Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-08-06
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 06 août 1868 06 août 1868
Description : 1868/08/06 (A3,N840). 1868/08/06 (A3,N840).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47178421
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
& cent. le numéro
JOURNAL QUOTIDIEN 1
cent. le numéro
, Il 1 . ..." : - 1 - ' . • 5 +\
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. un an..
Paris..... & &. 9 fr. ISfr.
Départements.. 6 .. 14 1 . ,
Administrateur ï fkr.tifaLSÂlit» . ' Se ' ! :
(t 1 > i' ' •
~f~l 1 , ; 3me année. — JEUDI 6 AOUT 1868. — Ne 840
Directeur-Propriétaire : JAN NIN.
Rédacteur en chef : A. DE BALATHIER-BRAeELOîj^R^I^ ,
BUREAUX D'ABONNEMENT : 99 rue Orotfbt. -. ' :
ADMINISTRATION *. 13, place Breda.
PARIS, 5 AOUT 1868
L'AUBERGE DES ADRETS
Le privilége des grands écrivains est ae;rar
donner l'actualité et la yie aux ■ €^cya^*ai|"
passe, dont ils paTlent tn-irff6 încidmnient.
George Sand veut revoir la Méditerranée.
Elle part. Elle dépasse Toulon. Elle parcourt
les gorges du Var. La voilà qui s'extasie de-
vant le spectacle de la nature. Elle est entre
les Alpes et la mer...
« Le papillon, qui a tant de facettes dans
son œil de diamant, peut-il voir à la fois la
terre et le ciel, l'horizon et le sol qu'il
effleure ? Il est bien heureux, le papillon, s'il
pent saisir d'emblée le grand et le petit, le
loin et le proche ! Ah ! que notre œil humain
est lent et pauvre, et avec cela la vie si
courte !...a
Plus loin, au sortir d'une forêt de chênes-
liéges et de châtaigniers, qui vient de rompre
la monotonie des plantations d'oliviers,
George Sand trouve un hameau. Le nom de
ce hameau est populaire. Il s'appelle Des
Adrets. Un petit poste de gendarmerie y fait
à l'illustre voyageur l'effet d'une préface de
mélodrame. La route était périlleuse et poé-
tique. Aujourd'hui, l'effroi a fait place au
sourire. On se rappelle Robert Macaire, Fré-
dérick-Lemaître, et le bois dans la montagne
disparaît. On ne voit plus que le bandit cyni-
que de la légende, avec son bandeau de taffe-
tas sur l'œil, et son bâton, dont il donnait de
si bons coupe 4 son ami Bertrand.
« Elle est pourtant sinistre cette auberge
des Adrets, et les auteurs du drame qui en
porte le nom l'ont parfaitement choisie pour
type de coupe-gorge. Elle en a tout le classi-
que, surtout aujourd'hui que la cuisine est
fermée et abandonnée. Pourquoi? On ne sait.
A force d'entendre les voyageurs plaisanter
sur la mort fictive de M. Germeuil, les pro-
priétaires se sont imaginés qu'on leur attri-
buait un crime réel. La ' porte principale est
barricadée, et les habitants du hameau regar-
dent avec défiance et curiosité les tentatives
que l'on fait pour entrer. En souriant mysté-
rieusement, ils affectent un air moqueur pour
répondre aux moqueries qu'ils attendent de
vous. il faut que certains passants les aient
cruellement mystifiés.
' » On frappe longtemps en vain; enfin, les
hôtes vous demandent sèchement ce que vous
,votilez, et consentent à "Vous conduire dans
lune salle de cabaret véritablement hideuse.
1Elle est sombre, sale et barbouillée de fres-
pques représentant des paysages» des scènes
de pêche et de chasse d'un dessin si barbare
Íel d'une couleur si féroce tqifon est pris de
^referet-tte-tristesse " devant cette-navrante pa>¥-
rodie de la nature. Ceci est la nouvelle au-
berge, soudée à l'ancienne, que l'on ne vous
ouvre qu'après bien des pourparlers et des
questions : « Que voulez-vous voir là? Il n'y
a rien de curieux, il ne s'y est jamais rien
passé. » Il faut répondre qu'on le sait bien,
mais qu'on veut voir l'escalier de bois. On le
voit enfin, dressé en zigzag, au fond d'une
salle nue et sombre,à cheminée très-ancienne.
