Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-08-09
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 09 août 1868 09 août 1868
Description : 1868/08/09 (A3,N843). 1868/08/09 (A3,N843).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47178458
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
i
5 cent. le numéro 4OURN AL QUOTIDIEN ' 5 cent. le numéro
ABONNEMENTS. — Trois mois. Sii mois. Un an.
Pans 5 fr. 9 ir. 18 Cr.
Départements.. S il 99
Administrateur: E. DELSAUX.
i
3me année. — DIMANCHE 9 AOtJT rf 868. — No 843
Direr.teu't'- Propïfé ta!r/! : JArwrN.
Rédacteur m chef: A. DE BAt'A TB I.EoR BRAGTFLORFKE,
BUREAUX D ABONNEMENT : 9. roe SSl'OÏIGl.
ADMiNfiiTKATiot; : 13, place Breda.
PARIS, 8 AOUT 1868
LES BAINS FROIDS
LES ANCIENS BAINS SUR LA SEINE
Les bains sur la Seine, tels qu'ils existent
aujourd'hui ou à peu près, ne remontent pas
à une époque très-ancienne. Leur fondateur,
un sauveteur nommé Turquin, grand phi-
lanthrope, grand ami de la natation, et bel
esprit, répétait à qui voulait l'entendre le mot
de Cicéron : Il n'apprit ni à lire ni à nager.
— Mieux vaut savoir nager que savoir lire, di-
sait Turquin,
Il faut savoir les deux. Car, si la lecture
développe l'esprit, les bains froids sont salu-
taires au corps. Ils tempèrent la chaleur,
calment la soif, fortifient les constitutions fai-
bles, et même guérissent quelques maladies.
Ecrire leur histoire, c'est remettre en lu-
mière tout un côté des mœurs du vieux
Paris.
Avant 1785, les écoles de natation n'exis-
taient pas. On allait se baigner en pleine eau,
en vue de l'île Saint-Louis, près du pont de
la Tournel'e et de la porte Saint-Bernard, au
pied des quais où les mariniers, pendant
l'hiver, empilaient le& bois de chauffage de
Paris.
Lorsque d'un rude -hiver nous ressentons l'ou-
Ctrage,
Et qu'au foyer le feu n'a do quoy se nourrir,
Ici l'on voit venir les forêts à la nage,
Et le port Saint-Bernard seul peut nous secourir.
Le printemps venu, le bois parti, le quai
Saint-Bernard devenait la promenade à la
mode. Les jeunes seigneurs venaient s'y
baigner en présence d'un public de jolies
femmes, et ces dernières se baignaient. à leur
tour sous des tentes qui leur étaient réser-
vées.
De part et d'autre, on se regardait. Rappe-
lez-vous ce que dit Labrnyère :
« Tout le monde connaît cette longue baie
qui borne et resserre le lit de la Seine, du
côté où elle entre à Paris avec la Marne. Les
hommes s'y baignent à pied, pendant les
chaleurs de la canicule. On les voit de fort
près se jeter à l'eau. On les en voit sortir,
c'est amusant. Quand cette saison n'est pas
venue, les femmes de la ville ne s'y promè-
; tient pas encore, et lorsqu'elle est passée,elles
■ye. s'y promènent plus. »
f — Par ma foi ! Pierrot,dit Charlotte dans le
Don Juan de Mtllière, il faut que j'-aille voir
un peu ça.
« Les bains, a dit un contemporain du
grand règne, sont l'apanage de l'amour et de
la volupté. »
Ceux des femmes s'appelaient les bains
Chinois. C'étaient des bateaux couverts, placés
au bas du pont de la Tournelle.
Pendant les chaudes soirées de l'été, ces
bateaux étaient pleins de jolies baigneuses,
accourues là de tous les points de Paris, sui-
vies d'une femme de chambre ou d'un laquais
qui portait les accessoires du bain.
« COLOMBINE. — Eh bien ! Pierrot, as-tu là
tout l'équipage pour le bain ? Les cornettes,
les chemises, les draps, les frottoirs, la robe
de chambre et les pantoufles?
