Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-08-25
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 25 août 1868 25 août 1868
Description : 1868/08/25 (A3,N859). 1868/08/25 (A3,N859).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717861c
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN
5 cent. le numéro
& cent. le naméto
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. on ID.
Paris 4L Sfr. :as fr.
Départements.. 8 il et
Administrateur : L. DELSAUX.
ame année. — MARDI 25 AOUT 1868. —ff 859
Directeur-Propriétaire : JAN N IN.
Rédacteur en chef : A. DE BALATHIER-BRAGELONK^
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9* rue Dronot.
ADMINISTRATION '. 13. nlaca RRFIDA.
PARIS, 24 AOUT 1868
HISTOIRES DU LUNDI
LE RAISIN VERT
— Philosophie et médecine, jurisprudence !
et théologie, pour mon malheur! s'écriait le
docteur Faust.
Il avait tout àppris et il savait tout, —
hormis le moyen d'être heureux.
Mais voilà que ses cheveux, blanchis par
l'étude, se changent en cheveux noirs, que
ses rèins voûtes se redressent, qu'un sang
chargé de fer circule dans ses veines...
Il est redevenu jeune — par un miracle.
Vi'e, il repousse les in-folios et les cornues,
il revêt de beaux habits, il descend quatre à
quatre les marches de l'escalier, il s'élance
Jans la rue, respirant à pleins poumons l'air
d'une matinée de mai.
Il rencontre une jeune fille. Aussitôt son
ïœur se gonfle dans sa poitrine.
— Je l'aime! dit-il en tendant les bras.
Il ne se demande plus où est le bonheur.
— Le bonheur, c'est d'être aimé d'elle!...
Et il suit du regard l'enfant— dans la
vieille rue que le soleil rajeunit eussi.
Mes héros, chers lecteurs, ne sont pas des
savants.
C'est pourquoi ils ont commencé par où
finit le docteur Faust.
I 's se sont aimés.
Tous deux ont dit « oui » d'une voix ferme.
Puis on a célébré la noce. Aux cousins et aux
petits-cousins, qui représentaient la famille,
se sont joints les amis, qui représentaient la
société. Le dîner a été long et le bal plus long
encore. Je crois bien qu'il faisait grand jour
quand on s'est quitté.
Le lendemain, nouvelle fête, et fêtes les
jours suivants.
Ce n'est guère qu'une quinzaine après leur
mariage que nos amoureux ont pu se trouver
seuls et se recueillir dans leur joie.
Je vous laisse à penser s'ils ont profité de
jette intimité !. Est-ce qu'on rend les enfan-
ïillages de la lune de miel, les rires sans cause
et les baisers sans fin?.. Tout cela est trop
beau pour être décrit.
Sachez seulement que, si jamais les mau-
dis jours viennent, il y aura une provision de
bdnheur dans cette maison-là.
/ Un seul nuage. I
« L'homme quittera son père et sa mère
pour s'attacher à son épouse... »
Il en çst de même pour la femme.
Quelle touchante légende que celle de cette
jeune fille grecque, qui épouse un étranger!...
— Renonce riez-%ous à votre patrie pour
vous fixer dans la nôtre? demande le père de
la je'ine femme à celui qui va devenir son
fils.
— Non.
— Et toi, ma fille, es-tu donc disposée à
suivre ton époux et à vivre loin de moi?...
Elle baisse son voile sur son visage et ne
répond pas.
Le père comprend. Désormais il devra vivre
seul.
L'enfant qu'il a vue grandir, la joie de sa
vieillesse, l'âme blanche de sa maison, lui est
enlevée à jamais. Les affections sont comme
les fleuves : elles descendent et ne remontent
pas...
Paul et Jane, eux, étaient du même pays,
de la même ville, presque de la même rue.
C'est pourquoi le dimanche, Jane préparait un
meilleur dîner que d'habitude, et Paul allait
chercher son père et sa belle-mère, afin qu'ils
vinssent passer la soirée avec leurs enfants.
Les vieux étaient enchantés.
ils arrivaient radieux et se querellaient
tout le temps.
Un soir, ils discutèrent longuement quel
nom ils donneraient à leur petit-fils.
Elle, tenait pour Arthur, et lui pour Jean-
Louis.
— Arthur est trop monsieur, madame !..
— Et Jean-Louis, monsieur, ne l'est pas
assez 1...
La discussion tournait à la dispute.
