Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-08-10
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 10 août 1868 10 août 1868
Description : 1868/08/10 (A3,N844). 1868/08/10 (A3,N844).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717846p
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
3 cent. le numéro
JOURNAL QUOTIDIEN
5 cent. le numéro
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mos. un an.
Paris 5 &. 9 fr. 48 fr.
Départements.. 8 11 99
Administrateur : E. DELiAUS.
am- année. — LUNDI 10 AOUT 1868. — :v 8 11
mrecieur-rro'pTKiawe . JAKKIH.
Rédacteur en chef : A. DE BALA TH 1ER BR AG BLON:KI.f
BUREAUX D'ABONNEMENT : 99 rue DrolMt. 6
ADMINISTRATION : 13. place Breda.
PARIS, 9 AOUT 1868
VOYAGE EN SUISSE
LES HOMMES ET LES MŒURS
Il y a huit ou dix jours, chers lecteurs,
j'écrivais ce titre en tête d'un article, dans
lequel il était question d'avalanches.
Cet article m'avait été inspiré par la chute
du glacier du Pèlerin..
Un des correspondants de la Petite Presse
m'écrit pour me prier de dire que !e mont
Blanc n'est pas en Suisse, mais bien en Sa-
voie. Je le savais , et vous le saviez proba-
b1emcnt comme moi.
Aujourd'hui, mon correspondant ne se
plaindra pas. Car c'est bien de la Suisse et
de la Suisse seulement que j'entends parler.
A dix reprises, j'ai visité la Savoie et j'ai
publié mes notes de voyage. Je n'ai traversé,
au contraire , la Suisse qu'une seule fois.
.l'allais de Paris à Côme, et j'avais pris par
Strasbourg, Bade, Bâle, Lucerne, le lac des
Quatre-Cantons, Altorff et le Saint-Gothard.
De Bâle à Lucerne, j'ai trouvé les prairies
trop vertes et les femmes trop blanches. Le
vert des prairies était d'un crû qui blessait
les yeux et la blancheur des femmes avait
luelque chose de maladif. Quant au lac des
Quatre-Cantons, je ne sais rien de plus beau.
Il a le double charme du grand et du petit.
Le grande ce sont hés horizons et ses
iuontasnes. Le petit, ce sont ses anses, ses
villages et ses vergers. On ne rend pas un
ébiouissement. On tst ébloui, et l'impression
reste, après des années, aussi vive que le
premier jour.
Mais un pays n'est pas seulement fait de
pittoresque. L'observateur, qui regarde les
prairies, après les avoir regardées, étudie les
mœurs. Quand il a levé les yeux vers les
cimes, il les abaisse sur les hommes; même
il trouve que. ces derniers doivent tenir la
meilleure place dans l'ensemble de ses obser-
vations.
C'est ainsi que, l'autre jour, j'ai refait un
voyage en Suisse, sans quitter Paris.
' Je passais sur le quai Voltaire. Un petit
li\l'e à J'étalage d'un bouquiniste a attiré mon
ath'niion. C'était un recueil d'anecdotes, qui
tuiiii's avaient des Suisses pour héros. Je me
suis empresse d'ache.er ie volume, et c'est
avec un véritable plaisir que je vais le parcou-
rir ici...
Un duc d'Autriche, traversant le canton de
Zurich, s'arrêta pour admirer un train de
labour qui le surprit.
— Je n'aijamais vu, disait-il, de si beaux
paysans, ni de si beaux chevaux attelés à une
charrue!,..
Quelqu'un lui apprit que c'était un seigneur
du lieu, le baron de Hagi, qui labourait avec
son fils.
Le lendemain, ce baron vint le saluer en
compagnie de quelques autres seigneurs du
canton.
— Est-ce donc bien vous, demanda le duc,
que j'ai vu hier conduisant une magnifique
charrue? -
— Après la défense de la patrie, répondit
le baron, je ne trouve pas d'occupation plus
digne d'un gentilhomme que de cultiver ses
terres.
