Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-08-18
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 18 août 1868 18 août 1868
Description : 1868/08/18 (A3,N852). 1868/08/18 (A3,N852).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47178547
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
A cent, le numéro
JOURNAL QUOTIDIEN
w - cent. le numéro
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six Bois. un aB.
i-'aris 5 fir. 9 fr. t.8 fr.
Département.. & Il 99
Administrateur : E. DBLSAUX.
' . ' I . J " .
,,l ! 1 n A CI . - MARDI 18 AOU JY «Mis. — fv 855
-
-
Directeur-Propriétaire : JAN N t N.
Rédacteur en ch>f : A. UE ){A[.ATf;tB:H Bragelonne. 1
BUIlEA ex d'abonnement : 9, rue Drouot. '
j Administration-. 13. place Breda.
PARIS, 17 AOUT 1868
NOTES DE VOYAGE
LES COTES DE NORMANDIE
I
Dîner à Paris, prendre son café, monter
en wagon, fumer deux cigares, commencer
un somme, entendre un coup de sifflet, ou-
vrir les yeux et voir l'Océan se dérouler sous
les étoiles, — tel est l'ensemble du petit
voyage pareil à un rêve, qui explique la vogue
-et le succès des bains de mer de la Norman-
.• die.
Je liens à payer tout de suite une dette.
Ne voyagez pas sans les Guides-Conty !...
Ces petits livres, grands comme la main,
et qui ne tiennent presque pas de place dans
la poche, en disent plus qu'ils ne sont gros.
Ils disent les heures de départ et d'arrivée
■ des trains, les prix des hôtels et ceux des
voitures, des bains des mers et des casinos.
— Vous voulez dépenser tant, allez à tel en-
droit et vivez de telle façon !.... Vous désirez
au contraire faire des économies, je vais vous
• Indiquer un petit port et une petite auberge
où vous serez mieux et à meilleur marché
que chez vous !... -, .... •
Grâce au Guide-Conty, on n'a plus besoin
| îi de s'inquiéter, ni de s'informer, ni de per-
dre son temps devant les affiches. Oh va droit
devant soi et l'on ne se règle que sur sa fan-
taisie. Tout le reste a été pourvu par l'auteur,
qui s'est fait à la fois votre intendant et votre
ami..... - "
-• -> y
Je le répète, c'est payer une dette que lui
adresser un remerciement.
J'ai commencé mon excursion par Trou-
ville.
Trouville, — ville située dans un trou. Je
me contente de cette étymologie à l'usage des
bonnes gens.
Le trou est ancien ; la ville est moderne.
Elle date de 1830, comme les drames de
Victor Hugo, les impressions de voyage
d'Alexandre Dumas et les tableaux deMozin
et d'Isabey.
En moins de quarante ans, le bourg de
douze cents âmes est devenu une cité. Les
pêcheurs y sont restés ; les marchands et les
.hôteliers y sont venus. Six mille habitants;
jetiez autant de baigneurs, et vous vous fe-
une idée de la vie et du mouvement de
ce petit port pendant la saison.
- .Trouville est dominé par une colline bOl-
rie couverte de villas qui montrent leurs toits
,:breus entre les massifs.
Au bas passe la Touques, un ruisseau qui
prend à son embouchure des allures de fleuve
et forme un bassin naturel où les pêcheurs
amènent leurs bateaux.
C'est là, sur le quai, à l'heure de la criée
du poisson le matin, et, sur la plage, à l'heure
du bain le soir, que l'activité Trouvillaise se
développe à l'aise dans sa double sphère.
Pour ma part, je préfère le matin.