— Mais je ne suis pas enceinte! dit la
jeune femme en riant.
Le lendemain, elle trouva à son mari l'air
triste oour la oremÍère fois.
Souvent, après dîner, Paul se levait pour
chercher un livre. I
! — Oh 1 des vers, n'est-ce pas? disait Jane.
| Ce poir-là, le jeune homme prit les Feuil-
les d'automne. Il lut :
Venez, enfants ! A vous jardins, cours, escaliers !
Ehranl"z et planchers, et plafonds, et piliers!
Que le jour s'achève ou renaisse,
Courez et bourdonnez comme l'abeille aux champs!
Ma joif, et mon bonheur, et mon âme, et mes chants
Iront où vous irez, jeunessp, f...
— Avec quelle animation tu dis ces vers ?...
— Cela tient au sujet
— Au sujet?
— Eh bien ! oui, les enfants. Tu n'écoutes
donc pas?...
jJe fut le tour de Jane d'être songeuse.
t
Décidément il y avait un nuage.
On ne s'expliquait pas, mais de part et
d'autre on souffrait, et l'idée fixe faisait explo-
sion à tout propos.
Paul trouvait-il, dans le journal, un nom
qui lui déplut, ou le récit de quelque infamie...
— Si jamais j'ai un fils, s'écriait-il, je lui
inspirerai dès l'enfance la haine vigoureuse
du mal et des méchants. Je lui dirai que la
position n'est rien et que l'homme est tout;
que l'essentiel n'est pas de faire du bruit,
mais de faire du bien. Je lui enseignerai la 1
justice...
— Moi, reprenait doucement la femme, je
lui enseignerai la pitié et l'amour. Je le mè-
nerai vers les misérables, vers les orphelins,
vers ceux qui souffrent. Je lui expliquerai
qu'ils ont autant que lui le droit d'être heu-
*réîï*,-et que son devoir est de leur venir en
aide et de les consoler...
— C'est bien, Jane, ce que tu dis là.
— C'était bien aussi, Paul, ce que tu disais
tout à l'heure. Il faut que notre fils soit
juste !...
— Il faut qu'il soi t bon !...
Il ne manquait, en vérité, que l'enfant à
tout cela
* #
Paul et Fa femme traversaient un coin de
la banlieue. Ils suivaient une allée de pla-
tanes. Tout à toup un petit banc entre deux
arbres attira leur attention.
Sur ce banc gisait une poupée, je me
trompe : un fragment de poupée. En effet, les
jambes avaient disparu, le ventre ouvert lais-
sait passer Je son, et, si un petit châle d'in-
dienne recouvrait les blessures de la poitrine,
en revanche, le nez écrasé se montrait dans,
tout son aplatissement.
Cette poupée était dans un état affreux, et-
elle faisait rire. Ceci n'est pas en l'honneur
de la nature humaine, mais c'est vrai. On rit
en voyant un bossu. Si l'on pratiquait la cha-
rité, la moitié des effets coniiquw seraient
perdus... Bah î..
Comme les jeunes mariés riaient de ce boa
rire qui, une fois parti, ne s'arrête plus, une
petite fille sortit de derrière un arbre et les re-
garda d'un air indigné. Elle s'avança jusqu'à la
poupée, arrangea le fichu,passa le bout de son
doigt sur les joues pour y ramasser un peu
de rouge qu'elle posa ensuite sur le nez...
Puis elle prit le monstre de carton dans ses
bras et s'éloigna lentement, se retournant
de temps en temps avec un regard vainqueur :
— Vous êtes des insolents, et ma poupée
n'est pas si mal que cela !
Cette petite fille pouvait avoir cinq ans.
Elle avait des cheveux à profusion, tout bou-
clés, d'un blond d'épi...
— Est-elle gentille !...
Nos rieurs s'éloignèrent en pleurant.
Tout allait très-mal.
Un an se passa ainsi.
Hier, Paul et Jane sont allés se promener à..
la campagne.
Rien de triste, en août, comme de garder
la maison. Il pleut, c'est possible ; mail le
ciel gris et l'air froid n'empêchent pas l'été.
Donc nos amoureux passèrent la Seine et
suivirent, un chemin de Suresnes à travers les
vignes.
Cette année, le soleil a mnri les raisins de
bonne heure, et c'est plaisir de voiries belles
grappe s noires ou dorées dont la piuie fait
entier les grains.
