Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-08-27
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 27 août 1868 27 août 1868
Description : 1868/08/27 (A3,N861). 1868/08/27 (A3,N861).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47178636
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
5 cent. le iraséri 1, JOURNAL QUOTIDIEN 1 5 cent. le RUIIIth
ABONNEMENTS. — Trois MOIS. Six mois. 118 aa.
Paris.......... a fr. 9 fr. fr.
départements.. ti 1 S M
AdmittbtMêeur : 1. bafidm
3m, année. — JEUDI Sfif AOUT 4868. - N- 864
Directeur-Propriétaire : JAN NIN,
Rédacteur en chef : A. de Balathier-Bragblonn^
Bobbadx d'abonnement : e, rue DPOUot..e
ADawUST1\.lTION *. i3, place Bretteu
PARIS, 26 AOUT 1868
LA SAINT-LOUIS
DISCOURS A MON BARBIER
C'est cr coiffeur » que je d evraidiVvnfon
( éher Conchou. Au dix-liuitiènrté Siècle, on di-
sa.it me-m,, « académicien de la coiffure et de
la rriede.. n Mais je préfère a barbier D Bar-
hièf me r-pnelle le bon vieux temps. Et puis,
c'est. !a harb" que vous me faites, et, - si vou?
passe?., trois _ou quatre heures chaque matin
ù, coiffer les jolies femmes du quartier, pen-
dant que vos clients se morfondent dans votre
boutique, — c'est une raison de plus pour que
le nom de coiffeur ne réveille pas en eux de
bien vives sympathies...
Donc, c'était hier la Saint-Louis, fête des
!j:a'biers. Un grand saint, une grande fète,des
gens considérables qui tiennent notre tête
élans leurs mains !...
A Dieu hv1 plaise que je ne salue pas une telle
date. Vous êtes grand, Conchou, vous êtes
bon, et j'aurai toujours devant vous l'atti-
tude respectueuse de l'homme désarmé, de-
vant celui qui porte un glaive.
C'est pourquoi, à l'occasion de votre fête,
je vous dédie cet article, mû par le sentiment
qui porterait un jardinier à vous offrir des
ileurs.
Que vos ;.ffaires prospèrent, mon ami Con-
chou ; que votre femme, née Antoinette Jol-
Jiiicf, permette à la paix d'habiter votre logis;
"que votre fils Auguste grandisse dans la
crainte de Dieu et des coupures; et que votre
garçon Char eti médite sur cette épigramme de
Martial, imitée par Lebrun :
Lambin, mon barbier et le vôtre,
I\a.«! avec tant de gravité,
Que, tandis qu'il rase un côté,
La Irrite repoussa de l'autre.
Vous avez des ancêtres, mon cher barbier.
Les philosophes prétendent que la nature ne
fait rien dû conserver la barbe et les cheveux qui lui
raient, été donnés par la nature.
C'est pourquoi, dès la plus haute antiquité,
il s es! fait couper les cheveux et la bar^e.
Les Al elllillHls, — ql11 lisent les liiéro-
g yphes, comme chez nous les enfants de
r«
dent que les Egyptiens connaissaient les bar-
biers, et ils- en donnent pour preuve ce pas-
sape trouvé sur un papyrus par le savant
M. Birch :
« Il rase jusqu'à la nuit ; ce n'est que.lors-
qu'il se met à manger qu'il se repose sur son
coude. Il se présente de maison en maison
pour chercher ses barbes ; il fatigue ses bras
pour remplir son ventre, semblable à l'abeille
qui se nourrit de son travail... n
Ainsi, Conchou, on vous a comparé à une
ab'*il!e. Vous auriez quelques accès de vanité,
que vos clients seraient malvenus à s'en
plaindre.
Les Grecs et les Romains avaient leurs bar-
biers. A Rome, votre ancêtre se nommait
tonsor (tondeur), ce qui prouve que dans le
principe on ne rasait pas de la même manière
qu'aujourd'hui.Les ciseaux étaient inconnus,et
l'on y suppléait par deux rasoirs qu'on faisait
jouer en même temps en les opposant l'un à
l'autre. Cet exercice n'était peut-être pas très-
commode; raifon de plus pour que ceux qui
s'y livraient méritâssent les égards dûs aux
vrais artistes. En outre, les dandies Romains
se faisaient épiler; et vous comprenez de
quelle délicatesse étaient vos fonctions dans
ce temps-là. Aussi l'enseigne familière des
barbiers était-elle : A la main la plus rapide.