Il existe, chez les Suisses de l'Engadine,
un usage fondé sur un sentiment de justice
très-avancé.
Partout, un juge de bonne foi peut con-
fondre l'innocent avec le coupable, et, quand
son erreur est reconnue, il n'a rien à faire
pour la réparer. Mais, lorsqu'un citoyen de
l'Engadine est condamné à tort, et que son
innocence éclate, le tribunal s'em presse-àe la"
reconnaître publiquement. Une jeune et belle
fille lui présente une rose, que l'on appelle la
rose de l'innocence. On le reconduit en triom-
phe, paré de cette fleur, et le jour de sa mise
en liberté est un jour de fête pour tout le
canton.
L'esprit de famille, propre à tous les pays
de montagnes, se manifeste, dans les can-
tons, par une série de scènes champêtres et
gracieuses.
Lorsqu'un enfant vient au monde, les pa-
rents envoient un domestique en habit de
fète, un bouquet au côté et un autre à la
main, annoncer cette heureuse nouvelle au
voisinage. Parfois, comme à Zurich, c'est la
plus jeune et la plus jolie servante de la mai-
son qui revêt ses plus beaux atours et parcourt
le pays, en messagère du nouveau-né.
Les voyages de lune de miel, particuliers
dpez nous à l'aristocratie, sont communs en
froisse à tout le monde. On se marie le matin;
le soir, on part. Et, pendant huit ou dix
jours, les mariés vont cacher leur bonheur et
se recueillir dans leur amour, loin des impor.
tuns et des voisins...
Dans le canton de Bâle, une loi oblige les
mariés à planter six arbres au moment de
leur mariage, et deux à la naissance de
chaque enfant.
Ces arbres se plantent sur les terres de la
commune. On doit à cette loi l'avantage de
voir les routes bordées pour la plupart
d'arbres fruitiers,et l'on estime à peu près les
plantations qui se font par ce moye$.,à dix
mille arbres par an. , j
L'air vif des montagnes procure un bon
appétit aux braves gens qui les habitent.
On dit : « Boire comme un Suisse. »
L'appétit extraordinaire du Suisse de l'hô-
tel du duc de Villars lui avait valu une répu-
tation parmi ses compatriotes. Un capitaine,
étonné de ce qu'on lui en disait, voulut se
donner le plaisir de lui faire servir un dîner
qui pût le rassasier.
— Mangerais-tu bien, lui dit-il, un dindon
tout entier?
— Ohl oui, mon capitaine.
— Combien mangerais-tu de poulets?
i
— Et d'ortolans?
— Oh ! mon capitaine, des ortolans, tou-
jours.
Le capitaine hésita.
Les traits de bravoure, d'héroïsme même,
se multiplient dans l'histoire de ce petit
peuple de pasteurs, de pêcheurs et de sol-
dats.
Au quinzième siècle, douze cents Suisses
reçurent l'ordre d'arrêter l'armée française,
en guerre avec leur patrie. Ils partirent, au
milieu de la nuit, pour exécuter leur dessein.
Chemin faisant, ils rencontrèrent deux cha-
noines de Neufchâtel qui, fes arrêtant, se
mirent à leur représenter combien il était
imprudent à une si petite troupe de vou-
loir s'opposer à une armée de quarante mille
hommes.
Un des chefs répondit :
— Il faut qu'il soit ainsi fait. Si nous ne
sommes pas les plus forts, nous baillerons
nos âmes à Dieu, et nos corps à nos enne-
mis.
A la bataille de Rosbach, un régiment
suisse, sous les ordres du prince de Sonbise,
tenait encore lorsque tout le reste de l'armée
était en déroute.
— Qu'est-ce donc, dit le grand Frédéric,
que ce mur de briques rouges que rien ne
peut ébranler?