Il est assez décoratif et conduit à deux misé-
rables petites chambres dans l'une desquelles
ne fut pas assassiné M. Germeuil. Toute
cette recherche du souvenir d'une fiction est
fort puérile, mais il faut rire en voyage, et,
en sortant, on rit de la figure ahurie et soup-
çonneuse de ces bons habitants des Adrets. »
Ce style est celui de la Revue des Deux-
Mondes.
Le mélodrame jadis célèbre, dont parlent
les Lettres d'un voyageur, n'a d'autre rapport
avec elles que le lieu.
Les auteurs du boulevard, sous la Restau-
ration, étaient de bonnes gens qui ne cher-
chaient pas midi à quatorze heures. Faire
pleurer ou faire rire, tel était leur double
but. Au-delà, ils ne voyaient rien. Ceux d'en-
tre eux qui se piquaient de littérature com-
posaient une chanson entre deux mélodrames,
et cette eba:nen, presque toujours spirituelle
et bien tournée, suffisait à les faire estimer
des écrivains de leur temps.
, J'ai eu le plaisir de dîner, il n'y a pas plus
de trois ou quatre ans, avec l'un des auteurs
de l'Auberge des Adrets, M. Benjamin Antier.
Je me trouvai en face d'un vieillard de
quatre-vingts ans , au front chauve, à la face
rasée, monacale et souriante, à la mise pro-
prette, qui mangea de bon appétit, but sec,
nous raconta des anecdotes sur le Béranger de
1815, et, prié par les convives, chanta, au
moment voulu, le Coup du milieu, d'une voix
qui ne tremblait pas trop.
L'article de George Sand m'a fait relire la
pièce de ce vieillard du bon temps. C'est
l'enfance de l'art, le vieux jeu. Et pourtant,
l'on sourit encore à certaines plaisanteries,
et l'on comprend l'effet de certains mots.
On parle si souvent àeVAuberge des Adrets
que- jfl ne crois pas sans intérêt d'en dire ici
la fable naïve. 1
Un misérable, nommé Robert-Macaire, a
abandonné sa femme et son fils, pour mener
vie de "W, brigandages et de
ches. Il a un complice et un associé, nommé
Bertrand. Tous deux, après une longue car-
rière de crimes, sont arrêtés et mis en pri-
son. Ils s'échappent, et cherchent à se réfu-
gier à l'étranger. Munis de faux passeports,
ils arrivent tous deux au hameau des Adrets,
non loin de la frontière du Piémont. Ils en-
trent dans une auberge et ils y trouvent les
apprêts d'une noce. Charles, le fils adoptif de
l'aubergiste, va épouser Clémentine, la fille !
d'un brave propriétaire des environs, nommé
Germeuil. Germeuil a dans son portefeuille
la dot de sa fille. Robert-Macaire et son com-
plice l'assassinent et lui prennent son argent.
Fuir après ce beau coup, serait se dénoncer.
Ils demeurent, résolus à faire bonne conte-
nance. Surviennent les gendarmes. Après une
série de scènes, où l'habileté de nos bandits»
se développe à l'aise, tout se découvre. Ils
sont arrêtés...
Le drame a deux dénoÚments.
Dans le premier, tourné en vaudeville,
nos drôles jettent leur tabatière dans les yeux
des gendarmes, se réfugient dans une loge,
passent de là aux fauteuils d'orchestre et
chantent un couplet de facture :
Nous somm' pincés; et, quoi qu'on fasse,
Faudra subir un jugement.
* Mais il est un recours en grâce
Qu'ici j'implore en ce moment.
Ah ! daignez calmer nos alarmes.
Pour nous montrez-vous indulgents.
Tuer les mouchards et les gendarmes r <.
Ça n'empêche pas les sentiments. |
Le second dénouement, au contraire, est
tragique. Robert-Macaire retrouve sa femme
dans une mendiante à laquelle les gens de
l'auberge ont donné l'hospitalité, et son fils
dans l'enfant-trouvé adopté par l'aubergiste.