Sont à coup Jane s'arrêta.
— Paul,dit-elle,passe ce fossé et donne-moi
la main...
Il se prêta en riant à cette fantaisie.
Au bord de la vigne, juste à l'endroit dési-
gné par la jeune femme, se trouvait un cep
chargé de raisins ; par un hasard assez fré-
quent, ces raisins mal exposés n'avaient pas
mûri. Ils pendaient tristement à terre; et la
pluie, faisant jaillir la boue, avait macule
leurs grains verts. Bref ils étaient affreux.
Jean cueillit un de ces raisins.
LA
FEMME IMMORTELLE
68 PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
XXV
L'assurance de Mme Edwige était tel le que
le margrave, dominé, n'avait fait aucune ob-
jection.
Le carrosse roula bruyamment dans la rue
Saint-Honoré et parut se diriger vers la place
du Châtelet.
— Je devine où nous allons, dit alors le mar-
grave; nous nous rendons au Marais?
Voir les numéros parus depuis le 21 juin.
— Je ne sais pas, répéta Mme Edwige.
— Le Marais, continua le prince, surtout la
place Royale, était, il y a quarante ans, le
quartier du bel air. Cette chère petite, en sa.
qualité d'étrangère, retarde sur la mode de qua-
rante années environ.
Et, ce disant, le vieillard, redevenu jeune,
secoua quelques grains de tabac éparpillés sur
son jabot.
Le carrosse arriva ainsi jusqu'à la place du
Châtelet.
Mais là, il fit un demi-tour et, au lieu d'en-
trer dans la rue Saint-Antoine, il descendit vers
1& rivière.
-=- Oh! oh! fit le margrave, demeurerait-élit
donc de l'autre côté de l'eau?
— Je ne sais pas, répéta Mme Edwige pour
la première fois. * j
La Seine avait des ponts, mais n'avait pas en-
core de quais.
Ça et là, sur des berges naturelles, entre deux
ponts, croissaient des peupliers et des ormes ; et
les pêcheurs amarraient leurs bateaux après
leurs troncs.
L'étonnement du margrave fut grand, quand
il vit le carrosse, au lieu de s'engager sur le pont
au Change, prendre une route frayée par les
pêcheurs et les mariniers oui halaient leurs la - 1
teaux avec des chevaux, et descendre au bord
de la rivière.
— Mais où diable allons-nous? dit encore le
margrave.
— Je ne sais pas.
Et Mme Edwige se retrancha derrière cette
néga ion.
Arrivé au bord de l'eau le carrosse s'arrêta.
- Alors le margrave mit la tête à la portière.
La nuit était venue, calme, silencieuse, un
peu sombre et un givre pénétrant se dégageait
du brouil'iard.
Quel ues rares lanternes réfléchissaient leur
lumière rojge dans l'eau qui coulait sans
bruit.
Cette heure, ce lieu désert, ce singulier voyage
eurent alors le privilège d'évoquer dans l'esprit
affaibli du margrave tout un mççide de souve-
nirs.
— Mon Dieu ! dit-il, mais nç suis-je pas le
jouet d'un rêve, Edwige?
— Vous êtes parfaitement éveillé, répondit la
gouvernante.
— Cela me rappelle Janine.
— Quelle Janine ?
— La sorcière qui faisait de l'or.
— C'est donc ici qu'on l'a brûlée?
— Non, mais c'était ici qu'elle donnait ses
rendez-vous.
— Ah!
— Les hommes à qui elle avait tourne ia
tête, poursuivit le margrave, venaient ici à pied
ou en voiture.
— Et ils y attendaient la sorcière ?
— Non, mais une embarcation qui devait les
conduire auprès d'elle.
— Vraiment?
— Un coup de sifflet se faisait entendre..."
puis...
Le margrave fut Interrompu en ce moment.
Le cocher venait de prendre un siiflet à sa
ceinture et d'en tirer un son aigu.
Au même instant, un bruit semblable s'était
fait entendre dans le lointain, de l'autre côte de
la rivière.
— Toujours comme du temps de Janine, fit
le margrave avec un léger tremblement dans la
voix.
— Oui, dit Mme Edwige, mais Janine est
morte.
— Parbleu! je l'a, vu réduire en cendres.
— Alors ce ne peut être elle qui vous donne
rendez-vous...
— Non, et cependant...
Le margrave s'arrêta et ne put réprimer un
frisson.
