Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-08-26
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 26 août 1868 26 août 1868
Description : 1868/08/26 (A3,N860). 1868/08/26 (A3,N860).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717862s
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN
& cent. le numéro '
S cent. le numéro
. &.60KNEMENTS. — Trois mois. Six mois. Un an. '
Paris & ir 0 9 fr. 18 fr.
Départements.. e 1. te
Administrateur S E. DSLSÀUX. .
5'" année. — MERCREDI ~6 AOUT 1868. - N° 860 J
irec-teur- Propriétaire : JANNIN.
Rédacteur en chef : A. DE BALATUIER-BRAGELONRJ,
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9* rue JUronot.
ADMINISTRATION '. 13. place Breda.
PARIS, 25 AOUT 1869
LA CUISINE EN FRANGE
LA TABLE SOUS LA RÉVOLUTION
II est des livres sur lesquels on revient,sans
cesse. C'est qu'ils ont le double rnéri'e d'être
lassez pleins de faits pour attire:' le curieux
et asseshùuî écrits pour satisfaire le lettré.
Avant-hier, Jules Janin, dans le Journal
des Defiais, écrivait.un de ses plus charmants
feuiitelons sur la cuisine chez tous les' peu-
ples, et, dans ce feuilleton, il citait avec éloge
l'lNstoÍre de la Table, de M. Louis Nico-
lardot.
Le feuilleton m'a fait rouvrir le livre. J'en
IIltl pris un des chapitres les plus intéressants,
celui qui concerne les mangeurs et les bu-
. vems de la Révolution, et je l'ai, suivant mon
^habitude, résumé pour votre plaisir.
On a dit, redit et répété que le Grand siècle
Était le siècle où l'on mangeait le plus. Eh
bien! le siècle suivant, c'est-à-dire le dix-
- huitième, l'égala pour le moins sous le rap-
port de l'appétit.
Le roi de Prusse, Frédéric II, qui avait un
. moins bon estomac que Louis XIV, avait une
aussi belle fourchette.
Quant à l'appétit de Louis XVI, c'est un
- . poëme.
Rien au monde ne peut en donner une
Intérêt d'Etat -et de famille, sommeil, fati—
rue, souri de l'exil, approche de la mort, rien
n'y fit : il fallut toujours que le roi mangeât,
- mangeât gloutonnement, sans dignité, de
façon à faire dire à Euffon qui regardait les
bêtes du Jardin des plantes prendre lesr
repas :
— Mais le roi mange comme ces animaux-
iàl...
Lorsque la Convention mit au concours,
pour suit de tableau, la journée du 10 août
17'32, ce fut un peintre inconnu, qui remporta
Le prix. Il avait choisi pour sa composition
l'épisode qui ava.it le plus frappé les contem-
pot'ains. c'est-à-dire le moment où Louis XVJ,
sous les yeux des conventionnels délibérant
sur son sort, mordait il belles dents un poulet
> qu'H tenaità dCIJ\ mains, L'insouciance mo-
taie du roi dénotait un courage qui déniaisait.
" ^ aux .républicains-; mais sa voracité indignait
Clés royalistes, si bien que le tableau fut cou-
: rdnné. Le peintre s'appelait Gérard. Devenu
baron et premier peintre du roi, après 18ib,
enleva le poulet du tableau. '
' Aucune circonstance ne put décider
Louis XVI à différer unit-pas.
Lorsque, prévoyant peut-être le sort de la
royauté et le sien, il ee fut déterminé à quit-
ter les Tnil-ries et à passer la frontière, on
eut soin de mettre dans sa voiture tontes
sortes de provisions de bouche ; il y avait jus-
qu'à une écuelle d'argent et deux petites cui-
sines de tôle. Il pouvait donc se dispenser de
descendre. Néanmoins lorsqu'il-se vit loin de
la cipitaie, et qu'il se fut bercé de l'espoir de I
n'étre ni arrêté, ni surtout rattrapé par des
commissaires de l'Assemblée nationale, il se
détourna de son itinéraire, malgré les instan- j
ces et les larmes de la reine, pour demander, !
à Etoges, l'hospitalité à M. de Chamilly, son j
premier valet de chambre. 11 fallut du temps
pour improviser un déjeuner copieux et raf-
finé; cette station dura de deux à trois heures.