Charles veut sauver le misérable « qui lui a
donné le jour. » Robert va fuir, quand son
ami Bertrand, pour le punir de son abandon
et pour tui prendre sa part du vol, le tue d'un
coup de pistolet. Au dernier moment, il se
repent :
— ManeÏ... Charles î... Pardonnez-moi ï...
re meurs !...
CHARLES, s'élançant.— C'est mon...
MARIE, vivement. - Silence!... Il n'est déjà
plus!.„ 1 .
' I7âiïberge des Adrets, c'est cela. C'est en-
core, et surtout, Frédérick-Lemaître. Le grand
comédien avait vingt-trois ans. Après avoir
obtenu un prix au Conservatoire, il avait
joué aux Variétés, dans une pièce à trois per-
sonnages, intitulée Pyrame et Thisbé; il y
remplissait le rôle du lion, faisant ainsi un
début à quatre pattes qui ne manquait pas
d'originalité. Figurant aux Funambules, sol-
dat au Cirque, confident de tragédie à l'O-
déon, il venait enfin d'être engage à l'Am-
bigu. Benjamin Antier et ses collaborateurs
lui confièrent le rôle de Robert-Macaire. La
pièce, le premier jour, était purement dra-
matique. Elle fut sifflée. Mais l'acteur avait
été applaudi. Le lendemain, il abandonna la
pièce pour ne garder que le rôle, et le mélo-
drame, devenu une bouffonnerie, obtint ce
succès aujourd'hui légendaire...
Robert-Macaire réunit, en effet, tous les
éléments de ce qu'on est convenu d'appeler
un type. C'est le scélérat farceur, sans re-
mords et sans vergogne, bravant l'opinion,
tournant la loi, remplaçant la conscience par
l'estomac, mangeant de bon appétit après un
vol, et dormant sur ses deux oreilles après un
assassinat; bref, une brute, mais une brute
civilisée, doublée d'un beau parleur et d'un
convive aimable. Aussi ce fut à qUI, parmi
les caricaturistes et les écrivains des petits
journaux, s'emparerait de cette figure, 0t met-
trait dans la bouche de ce bandit Ses apho-
rismes cyniques et les plaisanterie * affron-
tées des gens tarés de la banque et de la
bourse.
Mentionner toutes ces séries m'ent; dînerait
trop loin ; mais je tiens à citer quelqu -s-unes
des drôleries de la pièce primitive.
Un sous-officier de gendarmerie vuerroge
le garçon de l'auberge sur ses deu' voya-
geurs, dont la marche n'a pas laisse que ds
fatiguer le costume.. f
LE GARÇON. — Ce sont de braves go s, bien
honnêtes, bien tranquilles ; le premitM est un
chanteur, il fait tout ce qu'il ver*, de sa
voix.
LE GENDARME. — Alors, il devrait s'en faire
un pantalon.
LA
mess=""19 FEMME IMMORTELLE
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
VI
Cependant, Mme Edwige fit bonne conte-
îiattce, en présence de ce sacripant qui parais-
sait disposé à tout briser et à pourfendre
'tout. ~
V Mon gentilhomme, dit-elle, l'énigme est
facile à déchiffrer, je vous jure.,
— Voyons?
T- yous voyez cette glaça fr
^ Parbleu 1
3Ê* lés niugéros parus tteptiiBfe Sljqhu 2 -
— Elle est sans tain, et le prince est derrière,
dans une demi obscurité, ce qui lui permet de
voir sans être vu.
— Fort bien !
— Si le prince ne prise pas à sa juste valeur
la merveilleuse beauté de mademoiselle votre
sœur, il frappera trois petits coups à la glace.
— Et alors ?
— Alors, vous vous en irez, dit Mme Edwige,
à mon compte.
S'il n'en frappe que deux, vous passerez
dans une autre pièce, pt... alors...
Tandis que Mme Edwige parlait, le chevalier
s'était approché de la glace sans tain et l'exami-
nait curieusement.
En même temps, la Bayonnaise, sûre de sa
beauté, s'était placée en pleine lumière.
