Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-08-17
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 17 août 1868 17 août 1868
Description : 1868/08/17 (A3,N851). 1868/08/17 (A3,N851).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717853t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN '-
5 cent. le numéro
5 cent, le numéro
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. Un an.
.., Paris 5 rr, ' 9 fr. i8 fr.
Départements. , a il 99
Administrateur : E. DKLSAUX. - 1
SIM année. — LUNDI 17 AOUT 3 SCS. — N° 851
Directeur-? ropriétairr : .1 A N N ( N.
Rédacteur en chef : A. DE B A I.ATH 1 F. H -1 ! R A r, j; L o t; t,N a.
BUREAUX D'ABONNEMENT . U. S'MC tironot.
ADMINISTRATION •. 13, place Bfedâ. 1
PARIS, 16 AOUT 1868
AOUT
LES HOMMES ET LES CHOSES DU PASSÉ
II
Du temps des Romain!-.. l'année n'était que
de dix mois et commençait en mars. Le mois
d'août appelait sextilis. c'est-à-dire U
sixième. Un peu plus ta.rd, !e roi Numa Pom-
pili tlS ajouta deux mois—janvier et février
• — aux dix autres, et, dans cette nouvelle dis-
tribution du calendrier, le sixième mois de-
vint le septième. L'année commençait alors à
février, pour se terminer par janvier.
Plus tard encore, quand janvier devint le
premier mois, août devint le huitième. Mais
il garda son nom de sextilis jusqu'à l'empe-
reur Auguste.
C'est alors que les flatteurs, qui faisaient
„ de leurs maitres des dieux et qui leur éle-
vaient des temples, s'avisèrent de donner
leurs noms aux mois. César s'appelait Julius;
de là juillet. Auguste fut le parrain du mois
suivant; de là. août par corruption. Il y put
un décret du Sénat qui raconta toutes les
beU$> actions que l'empereur avait faites, et
qui lui méritaient l'honneur de baptiser un
douzième de l'année.
Août, chez les Latins comme chez nous,
était un mois cons3cré aux fêtes et aux ré-
jouissances publiques r
Première fête, en l'honneur de Neptune
Consul, dieu des bons conseils.
Deuxième fête, en l'honneur du vin nou-
veau.
Troisième fête, en l'honneur de la lune et
de Diane.... ,
Quatrième, dédiée fi. Vu'cain.
La réforme du calendrier n'a rien changé
au rang ni au nombre de jours dq mois latin.
La grande fête catholique est celle de l'As-
50mption de la Sainte-Vierge.
L'empereur Napoléon Ier, qui n'avait pas
de patron dans le calendrier Grégorien, écri-
vit son nom au-dessus de celui de la vierge-
Marie, et il choisit le 15 août pour le jour de
sa fête. Ses successeurs ont continué la tra-
diiion...
Août, vous disais-je, l'autre jour est le
mois des étoiles filantes. C'est aussi la pér'ode
pendant laquelle naît, se reproduit et meurt,
dans l'espace d'une seule nui', -l'éphémère,
cet insecte à la destinée étonnante et-merveil-
Jeuse.
£ Trois ans, un ver misérable vit au bord de
'eau, dans un trou qu'il s'est creusé dans la
vase. Les trois uns se passent. Uu soir d'août,
le ver se transforme. Une petite mas;e
aérienne sort de l'eau. Arrivée à une certaine
hauteur, elle se' secoue dans un frisson. C'est
un papillon qui: étend ses ailes, les frappe
l'une contre l'autre et les étend encore pour
se poser sur.les fleurs ou pour glisser sur les
roseaux.
41 est six heures. A onze, l'éphémère re-
'tombe inanimé. Il est mort. Mais avant de
mourir, il a aimé, conçu et déposé sur la
terre les œufs qui se changeront en ver-s et
en éphémères à leur loup.
Je ne crois pas qu'il y ait, dans l'histoire
des hommes, beaucoup de traits aussi inté-*
ressants que cette agonie radieuse d'un vei1
de boue..,
22 aoI1t 1711, — Mort (rU maréchal de
- Boitffiers.