Louis XVI ne. remonta en voiture que bien
restauré et rassasié. Mais, quand il entra à
Varennes, il ne trouva pas les troupes qui
étaient parties, parce qu'il y avait deux heures-
au moins d'écoulées depuis le moment fixi
pour protéger la fuite du roi, dont toutes' les
mi.r.,u tes avaient été calculées; elles avaient
pensé que tout était contrernandé.
. Ainsi, c'est pour avoir perdu deux heures
à déjeuner que cet appétit couronné fut arrêté
et ramené dans sa capita'e.
■ L,U.A peine . lftj-pauffe roi . fut-il retombéj
aux mains de S'CS sujets., que sa première
parole fut pour demander un verre de vin. i
Ramené à Paris, 4 ne perdit pas un coup |
de dent tout le long du chemin, dîna
fort bien à Claye, s'arrêta à Pantin pour se
rafraîchir et soupa en arrivant aux Tmie"-
ries. 1
Au Temple, le bulletin de son appétit esj le
même, et, la veille de sa mort, il mange à
déjeuner six odelettes, une demi-volaille et
des œufs.
Marie-Antoinette, si élégante, si charmante,
si distinguée, rougirait,jusqu'au front de
cette gloutonnerie du roi.* Parfois elle essayait
une observation. Soin inutile.... Alors, dé-
daigneuse, elle mangeait une parcelle de
viande et buvait un demi-verre d'eau.
- i. * *
Les hommes de la Révolution, sauf le due
- d'Orléans, gros mangeur comme tous ceux de
s^race, faisaient moins d'honneur aux mets
qu'aux vins.
-Saint-Just. reprocha un jour à Danton d'al-
lér, trois fois par semaine, dans une maison
dè la Grange-BateJière, dîner à cent écus
pi!r tète. Saint-Just omettait de dire que
Danton payait en assignats et qu'à une époque
ott l'on payait trois mille livres en assignais I
une Raire de bottes, le dîner de Danton n'était
guère qu'un dîner à trois francs.
Barrère, Dupin, Vouland, Vadier, quelques
conventionnels, aimaient à dînêr gaiement à
la campagne, à Clichy. Dupin cuisinait deux
ou trois plats, comme Alexandre Dumas.
Co-uthon, Sain t-J llst, Robespierre, avaient
leur couvert mis à ces dîners.
Robespierre n'avait qu'une fantaisie : il
aimait les oranges à la passion. Chez le me-
nuisier Duplay, où il prenait ses repas, on
lui en servait dans toutes les saisons, et une
pyramide y passait à chaque dîner. Mais il ne
buvait que de l'eau.
\
Le plus curieux de la table sons la Révolu-
tion, c'est peut-être le régime des prisons.
Les suspects, arrêtés et privés de la liberté,1
pouvaient du moins en prison vivre à leur
guise, et, quand ils avaient de l'argent, ils vi-
vaient bien.
Mme Roland, dans ses mémoires, parle de
l'entrée de Kersaint à la Force.
jyïLs'y fit suivre, .Êit-elle, par un attirail
: immense d'ustensiles de toutes les façons
pour la préparation du thé, du chocolat et de
bien d'autres friandises, dont la privation eût
trop coûté à ses goûts sensuels. Quand citait
son tour de veiller aux apprêts du dîner, que
nous faisions en commun entre huit à dix
personnes, nous étions toujours bien sûrs d'y
trouver plus de délicatesse et d'abondance. »
L'auteur du Tableau de Paris, Mercier, a
fait à peu près la même observation :
i
« Jamais, dit-il, on ne vil plus de propen-
sion à la gourmandise que dans ces jours de
calamité : j'en atteste les *àx prisons oÙ j'ai
été plongé. Et, je ne m'en cache point, quand
je me vis séparé du monde et de la société, je
ne voulus pas mourir, pour laisser à mes
bourreaux ce, triompbe et cette satisfaction.
Je voulus vivre pour voir la fin de ces sin-
guliers événements. J'ai déclaré à tous nos
compagnons d'infortune que je me consti-
tuais homme-plante; que je ne voulais être
que cela; je me fis une affaire capitale de mes
quatre repas, ou plutôt d'un seul repas que
je faisais du matin au soir, ne mangeant,
comme les enfants, que lorsque j'avais faim.