A la journée de Malzerheide, on huit mille
Grisons se battirent contre quinze mille Au-
trichiens, le chevalier Bénédict Fontana, gé-
néral des Grisons, fut atteint' d'un coup mor-
tel. D'une main retenant ses entrailles, de
l'autre serrant sa pique, il continua à com-
battre. Comme il n'en pouvait plus, ses
soldats alarmés commencèrent à plier. Mais
lui :
— Courage, compagnons, sauvez la patrie !
Ma perte n'est que celle d'un homme...
Une telle énergie passa dans l'âme des sol-
dats, et la victoire se décida pour eux...
Tant de bravoure ne va pas sans un peu de
naïveté.
Un caporal d'un régiment suisse, ayant été
condamné à mort pour désertion, voulut
mander à sa femme cette triste nouvelle. Il
dicta lui-même la lettre, qu'il fit dater du
lendemain de sa mort, afin de ne pas attrister
d'avance celle qu'il aimait.
Voici cette lettre :
« — Ma chère femme, après t'a voir sou-
haité une bonne santé, je le dirai que j'ai
été fusillé hier, entre onze heures et midi.
J'ai fait, grâce à Dieu, une assez belle mort,
et j'ai eu le plaisir de voir que tout le régi-
ment me plaignait. Souviens-toi de moi et
fais-en ressouvenir mes pauvres enfants,
qui n'ont plus de père. Ton affectionné mari,
etc... »
Dans une lettre que Racine écrivait à Boi-
leau du camp près de Namur, en 1692, je
trouve ce qui suit :
« Je vous ai vu rire volontiers de ce
que le vin fait faire aux ivrognes : un boulet
LA FEMME IMMORTELLE
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
X
53
La Bayonnaise était quelque peu bouleversée.
Le chevalier de Castirac, son protecteur de
nasard, n'était plus qu'un homme ivre-mort,
dont elle ne pouvait attendre aucun secours.
Le margrave, son futur époux, se trouvait
dans le même cas, et elle se voyait à la merci
de la terrible gouvernante.
Son premier mouvement fut donc un mouve-
ment. de crainte, puis elle éprouva comme un
Voir les numéros parus. depuis le 21 juin.
besoin instinctif de se défendre, et un couteau
qu'elle saisit sur la table lui devint une arme
dans la main.
Mais Mme Edwige avait aux lèvres un sou-
rire qui excluait toute idée de violence,et Jeanne
se trouva subitea.ent rassurée.
La mégère s'approcha d'un air respectueux
et presque timide, et dit :
— Ne vous effrayez pas, ma belle demoiselle,
de ce qui vient d'arriver. Le margrave, dans un
accès d'humeur, a refusé les services de son
intendant, et c'est un page qui a fait tout le
mal.
Heureusement, le mal n'est pas grand.
Jeann'e rcga.rdait tour à tour ces deux corps
inertes qui ronflaient sous la table.
Mme Edwige reprit :
— Le margrave, que vous allez épouser, est
très-vieux, et vous serez bientôt veuve. Il n'a
conservé une apparence de jeunesse qu'à la
condition de prendre chaque soir un verre de
ce vin qu'il vient de boire et qui le plonge dans
un sommeil profond, qui dure parfois vingt-
quatre heures.
L3 page, que Conrad l'intendant n'avait point
prévenu, a apporté le breuvage accoutumé, et
dont il ignorait l'influence.
Le margrave a bai, ne sachant pas que le vin
avait été mélangé de narcotique, et c'est ce qui
explique la mésaventure advenue à M. le che-
valier,votre frère,qui lui a faitraison. Vous com-
prenez maintenant, n'est-cè pas? acheva Mme
Edwige en souriant.
Néanmoins la défiance de la Bayonnaise n'était
point désarmée.