Loûis François de Boufflers, duc et pair et
maréchal de France, fut le plus célèbre de son
nom.
Il se fit surtout remarquer dans les derniè-
res guerres du règne de Louis XIV.
Sa défense de Lille est restée comme une
des choses merveilleuses en ce genre.
— Je suis bien glorieux, lui dit le prince
Eugène, d'avoir pris Lille défendue par vous ;
mais j'aimerais mieux encore l'avoir défendue
comme vous.
Le roi le récompensa de cette défaite
comme d'une victoire. M. de Boufflers fut fait
pair de France,et il eut la survivance du gou-
vernement de Flandre pour son fils aîné.
Lorsqu'il vint au parlement pour s'y faire re-
cevoir, il y parut entouré d'un cortége d'offi-
ciers qui avaient défendu Lille avec lui :
— Messieurs, dit-il en se tournant vers
eux, c'est à vous que je dois toutes les grâces
dont on me comble; c'est à vous que je les
renvoie, et je ne dois me louer que d'avoir été
à la tête de tant de braves gens.
Le maréchal de Boufflers mourut à Fontai-
nebleau, à l'âge de soixante-huit ans.
« En lui, écrivit madame de Mainteiion, le
cœur est mort le dernier. »
* *
21 aotit 1226, — Mort de Gengis-Kan.
Un petit prince se met à la tête d'un.e ar-
mée de brigands et marche droit devant lui,
détruisant fout sur son passage, Il fait ainsi
dix-huit cent lieues, de la frontière de la
Chine à celle de la Russie. Après avoir dé-
vasté tout l'orient, il le considère comme sa
propriété et le partage entre ses enfants, qui
le partoigent à leur tour entre les leurs, jus-
qu'à ce que l'immense empire np, soit plus
qu'une série de provinces imperceptibles.
Alors survient un nouveau petit prince, qui
se remet à la tête de nouveaux brigands et
referme un tout des parties dispersées...
Telle est l'histoire de Gengis-Kan, de ses
fils et de son empire. Le second conquérant
vint un siècle plus lard. Il se nommait Ta-
merlan.
Les cavaliers et les pasteurs tartares, lors-
que Gengis mourut et qu'ils réfléchirent à et
qu'il avait fait, se dirent qu'un tel homme ne
pouvait pas être né comme les autres, et que
s,t mère l'avait conçu par te seul secours
d'une influence céleste.
Les hommes prodiguent volontiers J'apo-
théose à qui écrase le genre humain.
25 août 1270, — Mort du roi Saint-Louis.
Louis, qui s'appela Louis IX avant d'être
canonisé, monta encore enfant sur le trône
de France.
Sa mère, Blanche de Castille, gouverna le
royaume en qualité de régente. C'était une
maîtresse femme, fort entendue en politique,
qui sut à la fois bien élever son fils et remplir
le trésor publie sans trop écraser ses sujets.
Louis IX se montra digne d'elle, Ce fut un
de nos meilleurs rois. Il protégea les commu-
nes, réglementa les corporations, bâtit des hô-
pitaux, entr'autres les Quinze-Vingt, et rendit
la justice sans se préoccuper de la qualité dés
parties. Un jour, il donna, l'ordre de dresser
un état des vieux laboureurs qui ne pouvaient
plus travailler.
— Ils ont le droit, dit-il, d'être nourris à
frais communs C'était la caisse des invalides
du travail, et l'on ne doit pas oublier qu'il y
a six siècles de cela.
Le seul tort et la seule faute de ce prince
excellent furent les deux croisades, qui l'en-
traînèrent loin de ses états, ruinèrent ses fi-
nances et lui coûtèrent, une première fois la
liberté, une seconde fois la vie.. *
Louis 1X mourut de la p3ste sur la côte de
Tunis, non loin des ruines de Carthage. Sen-
tant sa dernière heure approcher, il se fit
étendre sur un lit de sangle, et l'attendit, les
mains jointes, le visage calme, en bon gen-
tilhomme et en bon chrétien.
Il avait cinquante-cinq ans.
30 août 1483. — Mort de L01t?S XI.
w
Jamais souverain ne fat plus grandi, dimi.
nué, interprété et dénaturé que celui-là.