C'est un véritable plaisir de trouver, à cinq
heures du boulevard des Italiens, le spectacle
humble et fort des travailleurs de la mer. Les
hommes, en grosses bottes souillées, en tri-
cots bruns, tiennent d'une main leur chapeau
d'étoffe, de l'autre essuient la sueur qui coule
par sillons sur le hâle de leurs joues. Les fem-
mes, en bonnets de coton et en casaquins de
laine, trient les poissons et les disposent dans
les corbeilles. Puis c'est un élan général ; on
se distribue les paniers ; on les prend à un,
à deux, et l'on se rend à la halle au pas
accéléré. La vente a lieu aussitôt, et la
pêche est adjugée au plus offrant. Les beaux
poissons iront à Paris. Les moyens seront
consommés sur place. Les chiens de mer
(prononcez chiens à la manière arabe, avec
mépris 1) seront vendus à la livre par des mar-
chands ambulants aux batteurs en grange et
aux autres ouvriers de la campagne. »
I
C'est fait. L'heure du repos est venue.
' Après une nuit passée en mer, on a faim,
' soif et sommeil. Et chacun de nos pêcheurs
de se diriger à grands pas lourds vers son
logis...
Il y a à Trouville une rue admirable, la rue
des Ecores,
Cette rue part du quai pour y revenir en
passant à mi-coteau. Elle a cent vingt-huit
numéros, je crois bien me rappeler le chiffre,
en tout cas, je ne me tromperais pas de beau-
coup. Les maisons ont un étage, deux au
plus. Elles sont basses, étroites, obscures.
Mais, par les fenêtres ouvertes, le regard
plonge dans l'intérieur et y découvre toute
sorte de choses bonnes et consolantes : des
V-
mères qui allai'ent leurs enfants, des femmes
qui préparent le repns de leurs maris, des
tricots qui sèchent sur des cordes, des platées
de poissons qui fument sur les tables, de
grands lits larges à rideaux bleus, dans les-
quels.on doit bien dormir...
Mon t)ieu! c'est très-compliqué, si l'on veut,
la vie; mais c'est aussi quelquefois très-
simple.
Le mari part le soir pour la pêche. La
femme couche les enfants, et, si la mer est
bonne, elle s'endort après eux. Si la mer est
mauvaise, elle se met à genoux et elle prie.
Le jour revient, l'homme rentre. Avec ce qu'il
gagne, la ménagère arrive, à la finde l'année,
à faire toucher les deux bouts, comme on
dit. Elle n'a pas failli devenir veuve plus d'une
centaine de fois!...
Bah ! les fils grandissent. Leur pensée et
leurs membres s'habituent à la mer, et ils
recommenceront, race patiente et laborieuse,
la destinée de leurs pères, dont ils transmet-
tront à leur tour la tradition à leurs en-
fants. !
Je m'aperçois que je ne vous ai pas parlé
du Casino. »
Il est bâti au bord de la mer, et l'on y joue
gros jeu. On y joue aussi la comédie... Mais
tout cela n'est pas intéressant.
Passons plutôt ce pont sur la Touques et
allons visiter Deauville.
Deauville, ville d'eau ; pas de discussion
possible, la mer est là.
Représentez-vous une immense plaine de
sable. Cà et là s'élèvent de magnifiques niai-
sons bariolées. Toit bleu, murs blancs, enca-
drements rouges. Toutes ces constructions
affectent des formes bizarres. Ce ne sont que
tours du Nord, tourelles, terrasses, pavillons
et verandahs. On dirait, toutes-proportion
gardée, un village en bois peint que des en-
fants auraient tiré de sa boîte et disposé sur
un carton sablé. Ce joujou de Gargantua ré-
siste, m'assure-t-on, au vent et au soleil...
Pas uri arbre, — même en zinc, comme le
palmier de la Samaritaine.
Où sont les hommes?..
Eh ! quoi, pas un homme non plus?..
Ah! si, sur cette petite place entourée de
maisons basses, j'en aperçois un; mais quelle
singulière façon il a de se tenir ! Il est monté
sur un piédestal et il ne remue pas, sans doute
par crainte de tomber... i
Approchons!.... Je crois bun que mon
homme ne remue pasl
Il est en bronze !..
C est la statue de M. le duc de Morny.
M. le duc de Morny avait toutes les ambi-
tions, et il arriva à les satisfaire à peu près
toutes.
Cependant il y eut des nuances. Ainsi le
vaudevilliste demeure au-dessous de l'ambas-
sadeur, et le propriétaire de grande écurie
obtint des succès beacoup moins incontestés
que le président du Corps législatif.
