malgré la loi sur les terres
d'autrui. Non. Ils formaient simplement une
classe de valets féodaux, ayant pour fonctions
de soigner les chiens braques dans les équi-
pages.
Le roi Pépin nomma l'un de ses serviteurs
maître l>ractmtÍÍer. Le roi Louis XIII était donc
fort innocent dans son vœu. Valet de son pre-
mier ministre, Richelieu, en politique, il aspi-
rait à être valet de vénerie poar se distraire,
trouvant ce dernier métier moins dur que le
sien.
Dans quelques provinces, le braconnage
était alors un état aussi honorible que celui de
louvetier, de fauconnier, de perdrisseur, et
autres dont il est parlé dans les Ordonnances
et les Coutumes. Les grands seigneurs autori-
saient un certain Eombre de leurs serviteurs
à ciaa&ser, à la condition toutefois que ceux-ci
1 n'exigeraient dps églises, des abbayes et des
laboureurs quoi que ce fut pour leur nourri-
tnre. Une exception confirmant cette 'èg-Ie est
celle du comté de Hairiaut, où le h'"nconmfr,
lorsqu'il avait pris un loup, av'uf le droit
d'exiger du cultivateur le plus voisin soit un
mouton, soit vingt sols tournois. C'est, vers
le dix-septième siècle, que le mot braconnier
prit la signification dans laquelle on l'emploie
aujourd'hui. La loi n'emploie jamais ce mot;
mai* le langage courant du Palais Fadmet, et
on le retrouve quelquefois dans les Ordon-
nances.
. L'ancienne législation est sans pitié ,pour
quiconque chasse sans en avoir le droit. Les
amendes, le fouet, la flétrissure, les galères
en cas de récidive, le bannissement et même
la'mort, protègent les privilèges des nobles ^
contre les matheurf'ux qui seraient tentés de
tuer un lapin. Sous Gniliaumo-le-Conquérant.
on crevait les yeux à l'homme qui avait tiré
un lièvre, et l'on pendait celui qui avait tiré
un daim. Il est vrai que, moyennant une
amenda, on pouvait alors tuer un Juif...
Les législateurs de 1789, frappés de l'o-
dieuse inégalité qui faisait du gibier d~s
plaines et des forêts, comme du poisson des
étangs et des fleuves, la propriété exclusive
de qUb-Iques-uns, voulut remettre généreuse-
ment poissons et gibier à la portée de tous.
Le droit de chasse devint un droit public.
Quand on reconnut que l'exercice de ce
droit aurait pour résultat la destruction com-
plète du gibier; on créa le port d'armes.
Mais le port d'armes est relativement eher.
C'est un impôt au-dessus des moyens de la
plupart, de sorte que la chasse, après avoir
été le monopole de l'aristocratie de la no-
blesse, est devenue celui de l'aristocratie de
l'argent. Comme tout le monde petit s'enrichir
et que tout le monde ne pouvait être noble, il
y a progrès. Sans doute l'avenir résoudra ce
problème, de donner à tous le droit, tout en
restreignant l'exercice de façon à ce que le
gibier ne soit pas entièrement exterminé.
En attendant, les braconniers régnent, et la
loi est impuissante contre eux ; car ici l'exem-
ple du châtiment n'arrête pas les délits.
Des associations pour la suppression du bra-
connage sont venues en aide à la loi, elles ont
accordé des gratifications et des récompenses
aux gendarmes et aux gardes, créé des pen-.
sions pour les veuves et les orphelins, orga-
nisé des enquêtes, payé des primes. Tous ces
1 ïùoyftns d'action sont demeurés insuffisants.
Des braconniers, les uns ont la passion d,u
chasseur. Ce sont des- sauvage?, pour lesquels
le péril est -un attrait. Comme les contreban-
diers avec les gens de la douane, ils je plai-
sent à échanger des coups ,de fusil avec ie,-
défenseurs de léJ. grande-propriété. C'est la
guerre, — une guerre à l'affût, avec ses
pièges, ses surprises, ses embuscade?, et cette
poésie, faite d'aventures, qui plaît à l'homme
de la nature, mêive le plus grossier.
Autrefois les gen'bilhomiiies ' qni portaient
l'épée se battaient sous le moindre prétexte.
Encore aujourd'hui, les duels sont plus fré-
quents dans l'armée que dans les autres classes
de la nation. L'arme appelle le combat.
L'homme du bois ou de la montagne, habitué
à manier un fusil, fera toujours plus volon-
tiers le coup de feu qu'un garde national, qui
vend des gilets de flanelle ou du sucre dans
sa boutique.
Ces braconniers sont des brigands, puis-
qu'ils tuent. Du moins, ont-ils l'excuse de
leur sauvagerie. Et puis, ils ne gagnent pas
grand chose à leur métier si dangereux. Car
il faut brûler bien de la poudre,'pour faire
fortune en vendant sa chasse.