Pour les uns, c'est un fils qui conspire con-
tre son père, un frère qui, dans son frère, ne
veut voir qu'un grand vassal à supprimer; un
mauvais père, un voisin dangereux, un homme
cruel.
Pour les autres, c'est un grand homme qu
conçoit l'oeuvre de l'unité française, et qui, ~
pénétré de l'équité du but, a presque le droit,
vivant dans un temps sans scrupules, de ne
pas regarder aux moyens.
— Il dépouilla les grands, dis-ent ces der-
niers.
— Oui. Mais il écrasa les petits d'impôts,
répliquent leurs adversaires.
Joignez à ces deux versions celle de Balzac
et des poètes, auxquels l'auteur des Cent nou-
velles nouvelles et le bourgeois Tourangeau
font trop oublier le roi, -r-et vous n'aurez en-
core qu'une idée imparfaite des diverses opi-
nions qui se sont produites sur le compte de
Louis XI.
La vérité est que ce fut un très-grand sei-
gneur, avec les mœurs d'un gentilhomme
campagnard. Il tenait de son père un beau do-
maine, qu'il se donna pour tâche d'agrandir
le plus ppssible et d'administrer de la façon
la plus avantageuse. Les poétiques ne viennent
qu'après les poêles, et rien n'est plus aisé
que de faire des théories a près coup. Loui3 XI,
roi de fait dans un moment où le fait domi-
nait, joua son jeu en homme brave, instruit
et madré. Entre ses traités et ses batailles, il
vida des pots avec ses compères, prit, le men-
ton aux belles filles, et raconta des gaudrioles.
Devenu vieux, il voulut vivre en paix avec son
curé, et, se disant qu'après tout il n'avait peut-
être pas toujour-s été très-scrupuleux, il se
mit à faire pénitence. Comme il trouvait la
vie bonne,la mort ne hissait pas que de l'ef-
frayer.
LA
mess=""60 PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
XVII
%
Les mystificateurs se trouvaient mystifies.
Le dormeur dépenaillé avait de l'or dans ses
poches et les porteurs de chaise ne l'avaient
point soupçonné.
Quand ils auraient pu tranquillement le dé-
pouiller, ils avaient préféré le transporter chez
le président Boisfieury.à la. seule fin de troubler
le sommeil de celui-ci et de se venger de son
avarice.
Voir, les numéros parus depuis le 21 juin.
Et voici qu'une nouvelle gratification dérisoire
venait les faire repentir de leur belle conduite.
Mais le président Boi>fleury ne.. fit nulle at-
tention à leur déconvenue.
Tout au contraire, il continua à les féliciter
de leur bonne pensée, les avertit qu'ils seraient
peut-être obligés de venir déposer en justice et
les poussa tout doucement de la salle où il gar-
dait le Gascon endormi, dans le vestibule, et
du vestibule vers la porte.
Les deux porteurs étaient si penauds qu'ils
se laissèrent éconduire sans résistance.
Alors le président Boisfleury revint auprès du
dormeur.
Il essaya de nouveau de lui faire respirer du
vinaigre et de le réveiller, mais il reconnut que
la chose était impossible.
Le dormeur était sous l influ?nce d'un narco-
tique, le président le vit bien, et le moyen d'en
briser le charme était inconnu à l'homme de
justice.
Néanmoins, le courageux magistrat avait
gardé cet étrange prisonnier.
,£.u lieu de remonter lui-même dans sa cham-
bre, il s'installa dans un fauteuil auprès:du li't,
laissa la chandelle allumée et attendit.
Or, en attendant que le chevalier s'éveillât, le
[ président s'endormit, et le grand jour péné-
trait daps la chambre lorsqu'il rouvrit les
yeux.
Le Gascon n'avait même pas changé d'atti-
tude, et sa léthargie continuait.
Alors le président courut euvrir la porte et
cria :
— Marianne! Marianne!
C'était le nom de sa vieille gouvernante;'
La bonne femme, qui se livrait à ses occupa-
tions ordinaires de servante unique, et balayait
en ce moment l'escalier, déscendit à l'appel de
son maître.