— Oh! fit Mme Edwige devinant sa pensée,
je sais bien que vous n'avez pas cos fiance en
moi, et en cela, vous avez raison, du moins en
apparence, car j'ai essayé de vous nuire. Mais je
vais vous en dire le motif.
Sur ces mots, elle prit la main de la Bayon-
naise et poursuivit i
— J'avais une protégée, une femme fort belle,
moins belle que vous cependant, et qui aspirait
à devenir princesse. C'est pour cela que j'avais
imaginé la glace enlaidissante et j'espérais bien
que ma protégée, qui n'arrivera à Paris que de-
main, surviendrait à temps pour s'emparer du
coeur de mon maître.
Il faut vous dire, ajouta Mme Edwige en cli-
gnant de I'oeil, que ma protection n'était pas
désintéressée.
Il était convenu que si ma protégée devenait
princesse, elle nous donnerait, à mon mari et à
moi, cent mille livres avec lesquelles nous nous
en irions tous les deux virce ll:-:wguilles dans
notre pays
Voulez-vous me promettre cette somme, et je
vous suis toute dévouée?
La proposition de Mme Edwige paraissait
si pleine de franchise que Jeanne s'y laissa
prendre.
— Soit, dit-elle, je vous promets que si j'é-
pouse le margrave, vous aurez vos cent mille
livres.
— Vous l'épouserez, dit Mme Edwige.
Et, baisant la main de la Bayonnaise, elle
ajouta :
— Maintenant, je suis voire alliée et je vous
reconnais pour ma maîtresse.
Sur ces mots, elle se dirigea vers un cordon
de sonnette et le secoua.
Aussitôt une porte s'ouvrit et deux femmes
parurent.
Deux camériêres, vives, lestes et pimpan-
tes.
— Voici vos femmes de chambre, dit Mme
Edwige ; elles vont vous conduire à votre
appartement.
La Bayonnaise se demandait si elle n était
pas le jouet de quelque rêve, et si tout cela
était bien réel.
Eile suivit les deux camérièree.
Elles ouvrirent une seconde porte, et Jeanne
sa trouva au seuil d'un véritable petit palaift»
3 cent. le numéro
JOURNAL QUOTIDIEN
5 cent. le numéro
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mos. un an.
Paris 5 &. 9 fr. 48 fr.
Départements.. 8 11 99
Administrateur : E. DELiAUS.
am- année. — LUNDI 10 AOUT 1868. — :v 8 11
mrecieur-rro'pTKiawe . JAKKIH.
Rédacteur en chef : A. DE BALA TH 1ER BR AG BLON:KI.f
BUREAUX D'ABONNEMENT : 99 rue DrolMt. 6
ADMINISTRATION : 13. place Breda.
PARIS, 9 AOUT 1868
VOYAGE EN SUISSE
LES HOMMES ET LES MŒURS
Il y a huit ou dix jours, chers lecteurs,
j'écrivais ce titre en tête d'un article, dans
lequel il était question d'avalanches.
Cet article m'avait été inspiré par la chute
du glacier du Pèlerin..
Un des correspondants de la Petite Presse
m'écrit pour me prier de dire que !e mont
Blanc n'est pas en Suisse, mais bien en Sa-
voie. Je le savais , et vous le saviez proba-
b1emcnt comme moi.
Aujourd'hui, mon correspondant ne se
plaindra pas. Car c'est bien de la Suisse et
de la Suisse seulement que j'entends parler.
A dix reprises, j'ai visité la Savoie et j'ai
publié mes notes de voyage. Je n'ai traversé,
au contraire , la Suisse qu'une seule fois.
.l'allais de Paris à Côme, et j'avais pris par
Strasbourg, Bade, Bâle, Lucerne, le lac des
Quatre-Cantons, Altorff et le Saint-Gothard.
De Bâle à Lucerne, j'ai trouvé les prairies
trop vertes et les femmes trop blanches. Le
vert des prairies était d'un crû qui blessait
les yeux et la blancheur des femmes avait
luelque chose de maladif. Quant au lac des
Quatre-Cantons, je ne sais rien de plus beau.