» PIERROT. — Il faut plus d'attirail à une
femme qui va au bain qu'à un capitaine de
dragonequi se met en campagne. »
Acteurs et spectateurs se regardaient sans
se voir et se coudoyaient sâns se connaître.
Comme aux courses de Chantilly maintenant,
les grandes dames y étudiaient les toilettes
et l'air des filles de théâtre.
Une dispute entre une présidente et une
conseillère d'une part, et de l'autre deux de-
moisel!es Loyson, est demeurée célèbre. Le
duc de Conti, entouré d'une foule de gen-
tilshommes de ses amis, lorgnait les de-
moiselles.
— Voilà bien de la foule pour les Loyson !
dit tout haut la présidente à la conseillère.
La cadette des sœurs répondit :
— Voilà qui est bien robin et bien bour-
geois!...
— Il est vrai, répliqua la présidente fu
rieuse, qu'on pourrait vous donner d'autres
noms et que ceux de malheureuses et d'aban-
données vous iraient à merveille.
— Oh ! pour abandonnées, si l'on nous
donnait cette épithète, nous saurions bien à
qui la renvoyer !
Le duc de Conti fut obligé d'intcrvenir,pour
rétablir la paix...
Les hains dans la Seine étaient d'autant
plus fertiles en scènes de cette sorte et en in-
cidents variés, que les baigneurs étaient en-
tièrement libres.
; Le philosophe Duclos croyait avec raison
que les exercices du corps délassaient la pen-
sée. Il venait tous les jours faire sa pleine
eau dans la Seine. Intrépide nageur, il se li-
vrait il des sauts et à des plongeons de nature
à égayer la galerie. Une après-midi, des che-
vaux, effrayés par ses exercices, prirent le
mors aux dents et s'élancèrent dans la direc-
tion du fleuve. Ils allaient s'y précipiter avec
la voilure qu'ils traînaient, quand Duclos,
sortant de l'eau dans le costume d'Adam
avant la faute, se jette à leur tête et réussit à
les arrêter. Une femme, qui se trouvait dans
la voiture, demandait à grands cris qu'on lui
ouvrit la portière. Le philosophe obéit à cette
invitation et offt,it sa main. La dame alors de
se rejeter en arrière, épouvantée.
— Oh ! pardon, madame, dit Duclos, excu-
sez-moi si je n'ai pas, de gants.
Et, refermant la portière, il alla faire un
nouveau plongeon.
Un de mes confrères les plus érudits,
M. Edouard Fournier, a recueilli toute une
série d'anecdotes sur ies ébats nautiques des
siècles passés.
Sainte-Foix, qui nageait souvent avec Du ■
clos, voulut un jour enrôler un brave
jeune poëtm,-immmé P««isinet, dans le corps
des baigneurs, quoique,ce pauvre diable ne
sût pas nager; mais c'était une raison de plus
pour essayer?de le mystifier.
La semaine précédente, abusant de la cré-
dulité et de la naïveté de Poinsinet, ses amis
lui avaient persuadé qu'il y avait une place
vacante à la cour et qu'il pourrait l'obtenir.
— Quelle est cette place ?
— Ecran du roi.
— Et les fonctions ?
— Se tenir entre Sa Majesté et le feu.
Pendant Six semaines, Poinsinet se fit rô-
tir l'un et l'autre jarret, afin de pouvoir rem-
plir dignem-ent sa place.
Alors Sainte. Foix :
— Il a eu si chaud, qu'il doit avoir besoin
de se rafraîchir un peu.
Il l'invita à venir se baigner au quai Saint-
Bernard.
Je ci!e M. Edounrd Fourrier :
«•—Mais je ne sais pas nager, reprit Poin-
sinet.
— Eh! qu'importe! ce n'est pas une chose
qu'il faille apprendre. Quoi! tu ignores, toi
poëte, toi philosophe, que les hommes sa-vent
nager d'instinct comme les chiens et les che-
vaux.
— Vraiment!
— Certes, tu peux m'en croire; il ne faut
pour cela qu'avoir un peu de courage en se
jetant dans l'eau.
— Il est vrai que j'ai toujours tremblé en y
entrant.
