Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-08-14
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 14 août 1868 14 août 1868
Description : 1868/08/14 (A3,N848). 1868/08/14 (A3,N848).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717850k
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
5 cent. le numéro JOURNAL QUOTIDIEN - ' 5 cent. le numéro
1 ABONNEMENTS. - Trois mois. Six mois. Un an.
Paris o... % 5 fr. 9 fr. 2s fr.
Départements.. 8 11* »!o,
Administrateur : E. DELSÀDX.
3°» année. — VENDREDI 14 AOUT 4868. — Na 848
Directeur- Propriétaire taire : JANNIW.
Bedacteur en chef : A. DE BALATHIER-BRAGELONNB.
BUREAUX D'ABONNEMENT - 9, rue Orouot.
ADMINISTRATION '. 13.. place Breda.
PARIS, 13 AOUT 1868
LES ÉTOILES FILANTES
Le 10 août, fête de Saint-Laurent, com-
mence dans 1 e ciel le phénomène des étoiles
filantes. Tous, nous avons vu passer dans
l'espace ces minces traits dé feu qui laissent
derrière eux une traînée de lumière blanche,
vive, pure, mais nuageuse et diffuse, lors-
qu'elle disparaît à l'horizon.
Je pourrais vous parler astronomie. J'aime
mieux vous parler poésie et légende, laisser
les météores aux savants de la Petite Presse,
et garder pour moi les symboles et les tradi-
tions.
Est-il quelque chose déplus beau qu'une
nuit étoilée?... La terre étalé la masse de ses
bois noirs, de ses plaines blanches, de ses
collines confuses. Ici, les cimes des sapins
découpent le ciel; là, les rivières et les étangs
miroitent sous les peupliers. En bas, c'est
l'indécis dans le silence ; en haut, c'est l'in-
fini dans la clarté...
Après les étoiles que nous voyons viennent
d'autres étoiles. Impossible de supposer qu'il
y ait un coin dans l'étendue où l'œil n'en
rencontrerait pas, si nous avions des ailes et
si nous pouvions toujours monter. Des soleils,
et puis des soleils ; des mondes, et puis des
mondes ; des rayons, et puis des rayons. L'i-
magination va. La raison se trouble...
L'homme n'est pas assez fort pour suppor-
ter le ciel.
Aussi a-t-il interprété les étoiles à sa fa-
çon... r ^ r
Un pasteur, assis sur la cot-_^.^ vu des-
cendre sur la vallée les grandes ombres du
soir. Le ciel est obscur. Peu à peu il s'éclair-
cit. Ce sont des rayons fugitifs, des astres qui
apparaissent et disparaissent aussitôt, des
points lumineux et tremblants, — un ensem-
ble qui éblouit et fatigue le regard, un chaos
de lumière dans lequel on ne distingue
rien. -
Tout'à coup, à l'horizon, les constellations
^ prissent ; l'étoile de Vénus s'est levée, ra-
dieuse et resplendissante...
Le pasteur pousse un cri de joie :
— Oh! dit-il; voici mon étoile! Qu'elle
soit bénie comme le soleil ! N'est-elle pas en
effet le soleil de ma nuit ? Sous sa blanche
clarté, les génisses marchent vers les fon-
taines, 1-e s béliers tressautent ; les chèvres ca-
pricieuses se suspendent au rocher; les loups,
amis de l'obscurité, s'éloignent, pareils à des
bandits que le jour écarte. Salut, astre bien-
faisant! Grâce à toi, je pourrai veiller sur
mon troupeau. Grâce à toi, l'amoureux, dans
la campagne,pourra lire l'amour dans les yeux
voilés de celle au'il aime. Je te salue, Eto11e du
berger!...
| La sœur de l'Etoile du berger, c'est la belle
étoile, sous laquelle dort le soldat.
I — Je suis né sous une bonne étoile ! di-
sent les gens heureux...
— Ma mauvaise étoile m'a toujours pour-
suivi ! s'écrient les misérables...
L'étoile fixe symbolise à merveille les deux
joies du mariage et de la famille.