Un jour M. de Morny voulut jouer au
Pierre-le-Grand.
Ce jour-là, il se promenait sur la plage en
face de Trouville.
Il frappa le sable du pied, et Deauville fut.
Bien plus, Deauville fut à la mode.
Les gentlemen parisiens vinrent à l'envi se
grouper autour du plus élégant et du plus cé-
lèbre d'entre eux. *
En Angleterre, un gentleman est un
homme bien élevé, rien de plus, rien de
moins.
En France, c'est cela aussi, mais dans un
sens un peu plus restreint.
En effet, on ne désigne sous ce nom —
chez nous — que les habitués des courses et
[ des cercles, riches bourgeois, pour la plupart,
désireux de s'élever à l'aristocratie par leurs
habitudes et leurs plaisirs, ou bien gentils-
hommes de grande vie, qui, leur fortune hé-
réditaire dissipée, cherchent volontiers à s'en
créer une nouvelle par les affaires et la spé-
culation.
On spécula sur les terrains de Deauville.
Les maisons bariolées parurent une bonne af-
fairSTOn dessina un champ de course sur la l
prairie derrière la ville, et l'on bâtit un su-
perbe casino sur le sable, en face de la mer.
Puis on se frotta les mains.
Aujourd'hui, l'épiderme est un peu en-
tamé.
Cependant, comme Trouville, à l'étroit, ne
peut s'étendre ni sur la mer ni sur la mon-
tagne, et comme les baigneurs deviennent,
chaque année plus nombreux sur la côte
normande, les propriétaires de Deauville au-
raient tort de désespérer.
Leur fortune est retardée, voilà tout.
La manne finira par tomber dans leur splen-
dide désert...
TONY RÉVILLON.
LA FEMME IMMORTELLE
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
XVIII
61
Il y avait, nous l'avons dit, plus de trente
ans que la président Boisfleury rendait la jus-
Lice.
Au?si avait-il non-seulement un-e grande habi-
tude de ses fonctions, mais encore un ascendant
pre que subit sur les gens qu'il interrogeait.
Colle peur salutaire que la justice inspire
s'était donc emparée du chevalier de Castirac.
Voir les numéros parus depuis 16 -21 juin. f
En face de cette robe rouge, !a forfanterie du
Gascon était tombée; à peine se souvenait-il
qu'il était homme d'épée et il n'eut certes pas
la moindre envie de mettre la main sur la co-
quille de son innocente rapière. >
Le barbier chirurgien, maître Révol, avait en
un clin d'œil bandé son bras et arrêté son
sang. ; .-,**** ■
Le chevalier regardait d'un air effaré le prési-
dent en robe rouge et le barbier vêtu de noir.
— Maître Révol, dit enfin le président Bois-
fleury, asseyez.vous là, devant cette table, ap-
prochez de vous ce papier, prenez cette plume
et écrivez sous ma dictée. Vous allez me servir
de greffier et transcrire l'interrogatoire de cet
homme.
Alors le Gascon retrouva sa langue :
f— Mais quel crime ai-je donc commis? de-
manda-t-il.
— Taisez-vous, ou plutôt bornez-vous à ré-
pondre à mes questions, répondit sévèrement
le président Boisfleury.
Le Gascon jetait des regards éperdus autour
de lui.
— Comment vous nommet-vous? repris-Bois*
fleury. •
— Hector, chevalier de Castirac
-- D'où venez-«voas? rV,, a .
— Je n'en sais rien. Pas plus que je ne sais
où je suis, répliqua le Gascon.
— N'essayez pas de tromper la justice, dit le
président qui dardait ses petits yeux gris sur le
chevalier.
L'esprit, qui est l'apanage-de la race gasconne,
et ne l'abandonne que rarement, revint au se-
cours du pauvre chevalier.
— Monseigneur, dit-il, j'ai pour la justice
non-seulement le plus grand respect, mais j'ai
encore en elle une confiance absolue.
Ces mots firent tressaillir Boisfleury.