— C'est pour cela que tu ne nageais pas.
Viens ce soir avec nous, aie du courage, et tu
feras merveille.
» Et Poinsinet y consentit; sa dernière
mystification aurait du pourtant le tenir en
garde; certain proverbe qui dit : chat échaudé
craint l'eau froide, aurait dû lui être aussi
d'un utile avertissement; mais il ne fit cas ni
de l'un ni de l'autre, ou plutôt il ne s'en sou-
vint pas, et il partit avec ses mystificateurs.
Ils le menèrent à l'endroit le plus profond de
la Seine :
» — C'est ici qu'il faut faire tes preuves,
lui dit Sainte-Foix. Allons, sois courageux,
et tu seras nageur.
» Poinsinet se raidit contre la peur, et se
jeta bravement à l'eau; il alla jusqu'au
fond.
» C'est toujours là, dit une vieille facétie,
que le nageur prend sa première leçon. Il se
débattit et revint sur l'eau presque suffoqué.
— Bravo ! dit Sainte-Foix, voilà que tu
nages.
» Mais Poinsinet n'entendit pas, il était
déjà retourné au fond. La farce était jouée, et
les mystificateurs, qui n'avaient cessé de rire
pendant toute cette cruelle alternative, son-
gèrent alors à l'en tirer. En un clin d'œil,
Sainte-Foix, vigoureux et habile, l'arracha du
fond, le jeta presque mourant sur le bord, et,
quand, après l'avoir bien secoué pour lui ren-
dre le mouvement, il se fut assuré que Poin-
sinet aurait repris ses sens avant un quart
d'heure, il disparut avec les autres. Le pau-
vre mystifié finit en effet par revenir, do
violentes nausées lui rendirent sa connais-
sance, et i! se trouva nu sur le sable. Son
premier mouvement fut de chercher ses ha-
bits; mais ils étaient disparus. Ii ne vit à leur
place qu'un accoutrement de Jocrisse; une
veste rouge au lieu de son bel habit de ve-
lours, une perruque à queue rouge au lieu da
LA FEMME IMMORTELLE
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
IX
[texte illisible]
Le chevalier était, comme on le voit, le maî-
Ire de la situation.
Jeanno, émerveillée des premiers résultats
obtenus, avait en lui désormais une confiance
aveugle, et se gardait bien de le contredire.
Quant au margrave, vieux et cassé, en dépit
de ses onguents et de ses cosmétiques, il se
montrait plein de respect pour cette rapière
dont la lame étincelait aux feux des bougies.
Voir les numéros parus depuis le 21 juin. x-
La. verve gasconne reprit alors tout sen em- j
pire.
— Monseigneur, dit alors le chevalier, l'his-
toire que je vais vous dire est peut-être un peu
longue, mais 'il est nécessaire que vous la sa-
chiez pour comprendre la position qui m'est
faite
— Parlez, soupira le margrave.
— Mon père, reprit le chevalier, était un des
plus riches seigneurs du pays de Gascogne,
Nous avions deux douzaines'de* châteaux et des
centaines de métairies aux bords de la Garonnne,
et un roi de France, passant par la, s'était écrié
jadis : Je crois que j'aimerais autant être mar-
quis de Castirac que roi; le drôle est plus riche
que moi.
Le margrave ne sourcilla pas à cette gascon-
nade et le chevalier, imperturbable, continua :
— Malheureusement, mon ' père avait un
grand défaut, il était joueur.
Chaque fois qu'il allait à Bordeaux, il perdait
un dé ses châteaux et une demi-douzaine de
métairies.
Notre mère en mourut-de chagrin.
Mon père jouait toujours et toutes nos mé-
tairies-y passèrent, puis nos châteaux, à l'ex-
ception. toutefois, du manoir de Castirac, qui a
été bâti au tetp.ps du roi Salomon, par un de
nos ancêtre.
— Peste! interrompit le margrave en sou-
riant, vous êtes de bonne noblesse.
— Heu! heu! fit modestement le chevalier.
Mais je reprends. Mon père avait donc tant et
si bien joué qu'il ne nous restait plus que le
manoir de Castirac.