C'est avec ce régime que j'ai dompté l'ennui,
le mauvais air,la solitude, et que je me suis mis
en état d'attendre le grand jour de la justice
nationale. »
Dans quelques-unes de ces prisons on pre-
nait les repas en commun. Je vous ai raconté
un jour l'histoire de Hoche recevant un boü"
quet de roses et le partageant entre les fem-
mes assises à la même table que lui Ce jour,
là, celles qui comparurent devant le tribunal .
révolutionnaire avaient toutes une rose dans
leurs cheveux... ' .
A l'extérieur, les émigrés vivaient moins
bien. Chateaubriand a décrit les gamelles de
l'armée de Condé :
« Je faisais, dit-il, la soupe à merveille. »
Il faisait mieux; car sans doute les beefs-r
teaks à la Chateaubriand datent delà.
' C'est encore l'auteur du GQnie du Christian
nisme qui apprécie ainsi les 'différentes tables
de l'Europe :
« Les livres d'outre-Rhin et d'outre-Man-
che sont des fatras désordonnés; on les écrit,
on ne les compose pas. Voyez aussi les tables
purement anglaises ou allemandes : on y
-mange, on y boit surlotrtyniais on n'y dîne
pas. Je me tais sur l'Espagne et sur l'Italie,
où la cuisine est totalement méconnue.
En France, on festine : l'œil, le palais,
l'intelligence jouissent à la fois. Témoin
mon illustre et fidèle Montmirel. Il a fait
l'; mbassade de Londres, le congrès de
Vérone, le ministère de la rue des Capucines,
à Paris. Il est créateur, il est génie : que n'a-
t-il pu inventer l'art de dîner deux fois ! a .
Joseph deMaistre, le contemporain et l'ami
de Chateaubriand, buvait de la bière et pre-
nait un petit verre de Porto à la fin du repas,
comme nous prenons un petit verre du li-
queur.
Byron faisait plantureusement manger les
héros de ses poëmes. Pour lui, il s'imposait
LA
FEMME IMMORTELLE
69 PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
XXVI
Tandis que le margrave se laissait entraîner
par Mme Edwige, ou plutôt, un peu auparavant,
an cavalier, enveloppé dans son manteau et
marchant d'un pas rapide, traversait la Seine
au Pont-Neuf et gagnait le pays jatin.
C était le chevalier d'Espar/on qui revenait du
Palais-Royal et se dirigeait en toute hâte vers la
rue de l'Hirondelle.
-Malgré son nom sinistre, la rue Oit-le.Coeur,
^oir les numéros parus depuis le 21 juin!^
à.laquelle celle de l'Hirondelle est perpendi-.
culaire, était une rue paisible et peuplée ' de
braves gens qui ne se mêlaient absolument que
de leurs affaires et se couchaient de bonne
heure.
Ordinairement, quand le chevalier d'Esparron
rentrait après dix heures du soir, il ne rencon-
trait personne sur son chemin.
Aussi, ce soir-là, et bien qu'il fût près de mi-
nuit, le chevalier fut-il étonné de voir deu?i
hommes qui cheminaient à petits pas devant'1$^'
et s'ariétaient précisément au coin de la rue de
l'Hh'Oftde!Ie "
Comme le7 chevalier, ils avaient de grande-
manteaux qui les enveloppaient de ;la tête aux
pieds. -
Une vague inquiétude s'empara de M. d'Es-
parron.,
Il était brave, cependant, jusqu'à la témérité,
mais en ce moment,, ce n'était peut-être pas
pour lui-même qu'il avait peur.
_ Il s'arrêta donc un moment, comme s'étaient
arrêtés ces deux hommes qui parlaient tout bas
et il eut même bonne envie de rebrousser che- '
min jusqu'à la berge de !a rivière.
Mais son hésitation ne fut pes de longue-du-
rée; le chevalier n'avait jamais reculé, et puis
il portait sous son manteau son épée qui lui
battait les mollets. " ' . ;
11 se remit donc en marche et passa devant
ces deux hommes.
Mais, en ce moment, l'un d'eux lui prit le
bras et dit tout bas :
— Ré! camarade?
Le chevalier s'arrêta; et, bien que la nuit fùt
obscure, il regarda ces deux hommes et put
constater qu'ils lui étaient parfaitement in-
connus.