L'étoile filante représente, au contraire, le
caprice et la fantaisie qui président aux amours
passagers...
Le dernier rêve de Grandville fut une 'vi-
site aux étoiles. Son imagination, hardie jus-
qu'à la folie, métamorphosa les constellations
en femmes, comme elle avait métamorphosé
les fleurs. Un poëte, Méry, composa un texte
pour chaque fipssin ITn prlitpnr pnris HA l'il-
lustration jusqu à lui sacrifier sa fortune,
réunit les dessins et le texte. Aujourd'hui le
beau livre publié par M. de Gonetest presque
introuvable, et c-est grand dommage, car il
est plein d'ingénieuses et spirituelles histoi-
res, comme celle que je vais résumer.
En 1825, florissait à Londres une actrice
célèbre qu'on nommait miss Déborah.
Elle avait dix-huit ans. Elle était belle, et
elle chantait comme un ange.
Un jeune étudiant d'Oxford, nommé Lively
Kopson, l'entendit un soir au théâtre Royal et
oublia le lendemain de reprendre la route de
l'Université. ►
Cet étudiant avait pour toute fortune
quinze livres sterling. Il les employa à louer
une de ces loges d'avant-scène qui sont
placées de telle façon que le rideau, en tom-
bant, les laisse dans les coulisses et les sépare
de la salle.
Impossible, en se plaçant là, de n'être pas
aperçu des acteurs. Miss Déborah vit Lively
Kopson, et elle le trouva aussi beau (ju'il la
trouvait belle.
Ils s'aimèrent.
Lively demanda la main de Déborah.
Mais notre amoureux n'avait pas le sou.
C'était le fils d'un petit percepteur du Lancas-
tre, et l'aîné de onze enfants.
La jeune fille, de son côté, avait jusque-là
abandonné ses appointements à sa famille.
Elle gnait cent mille francs par an, et elle
resta pauvre.
- arions-nous, et donne des leçons, di-
sait-flle à son ami. ^
Il t'avait pas achevé ses études.
tiavait tes bijoux, disait-il à son tour.
Nous\gagnerons un an, pendant lequel je
trouverai un emploi.
Lee bijoux étaient faux.
Que faire?... Se quitter?... Ils n'y songèrent
même pas. Se marier quand même?... C'était
encore ce qu'il y avait de mieux, et le mariage
fut décidé pour la semaine suivante.
La veille du jour où il devait avoir lieu,
miss Déborah reçut le matin une parure de
brillants d'au moins quatre mille livres.
Dans l'après-midi, mistress Reading, qui
jflnaU&los.roèrea nobles au théâtre
market, la vint voir et lui tint le discours
suivant :
— J'ai l'honneur de connaître, à cause de
ma position, toute la jeune noblesse de Lon-
dres et toute la riche bourgeoisie de la Cité.
Le jeune Alban Stumley, fils aîné du célèbre
mécanicien de ce nom, est entré le mois der-
nier en possession de sa fortune matrimo-
niale. Voici l'état de cette fortune d'après le
relevé de M. Geale, notaire, Chandos street,
où vous pouvez le faire vérifier :
Une terre, près d'Anglesey, dans le Devon-
shire, évaluée, sans un troupeau de trois
mille bœufs, à cent cinquante mille livres;
Un château, sur le Mersey, dans le Lancas-
tre,.avec forêt, chasse et pêche. Propriété
d'agrément. Le châleau a été bâti par
Henri VIII;
Une vaste usine, propre à la broderie de
la soie, à Manchester, place d'Old-Church.
Evaluation : vingt mille livres;
Une brasserie, dans le Cheapside, à Lon-
dres : dix mille livres;
Un cottage, avec parc, jardin, volière et
ménagerie, à Homptoncourt. Propriété d'à- 1
grément ;
Un fig à vapeur, pour promenade sur la
Tamise, avec six hommes d'équipage et un
capitaine ;
Un palais ayant vue et jardin sur Hyde-
Park. Propriété d'agrément ;
Une maison dans le Strand, à côté de Som.,
merset house. Evaluation : cinq mille livres ;
Une terre dans le 'Middlesex, pâturages,
herbages et vergers. Evaluation : quarante
mille livres ; .. •
Une terre à Rochester, vaste forêt et bois
de construction, affermée à l'amirauté de
Chatam : dix mille livres ;
Une terre à Gravesend, avec bancs d'huî-
tres de six milles d'étendue, affermée à M.