Nous avions un voisin.
Ce voisin, dont la gentilhommière s'élevait en
face de Castirac, de l'autre côté de la Garonne,
était fort jaloux de nous et il s'était réjoui en
apprenant notre ruine.
Un jour qu'il rencontra mon père, il lui
dit :
— Voulez-vous jouer Castirac contre mon
château ? .
— Jamais ! répondit mon père.
Puis il prit un air dédaigneux et ajouta :
— Votre château n'a que deux tours et le
mien en a quatre.
— Qu'à cela ne tienne ! répondit le voisin,
je vous joue mes deux tours contre deux des
vôtres.
— Comment l'ent-endez-vous? fit mon père.
— Ecoutez-moi bien. Si je perds, je rase mes
deux tours.
— Et si vous gagnez ?
— Vous ra;ez deux des vôtres, celtes qui se
! mirent dans la Garonne... I
— Et qui vous font loucher quand vou& 1ers
regardez, ricana mon père.
— Peut-être... et il est bien convenu que le
perdant ne pourra racheter ses deux tours qup
moyennant une rançon de cent mille livres.
— Accepté, dit mon père.
Il avait toujours un cornet et des dès dans sa
poche.
Ils s'assirent tous deux, le voisin et-lui, à
l'ombre d'une haie, prirent une pierre pour tabla t
et entamèrent la partie : au troisième coup mon
père avait perdu.
— Et vous rasâtes vos deux toms?
— Naturellement.
— Et vous ne les avez jamais roco.",',tru tes î
— Pas encore. Mais... attendez...
— Voyons ?
— Il y a une légende dans notre famille.
— Remonte-t-elle à Salomon?
} — Non, mais à saint Joseph, qui était ciu
grand ainide celui de mes ancêtres qui était
! son contemporain.
— Après? fit le margrave.
— Cette légende prétend qu'une femaia
d'incomparable beauté reconstruira les deux
tours de Castirac et rendra à cette antique mai-
son toute sa splendeur passée.
— Qu'à cé'la ne tienne ! dit le margrave, ja
vous promets de reconstruire les i;*,,ux tours.
i
5 cent. le numéro 4OURN AL QUOTIDIEN ' 5 cent. le numéro
ABONNEMENTS. — Trois mois. Sii mois. Un an.
Pans 5 fr. 9 ir. 18 Cr.
Départements.. S il 99
Administrateur: E. DELSAUX.
i
3me année. — DIMANCHE 9 AOtJT rf 868. — No 843
Direr.teu't'- Propïfé ta!r/! : JArwrN.
Rédacteur m chef: A. DE BAt'A TB I.EoR BRAGTFLORFKE,
BUREAUX D ABONNEMENT : 9. roe SSl'OÏIGl.
ADMiNfiiTKATiot; : 13, place Breda.
PARIS, 8 AOUT 1868
LES BAINS FROIDS
LES ANCIENS BAINS SUR LA SEINE
Les bains sur la Seine, tels qu'ils existent
aujourd'hui ou à peu près, ne remontent pas
à une époque très-ancienne. Leur fondateur,
un sauveteur nommé Turquin, grand phi-
lanthrope, grand ami de la natation, et bel
esprit, répétait à qui voulait l'entendre le mot
de Cicéron : Il n'apprit ni à lire ni à nager.
— Mieux vaut savoir nager que savoir lire, di-
sait Turquin,
Il faut savoir les deux. Car, si la lecture
développe l'esprit, les bains froids sont salu-
taires au corps. Ils tempèrent la chaleur,
calment la soif, fortifient les constitutions fai-
bles, et même guérissent quelques maladies.
Ecrire leur histoire, c'est remettre en lu-
mière tout un côté des mœurs du vieux
Paris.
Avant 1785, les écoles de natation n'exis-
taient pas. On allait se baigner en pleine eau,
en vue de l'île Saint-Louis, près du pont de
la Tournel'e et de la porte Saint-Bernard, au
pied des quais où les mariniers, pendant
l'hiver, empilaient le& bois de chauffage de
Paris.