Il a le double charme du grand et du petit.
Le grande ce sont hés horizons et ses
iuontasnes. Le petit, ce sont ses anses, ses
villages et ses vergers. On ne rend pas un
ébiouissement. On tst ébloui, et l'impression
reste, après des années, aussi vive que le
premier jour.
Mais un pays n'est pas seulement fait de
pittoresque. L'observateur, qui regarde les
prairies, après les avoir regardées, étudie les
mœurs. Quand il a levé les yeux vers les
cimes, il les abaisse sur les hommes; même
il trouve que. ces derniers doivent tenir la
meilleure place dans l'ensemble de ses obser-
vations.
C'est ainsi que, l'autre jour, j'ai refait un
voyage en Suisse, sans quitter Paris.
' Je passais sur le quai Voltaire. Un petit
li\l'e à J'étalage d'un bouquiniste a attiré mon
ath'niion. C'était un recueil d'anecdotes, qui
tuiiii's avaient des Suisses pour héros. Je me
suis empresse d'ache.er ie volume, et c'est
avec un véritable plaisir que je vais le parcou-
rir ici...
Un duc d'Autriche, traversant le canton de
Zurich, s'arrêta pour admirer un train de
labour qui le surprit.
— Je n'aijamais vu, disait-il, de si beaux
paysans, ni de si beaux chevaux attelés à une
charrue!,..
Quelqu'un lui apprit que c'était un seigneur
du lieu, le baron de Hagi, qui labourait avec
son fils.
Le lendemain, ce baron vint le saluer en
compagnie de quelques autres seigneurs du
canton.
— Est-ce donc bien vous, demanda le duc,
que j'ai vu hier conduisant une magnifique
charrue? -
— Après la défense de la patrie, répondit
le baron, je ne trouve pas d'occupation plus
digne d'un gentilhomme que de cultiver ses
terres.
Il existe, chez les Suisses de l'Engadine,
un usage fondé sur un sentiment de justice
très-avancé.
Partout, un juge de bonne foi peut con-
fondre l'innocent avec le coupable, et, quand
son erreur est reconnue, il n'a rien à faire
pour la réparer. Mais, lorsqu'un citoyen de
l'Engadine est condamné à tort, et que son
innocence éclate, le tribunal s'em presse-àe la"
reconnaître publiquement. Une jeune et belle
fille lui présente une rose, que l'on appelle la
rose de l'innocence. On le reconduit en triom-
phe, paré de cette fleur, et le jour de sa mise
en liberté est un jour de fête pour tout le
canton.
L'esprit de famille, propre à tous les pays
de montagnes, se manifeste, dans les can-
tons, par une série de scènes champêtres et
gracieuses.
Lorsqu'un enfant vient au monde, les pa-
rents envoient un domestique en habit de
fète, un bouquet au côté et un autre à la
main, annoncer cette heureuse nouvelle au
voisinage. Parfois, comme à Zurich, c'est la
plus jeune et la plus jolie servante de la mai-
son qui revêt ses plus beaux atours et parcourt
le pays, en messagère du nouveau-né.
Les voyages de lune de miel, particuliers
dpez nous à l'aristocratie, sont communs en
froisse à tout le monde. On se marie le matin;
le soir, on part. Et, pendant huit ou dix
jours, les mariés vont cacher leur bonheur et
se recueillir dans leur amour, loin des impor.
tuns et des voisins...
Dans le canton de Bâle, une loi oblige les
mariés à planter six arbres au moment de
leur mariage, et deux à la naissance de
chaque enfant.
Ces arbres se plantent sur les terres de la
commune. On doit à cette loi l'avantage de
voir les routes bordées pour la plupart
d'arbres fruitiers,et l'on estime à peu près les
plantations qui se font par ce moye$.,à dix
mille arbres par an. , j
L'air vif des montagnes procure un bon
appétit aux braves gens qui les habitent.