Loome, landlord de Blake-Hal! ;
Actions dans diverses compagnies d'assu-
rances : dans les docks des deux Indes, dans
les chemins de fer de Liverpool et de Dou-
vres, dans les paquebots transatlantiques,
dans les Omnibus de la ligne de Saint-Paul à
Kusington-Garden, dans la Compagnie des
Indes, dans les défrichements de l'Australie...
etc... etc...
Mistress Reading s'arrêta pour respirer.
— Madame, dit miss Déborah, je vous ai
écoutée en bonne camarade , c'est-à-dire'
patiemment. Pourrai-je vous demander main-
tenant le motif de cette énumération de ri-
■Çffesses? — "** ' j
— Monsieur Alban, répondit la vieille, a,
vingt-deux ans ; il jouit d'une santé robuste,
et il est beau comme tous les fils de bonne
maison anglaise. Il sera votre époux, si vous
daignez l'accepter.
Miss Déborah ne répliqua pas : elle était
éblouie.
— Monsieur Alban, continua la duègne,
vous épousera ce soir, ou il partira demain
avec l'espérance de vous oublier.
Miss Déborah demanda une heure pour ré-
fléchir
Le soir, l'affiche du théâtre Royal annonça
relâche par indisposition de la cantatrice.
Deux jours après, Lively, après avoir couru
comme un fou à travers toutes les rues de
LA
FEMME IMMORTELLE
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
XIV
Une heure après, sur l'ordre de Mme .e;(\.wïge,
transportait le margrave, avec les plus gran-
des précautions, dans son appartement.
■ A la suite de ce qu'il avait vu et entendu, le
"Vieux prince margrave de Lansbourg-Nassau
avait été pris d'une crise nerveuse et avait bien-
tôt perdu connaissance.
Tant d'émotions, en quelques minutes c'en
•tait trop pour ùh homme que les médecins
; \oir les numéros parus depuis lg 21 juin. x
tourmentaient en lui rendant tous les deux
jours une apparence de jeunesse.
Quand Conrad était revenu lui apprendre que
la gourgandine, c'était ainsi qu'il avait appelée
Jeanne la Bayonnaise, s'était en allée sans dif-
ficultés et qu'on avait porté dehors Uun dans la
rue des Bons-Enfants, l'autre dans le ruisseau
de la rue Saint-Honoré, le chevalier de Castirac
et le sergent Lafolie, ivres tous deux, le mar-
grave avait tout d'abord poussé un soupir de
soulagement. « ---r
Puis se retournant vers Mme Edwige :
— Il me semble, avait-il dit, que la tête me
tourne un peu.
Mme Edwige l'avait assis dans un fauteuil.
Le margrave avait poussé un uouveau soupir
et fermé les yeux, disant :
— Je crois que je m'en vais!.. -
Et, en effet, il était tombé en syncope.
Mais Mme Edwige avait jugé inutile d'envoyer
quérir un des deux médecins du margrave, les-
quels étaient cocuhés depuis longtemps.
La caisse aux flacons mystérieux était là, et
Mme Edwige saurait bien 'Y trouver un cordial
suffisamment énergique pour rappeler le mar-
grave à la vie.
En attendant, elle appela les pages et fit por-
ter le prince évanoui sur son lit.
or
Puis elle congédia les pages et demeura seule
avec Conrad auprès du margrave.
Pour la première fois depuis plusieurs heures,
les deux époux avaient fcnfin le temps de res-
pirer.
Conrad regarda sa femme et lui dit naïve-
ment :
— Je crois que nous l'avons échappé belle.
— Peuh! fit Mme Edwige.