D'abord le Gascon lui donnait du monseigneur ,
ce qui le flattait; ensuite, un homme qui a con-
fiance en la justice ne saurait la craindre.
Cependant, en bon juge criminel qu'il était,
le président Boisfleury "poursuivit :
— Prenez garde ! n'essayez pas d'égarer la
justice par des mensonges. On vous a trouvé
ivre*mort dans la rue.
— Ah 1 vraiment ? fit le Gascon.
— En léthargie, plutôt, dit le barbier.
Ce mol était inconnu du Gascon, lequel n'était
pas très-lettré.
— Je ne sais pas ce que c'est que ça, dit-il.
— Passons, fit le président. On vous a donc
trouvé en léthargie et il a fallu que monsieur
que voilà, et qui est barbier de son état, vous
d.o.nnàt un coup de lancette pour^ v6us,éveiHM.
— Je ne comprends toujours pas comment je
suis ici, dit le Gascon, et je voudrais que la
justice, qui protége le faible contre le fort, prît-
ma cause en main.
— Mais! fit le président Boisfleury.
— Je suis tombé dans un véritable guet-apens,,.
reprit le chevalier de Castirac.
— Comment cela ?
— Le prince margrave m'a invité à souper.
A ce mot, le président Boisfleury fit un vé-,
ritable soubresaut.
— Le prince allemand? dit-il.
- Oui, monseigneur.
Chose bizarre 1 le président Boisfleury avait
depuis deux jours les nerfs agacés par tout ca
qu'il entendait dire sur le margrave.
Et comme après tout, un criminel lui suffi.
sait, pourvu qu'il le trouvât, il se dit que peut"
être cet homme avait raison et qu'au lieu d'è:.cll
le coupable, il était la victime.
U adoucit do/.Jc un peu la voix et dit : -
— Voyon^ si au lieu d'avoir à vous punir, la
justice voufc doit aide et protection, elle ne
faillira pas à son devoir : racontez-moi ce »qui
vous eit/arrivé et comment il se fait qu'on vous
ait trouvé ivre-mort dans la rue.
—< En léthargie, rectifia te bariier.
:Ii M. Boisfleury eut un çitit gost» d'impatien« ;
A cent, le numéro
JOURNAL QUOTIDIEN
w - cent. le numéro
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six Bois. un aB.
i-'aris 5 fir. 9 fr. t.8 fr.
Département.. & Il 99
Administrateur : E. DBLSAUX.
' . ' I . J " .
,,l ! 1 n A CI . - MARDI 18 AOU JY «Mis. — fv 855
-
-
Directeur-Propriétaire : JAN N t N.
Rédacteur en ch>f : A. UE ){A[.ATf;tB:H Bragelonne. 1
BUIlEA ex d'abonnement : 9, rue Drouot. '
j Administration-. 13. place Breda.
PARIS, 17 AOUT 1868
NOTES DE VOYAGE
LES COTES DE NORMANDIE
I
Dîner à Paris, prendre son café, monter
en wagon, fumer deux cigares, commencer
un somme, entendre un coup de sifflet, ou-
vrir les yeux et voir l'Océan se dérouler sous
les étoiles, — tel est l'ensemble du petit
voyage pareil à un rêve, qui explique la vogue
-et le succès des bains de mer de la Norman-
.• die.
Je liens à payer tout de suite une dette.
Ne voyagez pas sans les Guides-Conty !...
Ces petits livres, grands comme la main,
et qui ne tiennent presque pas de place dans
la poche, en disent plus qu'ils ne sont gros.
Ils disent les heures de départ et d'arrivée
■ des trains, les prix des hôtels et ceux des
voitures, des bains des mers et des casinos.
— Vous voulez dépenser tant, allez à tel en-
droit et vivez de telle façon !.... Vous désirez
au contraire faire des économies, je vais vous
• Indiquer un petit port et une petite auberge
où vous serez mieux et à meilleur marché
que chez vous !... -, .... •
Grâce au Guide-Conty, on n'a plus besoin
| îi de s'inquiéter, ni de s'informer, ni de per-
dre son temps devant les affiches. Oh va droit
devant soi et l'on ne se règle que sur sa fan-
taisie. Tout le reste a été pourvu par l'auteur,
qui s'est fait à la fois votre intendant et votre
ami..... - "
-• -> y
Je le répète, c'est payer une dette que lui
adresser un remerciement.