Aussi ce braconnage,médiocrement lucratif,
est-il peu exercé. I .'immense majorité1 des bra-
conniers se compose de simples filous, dont
les afrmes sont les lacs, les lacets, les tirasses,
les tonnelles, les traîneaux, les brieolles, les
rets, les collets, les ailiers, les filets, les
bourses, les panneaux, etc., etc. Les engins
sont presque aussi nombreux que les délits.
Ne pas oublier les furets, avec lesquels on fait
la chasse aux lapins.
Grâce à tous ces moyens, nos voleurs ont
créé une industrie lucrative, dont ils vivent
grassement.
La loi de 1844 prononce une amende de
cinquante à deux cents francs contre ceux
qui auront chassé pendant la nuit ou à l'aide
d'instruments prohibés. Ils peuvent, en outre,
être punis d'un emprisonnement de six jours
à deux mois. Si le terrain sur lequel le délit
a été commis est clos, l'amende va de cent
francs à mille franos, et l'emprisonnement de
trois mois à deux ans. En cas de réeidive
dans l'année, les peines peuvent être portées
au double....
LA
FEMME IMMORTELLE
mess=""91 PAR
PONSON DU TERRAIL
DEUXIÈME PARTIE
V
Le rayon de clarté qui venait de frapper le
«parquis au visage était un rayon de lune.
Il nagea quelques secondes encore et se trouva
£out à coup hors du chenal souterrain et en
pleine Seine.
Alors, il se mit à respirer bruyamment, et il
était .libre.
La unit règnait, la lune brillait sur les mai-
;..iVeir lgs numéros parais depuis le 21 juin.
sons du vieux Paris et les deux rives du fleuve
étaient désertes.
I
| Le marquis chercha un moment à s'orienter.
Traverserait-il le fleuve ? ou bien reviendrait-
il s'accrocher à quelqu'un des bateaux amarré.
sur la rive gauche.
Mais comme il délibérait avec lui même sur
le parti à prendre, une barque se détacha et
vint droit à lui.
Trois hommes la montaient.
Le marquis entendit ces paroles î
— Enfin., nous en tenons un !
Des trois hommes, deux tenaient les avirons
et nageaient vigoureusement; le troisième était
debout à l'arrière.
Cependant le marquis, pensant qu'il avait
affaire à des gens de Janine où du chevalier j
d'Esparron, essaya de se dérober à cette pour- 1
suite.
Mais si bon nageur .qu'il fût, il ne pouvait
échapper longtemps â ceux qui le poursuivaient.
La barque le gagnait de vitesse, et bientôt il
entendit un bruit sec qui dominait celui des
avirons tombant à l'eau.
C'était le bruit d'un pistolet qu'on armait.
En même temps l'homme debout dansla bar-
que lui cria :
■ <— rei tu n-e t'arrêtes, tu es mort! =
Mais le marquis ne tint compte de l'injonc-
tion et continua de tirer au large.
Alors un éclair brilla, une détonation se fit
entendre et une balle siffla.
Soudain le marquis disparut sous l'eau.
Mais ce fut pour aller reparaître à deux brasses
plus loin.
Il avait plongé habilement et la balle avait
passé par-dessus sa tête sans lo toucher.
— Arrête! arrête! cria la voix irritée.
Alors le marquis se retourna à demi et ré-
pondit:
— Par la mort-dieu! aussi vrai que je me -
nomme le marquis' de la Roche-Maubert, vous
ne m'aurez pas vivant !
Un triple cri lui répondit.
Un cri d'étonnement et presque de joie.
Et la voix, tout à l'heure en colère, s'étant
subitement radoucie, lui répondit :
— Mais, monsieur le marquis, nous sommes
vos amis, et voici quinze jours que nous voua
cherchons.
Il y avait un tel accent de sincérité dan9 ces
paroles que M. de La Roche-Maubert, au lieu
de fuir., ce mit au-contraire à nager vers la bar-
que et, deux minutes après, il se cramponnait
à un aviron qu'on lui tendait.
Alors il regarda loi gens qui se disaient ses
amis. ' , .
Tous trois lui étaient parfaitement inconnus.
Mais celui qui était debout et qui paraissait, le
chef lui dit :
— Vrai? vous êtes le marquis de la Roete-
Maubert ?
— Puisque, vous êtes mes amis, vous devez le
savoir, répondit le marquis.
| Et il se hissa dans la barque.
î — Nous ne sommes pas précisément vos
amis, dit l'homme qui était debout, mais nous-
sommes payés par vos amis pour vous retrouver,
et voici trois nuits que nous ceruons cette
maison iriystérieu.so...,
— Dites une maison infernale ! s'éc:ia le m;)'P-
quis dont toute la colère revint.
— Aussi, reprit cet homme, avons-roue cru
d'abord que c'était un des suppôts de la sorcière
qui s'échappait.
Alors le marquis raconta aux trois hommes,
qui n'étaient autres que Porion et deu& de ses
agents, comment ii était parvenu à s'échap-
per.
Puis quand il eut fini :
— Oh 1 dit-il, quelque protection que leur ac-
corde monseigneur le Régent...
— Monseigneur le Régent ne protégera plus
personne, répondit Porion. :
— Heln1 fit le marquis. Que vou!ez'voaa
dire?
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