On dit : « Boire comme un Suisse. »
L'appétit extraordinaire du Suisse de l'hô-
tel du duc de Villars lui avait valu une répu-
tation parmi ses compatriotes. Un capitaine,
étonné de ce qu'on lui en disait, voulut se
donner le plaisir de lui faire servir un dîner
qui pût le rassasier.
— Mangerais-tu bien, lui dit-il, un dindon
tout entier?
— Ohl oui, mon capitaine.
— Combien mangerais-tu de poulets?
i
— Et d'ortolans?
— Oh ! mon capitaine, des ortolans, tou-
jours.
Le capitaine hésita.
Les traits de bravoure, d'héroïsme même,
se multiplient dans l'histoire de ce petit
peuple de pasteurs, de pêcheurs et de sol-
dats.
Au quinzième siècle, douze cents Suisses
reçurent l'ordre d'arrêter l'armée française,
en guerre avec leur patrie. Ils partirent, au
milieu de la nuit, pour exécuter leur dessein.
Chemin faisant, ils rencontrèrent deux cha-
noines de Neufchâtel qui, fes arrêtant, se
mirent à leur représenter combien il était
imprudent à une si petite troupe de vou-
loir s'opposer à une armée de quarante mille
hommes.
Un des chefs répondit :
— Il faut qu'il soit ainsi fait. Si nous ne
sommes pas les plus forts, nous baillerons
nos âmes à Dieu, et nos corps à nos enne-
mis.
A la bataille de Rosbach, un régiment
suisse, sous les ordres du prince de Sonbise,
tenait encore lorsque tout le reste de l'armée
était en déroute.
— Qu'est-ce donc, dit le grand Frédéric,
que ce mur de briques rouges que rien ne
peut ébranler?
A la journée de Malzerheide, on huit mille
Grisons se battirent contre quinze mille Au-
trichiens, le chevalier Bénédict Fontana, gé-
néral des Grisons, fut atteint' d'un coup mor-
tel. D'une main retenant ses entrailles, de
l'autre serrant sa pique, il continua à com-
battre. Comme il n'en pouvait plus, ses
soldats alarmés commencèrent à plier. Mais
lui :
— Courage, compagnons, sauvez la patrie !
Ma perte n'est que celle d'un homme...
Une telle énergie passa dans l'âme des sol-
dats, et la victoire se décida pour eux...
Tant de bravoure ne va pas sans un peu de
naïveté.
Un caporal d'un régiment suisse, ayant été
condamné à mort pour désertion, voulut
mander à sa femme cette triste nouvelle. Il
dicta lui-même la lettre, qu'il fit dater du
lendemain de sa mort, afin de ne pas attrister
d'avance celle qu'il aimait.
Voici cette lettre :
« — Ma chère femme, après t'a voir sou-
haité une bonne santé, je le dirai que j'ai
été fusillé hier, entre onze heures et midi.
J'ai fait, grâce à Dieu, une assez belle mort,
et j'ai eu le plaisir de voir que tout le régi-
ment me plaignait. Souviens-toi de moi et
fais-en ressouvenir mes pauvres enfants,
qui n'ont plus de père. Ton affectionné mari,
etc... »
Dans une lettre que Racine écrivait à Boi-
leau du camp près de Namur, en 1692, je
trouve ce qui suit :
« Je vous ai vu rire volontiers de ce
que le vin fait faire aux ivrognes : un boulet
LA FEMME IMMORTELLE
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
X
53
La Bayonnaise était quelque peu bouleversée.
Le chevalier de Castirac, son protecteur de
nasard, n'était plus qu'un homme ivre-mort,
dont elle ne pouvait attendre aucun secours.
Le margrave, son futur époux, se trouvait
dans le même cas, et elle se voyait à la merci
de la terrible gouvernante.