Celui-ci était rentré dans la chambre où dor-
mait le Gascon.
— Jésus-Dieu! s'écria la vieille en y entrant
sur les pas du président, qu'est-ce que ceta,
seigneur? Un liutnmeicit... Quelque voleur peut-
être....
— Chut! dit le président. Au lieu de pousser
des exclamations, écoute-moi et apprête-toi à
exécuter mes ordres.
Marianne levait les bras et les yeux au ciel.
— Tu connais le barbier Révol ? dit le prési-
dent!
— Oui, monsieur, répondit Marianne. C'est lui
qui est venu me saigner 1 an dernier.
—Précisément. Il demeure rue Saint Ho_oré,
tout auprès d'un apothicaire.
— C'est bien cela, dit Mariauna
— Tu vas courir thez lui.
— Mais .. cet homme... il est donc mort ?
Le président jugea inutile de donner des ex-
plications à sa servante, et il ajouta :
Et tu lui diras de venir ici en toute hâte et
d'apporter sa lancette.
- Et vous allez rester seul... avec...
— Mais va donc ! fit le président avecimpa-
tience.
■ La servante ne fit plus d'objection.
Il n'y a pas loin, comme on sait de la rue de
la Vrillière à fa rue Saint-Honoré, et M. Buis-
fleury calcula que dans moins d'un quart-d 'heure,
Marianne pourrait être de retour, accompagnée
du barbier-chirurgien.
Ce qu'il attendait de ce dernier, on l'a deviné
sans d'oute, c'était le moyen de réveiller cet
obstiné dorme :r dans la personne de qu le zélé
magistrat s'obstinait à voir un grand et my.e-
rieux coupable.
Depuis trente années qu'il était juge cri-
minel M. le président Boisfleury n'avait jamais
tremblé devant les scélérats.
Par conséquent il ne fit même pas cette re-
flexion qu'il se trouvait seul- afec un homme
qu'il pensait être un bandit, que cet homme pou-
vait s'éveiller brusquement, se servir de l épée
qu'il avait au côté et tout au moins, s il ne fai-
sait pii, reconquérir sa. liberta.
JOURNAL QUOTIDIEN '-
5 cent. le numéro
5 cent, le numéro
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. Un an.
.., Paris 5 rr, ' 9 fr. i8 fr.
Départements. , a il 99
Administrateur : E. DKLSAUX. - 1
SIM année. — LUNDI 17 AOUT 3 SCS. — N° 851
Directeur-? ropriétairr : .1 A N N ( N.
Rédacteur en chef : A. DE B A I.ATH 1 F. H -1 ! R A r, j; L o t; t,N a.
BUREAUX D'ABONNEMENT . U. S'MC tironot.
ADMINISTRATION •. 13, place Bfedâ. 1
PARIS, 16 AOUT 1868
AOUT
LES HOMMES ET LES CHOSES DU PASSÉ
II
Du temps des Romain!-.. l'année n'était que
de dix mois et commençait en mars. Le mois
d'août appelait sextilis. c'est-à-dire U
sixième. Un peu plus ta.rd, !e roi Numa Pom-
pili tlS ajouta deux mois—janvier et février
• — aux dix autres, et, dans cette nouvelle dis-
tribution du calendrier, le sixième mois de-
vint le septième. L'année commençait alors à
février, pour se terminer par janvier.
Plus tard encore, quand janvier devint le
premier mois, août devint le huitième. Mais
il garda son nom de sextilis jusqu'à l'empe-
reur Auguste.
C'est alors que les flatteurs, qui faisaient
„ de leurs maitres des dieux et qui leur éle-
vaient des temples, s'avisèrent de donner
leurs noms aux mois. César s'appelait Julius;
de là juillet. Auguste fut le parrain du mois
suivant; de là. août par corruption. Il y put
un décret du Sénat qui raconta toutes les
beU$> actions que l'empereur avait faites, et
qui lui méritaient l'honneur de baptiser un
douzième de l'année.
Août, chez les Latins comme chez nous,
était un mois cons3cré aux fêtes et aux ré-
jouissances publiques r
Première fête, en l'honneur de Neptune
Consul, dieu des bons conseils.