— Que me voulez-vovs? dit-il.
— Bon! répondit celui qui lui avait pris le
bras, ce que c'est que d'avoir la vue basse.
Excusez-moi, monsieur, je vous ai pris pour
Poi,ion.
Ce nom fit tressaillir le chevaUe .
Porion n'était pas un inconnu pour lui. C'é-
tait un agent de police t'rès-habife, que le cardi-
nal Dubois employait souvent et qui avait
même joué un grand rôle, lors de la conspi-
ration Cellamare.
M. d'Esparron eut alors une inspiration, et
devinant que ces gens-là étaient apostés là par
Porion, il répondit :
— Je ne suis pas Porion, mes drôles, mais je
suis au-dessus de lui, et si vous avez quelque
rapport de police à me faire, vous pouvez par-
ler
Les deux hommes se regardère&î*
1
— Connaissez-vous cela? dit encore le che-
valier.
Et il tira de sa poche un objet qu'il leur mit
sous les yeux en les attirant sous la lanterne qui
était p!acée à l'entrée de la rue.
-L'objet qu'il montrait était une petite clé en
forme de croix latine, et faite d'or massif.
Il y avait douze clés comme ça qui couraient
sinon le monde, au moins Paris, C'. voici l'his-
toire de ces douze clés.
Quand monseigneur Philippe d'Orléans était
devenu régent de France, il avait des fuyons
comme Nocé, comme le marquis de. Simiane,qui
étaient quelque peu mauvais sujets et qui, cou-
rant les rues la nuit, s'exposaient à des aven-
tures désagréables et avaient presque toujours
maille à partir avec le guet et les sergents du
lieutenant de police.
Le Régent, qm prenait les choses de très-
haut et ne voulait pas qu'on molestât ses amis,
fit un jour venir le lieutenant de police et lui
dit :
— Monsieur, je viens de faire faire douze clés
dont voici le modèle. Ces clés, qui ne s'adap-
tent à aucune serrure, ouvriront cependant
toutes les portes; c'est-à-dire que j'entends que
ceux qui en seront munis soient respectés et
n'aient aucun démêlé avec vos agents.
Il y avait bien deux ou trois ans que ces cléS,
9
JOURNAL QUOTIDIEN
& cent. le numéro '
S cent. le numéro
. &.60KNEMENTS. — Trois mois. Six mois. Un an. '
Paris & ir 0 9 fr. 18 fr.
Départements.. e 1. te
Administrateur S E. DSLSÀUX. .
5'" année. — MERCREDI ~6 AOUT 1868. - N° 860 J
irec-teur- Propriétaire : JANNIN.
Rédacteur en chef : A. DE BALATUIER-BRAGELONRJ,
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9* rue JUronot.
ADMINISTRATION '. 13. place Breda.
PARIS, 25 AOUT 1869
LA CUISINE EN FRANGE
LA TABLE SOUS LA RÉVOLUTION
II est des livres sur lesquels on revient,sans
cesse. C'est qu'ils ont le double rnéri'e d'être
lassez pleins de faits pour attire:' le curieux
et asseshùuî écrits pour satisfaire le lettré.
Avant-hier, Jules Janin, dans le Journal
des Defiais, écrivait.un de ses plus charmants
feuiitelons sur la cuisine chez tous les' peu-
ples, et, dans ce feuilleton, il citait avec éloge
l'lNstoÍre de la Table, de M. Louis Nico-
lardot.
Le feuilleton m'a fait rouvrir le livre. J'en
IIltl pris un des chapitres les plus intéressants,
celui qui concerne les mangeurs et les bu-
. vems de la Révolution, et je l'ai, suivant mon
^habitude, résumé pour votre plaisir.
On a dit, redit et répété que le Grand siècle
Était le siècle où l'on mangeait le plus. Eh
bien! le siècle suivant, c'est-à-dire le dix-
- huitième, l'égala pour le moins sous le rap-
port de l'appétit.
Le roi de Prusse, Frédéric II, qui avait un
. moins bon estomac que Louis XIV, avait une
aussi belle fourchette.
Quant à l'appétit de Louis XVI, c'est un
- . poëme.