Les boutiques des -barbiers étaient, alors,
le rendez-vous des oisifs. On allait y flâner
pour apprendre les nouvelles du jour, se ven-
ger des puissants par en médire, mettre en
circulation les calomnies et les cancans. Un
événement était-il bien connu de tout le
monde : « Il court les boutiques des bar.
biers, » disait Horace. On aime à répéter ce
qu'on a- entendu ; c'est une façon d,acqtiériwr- i
la réputation d'un homme bien informé.
Souvent le récit amuse, et le'"':harl'éltenr prend
pour lui le plaisir que cause ce qu'il raconte :
jouissance d'amour-propre. De plus, il faut
bien faire prendre patience au c'ient qui at-
tend son tour ou à celui qu'on tient sous le
rasoir. A ces titres divers, le barbier a tou-
jours été causeur. Quelques-uns disent a ba-
vard... » Ce n'est pas moi.
Un barbier allait raser le roi Archélaus,
pour la première fois.
— Sire, lui dit-i!, je rase de différentes
manières; comment souhaitez-vous que je
vous rase?
— Sans dire mot, répondit le roi, qui n'ai-
mait pas les raseurs.
Au moyen âge, les barbiers grandirent.
9 Devenus habiles à manier le rasoir, dit le
Dictionnaire universel,ils s'arrogèrent le droit
de manier aussi la lancette et le bistouri. Les
docteurs en médecine auraient cru déroger si,
après avoir ordonné une saignée,ils l'avaient
pratiquée eux-mêmes; ils laissaient ce soin
aux chirurgiens, et c'était presque toujours
des barbiers qui en remplissaient l'office, d'où
on leur donna le nom de frater, pris dans le
sens d'aide. Certains barbiers joignirent même
l'exercice de la médecine à celui de la chirur-
gie, ce qui ne les empêchait pas de raser tou-
jours les barbes et de couper les cheveux.
Avant de les appeler frater, on les nommait
mires, ce qui veut dire médecin tout autant
que chirurgien. Le mire du roi était le chef
de toute la corporation ; c'était une fonction
très-recherchée, parce que les rapports jour-
naliers du mire avec le roi lui donnaient la
facilité de demander une foule de faveurs, et
le mire avait ses courtisans comme le prin-
ce... »
Vous n'avez peut-être pas entendu parler
de Pierre. Labrosse, mire de Philippe III;
mais vous connaissez certainement, comme
tous vos confrères, Olivier Le Daim, barbier
de Louis XI. Tous deux furent très-ambi-
tieux, très-habiles, très-influents; mais tous
deux aussi furent pendus, après la mort de
leurs maîtres.
Décidément, mon pauvre Conchou, il vaut
mieux raser des citoyens que des rois.
Au -seizième siècle, — le siècle de la Re-
naissance, des artistes, — vos ancêtres pri-
rent le titre de chirurgiens. barbiers.
— Barbiers-chirurgiens, s'il vous plaît, dit
le prévôt de Paris.
Intervint un arrêt du Parlement, qui attri-
bua les bassins blancs aux barbiers et les
bassins jaunes aux chirurgiens.
Aujourd'hui, vous pouvez choisir votre
couleur. Il est vrai que vous ne saignez plus,
et que les purgations ne font plus partie de
vos privilèges.
Les barbiers-Chirurgiens devinrent, sous
Louis XIV, les barbiers-perruquiers.
Il y eut, sous le Directoire et le Consulat,
un lournisseur célèbre, nommé Rapinat.
Quand on pariait de lui, on se posait la ques-
tion suivante :
Rnpinat vient-il de rapine,
Ou rapine de RupinaL ?.,
Mais on sait bien que perruquier vie^ de
perruque.