— Eh bien? fit Mme Edwige.
JOURNAL QUOTIDIEN
5 cent. le numéro
& cent. le naméto
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. on ID.
Paris 4L Sfr. :as fr.
Départements.. 8 il et
Administrateur : L. DELSAUX.
ame année. — MARDI 25 AOUT 1868. —ff 859
Directeur-Propriétaire : JAN N IN.
Rédacteur en chef : A. DE BALATHIER-BRAGELONK^
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9* rue Dronot.
ADMINISTRATION '. 13. nlaca RRFIDA.
PARIS, 24 AOUT 1868
HISTOIRES DU LUNDI
LE RAISIN VERT
— Philosophie et médecine, jurisprudence !
et théologie, pour mon malheur! s'écriait le
docteur Faust.
Il avait tout àppris et il savait tout, —
hormis le moyen d'être heureux.
Mais voilà que ses cheveux, blanchis par
l'étude, se changent en cheveux noirs, que
ses rèins voûtes se redressent, qu'un sang
chargé de fer circule dans ses veines...
Il est redevenu jeune — par un miracle.
Vi'e, il repousse les in-folios et les cornues,
il revêt de beaux habits, il descend quatre à
quatre les marches de l'escalier, il s'élance
Jans la rue, respirant à pleins poumons l'air
d'une matinée de mai.
Il rencontre une jeune fille. Aussitôt son
ïœur se gonfle dans sa poitrine.
— Je l'aime! dit-il en tendant les bras.
Il ne se demande plus où est le bonheur.
— Le bonheur, c'est d'être aimé d'elle!...
Et il suit du regard l'enfant— dans la
vieille rue que le soleil rajeunit eussi.
Mes héros, chers lecteurs, ne sont pas des
savants.
C'est pourquoi ils ont commencé par où
finit le docteur Faust.
I 's se sont aimés.
Tous deux ont dit « oui » d'une voix ferme.
Puis on a célébré la noce. Aux cousins et aux
petits-cousins, qui représentaient la famille,
se sont joints les amis, qui représentaient la
société. Le dîner a été long et le bal plus long
encore. Je crois bien qu'il faisait grand jour
quand on s'est quitté.
Le lendemain, nouvelle fête, et fêtes les
jours suivants.
Ce n'est guère qu'une quinzaine après leur
mariage que nos amoureux ont pu se trouver
seuls et se recueillir dans leur joie.
Je vous laisse à penser s'ils ont profité de
jette intimité !. Est-ce qu'on rend les enfan-
ïillages de la lune de miel, les rires sans cause
et les baisers sans fin?.. Tout cela est trop
beau pour être décrit.
Sachez seulement que, si jamais les mau-
dis jours viennent, il y aura une provision de
bdnheur dans cette maison-là.
/ Un seul nuage. I
« L'homme quittera son père et sa mère
pour s'attacher à son épouse... »
Il en çst de même pour la femme.
Quelle touchante légende que celle de cette
jeune fille grecque, qui épouse un étranger!...
— Renonce riez-%ous à votre patrie pour
vous fixer dans la nôtre? demande le père de
la je'ine femme à celui qui va devenir son
fils.
— Non.
— Et toi, ma fille, es-tu donc disposée à
suivre ton époux et à vivre loin de moi?...
Elle baisse son voile sur son visage et ne
répond pas.
Le père comprend. Désormais il devra vivre
seul.
L'enfant qu'il a vue grandir, la joie de sa
vieillesse, l'âme blanche de sa maison, lui est
enlevée à jamais. Les affections sont comme
les fleuves : elles descendent et ne remontent
pas...
Paul et Jane, eux, étaient du même pays,
de la même ville, presque de la même rue.
C'est pourquoi le dimanche, Jane préparait un
meilleur dîner que d'habitude, et Paul allait
chercher son père et sa belle-mère, afin qu'ils
vinssent passer la soirée avec leurs enfants.
Les vieux étaient enchantés.
ils arrivaient radieux et se querellaient
tout le temps.
Un soir, ils discutèrent longuement quel
nom ils donneraient à leur petit-fils.
Elle, tenait pour Arthur, et lui pour Jean-
Louis.
— Arthur est trop monsieur, madame !..
— Et Jean-Louis, monsieur, ne l'est pas
assez 1...
La discussion tournait à la dispute.
— Mais je ne suis pas enceinte! dit la
jeune femme en riant.