Deuxième fête, en l'honneur du vin nou-
veau.
Troisième fête, en l'honneur de la lune et
de Diane.... ,
Quatrième, dédiée fi. Vu'cain.
La réforme du calendrier n'a rien changé
au rang ni au nombre de jours dq mois latin.
La grande fête catholique est celle de l'As-
50mption de la Sainte-Vierge.
L'empereur Napoléon Ier, qui n'avait pas
de patron dans le calendrier Grégorien, écri-
vit son nom au-dessus de celui de la vierge-
Marie, et il choisit le 15 août pour le jour de
sa fête. Ses successeurs ont continué la tra-
diiion...
Août, vous disais-je, l'autre jour est le
mois des étoiles filantes. C'est aussi la pér'ode
pendant laquelle naît, se reproduit et meurt,
dans l'espace d'une seule nui', -l'éphémère,
cet insecte à la destinée étonnante et-merveil-
Jeuse.
£ Trois ans, un ver misérable vit au bord de
'eau, dans un trou qu'il s'est creusé dans la
vase. Les trois uns se passent. Uu soir d'août,
le ver se transforme. Une petite mas;e
aérienne sort de l'eau. Arrivée à une certaine
hauteur, elle se' secoue dans un frisson. C'est
un papillon qui: étend ses ailes, les frappe
l'une contre l'autre et les étend encore pour
se poser sur.les fleurs ou pour glisser sur les
roseaux.
41 est six heures. A onze, l'éphémère re-
'tombe inanimé. Il est mort. Mais avant de
mourir, il a aimé, conçu et déposé sur la
terre les œufs qui se changeront en ver-s et
en éphémères à leur loup.
Je ne crois pas qu'il y ait, dans l'histoire
des hommes, beaucoup de traits aussi inté-*
ressants que cette agonie radieuse d'un vei1
de boue..,
22 aoI1t 1711, — Mort (rU maréchal de
- Boitffiers.
Loûis François de Boufflers, duc et pair et
maréchal de France, fut le plus célèbre de son
nom.
Il se fit surtout remarquer dans les derniè-
res guerres du règne de Louis XIV.
Sa défense de Lille est restée comme une
des choses merveilleuses en ce genre.
— Je suis bien glorieux, lui dit le prince
Eugène, d'avoir pris Lille défendue par vous ;
mais j'aimerais mieux encore l'avoir défendue
comme vous.
Le roi le récompensa de cette défaite
comme d'une victoire. M. de Boufflers fut fait
pair de France,et il eut la survivance du gou-
vernement de Flandre pour son fils aîné.
Lorsqu'il vint au parlement pour s'y faire re-
cevoir, il y parut entouré d'un cortége d'offi-
ciers qui avaient défendu Lille avec lui :
— Messieurs, dit-il en se tournant vers
eux, c'est à vous que je dois toutes les grâces
dont on me comble; c'est à vous que je les
renvoie, et je ne dois me louer que d'avoir été
à la tête de tant de braves gens.
Le maréchal de Boufflers mourut à Fontai-
nebleau, à l'âge de soixante-huit ans.
« En lui, écrivit madame de Mainteiion, le
cœur est mort le dernier. »
* *
21 aotit 1226, — Mort de Gengis-Kan.
Un petit prince se met à la tête d'un.e ar-
mée de brigands et marche droit devant lui,
détruisant fout sur son passage, Il fait ainsi
dix-huit cent lieues, de la frontière de la
Chine à celle de la Russie. Après avoir dé-
vasté tout l'orient, il le considère comme sa
propriété et le partage entre ses enfants, qui
le partoigent à leur tour entre les leurs, jus-
qu'à ce que l'immense empire np, soit plus
qu'une série de provinces imperceptibles.
Alors survient un nouveau petit prince, qui
se remet à la tête de nouveaux brigands et
referme un tout des parties dispersées...
Telle est l'histoire de Gengis-Kan, de ses
fils et de son empire. Le second conquérant
vint un siècle plus lard. Il se nommait Ta-
merlan.