— J'ai vu le moment où le maudit Gascon
allait nous jeter tous par la fenêtre.
— C'est que vous perdez facilement la tète,
maître Conrad, dit la gouvernante avec dédain.
Mais au lieu de nous féliciter mutuellement,
voyons à préparer l'avenir, c'est-à-dire à faire
réussir nos projets.
— Le prince est évanoui, dit Conrad, et si
Vous ne lui faites respirer des sels, il peut rester
en cet état plusieurs heures.
— C'est bien là-dessus que j'ai compté. ^
— Ah!
— Et nous allons mettre ce temps à pro-
fit.
Conrad regarda sa femme avec curiosité.
Cela tenait à ce que Mme Edwige ne lui faisait
jamais part de ses projets qu'à la dernière
heure et ne l'initiait qu'à la moitié de ses
plans.
— Tout ce qui nous est advenu ce soir ne
i
serait point arrivé si celle pour qui nous agis-
sons avait été prête aujourd'hui.
— C'est vrai, dit Conrad.
— Il faut donc -mettre le temps à profit et
i aller sur le champ la trouver.
— En pleine nuit?
— Tu sais bien qu'il nly a ni jour ni nuit pour
elle;
— C'est juste.
- — Va donc, j'attends ton retour pour prendre
un parti.
Et Conrad quitta Mme Edwige et la laissa au
chevet du prince toujours évanoui.
Une heure après l'intendant revint.
— Eh bien ! fit la terrible gouvernante.
— Elle m'a dit que demain tout serait prêt,
ainsi que les choses ont été convenues.
— Fort bien. Tu peux t'en aller maintenant,
je n'ai plus besoin de toi.
Le docile Conrad sortit.
Alors Mme Edwige fit pour la seconde fois,
usage de ce cordial renfermé dans un des flacons
de la caisse mystérieuse.
Elle en frotta les tempes, les narines et les
lèvres du margrave, et celui-ci commença à f
soupirer, à s'agiter, puis au bout d'un quart
d'heure, il ouvrit les yeux. p
La nuit s'était écoulée toute entière et les
5 cent. le numéro JOURNAL QUOTIDIEN - ' 5 cent. le numéro
1 ABONNEMENTS. - Trois mois. Six mois. Un an.
Paris o... % 5 fr. 9 fr. 2s fr.
Départements.. 8 11* »!o,
Administrateur : E. DELSÀDX.
3°» année. — VENDREDI 14 AOUT 4868. — Na 848
Directeur- Propriétaire taire : JANNIW.
Bedacteur en chef : A. DE BALATHIER-BRAGELONNB.
BUREAUX D'ABONNEMENT - 9, rue Orouot.
ADMINISTRATION '. 13.. place Breda.
PARIS, 13 AOUT 1868
LES ÉTOILES FILANTES
Le 10 août, fête de Saint-Laurent, com-
mence dans 1 e ciel le phénomène des étoiles
filantes. Tous, nous avons vu passer dans
l'espace ces minces traits dé feu qui laissent
derrière eux une traînée de lumière blanche,
vive, pure, mais nuageuse et diffuse, lors-
qu'elle disparaît à l'horizon.
Je pourrais vous parler astronomie. J'aime
mieux vous parler poésie et légende, laisser
les météores aux savants de la Petite Presse,
et garder pour moi les symboles et les tradi-
tions.
Est-il quelque chose déplus beau qu'une
nuit étoilée?... La terre étalé la masse de ses
bois noirs, de ses plaines blanches, de ses
collines confuses. Ici, les cimes des sapins
découpent le ciel; là, les rivières et les étangs
miroitent sous les peupliers. En bas, c'est
l'indécis dans le silence ; en haut, c'est l'in-
fini dans la clarté...
Après les étoiles que nous voyons viennent
d'autres étoiles. Impossible de supposer qu'il
y ait un coin dans l'étendue où l'œil n'en
rencontrerait pas, si nous avions des ailes et
si nous pouvions toujours monter. Des soleils,
et puis des soleils ; des mondes, et puis des
mondes ; des rayons, et puis des rayons. L'i-
magination va. La raison se trouble...