Les perruquiers furent à la mode pendant
moins d'un siècle. On en comptait huit en,
titre dans la maison du roi Leurs fonctions
consistaient à peigner Sa Majesté le matin et
le soir, à lui faire le poil, à l'essuyer au
bain, aux étuves, et après qu'il avait joué à la
paume.
Si je vous disais que cet office fut rétabli
sous la Restauration, vous ne me croiriez
peut-être pas. Cela est ainsi pourtant. Soyez
certain qu'une chose ridicule ou abusive a
toute espèce de chances de survivre aux ré.
volutions.
Le siècle de Figaro devait être le siècle des
coiffeurs.
Ces derniers datentde la Régence, comme
les sociétés par actions.
Jusque-là, il n'y avait que des barbiers et
des perruquiers.
Les premier&.faisaient la barbe aux gens
et. leur ouvraient les veines, quand le méde-
cin l'ordonnait ainsi.
Les seconds coupaient les cheveux et fabri-
quaient des perruques.
On se posait sa perruque soi-même, ou on
se la faisait poser par sa femme ou son
valet.
Les coiffeurs vinrent qui prirent le mono-
pole du peigne.
Les barbiers continuèrent à raser.
Les perruquiers commencèrent à crier.
Un bon procès en règle fut intenté par
eux aux coiffeurs.
Un corps de métier ne devait pas emp -éter
sur les attributions d'un autre : ainsi le vou-
lait la loi.
La justice décida que les coiffeurs n'empié-
taient pas.
Ces derniers, triomphant, se baptisèrent
Académiciens de la coiffure et de la mode.
Nouveau procès, — cette fois de l'Académie
française:
— Vous n'avez pas le droit de prendre no-
tre enseigne 1
Le^co -fleurs perdirent ce second procès.
Alors ils se résignèrent. modestemen t au
titre de pi-ofesseîii-s. -
Les professeurs, moins susceptibles que les
académiciens, ne réclamèrent pas.
Les coiffeurs du siècle dernier ont laissé
des fastes.
LA
FEMME IMMORTELLE
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
XXVII
i.« eheva'ier d'Esparron pénétra donc dans la
liaison et t-aversa le vestibule sans lumière,
^«idé seulement par un filet de clarté qui pas-
sait sous une poite.
- Cette porle ouverte, il se trouva au seuil de la
salle où nous avons déjà vu le ma'quis de la
Roche-Maubert o*. son ami de hasard le Gascon
Castirac.
Voir les numéros parus depuis le 21 juin.
Mais un singulier spectacle et qui le fit fris-
so ner s'offrit alors à sa vue.
Un grand désordre régnait dans cette salle et.
les meubles renversés attestaient d'un:; lutte
violente et qui avait eu lieu récemment.
En même temps, il y avait dans un coin un
homme couché sur le sol et qu'on aurait cru
moi t ou endormi, tant il était immob le.
Le chevalier se précipita vers lui. 1
Cet homme, c'était le bourgeois Guillaume.
Guillaume n'était pas mort, Guillaume ne dor-
- mait pas; il avait les yeux grand ouverts.
Mais Guillaume etart bâillonnée et garrotté
si merveilleusement qu'il ne pouvait ni jeter un
cri, ni faire un mouvement.
D'Esparron tira son épée et s'en servit po-ir
couper les cordes qui meurtrissaient ses poi-
gnets et ses chevilles ; puis, lui ayant ôté son
bâillon, il lui dit d'une voix émue :
— Parle.. Qu'est-il arrivé, mon Dieu?
Le bourgeois se releva.
1 — Rien de mauvais jusqu'à présent, répon-
; dit-il, sauf une mésaventure.
— Qui donc t'a ainsi lié et bâillonné?
— Des agents .:e police sous les ordres d'un
misérable appelé Porion.
! —Ah ! fit d'Esparron, je m'en doutais. Mais ]
dis-moi comment ils sont entrés ici. j
— C'est le Gascon qui nous a trahis.
| — Je le sais
| — Heureusement, depuis le jour où je l'avais
renvoyé en 1 i mettant deux cents pistoles dans
la main, nous avons bouché l'entrée du souter-
rain derrière la plaque de la cheminée, ce qui a
dérouté tout ce monde-là.
— Mais commt nt sont-ils entres ?