Rien au monde ne peut en donner une
Intérêt d'Etat -et de famille, sommeil, fati—
rue, souri de l'exil, approche de la mort, rien
n'y fit : il fallut toujours que le roi mangeât,
- mangeât gloutonnement, sans dignité, de
façon à faire dire à Euffon qui regardait les
bêtes du Jardin des plantes prendre lesr
repas :
— Mais le roi mange comme ces animaux-
iàl...
Lorsque la Convention mit au concours,
pour suit de tableau, la journée du 10 août
17'32, ce fut un peintre inconnu, qui remporta
Le prix. Il avait choisi pour sa composition
l'épisode qui ava.it le plus frappé les contem-
pot'ains. c'est-à-dire le moment où Louis XVJ,
sous les yeux des conventionnels délibérant
sur son sort, mordait il belles dents un poulet
> qu'H tenaità dCIJ\ mains, L'insouciance mo-
taie du roi dénotait un courage qui déniaisait.
" ^ aux .républicains-; mais sa voracité indignait
Clés royalistes, si bien que le tableau fut cou-
: rdnné. Le peintre s'appelait Gérard. Devenu
baron et premier peintre du roi, après 18ib,
enleva le poulet du tableau. '
' Aucune circonstance ne put décider
Louis XVI à différer unit-pas.
Lorsque, prévoyant peut-être le sort de la
royauté et le sien, il ee fut déterminé à quit-
ter les Tnil-ries et à passer la frontière, on
eut soin de mettre dans sa voiture tontes
sortes de provisions de bouche ; il y avait jus-
qu'à une écuelle d'argent et deux petites cui-
sines de tôle. Il pouvait donc se dispenser de
descendre. Néanmoins lorsqu'il-se vit loin de
la cipitaie, et qu'il se fut bercé de l'espoir de I
n'étre ni arrêté, ni surtout rattrapé par des
commissaires de l'Assemblée nationale, il se
détourna de son itinéraire, malgré les instan- j
ces et les larmes de la reine, pour demander, !
à Etoges, l'hospitalité à M. de Chamilly, son j
premier valet de chambre. 11 fallut du temps
pour improviser un déjeuner copieux et raf-
finé; cette station dura de deux à trois heures.
Louis XVI ne. remonta en voiture que bien
restauré et rassasié. Mais, quand il entra à
Varennes, il ne trouva pas les troupes qui
étaient parties, parce qu'il y avait deux heures-
au moins d'écoulées depuis le moment fixi
pour protéger la fuite du roi, dont toutes' les
mi.r.,u tes avaient été calculées; elles avaient
pensé que tout était contrernandé.
. Ainsi, c'est pour avoir perdu deux heures
à déjeuner que cet appétit couronné fut arrêté
et ramené dans sa capita'e.
■ L,U.A peine . lftj-pauffe roi . fut-il retombéj
aux mains de S'CS sujets., que sa première
parole fut pour demander un verre de vin. i
Ramené à Paris, 4 ne perdit pas un coup |
de dent tout le long du chemin, dîna
fort bien à Claye, s'arrêta à Pantin pour se
rafraîchir et soupa en arrivant aux Tmie"-
ries. 1
Au Temple, le bulletin de son appétit esj le
même, et, la veille de sa mort, il mange à
déjeuner six odelettes, une demi-volaille et
des œufs.
Marie-Antoinette, si élégante, si charmante,
si distinguée, rougirait,jusqu'au front de
cette gloutonnerie du roi.* Parfois elle essayait
une observation. Soin inutile.... Alors, dé-
daigneuse, elle mangeait une parcelle de
viande et buvait un demi-verre d'eau.
- i. * *
Les hommes de la Révolution, sauf le due
- d'Orléans, gros mangeur comme tous ceux de
s^race, faisaient moins d'honneur aux mets
qu'aux vins.
-Saint-Just. reprocha un jour à Danton d'al-
lér, trois fois par semaine, dans une maison
dè la Grange-BateJière, dîner à cent écus
pi!r tète. Saint-Just omettait de dire que
Danton payait en assignats et qu'à une époque
ott l'on payait trois mille livres en assignais I
une Raire de bottes, le dîner de Danton n'était
guère qu'un dîner à trois francs.
Barrère, Dupin, Vouland, Vadier, quelques
conventionnels, aimaient à dînêr gaiement à
la campagne, à Clichy. Dupin cuisinait deux
ou trois plats, comme Alexandre Dumas.