Le lendemain, elle trouva à son mari l'air
triste oour la oremÍère fois.
Souvent, après dîner, Paul se levait pour
chercher un livre. I
! — Oh 1 des vers, n'est-ce pas? disait Jane.
| Ce poir-là, le jeune homme prit les Feuil-
les d'automne. Il lut :
Venez, enfants ! A vous jardins, cours, escaliers !
Ehranl"z et planchers, et plafonds, et piliers!
Que le jour s'achève ou renaisse,
Courez et bourdonnez comme l'abeille aux champs!
Ma joif, et mon bonheur, et mon âme, et mes chants
Iront où vous irez, jeunessp, f...
— Avec quelle animation tu dis ces vers ?...
— Cela tient au sujet
— Au sujet?
— Eh bien ! oui, les enfants. Tu n'écoutes
donc pas?...
jJe fut le tour de Jane d'être songeuse.
t
Décidément il y avait un nuage.
On ne s'expliquait pas, mais de part et
d'autre on souffrait, et l'idée fixe faisait explo-
sion à tout propos.
Paul trouvait-il, dans le journal, un nom
qui lui déplut, ou le récit de quelque infamie...
— Si jamais j'ai un fils, s'écriait-il, je lui
inspirerai dès l'enfance la haine vigoureuse
du mal et des méchants. Je lui dirai que la
position n'est rien et que l'homme est tout;
que l'essentiel n'est pas de faire du bruit,
mais de faire du bien. Je lui enseignerai la 1
justice...
— Moi, reprenait doucement la femme, je
lui enseignerai la pitié et l'amour. Je le mè-
nerai vers les misérables, vers les orphelins,
vers ceux qui souffrent. Je lui expliquerai
qu'ils ont autant que lui le droit d'être heu-
*réîï*,-et que son devoir est de leur venir en
aide et de les consoler...
— C'est bien, Jane, ce que tu dis là.
— C'était bien aussi, Paul, ce que tu disais
tout à l'heure. Il faut que notre fils soit
juste !...
— Il faut qu'il soi t bon !...
Il ne manquait, en vérité, que l'enfant à
tout cela
* #
Paul et Fa femme traversaient un coin de
la banlieue. Ils suivaient une allée de pla-
tanes. Tout à toup un petit banc entre deux
arbres attira leur attention.
Sur ce banc gisait une poupée, je me
trompe : un fragment de poupée. En effet, les
jambes avaient disparu, le ventre ouvert lais-
sait passer Je son, et, si un petit châle d'in-
dienne recouvrait les blessures de la poitrine,
en revanche, le nez écrasé se montrait dans,
tout son aplatissement.
Cette poupée était dans un état affreux, et-
elle faisait rire. Ceci n'est pas en l'honneur
de la nature humaine, mais c'est vrai. On rit
en voyant un bossu. Si l'on pratiquait la cha-
rité, la moitié des effets coniiquw seraient
perdus... Bah î..
Comme les jeunes mariés riaient de ce boa
rire qui, une fois parti, ne s'arrête plus, une
petite fille sortit de derrière un arbre et les re-
garda d'un air indigné. Elle s'avança jusqu'à la
poupée, arrangea le fichu,passa le bout de son
doigt sur les joues pour y ramasser un peu
de rouge qu'elle posa ensuite sur le nez...
Puis elle prit le monstre de carton dans ses
bras et s'éloigna lentement, se retournant
de temps en temps avec un regard vainqueur :
— Vous êtes des insolents, et ma poupée
n'est pas si mal que cela !
Cette petite fille pouvait avoir cinq ans.
Elle avait des cheveux à profusion, tout bou-
clés, d'un blond d'épi...
— Est-elle gentille !...
Nos rieurs s'éloignèrent en pleurant.
Tout allait très-mal.
Un an se passa ainsi.
Hier, Paul et Jane sont allés se promener à..
la campagne.
Rien de triste, en août, comme de garder
la maison. Il pleut, c'est possible ; mail le
ciel gris et l'air froid n'empêchent pas l'été.
Donc nos amoureux passèrent la Seine et
suivirent, un chemin de Suresnes à travers les
vignes.
Cette année, le soleil a mnri les raisins de
bonne heure, et c'est plaisir de voiries belles
grappe s noires ou dorées dont la piuie fait
entier les grains.
Sont à coup Jane s'arrêta.