— Attendez, reprit Guillaume, que je me
remette un peu. 1
Il y avait de l'eau et un verre sur une table.
Le bourgeois se mit à boire à longs traits.
— Monsieur le chevalier, dit-il ensuite, non-
seule ment le Gascon nous a trahis, mais la pro-
tection du Régent cesse de nous couvrir.
— C'est-à-dire, répondit d'Esparron, que, tan-
dis que le Régent nous protège, un vieux fou, le
président Boisfleury s'est mis en tète de nous
traquer comme des bêtes fauves.
— C'est cela même, dit Guillaume, car j'ai
entendu Porion prononcer son nom.
— Tu ne me dis toujours pas comment ils
sont entrés ?
En me disant au travers du guichet :
— Nous venons de la part du Régent qui
veut voir, sur-le-champ le chevalier d'Espar-
ron.
— Ils savent mon nom?
— Oui, monseigneur. "" *
— Et tu leur as ouvert t .
*
— Ça été ma première faute. Quand ils ont
été dans la maison, ils se sont jetés sur mo;, je
me suis défendu longtemps et vigoureusement,
espérant toujours que vous alliez revenir assez à
temps pour me porter secours; mais enfin j *ai
été terrassé, garrotté et bâillonné comme vous
m'avez vu.
Al ers ils se sont mis à chercher le ressort
qui faisait mouvoir la plaque de la cheminée et
ne le trouvant pas, ils ont brisé cette plaque.
En effet, Le chevalier d'Esparron s'aperçut
alors que la plaque était brisée et le feu éteint.
Mais derrière cette plaque, au lieu d'une
ouverture qu'ils avaient cru trouver, Porion et
ses hommes avaient rencontré un mur plein et
qui paraissait aussi ancien que le reste de la
maison.
Cette découverte avait même arraché à Porion
cette exclamation :
— Peut-être bien que ce maudit Gascon s'est
moqué du président Boisfleury.
• .— Alors, poursuivit Guillaume, ils ont fouillé
la maison de fond en comble, depuis la cave
jusqu'au grenier; mais ils n'ont rien découvert,
comme bien vous pensez.
Porion, découragé à moitié, dit à ses compa-
gnons :
— AUoruî-nons-an! nous ne savons (ju'unt
5 cent. le iraséri 1, JOURNAL QUOTIDIEN 1 5 cent. le RUIIIth
ABONNEMENTS. — Trois MOIS. Six mois. 118 aa.
Paris.......... a fr. 9 fr. fr.
départements.. ti 1 S M
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3m, année. — JEUDI Sfif AOUT 4868. - N- 864
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Rédacteur en chef : A. de Balathier-Bragblonn^
Bobbadx d'abonnement : e, rue DPOUot..e
ADawUST1\.lTION *. i3, place Bretteu
PARIS, 26 AOUT 1868
LA SAINT-LOUIS
DISCOURS A MON BARBIER
C'est cr coiffeur » que je d evraidiVvnfon
( éher Conchou. Au dix-liuitiènrté Siècle, on di-
sa.it me-m,, « académicien de la coiffure et de
la rriede.. n Mais je préfère a barbier D Bar-
hièf me r-pnelle le bon vieux temps. Et puis,
c'est. !a harb" que vous me faites, et, - si vou?
passe?., trois _ou quatre heures chaque matin
ù, coiffer les jolies femmes du quartier, pen-
dant que vos clients se morfondent dans votre
boutique, — c'est une raison de plus pour que
le nom de coiffeur ne réveille pas en eux de
bien vives sympathies...
Donc, c'était hier la Saint-Louis, fête des
!j:a'biers. Un grand saint, une grande fète,des
gens considérables qui tiennent notre tête
élans leurs mains !...
A Dieu hv1 plaise que je ne salue pas une telle
date. Vous êtes grand, Conchou, vous êtes
bon, et j'aurai toujours devant vous l'atti-
tude respectueuse de l'homme désarmé, de-
vant celui qui porte un glaive.
C'est pourquoi, à l'occasion de votre fête,
je vous dédie cet article, mû par le sentiment
qui porterait un jardinier à vous offrir des
ileurs.