Les cavaliers et les pasteurs tartares, lors-
que Gengis mourut et qu'ils réfléchirent à et
qu'il avait fait, se dirent qu'un tel homme ne
pouvait pas être né comme les autres, et que
s,t mère l'avait conçu par te seul secours
d'une influence céleste.
Les hommes prodiguent volontiers J'apo-
théose à qui écrase le genre humain.
25 août 1270, — Mort du roi Saint-Louis.
Louis, qui s'appela Louis IX avant d'être
canonisé, monta encore enfant sur le trône
de France.
Sa mère, Blanche de Castille, gouverna le
royaume en qualité de régente. C'était une
maîtresse femme, fort entendue en politique,
qui sut à la fois bien élever son fils et remplir
le trésor publie sans trop écraser ses sujets.
Louis IX se montra digne d'elle, Ce fut un
de nos meilleurs rois. Il protégea les commu-
nes, réglementa les corporations, bâtit des hô-
pitaux, entr'autres les Quinze-Vingt, et rendit
la justice sans se préoccuper de la qualité dés
parties. Un jour, il donna, l'ordre de dresser
un état des vieux laboureurs qui ne pouvaient
plus travailler.
— Ils ont le droit, dit-il, d'être nourris à
frais communs C'était la caisse des invalides
du travail, et l'on ne doit pas oublier qu'il y
a six siècles de cela.
Le seul tort et la seule faute de ce prince
excellent furent les deux croisades, qui l'en-
traînèrent loin de ses états, ruinèrent ses fi-
nances et lui coûtèrent, une première fois la
liberté, une seconde fois la vie.. *
Louis 1X mourut de la p3ste sur la côte de
Tunis, non loin des ruines de Carthage. Sen-
tant sa dernière heure approcher, il se fit
étendre sur un lit de sangle, et l'attendit, les
mains jointes, le visage calme, en bon gen-
tilhomme et en bon chrétien.
Il avait cinquante-cinq ans.
30 août 1483. — Mort de L01t?S XI.
w
Jamais souverain ne fat plus grandi, dimi.
nué, interprété et dénaturé que celui-là.
Pour les uns, c'est un fils qui conspire con-
tre son père, un frère qui, dans son frère, ne
veut voir qu'un grand vassal à supprimer; un
mauvais père, un voisin dangereux, un homme
cruel.
Pour les autres, c'est un grand homme qu
conçoit l'oeuvre de l'unité française, et qui, ~
pénétré de l'équité du but, a presque le droit,
vivant dans un temps sans scrupules, de ne
pas regarder aux moyens.
— Il dépouilla les grands, dis-ent ces der-
niers.
— Oui. Mais il écrasa les petits d'impôts,
répliquent leurs adversaires.
Joignez à ces deux versions celle de Balzac
et des poètes, auxquels l'auteur des Cent nou-
velles nouvelles et le bourgeois Tourangeau
font trop oublier le roi, -r-et vous n'aurez en-
core qu'une idée imparfaite des diverses opi-
nions qui se sont produites sur le compte de
Louis XI.
La vérité est que ce fut un très-grand sei-
gneur, avec les mœurs d'un gentilhomme
campagnard. Il tenait de son père un beau do-
maine, qu'il se donna pour tâche d'agrandir
le plus ppssible et d'administrer de la façon
la plus avantageuse. Les poétiques ne viennent
qu'après les poêles, et rien n'est plus aisé
que de faire des théories a près coup. Loui3 XI,
roi de fait dans un moment où le fait domi-
nait, joua son jeu en homme brave, instruit
et madré. Entre ses traités et ses batailles, il
vida des pots avec ses compères, prit, le men-
ton aux belles filles, et raconta des gaudrioles.
Devenu vieux, il voulut vivre en paix avec son
curé, et, se disant qu'après tout il n'avait peut-
être pas toujour-s été très-scrupuleux, il se
mit à faire pénitence. Comme il trouvait la
vie bonne,la mort ne hissait pas que de l'ef-
frayer.
LA
mess=""60 PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
XVII
%
Les mystificateurs se trouvaient mystifies.
Le dormeur dépenaillé avait de l'or dans ses
poches et les porteurs de chaise ne l'avaient
point soupçonné.