J'ai commencé mon excursion par Trou-
ville.
Trouville, — ville située dans un trou. Je
me contente de cette étymologie à l'usage des
bonnes gens.
Le trou est ancien ; la ville est moderne.
Elle date de 1830, comme les drames de
Victor Hugo, les impressions de voyage
d'Alexandre Dumas et les tableaux deMozin
et d'Isabey.
En moins de quarante ans, le bourg de
douze cents âmes est devenu une cité. Les
pêcheurs y sont restés ; les marchands et les
.hôteliers y sont venus. Six mille habitants;
jetiez autant de baigneurs, et vous vous fe-
une idée de la vie et du mouvement de
ce petit port pendant la saison.
- .Trouville est dominé par une colline bOl-
rie couverte de villas qui montrent leurs toits
,:breus entre les massifs.
Au bas passe la Touques, un ruisseau qui
prend à son embouchure des allures de fleuve
et forme un bassin naturel où les pêcheurs
amènent leurs bateaux.
C'est là, sur le quai, à l'heure de la criée
du poisson le matin, et, sur la plage, à l'heure
du bain le soir, que l'activité Trouvillaise se
développe à l'aise dans sa double sphère.
Pour ma part, je préfère le matin.
C'est un véritable plaisir de trouver, à cinq
heures du boulevard des Italiens, le spectacle
humble et fort des travailleurs de la mer. Les
hommes, en grosses bottes souillées, en tri-
cots bruns, tiennent d'une main leur chapeau
d'étoffe, de l'autre essuient la sueur qui coule
par sillons sur le hâle de leurs joues. Les fem-
mes, en bonnets de coton et en casaquins de
laine, trient les poissons et les disposent dans
les corbeilles. Puis c'est un élan général ; on
se distribue les paniers ; on les prend à un,
à deux, et l'on se rend à la halle au pas
accéléré. La vente a lieu aussitôt, et la
pêche est adjugée au plus offrant. Les beaux
poissons iront à Paris. Les moyens seront
consommés sur place. Les chiens de mer
(prononcez chiens à la manière arabe, avec
mépris 1) seront vendus à la livre par des mar-
chands ambulants aux batteurs en grange et
aux autres ouvriers de la campagne. »
I
C'est fait. L'heure du repos est venue.
' Après une nuit passée en mer, on a faim,
' soif et sommeil. Et chacun de nos pêcheurs
de se diriger à grands pas lourds vers son
logis...
Il y a à Trouville une rue admirable, la rue
des Ecores,
Cette rue part du quai pour y revenir en
passant à mi-coteau. Elle a cent vingt-huit
numéros, je crois bien me rappeler le chiffre,
en tout cas, je ne me tromperais pas de beau-
coup. Les maisons ont un étage, deux au
plus. Elles sont basses, étroites, obscures.
Mais, par les fenêtres ouvertes, le regard
plonge dans l'intérieur et y découvre toute
sorte de choses bonnes et consolantes : des
V-
mères qui allai'ent leurs enfants, des femmes
qui préparent le repns de leurs maris, des
tricots qui sèchent sur des cordes, des platées
de poissons qui fument sur les tables, de
grands lits larges à rideaux bleus, dans les-
quels.on doit bien dormir...
Mon t)ieu! c'est très-compliqué, si l'on veut,
la vie; mais c'est aussi quelquefois très-
simple.
Le mari part le soir pour la pêche. La
femme couche les enfants, et, si la mer est
bonne, elle s'endort après eux. Si la mer est
mauvaise, elle se met à genoux et elle prie.
Le jour revient, l'homme rentre. Avec ce qu'il
gagne, la ménagère arrive, à la finde l'année,
à faire toucher les deux bouts, comme on
dit. Elle n'a pas failli devenir veuve plus d'une
centaine de fois!...