L'homme n'est pas assez fort pour suppor-
ter le ciel.
Aussi a-t-il interprété les étoiles à sa fa-
çon... r ^ r
Un pasteur, assis sur la cot-_^.^ vu des-
cendre sur la vallée les grandes ombres du
soir. Le ciel est obscur. Peu à peu il s'éclair-
cit. Ce sont des rayons fugitifs, des astres qui
apparaissent et disparaissent aussitôt, des
points lumineux et tremblants, — un ensem-
ble qui éblouit et fatigue le regard, un chaos
de lumière dans lequel on ne distingue
rien. -
Tout'à coup, à l'horizon, les constellations
^ prissent ; l'étoile de Vénus s'est levée, ra-
dieuse et resplendissante...
Le pasteur pousse un cri de joie :
— Oh! dit-il; voici mon étoile! Qu'elle
soit bénie comme le soleil ! N'est-elle pas en
effet le soleil de ma nuit ? Sous sa blanche
clarté, les génisses marchent vers les fon-
taines, 1-e s béliers tressautent ; les chèvres ca-
pricieuses se suspendent au rocher; les loups,
amis de l'obscurité, s'éloignent, pareils à des
bandits que le jour écarte. Salut, astre bien-
faisant! Grâce à toi, je pourrai veiller sur
mon troupeau. Grâce à toi, l'amoureux, dans
la campagne,pourra lire l'amour dans les yeux
voilés de celle au'il aime. Je te salue, Eto11e du
berger!...
| La sœur de l'Etoile du berger, c'est la belle
étoile, sous laquelle dort le soldat.
I — Je suis né sous une bonne étoile ! di-
sent les gens heureux...
— Ma mauvaise étoile m'a toujours pour-
suivi ! s'écrient les misérables...
L'étoile fixe symbolise à merveille les deux
joies du mariage et de la famille.
L'étoile filante représente, au contraire, le
caprice et la fantaisie qui président aux amours
passagers...
Le dernier rêve de Grandville fut une 'vi-
site aux étoiles. Son imagination, hardie jus-
qu'à la folie, métamorphosa les constellations
en femmes, comme elle avait métamorphosé
les fleurs. Un poëte, Méry, composa un texte
pour chaque fipssin ITn prlitpnr pnris HA l'il-
lustration jusqu à lui sacrifier sa fortune,
réunit les dessins et le texte. Aujourd'hui le
beau livre publié par M. de Gonetest presque
introuvable, et c-est grand dommage, car il
est plein d'ingénieuses et spirituelles histoi-
res, comme celle que je vais résumer.
En 1825, florissait à Londres une actrice
célèbre qu'on nommait miss Déborah.
Elle avait dix-huit ans. Elle était belle, et
elle chantait comme un ange.
Un jeune étudiant d'Oxford, nommé Lively
Kopson, l'entendit un soir au théâtre Royal et
oublia le lendemain de reprendre la route de
l'Université. ►
Cet étudiant avait pour toute fortune
quinze livres sterling. Il les employa à louer
une de ces loges d'avant-scène qui sont
placées de telle façon que le rideau, en tom-
bant, les laisse dans les coulisses et les sépare
de la salle.
Impossible, en se plaçant là, de n'être pas
aperçu des acteurs. Miss Déborah vit Lively
Kopson, et elle le trouva aussi beau (ju'il la
trouvait belle.
Ils s'aimèrent.
Lively demanda la main de Déborah.
Mais notre amoureux n'avait pas le sou.
C'était le fils d'un petit percepteur du Lancas-
tre, et l'aîné de onze enfants.
La jeune fille, de son côté, avait jusque-là
abandonné ses appointements à sa famille.
Elle gnait cent mille francs par an, et elle
resta pauvre.
- arions-nous, et donne des leçons, di-
sait-flle à son ami. ^
Il t'avait pas achevé ses études.
tiavait tes bijoux, disait-il à son tour.