Quand ils auraient pu tranquillement le dé-
pouiller, ils avaient préféré le transporter chez
le président Boisfieury.à la. seule fin de troubler
le sommeil de celui-ci et de se venger de son
avarice.
Voir, les numéros parus depuis le 21 juin.
Et voici qu'une nouvelle gratification dérisoire
venait les faire repentir de leur belle conduite.
Mais le président Boi>fleury ne.. fit nulle at-
tention à leur déconvenue.
Tout au contraire, il continua à les féliciter
de leur bonne pensée, les avertit qu'ils seraient
peut-être obligés de venir déposer en justice et
les poussa tout doucement de la salle où il gar-
dait le Gascon endormi, dans le vestibule, et
du vestibule vers la porte.
Les deux porteurs étaient si penauds qu'ils
se laissèrent éconduire sans résistance.
Alors le président Boisfleury revint auprès du
dormeur.
Il essaya de nouveau de lui faire respirer du
vinaigre et de le réveiller, mais il reconnut que
la chose était impossible.
Le dormeur était sous l influ?nce d'un narco-
tique, le président le vit bien, et le moyen d'en
briser le charme était inconnu à l'homme de
justice.
Néanmoins, le courageux magistrat avait
gardé cet étrange prisonnier.
,£.u lieu de remonter lui-même dans sa cham-
bre, il s'installa dans un fauteuil auprès:du li't,
laissa la chandelle allumée et attendit.
Or, en attendant que le chevalier s'éveillât, le
[ président s'endormit, et le grand jour péné-
trait daps la chambre lorsqu'il rouvrit les
yeux.
Le Gascon n'avait même pas changé d'atti-
tude, et sa léthargie continuait.
Alors le président courut euvrir la porte et
cria :
— Marianne! Marianne!
C'était le nom de sa vieille gouvernante;'
La bonne femme, qui se livrait à ses occupa-
tions ordinaires de servante unique, et balayait
en ce moment l'escalier, déscendit à l'appel de
son maître.
Celui-ci était rentré dans la chambre où dor-
mait le Gascon.
— Jésus-Dieu! s'écria la vieille en y entrant
sur les pas du président, qu'est-ce que ceta,
seigneur? Un liutnmeicit... Quelque voleur peut-
être....
— Chut! dit le président. Au lieu de pousser
des exclamations, écoute-moi et apprête-toi à
exécuter mes ordres.
Marianne levait les bras et les yeux au ciel.
— Tu connais le barbier Révol ? dit le prési-
dent!
— Oui, monsieur, répondit Marianne. C'est lui
qui est venu me saigner 1 an dernier.
—Précisément. Il demeure rue Saint Ho_oré,
tout auprès d'un apothicaire.
— C'est bien cela, dit Mariauna
— Tu vas courir thez lui.
— Mais .. cet homme... il est donc mort ?
Le président jugea inutile de donner des ex-
plications à sa servante, et il ajouta :
Et tu lui diras de venir ici en toute hâte et
d'apporter sa lancette.
- Et vous allez rester seul... avec...
— Mais va donc ! fit le président avecimpa-
tience.
■ La servante ne fit plus d'objection.
Il n'y a pas loin, comme on sait de la rue de
la Vrillière à fa rue Saint-Honoré, et M. Buis-
fleury calcula que dans moins d'un quart-d 'heure,
Marianne pourrait être de retour, accompagnée
du barbier-chirurgien.
Ce qu'il attendait de ce dernier, on l'a deviné
sans d'oute, c'était le moyen de réveiller cet
obstiné dorme :r dans la personne de qu le zélé
magistrat s'obstinait à voir un grand et my.e-
rieux coupable.
Depuis trente années qu'il était juge cri-
minel M. le président Boisfleury n'avait jamais
tremblé devant les scélérats.
Par conséquent il ne fit même pas cette re-
flexion qu'il se trouvait seul- afec un homme
qu'il pensait être un bandit, que cet homme pou-
vait s'éveiller brusquement, se servir de l épée
qu'il avait au côté et tout au moins, s il ne fai-
sait pii, reconquérir sa. liberta.
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