Bah ! les fils grandissent. Leur pensée et
leurs membres s'habituent à la mer, et ils
recommenceront, race patiente et laborieuse,
la destinée de leurs pères, dont ils transmet-
tront à leur tour la tradition à leurs en-
fants. !
Je m'aperçois que je ne vous ai pas parlé
du Casino. »
Il est bâti au bord de la mer, et l'on y joue
gros jeu. On y joue aussi la comédie... Mais
tout cela n'est pas intéressant.
Passons plutôt ce pont sur la Touques et
allons visiter Deauville.
Deauville, ville d'eau ; pas de discussion
possible, la mer est là.
Représentez-vous une immense plaine de
sable. Cà et là s'élèvent de magnifiques niai-
sons bariolées. Toit bleu, murs blancs, enca-
drements rouges. Toutes ces constructions
affectent des formes bizarres. Ce ne sont que
tours du Nord, tourelles, terrasses, pavillons
et verandahs. On dirait, toutes-proportion
gardée, un village en bois peint que des en-
fants auraient tiré de sa boîte et disposé sur
un carton sablé. Ce joujou de Gargantua ré-
siste, m'assure-t-on, au vent et au soleil...
Pas uri arbre, — même en zinc, comme le
palmier de la Samaritaine.
Où sont les hommes?..
Eh ! quoi, pas un homme non plus?..
Ah! si, sur cette petite place entourée de
maisons basses, j'en aperçois un; mais quelle
singulière façon il a de se tenir ! Il est monté
sur un piédestal et il ne remue pas, sans doute
par crainte de tomber... i
Approchons!.... Je crois bun que mon
homme ne remue pasl
Il est en bronze !..
C est la statue de M. le duc de Morny.
M. le duc de Morny avait toutes les ambi-
tions, et il arriva à les satisfaire à peu près
toutes.
Cependant il y eut des nuances. Ainsi le
vaudevilliste demeure au-dessous de l'ambas-
sadeur, et le propriétaire de grande écurie
obtint des succès beacoup moins incontestés
que le président du Corps législatif.
Un jour M. de Morny voulut jouer au
Pierre-le-Grand.
Ce jour-là, il se promenait sur la plage en
face de Trouville.
Il frappa le sable du pied, et Deauville fut.
Bien plus, Deauville fut à la mode.
Les gentlemen parisiens vinrent à l'envi se
grouper autour du plus élégant et du plus cé-
lèbre d'entre eux. *
En Angleterre, un gentleman est un
homme bien élevé, rien de plus, rien de
moins.
En France, c'est cela aussi, mais dans un
sens un peu plus restreint.
En effet, on ne désigne sous ce nom —
chez nous — que les habitués des courses et
[ des cercles, riches bourgeois, pour la plupart,
désireux de s'élever à l'aristocratie par leurs
habitudes et leurs plaisirs, ou bien gentils-
hommes de grande vie, qui, leur fortune hé-
réditaire dissipée, cherchent volontiers à s'en
créer une nouvelle par les affaires et la spé-
culation.
On spécula sur les terrains de Deauville.
Les maisons bariolées parurent une bonne af-
fairSTOn dessina un champ de course sur la l
prairie derrière la ville, et l'on bâtit un su-
perbe casino sur le sable, en face de la mer.
Puis on se frotta les mains.
Aujourd'hui, l'épiderme est un peu en-
tamé.
Cependant, comme Trouville, à l'étroit, ne
peut s'étendre ni sur la mer ni sur la mon-
tagne, et comme les baigneurs deviennent,
chaque année plus nombreux sur la côte
normande, les propriétaires de Deauville au-
raient tort de désespérer.
Leur fortune est retardée, voilà tout.
La manne finira par tomber dans leur splen-
dide désert...
TONY RÉVILLON.
LA FEMME IMMORTELLE
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
XVIII
61
Il y avait, nous l'avons dit, plus de trente
ans que la président Boisfleury rendait la jus-
Lice.
Au?si avait-il non-seulement un-e grande habi-
tude de ses fonctions, mais encore un ascendant
pre que subit sur les gens qu'il interrogeait.