Nous\gagnerons un an, pendant lequel je
trouverai un emploi.
Lee bijoux étaient faux.
Que faire?... Se quitter?... Ils n'y songèrent
même pas. Se marier quand même?... C'était
encore ce qu'il y avait de mieux, et le mariage
fut décidé pour la semaine suivante.
La veille du jour où il devait avoir lieu,
miss Déborah reçut le matin une parure de
brillants d'au moins quatre mille livres.
Dans l'après-midi, mistress Reading, qui
jflnaU&los.roèrea nobles au théâtre
market, la vint voir et lui tint le discours
suivant :
— J'ai l'honneur de connaître, à cause de
ma position, toute la jeune noblesse de Lon-
dres et toute la riche bourgeoisie de la Cité.
Le jeune Alban Stumley, fils aîné du célèbre
mécanicien de ce nom, est entré le mois der-
nier en possession de sa fortune matrimo-
niale. Voici l'état de cette fortune d'après le
relevé de M. Geale, notaire, Chandos street,
où vous pouvez le faire vérifier :
Une terre, près d'Anglesey, dans le Devon-
shire, évaluée, sans un troupeau de trois
mille bœufs, à cent cinquante mille livres;
Un château, sur le Mersey, dans le Lancas-
tre,.avec forêt, chasse et pêche. Propriété
d'agrément. Le châleau a été bâti par
Henri VIII;
Une vaste usine, propre à la broderie de
la soie, à Manchester, place d'Old-Church.
Evaluation : vingt mille livres;
Une brasserie, dans le Cheapside, à Lon-
dres : dix mille livres;
Un cottage, avec parc, jardin, volière et
ménagerie, à Homptoncourt. Propriété d'à- 1
grément ;
Un fig à vapeur, pour promenade sur la
Tamise, avec six hommes d'équipage et un
capitaine ;
Un palais ayant vue et jardin sur Hyde-
Park. Propriété d'agrément ;
Une maison dans le Strand, à côté de Som.,
merset house. Evaluation : cinq mille livres ;
Une terre dans le 'Middlesex, pâturages,
herbages et vergers. Evaluation : quarante
mille livres ; .. •
Une terre à Rochester, vaste forêt et bois
de construction, affermée à l'amirauté de
Chatam : dix mille livres ;
Une terre à Gravesend, avec bancs d'huî-
tres de six milles d'étendue, affermée à M.
Loome, landlord de Blake-Hal! ;
Actions dans diverses compagnies d'assu-
rances : dans les docks des deux Indes, dans
les chemins de fer de Liverpool et de Dou-
vres, dans les paquebots transatlantiques,
dans les Omnibus de la ligne de Saint-Paul à
Kusington-Garden, dans la Compagnie des
Indes, dans les défrichements de l'Australie...
etc... etc...
Mistress Reading s'arrêta pour respirer.
— Madame, dit miss Déborah, je vous ai
écoutée en bonne camarade , c'est-à-dire'
patiemment. Pourrai-je vous demander main-
tenant le motif de cette énumération de ri-
■Çffesses? — "** ' j
— Monsieur Alban, répondit la vieille, a,
vingt-deux ans ; il jouit d'une santé robuste,
et il est beau comme tous les fils de bonne
maison anglaise. Il sera votre époux, si vous
daignez l'accepter.
Miss Déborah ne répliqua pas : elle était
éblouie.
— Monsieur Alban, continua la duègne,
vous épousera ce soir, ou il partira demain
avec l'espérance de vous oublier.
Miss Déborah demanda une heure pour ré-
fléchir
Le soir, l'affiche du théâtre Royal annonça
relâche par indisposition de la cantatrice.
Deux jours après, Lively, après avoir couru
comme un fou à travers toutes les rues de
LA
FEMME IMMORTELLE
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
XIV
Une heure après, sur l'ordre de Mme .e;(\.wïge,
transportait le margrave, avec les plus gran-
des précautions, dans son appartement.