Co-uthon, Sain t-J llst, Robespierre, avaient
leur couvert mis à ces dîners.
Robespierre n'avait qu'une fantaisie : il
aimait les oranges à la passion. Chez le me-
nuisier Duplay, où il prenait ses repas, on
lui en servait dans toutes les saisons, et une
pyramide y passait à chaque dîner. Mais il ne
buvait que de l'eau.
\
Le plus curieux de la table sons la Révolu-
tion, c'est peut-être le régime des prisons.
Les suspects, arrêtés et privés de la liberté,1
pouvaient du moins en prison vivre à leur
guise, et, quand ils avaient de l'argent, ils vi-
vaient bien.
Mme Roland, dans ses mémoires, parle de
l'entrée de Kersaint à la Force.
jyïLs'y fit suivre, .Êit-elle, par un attirail
: immense d'ustensiles de toutes les façons
pour la préparation du thé, du chocolat et de
bien d'autres friandises, dont la privation eût
trop coûté à ses goûts sensuels. Quand citait
son tour de veiller aux apprêts du dîner, que
nous faisions en commun entre huit à dix
personnes, nous étions toujours bien sûrs d'y
trouver plus de délicatesse et d'abondance. »
L'auteur du Tableau de Paris, Mercier, a
fait à peu près la même observation :
i
« Jamais, dit-il, on ne vil plus de propen-
sion à la gourmandise que dans ces jours de
calamité : j'en atteste les *àx prisons oÙ j'ai
été plongé. Et, je ne m'en cache point, quand
je me vis séparé du monde et de la société, je
ne voulus pas mourir, pour laisser à mes
bourreaux ce, triompbe et cette satisfaction.
Je voulus vivre pour voir la fin de ces sin-
guliers événements. J'ai déclaré à tous nos
compagnons d'infortune que je me consti-
tuais homme-plante; que je ne voulais être
que cela; je me fis une affaire capitale de mes
quatre repas, ou plutôt d'un seul repas que
je faisais du matin au soir, ne mangeant,
comme les enfants, que lorsque j'avais faim.
C'est avec ce régime que j'ai dompté l'ennui,
le mauvais air,la solitude, et que je me suis mis
en état d'attendre le grand jour de la justice
nationale. »
Dans quelques-unes de ces prisons on pre-
nait les repas en commun. Je vous ai raconté
un jour l'histoire de Hoche recevant un boü"
quet de roses et le partageant entre les fem-
mes assises à la même table que lui Ce jour,
là, celles qui comparurent devant le tribunal .
révolutionnaire avaient toutes une rose dans
leurs cheveux... ' .
A l'extérieur, les émigrés vivaient moins
bien. Chateaubriand a décrit les gamelles de
l'armée de Condé :
« Je faisais, dit-il, la soupe à merveille. »
Il faisait mieux; car sans doute les beefs-r
teaks à la Chateaubriand datent delà.
' C'est encore l'auteur du GQnie du Christian
nisme qui apprécie ainsi les 'différentes tables
de l'Europe :
« Les livres d'outre-Rhin et d'outre-Man-
che sont des fatras désordonnés; on les écrit,
on ne les compose pas. Voyez aussi les tables
purement anglaises ou allemandes : on y
-mange, on y boit surlotrtyniais on n'y dîne
pas. Je me tais sur l'Espagne et sur l'Italie,
où la cuisine est totalement méconnue.
En France, on festine : l'œil, le palais,
l'intelligence jouissent à la fois. Témoin
mon illustre et fidèle Montmirel. Il a fait
l'; mbassade de Londres, le congrès de
Vérone, le ministère de la rue des Capucines,
à Paris. Il est créateur, il est génie : que n'a-
t-il pu inventer l'art de dîner deux fois ! a .
Joseph deMaistre, le contemporain et l'ami
de Chateaubriand, buvait de la bière et pre-
nait un petit verre de Porto à la fin du repas,
comme nous prenons un petit verre du li-
queur.
Byron faisait plantureusement manger les
héros de ses poëmes. Pour lui, il s'imposait
LA
FEMME IMMORTELLE
69 PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
XXVI
Tandis que le margrave se laissait entraîner
par Mme Edwige, ou plutôt, un peu auparavant,
an cavalier, enveloppé dans son manteau et
marchant d'un pas rapide, traversait la Seine
au Pont-Neuf et gagnait le pays jatin.