Que vos ;.ffaires prospèrent, mon ami Con-
chou ; que votre femme, née Antoinette Jol-
Jiiicf, permette à la paix d'habiter votre logis;
"que votre fils Auguste grandisse dans la
crainte de Dieu et des coupures; et que votre
garçon Char eti médite sur cette épigramme de
Martial, imitée par Lebrun :
Lambin, mon barbier et le vôtre,
I\a.«! avec tant de gravité,
Que, tandis qu'il rase un côté,
La Irrite repoussa de l'autre.
Vous avez des ancêtres, mon cher barbier.
Les philosophes prétendent que la nature ne
fait rien dû conserver la barbe et les cheveux qui lui
raient, été donnés par la nature.
C'est pourquoi, dès la plus haute antiquité,
il s es! fait couper les cheveux et la bar^e.
Les Al elllillHls, — ql11 lisent les liiéro-
g yphes, comme chez nous les enfants de
r«
dent que les Egyptiens connaissaient les bar-
biers, et ils- en donnent pour preuve ce pas-
sape trouvé sur un papyrus par le savant
M. Birch :
« Il rase jusqu'à la nuit ; ce n'est que.lors-
qu'il se met à manger qu'il se repose sur son
coude. Il se présente de maison en maison
pour chercher ses barbes ; il fatigue ses bras
pour remplir son ventre, semblable à l'abeille
qui se nourrit de son travail... n
Ainsi, Conchou, on vous a comparé à une
ab'*il!e. Vous auriez quelques accès de vanité,
que vos clients seraient malvenus à s'en
plaindre.
Les Grecs et les Romains avaient leurs bar-
biers. A Rome, votre ancêtre se nommait
tonsor (tondeur), ce qui prouve que dans le
principe on ne rasait pas de la même manière
qu'aujourd'hui.Les ciseaux étaient inconnus,et
l'on y suppléait par deux rasoirs qu'on faisait
jouer en même temps en les opposant l'un à
l'autre. Cet exercice n'était peut-être pas très-
commode; raifon de plus pour que ceux qui
s'y livraient méritâssent les égards dûs aux
vrais artistes. En outre, les dandies Romains
se faisaient épiler; et vous comprenez de
quelle délicatesse étaient vos fonctions dans
ce temps-là. Aussi l'enseigne familière des
barbiers était-elle : A la main la plus rapide.
Les boutiques des -barbiers étaient, alors,
le rendez-vous des oisifs. On allait y flâner
pour apprendre les nouvelles du jour, se ven-
ger des puissants par en médire, mettre en
circulation les calomnies et les cancans. Un
événement était-il bien connu de tout le
monde : « Il court les boutiques des bar.
biers, » disait Horace. On aime à répéter ce
qu'on a- entendu ; c'est une façon d,acqtiériwr- i
la réputation d'un homme bien informé.
Souvent le récit amuse, et le'"':harl'éltenr prend
pour lui le plaisir que cause ce qu'il raconte :
jouissance d'amour-propre. De plus, il faut
bien faire prendre patience au c'ient qui at-
tend son tour ou à celui qu'on tient sous le
rasoir. A ces titres divers, le barbier a tou-
jours été causeur. Quelques-uns disent a ba-
vard... » Ce n'est pas moi.
Un barbier allait raser le roi Archélaus,
pour la première fois.
— Sire, lui dit-i!, je rase de différentes
manières; comment souhaitez-vous que je
vous rase?
— Sans dire mot, répondit le roi, qui n'ai-
mait pas les raseurs.
Au moyen âge, les barbiers grandirent.
9 Devenus habiles à manier le rasoir, dit le
Dictionnaire universel,ils s'arrogèrent le droit
de manier aussi la lancette et le bistouri. Les
docteurs en médecine auraient cru déroger si,
après avoir ordonné une saignée,ils l'avaient
pratiquée eux-mêmes; ils laissaient ce soin
aux chirurgiens, et c'était presque toujours
des barbiers qui en remplissaient l'office, d'où
on leur donna le nom de frater, pris dans le
sens d'aide. Certains barbiers joignirent même
l'exercice de la médecine à celui de la chirur-
gie, ce qui ne les empêchait pas de raser tou-
jours les barbes et de couper les cheveux.