— Paul,dit-elle,passe ce fossé et donne-moi
la main...
Il se prêta en riant à cette fantaisie.
Au bord de la vigne, juste à l'endroit dési-
gné par la jeune femme, se trouvait un cep
chargé de raisins ; par un hasard assez fré-
quent, ces raisins mal exposés n'avaient pas
mûri. Ils pendaient tristement à terre; et la
pluie, faisant jaillir la boue, avait macule
leurs grains verts. Bref ils étaient affreux.
Jean cueillit un de ces raisins.
LA
FEMME IMMORTELLE
68 PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
XXV
L'assurance de Mme Edwige était tel le que
le margrave, dominé, n'avait fait aucune ob-
jection.
Le carrosse roula bruyamment dans la rue
Saint-Honoré et parut se diriger vers la place
du Châtelet.
— Je devine où nous allons, dit alors le mar-
grave; nous nous rendons au Marais?
Voir les numéros parus depuis le 21 juin.
— Je ne sais pas, répéta Mme Edwige.
— Le Marais, continua le prince, surtout la
place Royale, était, il y a quarante ans, le
quartier du bel air. Cette chère petite, en sa.
qualité d'étrangère, retarde sur la mode de qua-
rante années environ.
Et, ce disant, le vieillard, redevenu jeune,
secoua quelques grains de tabac éparpillés sur
son jabot.
Le carrosse arriva ainsi jusqu'à la place du
Châtelet.
Mais là, il fit un demi-tour et, au lieu d'en-
trer dans la rue Saint-Antoine, il descendit vers
1& rivière.
-=- Oh! oh! fit le margrave, demeurerait-élit
donc de l'autre côté de l'eau?
— Je ne sais pas, répéta Mme Edwige pour
la première fois. * j
La Seine avait des ponts, mais n'avait pas en-
core de quais.
Ça et là, sur des berges naturelles, entre deux
ponts, croissaient des peupliers et des ormes ; et
les pêcheurs amarraient leurs bateaux après
leurs troncs.
L'étonnement du margrave fut grand, quand
il vit le carrosse, au lieu de s'engager sur le pont
au Change, prendre une route frayée par les
pêcheurs et les mariniers oui halaient leurs la - 1
teaux avec des chevaux, et descendre au bord
de la rivière.
— Mais où diable allons-nous? dit encore le
margrave.
— Je ne sais pas.
Et Mme Edwige se retrancha derrière cette
néga ion.
Arrivé au bord de l'eau le carrosse s'arrêta.
- Alors le margrave mit la tête à la portière.
La nuit était venue, calme, silencieuse, un
peu sombre et un givre pénétrant se dégageait
du brouil'iard.
Quel ues rares lanternes réfléchissaient leur
lumière rojge dans l'eau qui coulait sans
bruit.
Cette heure, ce lieu désert, ce singulier voyage
eurent alors le privilège d'évoquer dans l'esprit
affaibli du margrave tout un mççide de souve-
nirs.
— Mon Dieu ! dit-il, mais nç suis-je pas le
jouet d'un rêve, Edwige?
— Vous êtes parfaitement éveillé, répondit la
gouvernante.
— Cela me rappelle Janine.
— Quelle Janine ?
— La sorcière qui faisait de l'or.
— C'est donc ici qu'on l'a brûlée?
— Non, mais c'était ici qu'elle donnait ses
rendez-vous.
— Ah!
— Les hommes à qui elle avait tourne ia
tête, poursuivit le margrave, venaient ici à pied
ou en voiture.
— Et ils y attendaient la sorcière ?
— Non, mais une embarcation qui devait les
conduire auprès d'elle.
— Vraiment?
— Un coup de sifflet se faisait entendre..."
puis...
Le margrave fut Interrompu en ce moment.
Le cocher venait de prendre un siiflet à sa
ceinture et d'en tirer un son aigu.
Au même instant, un bruit semblable s'était
fait entendre dans le lointain, de l'autre côte de
la rivière.
— Toujours comme du temps de Janine, fit
le margrave avec un léger tremblement dans la
voix.
— Oui, dit Mme Edwige, mais Janine est
morte.
— Parbleu! je l'a, vu réduire en cendres.
— Alors ce ne peut être elle qui vous donne
rendez-vous...
— Non, et cependant...
Le margrave s'arrêta et ne put réprimer un
frisson.
— Eh bien? fit Mme Edwige.
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