Lorsque d'un rude -hiver nous ressentons l'ou-
Ctrage,
Et qu'au foyer le feu n'a do quoy se nourrir,
Ici l'on voit venir les forêts à la nage,
Et le port Saint-Bernard seul peut nous secourir.
Le printemps venu, le bois parti, le quai
Saint-Bernard devenait la promenade à la
mode. Les jeunes seigneurs venaient s'y
baigner en présence d'un public de jolies
femmes, et ces dernières se baignaient. à leur
tour sous des tentes qui leur étaient réser-
vées.
De part et d'autre, on se regardait. Rappe-
lez-vous ce que dit Labrnyère :
« Tout le monde connaît cette longue baie
qui borne et resserre le lit de la Seine, du
côté où elle entre à Paris avec la Marne. Les
hommes s'y baignent à pied, pendant les
chaleurs de la canicule. On les voit de fort
près se jeter à l'eau. On les en voit sortir,
c'est amusant. Quand cette saison n'est pas
venue, les femmes de la ville ne s'y promè-
; tient pas encore, et lorsqu'elle est passée,elles
■ye. s'y promènent plus. »
f — Par ma foi ! Pierrot,dit Charlotte dans le
Don Juan de Mtllière, il faut que j'-aille voir
un peu ça.
« Les bains, a dit un contemporain du
grand règne, sont l'apanage de l'amour et de
la volupté. »
Ceux des femmes s'appelaient les bains
Chinois. C'étaient des bateaux couverts, placés
au bas du pont de la Tournelle.
Pendant les chaudes soirées de l'été, ces
bateaux étaient pleins de jolies baigneuses,
accourues là de tous les points de Paris, sui-
vies d'une femme de chambre ou d'un laquais
qui portait les accessoires du bain.
« COLOMBINE. — Eh bien ! Pierrot, as-tu là
tout l'équipage pour le bain ? Les cornettes,
les chemises, les draps, les frottoirs, la robe
de chambre et les pantoufles?
» PIERROT. — Il faut plus d'attirail à une
femme qui va au bain qu'à un capitaine de
dragonequi se met en campagne. »
Acteurs et spectateurs se regardaient sans
se voir et se coudoyaient sâns se connaître.
Comme aux courses de Chantilly maintenant,
les grandes dames y étudiaient les toilettes
et l'air des filles de théâtre.
Une dispute entre une présidente et une
conseillère d'une part, et de l'autre deux de-
moisel!es Loyson, est demeurée célèbre. Le
duc de Conti, entouré d'une foule de gen-
tilshommes de ses amis, lorgnait les de-
moiselles.
— Voilà bien de la foule pour les Loyson !
dit tout haut la présidente à la conseillère.
La cadette des sœurs répondit :
— Voilà qui est bien robin et bien bour-
geois!...
— Il est vrai, répliqua la présidente fu
rieuse, qu'on pourrait vous donner d'autres
noms et que ceux de malheureuses et d'aban-
données vous iraient à merveille.
— Oh ! pour abandonnées, si l'on nous
donnait cette épithète, nous saurions bien à
qui la renvoyer !
Le duc de Conti fut obligé d'intcrvenir,pour
rétablir la paix...
Les hains dans la Seine étaient d'autant
plus fertiles en scènes de cette sorte et en in-
cidents variés, que les baigneurs étaient en-
tièrement libres.
; Le philosophe Duclos croyait avec raison
que les exercices du corps délassaient la pen-
sée. Il venait tous les jours faire sa pleine
eau dans la Seine. Intrépide nageur, il se li-
vrait il des sauts et à des plongeons de nature
à égayer la galerie. Une après-midi, des che-
vaux, effrayés par ses exercices, prirent le
mors aux dents et s'élancèrent dans la direc-
tion du fleuve. Ils allaient s'y précipiter avec
la voilure qu'ils traînaient, quand Duclos,
sortant de l'eau dans le costume d'Adam
avant la faute, se jette à leur tête et réussit à
les arrêter. Une femme, qui se trouvait dans
la voiture, demandait à grands cris qu'on lui
ouvrit la portière. Le philosophe obéit à cette
invitation et offt,it sa main. La dame alors de
se rejeter en arrière, épouvantée.