■ A la suite de ce qu'il avait vu et entendu, le
"Vieux prince margrave de Lansbourg-Nassau
avait été pris d'une crise nerveuse et avait bien-
tôt perdu connaissance.
Tant d'émotions, en quelques minutes c'en
•tait trop pour ùh homme que les médecins
; \oir les numéros parus depuis lg 21 juin. x
tourmentaient en lui rendant tous les deux
jours une apparence de jeunesse.
Quand Conrad était revenu lui apprendre que
la gourgandine, c'était ainsi qu'il avait appelée
Jeanne la Bayonnaise, s'était en allée sans dif-
ficultés et qu'on avait porté dehors Uun dans la
rue des Bons-Enfants, l'autre dans le ruisseau
de la rue Saint-Honoré, le chevalier de Castirac
et le sergent Lafolie, ivres tous deux, le mar-
grave avait tout d'abord poussé un soupir de
soulagement. « ---r
Puis se retournant vers Mme Edwige :
— Il me semble, avait-il dit, que la tête me
tourne un peu.
Mme Edwige l'avait assis dans un fauteuil.
Le margrave avait poussé un uouveau soupir
et fermé les yeux, disant :
— Je crois que je m'en vais!.. -
Et, en effet, il était tombé en syncope.
Mais Mme Edwige avait jugé inutile d'envoyer
quérir un des deux médecins du margrave, les-
quels étaient cocuhés depuis longtemps.
La caisse aux flacons mystérieux était là, et
Mme Edwige saurait bien 'Y trouver un cordial
suffisamment énergique pour rappeler le mar-
grave à la vie.
En attendant, elle appela les pages et fit por-
ter le prince évanoui sur son lit.
or
Puis elle congédia les pages et demeura seule
avec Conrad auprès du margrave.
Pour la première fois depuis plusieurs heures,
les deux époux avaient fcnfin le temps de res-
pirer.
Conrad regarda sa femme et lui dit naïve-
ment :
— Je crois que nous l'avons échappé belle.
— Peuh! fit Mme Edwige.
— J'ai vu le moment où le maudit Gascon
allait nous jeter tous par la fenêtre.
— C'est que vous perdez facilement la tète,
maître Conrad, dit la gouvernante avec dédain.
Mais au lieu de nous féliciter mutuellement,
voyons à préparer l'avenir, c'est-à-dire à faire
réussir nos projets.
— Le prince est évanoui, dit Conrad, et si
Vous ne lui faites respirer des sels, il peut rester
en cet état plusieurs heures.
— C'est bien là-dessus que j'ai compté. ^
— Ah!
— Et nous allons mettre ce temps à pro-
fit.
Conrad regarda sa femme avec curiosité.
Cela tenait à ce que Mme Edwige ne lui faisait
jamais part de ses projets qu'à la dernière
heure et ne l'initiait qu'à la moitié de ses
plans.
— Tout ce qui nous est advenu ce soir ne
i
serait point arrivé si celle pour qui nous agis-
sons avait été prête aujourd'hui.
— C'est vrai, dit Conrad.
— Il faut donc -mettre le temps à profit et
i aller sur le champ la trouver.
— En pleine nuit?
— Tu sais bien qu'il nly a ni jour ni nuit pour
elle;
— C'est juste.
- — Va donc, j'attends ton retour pour prendre
un parti.
Et Conrad quitta Mme Edwige et la laissa au
chevet du prince toujours évanoui.
Une heure après l'intendant revint.
— Eh bien ! fit la terrible gouvernante.
— Elle m'a dit que demain tout serait prêt,
ainsi que les choses ont été convenues.
— Fort bien. Tu peux t'en aller maintenant,
je n'ai plus besoin de toi.
Le docile Conrad sortit.
Alors Mme Edwige fit pour la seconde fois,
usage de ce cordial renfermé dans un des flacons
de la caisse mystérieuse.
Elle en frotta les tempes, les narines et les
lèvres du margrave, et celui-ci commença à f
soupirer, à s'agiter, puis au bout d'un quart
d'heure, il ouvrit les yeux. p
La nuit s'était écoulée toute entière et les
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