Colle peur salutaire que la justice inspire
s'était donc emparée du chevalier de Castirac.
Voir les numéros parus depuis 16 -21 juin. f
En face de cette robe rouge, !a forfanterie du
Gascon était tombée; à peine se souvenait-il
qu'il était homme d'épée et il n'eut certes pas
la moindre envie de mettre la main sur la co-
quille de son innocente rapière. >
Le barbier chirurgien, maître Révol, avait en
un clin d'œil bandé son bras et arrêté son
sang. ; .-,**** ■
Le chevalier regardait d'un air effaré le prési-
dent en robe rouge et le barbier vêtu de noir.
— Maître Révol, dit enfin le président Bois-
fleury, asseyez.vous là, devant cette table, ap-
prochez de vous ce papier, prenez cette plume
et écrivez sous ma dictée. Vous allez me servir
de greffier et transcrire l'interrogatoire de cet
homme.
Alors le Gascon retrouva sa langue :
f— Mais quel crime ai-je donc commis? de-
manda-t-il.
— Taisez-vous, ou plutôt bornez-vous à ré-
pondre à mes questions, répondit sévèrement
le président Boisfleury.
Le Gascon jetait des regards éperdus autour
de lui.
— Comment vous nommet-vous? repris-Bois*
fleury. •
— Hector, chevalier de Castirac
-- D'où venez-«voas? rV,, a .
— Je n'en sais rien. Pas plus que je ne sais
où je suis, répliqua le Gascon.
— N'essayez pas de tromper la justice, dit le
président qui dardait ses petits yeux gris sur le
chevalier.
L'esprit, qui est l'apanage-de la race gasconne,
et ne l'abandonne que rarement, revint au se-
cours du pauvre chevalier.
— Monseigneur, dit-il, j'ai pour la justice
non-seulement le plus grand respect, mais j'ai
encore en elle une confiance absolue.
Ces mots firent tressaillir Boisfleury.
D'abord le Gascon lui donnait du monseigneur ,
ce qui le flattait; ensuite, un homme qui a con-
fiance en la justice ne saurait la craindre.
Cependant, en bon juge criminel qu'il était,
le président Boisfleury "poursuivit :
— Prenez garde ! n'essayez pas d'égarer la
justice par des mensonges. On vous a trouvé
ivre*mort dans la rue.
— Ah 1 vraiment ? fit le Gascon.
— En léthargie, plutôt, dit le barbier.
Ce mol était inconnu du Gascon, lequel n'était
pas très-lettré.
— Je ne sais pas ce que c'est que ça, dit-il.
— Passons, fit le président. On vous a donc
trouvé en léthargie et il a fallu que monsieur
que voilà, et qui est barbier de son état, vous
d.o.nnàt un coup de lancette pour^ v6us,éveiHM.
— Je ne comprends toujours pas comment je
suis ici, dit le Gascon, et je voudrais que la
justice, qui protége le faible contre le fort, prît-
ma cause en main.
— Mais! fit le président Boisfleury.
— Je suis tombé dans un véritable guet-apens,,.
reprit le chevalier de Castirac.
— Comment cela ?
— Le prince margrave m'a invité à souper.
A ce mot, le président Boisfleury fit un vé-,
ritable soubresaut.
— Le prince allemand? dit-il.
- Oui, monseigneur.
Chose bizarre 1 le président Boisfleury avait
depuis deux jours les nerfs agacés par tout ca
qu'il entendait dire sur le margrave.
Et comme après tout, un criminel lui suffi.
sait, pourvu qu'il le trouvât, il se dit que peut"
être cet homme avait raison et qu'au lieu d'è:.cll
le coupable, il était la victime.
U adoucit do/.Jc un peu la voix et dit : -
— Voyon^ si au lieu d'avoir à vous punir, la
justice voufc doit aide et protection, elle ne
faillira pas à son devoir : racontez-moi ce »qui
vous eit/arrivé et comment il se fait qu'on vous
ait trouvé ivre-mort dans la rue.
—< En léthargie, rectifia te bariier.
:Ii M. Boisfleury eut un çitit gost» d'impatien« ;
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