— Oh ! pardon, madame, dit Duclos, excu-
sez-moi si je n'ai pas, de gants.
Et, refermant la portière, il alla faire un
nouveau plongeon.
Un de mes confrères les plus érudits,
M. Edouard Fournier, a recueilli toute une
série d'anecdotes sur ies ébats nautiques des
siècles passés.
Sainte-Foix, qui nageait souvent avec Du ■
clos, voulut un jour enrôler un brave
jeune poëtm,-immmé P««isinet, dans le corps
des baigneurs, quoique,ce pauvre diable ne
sût pas nager; mais c'était une raison de plus
pour essayer?de le mystifier.
La semaine précédente, abusant de la cré-
dulité et de la naïveté de Poinsinet, ses amis
lui avaient persuadé qu'il y avait une place
vacante à la cour et qu'il pourrait l'obtenir.
— Quelle est cette place ?
— Ecran du roi.
— Et les fonctions ?
— Se tenir entre Sa Majesté et le feu.
Pendant Six semaines, Poinsinet se fit rô-
tir l'un et l'autre jarret, afin de pouvoir rem-
plir dignem-ent sa place.
Alors Sainte. Foix :
— Il a eu si chaud, qu'il doit avoir besoin
de se rafraîchir un peu.
Il l'invita à venir se baigner au quai Saint-
Bernard.
Je ci!e M. Edounrd Fourrier :
«•—Mais je ne sais pas nager, reprit Poin-
sinet.
— Eh! qu'importe! ce n'est pas une chose
qu'il faille apprendre. Quoi! tu ignores, toi
poëte, toi philosophe, que les hommes sa-vent
nager d'instinct comme les chiens et les che-
vaux.
— Vraiment!
— Certes, tu peux m'en croire; il ne faut
pour cela qu'avoir un peu de courage en se
jetant dans l'eau.
— Il est vrai que j'ai toujours tremblé en y
entrant.
— C'est pour cela que tu ne nageais pas.
Viens ce soir avec nous, aie du courage, et tu
feras merveille.
» Et Poinsinet y consentit; sa dernière
mystification aurait du pourtant le tenir en
garde; certain proverbe qui dit : chat échaudé
craint l'eau froide, aurait dû lui être aussi
d'un utile avertissement; mais il ne fit cas ni
de l'un ni de l'autre, ou plutôt il ne s'en sou-
vint pas, et il partit avec ses mystificateurs.
Ils le menèrent à l'endroit le plus profond de
la Seine :
» — C'est ici qu'il faut faire tes preuves,
lui dit Sainte-Foix. Allons, sois courageux,
et tu seras nageur.
» Poinsinet se raidit contre la peur, et se
jeta bravement à l'eau; il alla jusqu'au
fond.
» C'est toujours là, dit une vieille facétie,
que le nageur prend sa première leçon. Il se
débattit et revint sur l'eau presque suffoqué.
— Bravo ! dit Sainte-Foix, voilà que tu
nages.
» Mais Poinsinet n'entendit pas, il était
déjà retourné au fond. La farce était jouée, et
les mystificateurs, qui n'avaient cessé de rire
pendant toute cette cruelle alternative, son-
gèrent alors à l'en tirer. En un clin d'œil,
Sainte-Foix, vigoureux et habile, l'arracha du
fond, le jeta presque mourant sur le bord, et,
quand, après l'avoir bien secoué pour lui ren-
dre le mouvement, il se fut assuré que Poin-
sinet aurait repris ses sens avant un quart
d'heure, il disparut avec les autres. Le pau-
vre mystifié finit en effet par revenir, do
violentes nausées lui rendirent sa connais-
sance, et i! se trouva nu sur le sable. Son
premier mouvement fut de chercher ses ha-
bits; mais ils étaient disparus. Ii ne vit à leur
place qu'un accoutrement de Jocrisse; une
veste rouge au lieu de son bel habit de ve-
lours, une perruque à queue rouge au lieu da
LA FEMME IMMORTELLE
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
IX
[texte illisible]
Le chevalier était, comme on le voit, le maî-
Ire de la situation.