Avant de les appeler frater, on les nommait
mires, ce qui veut dire médecin tout autant
que chirurgien. Le mire du roi était le chef
de toute la corporation ; c'était une fonction
très-recherchée, parce que les rapports jour-
naliers du mire avec le roi lui donnaient la
facilité de demander une foule de faveurs, et
le mire avait ses courtisans comme le prin-
ce... »
Vous n'avez peut-être pas entendu parler
de Pierre. Labrosse, mire de Philippe III;
mais vous connaissez certainement, comme
tous vos confrères, Olivier Le Daim, barbier
de Louis XI. Tous deux furent très-ambi-
tieux, très-habiles, très-influents; mais tous
deux aussi furent pendus, après la mort de
leurs maîtres.
Décidément, mon pauvre Conchou, il vaut
mieux raser des citoyens que des rois.
Au -seizième siècle, — le siècle de la Re-
naissance, des artistes, — vos ancêtres pri-
rent le titre de chirurgiens. barbiers.
— Barbiers-chirurgiens, s'il vous plaît, dit
le prévôt de Paris.
Intervint un arrêt du Parlement, qui attri-
bua les bassins blancs aux barbiers et les
bassins jaunes aux chirurgiens.
Aujourd'hui, vous pouvez choisir votre
couleur. Il est vrai que vous ne saignez plus,
et que les purgations ne font plus partie de
vos privilèges.
Les barbiers-Chirurgiens devinrent, sous
Louis XIV, les barbiers-perruquiers.
Il y eut, sous le Directoire et le Consulat,
un lournisseur célèbre, nommé Rapinat.
Quand on pariait de lui, on se posait la ques-
tion suivante :
Rnpinat vient-il de rapine,
Ou rapine de RupinaL ?.,
Mais on sait bien que perruquier vie^ de
perruque.
Les perruquiers furent à la mode pendant
moins d'un siècle. On en comptait huit en,
titre dans la maison du roi Leurs fonctions
consistaient à peigner Sa Majesté le matin et
le soir, à lui faire le poil, à l'essuyer au
bain, aux étuves, et après qu'il avait joué à la
paume.
Si je vous disais que cet office fut rétabli
sous la Restauration, vous ne me croiriez
peut-être pas. Cela est ainsi pourtant. Soyez
certain qu'une chose ridicule ou abusive a
toute espèce de chances de survivre aux ré.
volutions.
Le siècle de Figaro devait être le siècle des
coiffeurs.
Ces derniers datentde la Régence, comme
les sociétés par actions.
Jusque-là, il n'y avait que des barbiers et
des perruquiers.
Les premier&.faisaient la barbe aux gens
et. leur ouvraient les veines, quand le méde-
cin l'ordonnait ainsi.
Les seconds coupaient les cheveux et fabri-
quaient des perruques.
On se posait sa perruque soi-même, ou on
se la faisait poser par sa femme ou son
valet.
Les coiffeurs vinrent qui prirent le mono-
pole du peigne.
Les barbiers continuèrent à raser.
Les perruquiers commencèrent à crier.
Un bon procès en règle fut intenté par
eux aux coiffeurs.
Un corps de métier ne devait pas emp -éter
sur les attributions d'un autre : ainsi le vou-
lait la loi.
La justice décida que les coiffeurs n'empié-
taient pas.
Ces derniers, triomphant, se baptisèrent
Académiciens de la coiffure et de la mode.
Nouveau procès, — cette fois de l'Académie
française:
— Vous n'avez pas le droit de prendre no-
tre enseigne 1
Le^co -fleurs perdirent ce second procès.
Alors ils se résignèrent. modestemen t au
titre de pi-ofesseîii-s. -
Les professeurs, moins susceptibles que les
académiciens, ne réclamèrent pas.
Les coiffeurs du siècle dernier ont laissé
des fastes.
LA
FEMME IMMORTELLE
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
XXVII
i.« eheva'ier d'Esparron pénétra donc dans la
liaison et t-aversa le vestibule sans lumière,
^«idé seulement par un filet de clarté qui pas-
sait sous une poite.
- Cette porle ouverte, il se trouva au seuil de la
salle où nous avons déjà vu le ma'quis de la
Roche-Maubert o*. son ami de hasard le Gascon
Castirac.