C était le chevalier d'Espar/on qui revenait du
Palais-Royal et se dirigeait en toute hâte vers la
rue de l'Hirondelle.
-Malgré son nom sinistre, la rue Oit-le.Coeur,
^oir les numéros parus depuis le 21 juin!^
à.laquelle celle de l'Hirondelle est perpendi-.
culaire, était une rue paisible et peuplée ' de
braves gens qui ne se mêlaient absolument que
de leurs affaires et se couchaient de bonne
heure.
Ordinairement, quand le chevalier d'Esparron
rentrait après dix heures du soir, il ne rencon-
trait personne sur son chemin.
Aussi, ce soir-là, et bien qu'il fût près de mi-
nuit, le chevalier fut-il étonné de voir deu?i
hommes qui cheminaient à petits pas devant'1$^'
et s'ariétaient précisément au coin de la rue de
l'Hh'Oftde!Ie "
Comme le7 chevalier, ils avaient de grande-
manteaux qui les enveloppaient de ;la tête aux
pieds. -
Une vague inquiétude s'empara de M. d'Es-
parron.,
Il était brave, cependant, jusqu'à la témérité,
mais en ce moment,, ce n'était peut-être pas
pour lui-même qu'il avait peur.
_ Il s'arrêta donc un moment, comme s'étaient
arrêtés ces deux hommes qui parlaient tout bas
et il eut même bonne envie de rebrousser che- '
min jusqu'à la berge de !a rivière.
Mais son hésitation ne fut pes de longue-du-
rée; le chevalier n'avait jamais reculé, et puis
il portait sous son manteau son épée qui lui
battait les mollets. " ' . ;
11 se remit donc en marche et passa devant
ces deux hommes.
Mais, en ce moment, l'un d'eux lui prit le
bras et dit tout bas :
— Ré! camarade?
Le chevalier s'arrêta; et, bien que la nuit fùt
obscure, il regarda ces deux hommes et put
constater qu'ils lui étaient parfaitement in-
connus.
— Que me voulez-vovs? dit-il.
— Bon! répondit celui qui lui avait pris le
bras, ce que c'est que d'avoir la vue basse.
Excusez-moi, monsieur, je vous ai pris pour
Poi,ion.
Ce nom fit tressaillir le chevaUe .
Porion n'était pas un inconnu pour lui. C'é-
tait un agent de police t'rès-habife, que le cardi-
nal Dubois employait souvent et qui avait
même joué un grand rôle, lors de la conspi-
ration Cellamare.
M. d'Esparron eut alors une inspiration, et
devinant que ces gens-là étaient apostés là par
Porion, il répondit :
— Je ne suis pas Porion, mes drôles, mais je
suis au-dessus de lui, et si vous avez quelque
rapport de police à me faire, vous pouvez par-
ler
Les deux hommes se regardère&î*
1
— Connaissez-vous cela? dit encore le che-
valier.
Et il tira de sa poche un objet qu'il leur mit
sous les yeux en les attirant sous la lanterne qui
était p!acée à l'entrée de la rue.
-L'objet qu'il montrait était une petite clé en
forme de croix latine, et faite d'or massif.
Il y avait douze clés comme ça qui couraient
sinon le monde, au moins Paris, C'. voici l'his-
toire de ces douze clés.
Quand monseigneur Philippe d'Orléans était
devenu régent de France, il avait des fuyons
comme Nocé, comme le marquis de. Simiane,qui
étaient quelque peu mauvais sujets et qui, cou-
rant les rues la nuit, s'exposaient à des aven-
tures désagréables et avaient presque toujours
maille à partir avec le guet et les sergents du
lieutenant de police.
Le Régent, qm prenait les choses de très-
haut et ne voulait pas qu'on molestât ses amis,
fit un jour venir le lieutenant de police et lui
dit :
— Monsieur, je viens de faire faire douze clés
dont voici le modèle. Ces clés, qui ne s'adap-
tent à aucune serrure, ouvriront cependant
toutes les portes; c'est-à-dire que j'entends que
ceux qui en seront munis soient respectés et
n'aient aucun démêlé avec vos agents.
Il y avait bien deux ou trois ans que ces cléS,
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