Jeanno, émerveillée des premiers résultats
obtenus, avait en lui désormais une confiance
aveugle, et se gardait bien de le contredire.
Quant au margrave, vieux et cassé, en dépit
de ses onguents et de ses cosmétiques, il se
montrait plein de respect pour cette rapière
dont la lame étincelait aux feux des bougies.
Voir les numéros parus depuis le 21 juin. x-
La. verve gasconne reprit alors tout sen em- j
pire.
— Monseigneur, dit alors le chevalier, l'his-
toire que je vais vous dire est peut-être un peu
longue, mais 'il est nécessaire que vous la sa-
chiez pour comprendre la position qui m'est
faite
— Parlez, soupira le margrave.
— Mon père, reprit le chevalier, était un des
plus riches seigneurs du pays de Gascogne,
Nous avions deux douzaines'de* châteaux et des
centaines de métairies aux bords de la Garonnne,
et un roi de France, passant par la, s'était écrié
jadis : Je crois que j'aimerais autant être mar-
quis de Castirac que roi; le drôle est plus riche
que moi.
Le margrave ne sourcilla pas à cette gascon-
nade et le chevalier, imperturbable, continua :
— Malheureusement, mon ' père avait un
grand défaut, il était joueur.
Chaque fois qu'il allait à Bordeaux, il perdait
un dé ses châteaux et une demi-douzaine de
métairies.
Notre mère en mourut-de chagrin.
Mon père jouait toujours et toutes nos mé-
tairies-y passèrent, puis nos châteaux, à l'ex-
ception. toutefois, du manoir de Castirac, qui a
été bâti au tetp.ps du roi Salomon, par un de
nos ancêtre.
— Peste! interrompit le margrave en sou-
riant, vous êtes de bonne noblesse.
— Heu! heu! fit modestement le chevalier.
Mais je reprends. Mon père avait donc tant et
si bien joué qu'il ne nous restait plus que le
manoir de Castirac.
Nous avions un voisin.
Ce voisin, dont la gentilhommière s'élevait en
face de Castirac, de l'autre côté de la Garonne,
était fort jaloux de nous et il s'était réjoui en
apprenant notre ruine.
Un jour qu'il rencontra mon père, il lui
dit :
— Voulez-vous jouer Castirac contre mon
château ? .
— Jamais ! répondit mon père.
Puis il prit un air dédaigneux et ajouta :
— Votre château n'a que deux tours et le
mien en a quatre.
— Qu'à cela ne tienne ! répondit le voisin,
je vous joue mes deux tours contre deux des
vôtres.
— Comment l'ent-endez-vous? fit mon père.
— Ecoutez-moi bien. Si je perds, je rase mes
deux tours.
— Et si vous gagnez ?
— Vous ra;ez deux des vôtres, celtes qui se
! mirent dans la Garonne... I
— Et qui vous font loucher quand vou& 1ers
regardez, ricana mon père.
— Peut-être... et il est bien convenu que le
perdant ne pourra racheter ses deux tours qup
moyennant une rançon de cent mille livres.
— Accepté, dit mon père.
Il avait toujours un cornet et des dès dans sa
poche.
Ils s'assirent tous deux, le voisin et-lui, à
l'ombre d'une haie, prirent une pierre pour tabla t
et entamèrent la partie : au troisième coup mon
père avait perdu.
— Et vous rasâtes vos deux toms?
— Naturellement.
— Et vous ne les avez jamais roco.",',tru tes î
— Pas encore. Mais... attendez...
— Voyons ?
— Il y a une légende dans notre famille.
— Remonte-t-elle à Salomon?
} — Non, mais à saint Joseph, qui était ciu
grand ainide celui de mes ancêtres qui était
! son contemporain.
— Après? fit le margrave.
— Cette légende prétend qu'une femaia
d'incomparable beauté reconstruira les deux
tours de Castirac et rendra à cette antique mai-
son toute sa splendeur passée.
— Qu'à cé'la ne tienne ! dit le margrave, ja
vous promets de reconstruire les i;*,,ux tours.
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