Voir les numéros parus depuis le 21 juin.
Mais un singulier spectacle et qui le fit fris-
so ner s'offrit alors à sa vue.
Un grand désordre régnait dans cette salle et.
les meubles renversés attestaient d'un:; lutte
violente et qui avait eu lieu récemment.
En même temps, il y avait dans un coin un
homme couché sur le sol et qu'on aurait cru
moi t ou endormi, tant il était immob le.
Le chevalier se précipita vers lui. 1
Cet homme, c'était le bourgeois Guillaume.
Guillaume n'était pas mort, Guillaume ne dor-
- mait pas; il avait les yeux grand ouverts.
Mais Guillaume etart bâillonnée et garrotté
si merveilleusement qu'il ne pouvait ni jeter un
cri, ni faire un mouvement.
D'Esparron tira son épée et s'en servit po-ir
couper les cordes qui meurtrissaient ses poi-
gnets et ses chevilles ; puis, lui ayant ôté son
bâillon, il lui dit d'une voix émue :
— Parle.. Qu'est-il arrivé, mon Dieu?
Le bourgeois se releva.
1 — Rien de mauvais jusqu'à présent, répon-
; dit-il, sauf une mésaventure.
— Qui donc t'a ainsi lié et bâillonné?
— Des agents .:e police sous les ordres d'un
misérable appelé Porion.
! —Ah ! fit d'Esparron, je m'en doutais. Mais ]
dis-moi comment ils sont entrés ici. j
— C'est le Gascon qui nous a trahis.
| — Je le sais
| — Heureusement, depuis le jour où je l'avais
renvoyé en 1 i mettant deux cents pistoles dans
la main, nous avons bouché l'entrée du souter-
rain derrière la plaque de la cheminée, ce qui a
dérouté tout ce monde-là.
— Mais commt nt sont-ils entres ?
— Attendez, reprit Guillaume, que je me
remette un peu. 1
Il y avait de l'eau et un verre sur une table.
Le bourgeois se mit à boire à longs traits.
— Monsieur le chevalier, dit-il ensuite, non-
seule ment le Gascon nous a trahis, mais la pro-
tection du Régent cesse de nous couvrir.
— C'est-à-dire, répondit d'Esparron, que, tan-
dis que le Régent nous protège, un vieux fou, le
président Boisfleury s'est mis en tète de nous
traquer comme des bêtes fauves.
— C'est cela même, dit Guillaume, car j'ai
entendu Porion prononcer son nom.
— Tu ne me dis toujours pas comment ils
sont entrés ?
En me disant au travers du guichet :
— Nous venons de la part du Régent qui
veut voir, sur-le-champ le chevalier d'Espar-
ron.
— Ils savent mon nom?
— Oui, monseigneur. "" *
— Et tu leur as ouvert t .
*
— Ça été ma première faute. Quand ils ont
été dans la maison, ils se sont jetés sur mo;, je
me suis défendu longtemps et vigoureusement,
espérant toujours que vous alliez revenir assez à
temps pour me porter secours; mais enfin j *ai
été terrassé, garrotté et bâillonné comme vous
m'avez vu.
Al ers ils se sont mis à chercher le ressort
qui faisait mouvoir la plaque de la cheminée et
ne le trouvant pas, ils ont brisé cette plaque.
En effet, Le chevalier d'Esparron s'aperçut
alors que la plaque était brisée et le feu éteint.
Mais derrière cette plaque, au lieu d'une
ouverture qu'ils avaient cru trouver, Porion et
ses hommes avaient rencontré un mur plein et
qui paraissait aussi ancien que le reste de la
maison.
Cette découverte avait même arraché à Porion
cette exclamation :
— Peut-être bien que ce maudit Gascon s'est
moqué du président Boisfleury.
• .— Alors, poursuivit Guillaume, ils ont fouillé
la maison de fond en comble, depuis la cave
jusqu'au grenier; mais ils n'ont rien découvert,
comme bien vous pensez.
Porion, découragé à moitié, dit à ses compa-
gnons :
— AUoruî-nons-an! nous ne savons (ju'unt
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