Son premier mouvement fut donc un mouve-
ment. de crainte, puis elle éprouva comme un
Voir les numéros parus. depuis le 21 juin.
besoin instinctif de se défendre, et un couteau
qu'elle saisit sur la table lui devint une arme
dans la main.
Mais Mme Edwige avait aux lèvres un sou-
rire qui excluait toute idée de violence,et Jeanne
se trouva subitea.ent rassurée.
La mégère s'approcha d'un air respectueux
et presque timide, et dit :
— Ne vous effrayez pas, ma belle demoiselle,
de ce qui vient d'arriver. Le margrave, dans un
accès d'humeur, a refusé les services de son
intendant, et c'est un page qui a fait tout le
mal.
Heureusement, le mal n'est pas grand.
Jeann'e rcga.rdait tour à tour ces deux corps
inertes qui ronflaient sous la table.
Mme Edwige reprit :
— Le margrave, que vous allez épouser, est
très-vieux, et vous serez bientôt veuve. Il n'a
conservé une apparence de jeunesse qu'à la
condition de prendre chaque soir un verre de
ce vin qu'il vient de boire et qui le plonge dans
un sommeil profond, qui dure parfois vingt-
quatre heures.
L3 page, que Conrad l'intendant n'avait point
prévenu, a apporté le breuvage accoutumé, et
dont il ignorait l'influence.
Le margrave a bai, ne sachant pas que le vin
avait été mélangé de narcotique, et c'est ce qui
explique la mésaventure advenue à M. le che-
valier,votre frère,qui lui a faitraison. Vous com-
prenez maintenant, n'est-cè pas? acheva Mme
Edwige en souriant.
Néanmoins la défiance de la Bayonnaise n'était
point désarmée.
— Oh! fit Mme Edwige devinant sa pensée,
je sais bien que vous n'avez pas cos fiance en
moi, et en cela, vous avez raison, du moins en
apparence, car j'ai essayé de vous nuire. Mais je
vais vous en dire le motif.
Sur ces mots, elle prit la main de la Bayon-
naise et poursuivit i
— J'avais une protégée, une femme fort belle,
moins belle que vous cependant, et qui aspirait
à devenir princesse. C'est pour cela que j'avais
imaginé la glace enlaidissante et j'espérais bien
que ma protégée, qui n'arrivera à Paris que de-
main, surviendrait à temps pour s'emparer du
coeur de mon maître.
Il faut vous dire, ajouta Mme Edwige en cli-
gnant de I'oeil, que ma protection n'était pas
désintéressée.
Il était convenu que si ma protégée devenait
princesse, elle nous donnerait, à mon mari et à
moi, cent mille livres avec lesquelles nous nous
en irions tous les deux virce ll:-:wguilles dans
notre pays
Voulez-vous me promettre cette somme, et je
vous suis toute dévouée?
La proposition de Mme Edwige paraissait
si pleine de franchise que Jeanne s'y laissa
prendre.
— Soit, dit-elle, je vous promets que si j'é-
pouse le margrave, vous aurez vos cent mille
livres.
— Vous l'épouserez, dit Mme Edwige.
Et, baisant la main de la Bayonnaise, elle
ajouta :
— Maintenant, je suis voire alliée et je vous
reconnais pour ma maîtresse.
Sur ces mots, elle se dirigea vers un cordon
de sonnette et le secoua.
Aussitôt une porte s'ouvrit et deux femmes
parurent.
Deux camériêres, vives, lestes et pimpan-
tes.
— Voici vos femmes de chambre, dit Mme
Edwige ; elles vont vous conduire à votre
appartement.
La Bayonnaise se demandait si elle n était
pas le jouet de quelque rêve, et si tout cela
était bien réel.
Eile suivit les deux camérièree.
Elles ouvrirent une seconde porte, et Jeanne
sa trouva au seuil d'un véritable petit palaift»
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