Le margrave ne se hâtait pas de frapper les
trois coups, et Mme Edwige était sur les épi-
nes...
La glace magique avait-elle donc perdu sa
vertu ?
Mais soudain elle entendit un petit bruit sec,
suivi d'un craquement.
En même temps un cri d'admiration retentit
de l'autre côté de la cloison.
Le chevalier avait un diamant au doigt. Avec
cja diamant il avait décrit une circonférence sur
la glace, aussi habilement qu'aurait pu le faire
un voleur de profession.
Et la glace découpée s'était détachée soudain,
et tout aussitôt le margrave, stupéfait, avait pu
voir Jeanne la Bayonnaise,non plus défigurée,
mais telle qu'elle était, et c'était lui qui avait
poussé cette exclamation de naïve admiration.
— Monseigneur! cria alors le Gascon, tandis
que Mme Edwige laissait échapper un geste de
fureur, vous le voyez, on vous trompait...
Le margrave avait ouvert la porte que recou-
vrait une draperie,et il entra dans le petit salon,
murmurant :
- Oh ! quelle est belle !
— Et sage, dit audacieusement le chevalier.
— Maudit Gascon ! exclama Mme Edwige.
Le chevalier était en veine de hardiesse; il
prit un air hautain et protecteur avec Mme
Edwige :
— Mais laissez-nous donc, respectable ma-
trone," dit-il, ne voyez-vous pas que le prince
désire causer avec nous?
Mais Mme Edwige ne bougea.
Elle avait lancé au margrave un de ces re-
gards qui le terrassaient.
— Laissez, monsieur, dit le margrave, cette
bonne Edwige est la femme de mon intendant,
^t je n'ai pas de secrets pour aga.
— C'est pour cela qu'elle vous trompait sans
doute, dit le chevalier.
Le margrave n'avait garde de se mettre en
colère.
— Mais non... je ne sais pas... balbutia-t-il,
tout ce queje puis vous dire, c'est qmade-
moiselle est fort belle... plus belle qu'aucune
des femmes que j'ai vues...
Puis regardant le Gascon :
— C'est votre sœur?
— Ma sœur, Mlle Jeanne de Castirac, dit le
chevalier avec aplomb.
Le margrave couvrait la jeune fille ''un re-
gard ardent de convoitise.
— Eh bien! dit Mme Edwige qui ne fie tenait
pas pour battue, je vais conduire maienoiselle
dans le grand salon ; et monseigneur pourra
voir ensuite les autres personnes...
— Non, dit le margrave, c'est inutile... ma-
demoiselle est si belle... qu'elle ne pourrait
avoir de rivale...
— Alors, dit le chevalier,qui aimait aller vite
en besogne, vous épousez?
— J'épouserai, dit lé margrave.... cepei}*»
dant....
— Ah! prenez garde! dit le Gascon dont ;
~ l'audace allait croissant, les Castirac sont con^
nus, les Rohan et les Crécy, ils ne daigner
être ni princes, ni dues, J:D.:aiI. ils sont neblfj.
* ' * *• '
& cent. le numéro
JOURNAL QUOTIDIEN 1
cent. le numéro
, Il 1 . ..." : - 1 - ' . • 5 +\
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. un an..
Paris..... & &. 9 fr. ISfr.
Départements.. 6 .. 14 1 . ,
Administrateur ï fkr.tifaLSÂlit» . ' Se ' ! :
(t 1 > i' ' •
~f~l 1 , ; 3me année. — JEUDI 6 AOUT 1868. — Ne 840
Directeur-Propriétaire : JAN NIN.
Rédacteur en chef : A. DE BALATHIER-BRAeELOîj^R^I^ ,
BUREAUX D'ABONNEMENT : 99 rue Orotfbt. -. ' :
ADMINISTRATION *. 13, place Breda.
PARIS, 5 AOUT 1868
L'AUBERGE DES ADRETS
Le privilége des grands écrivains est ae;rar
donner l'actualité et la yie aux ■ €^cya^*ai|"
passe, dont ils paTlent tn-irff6 încidmnient.
George Sand veut revoir la Méditerranée.
Elle part. Elle dépasse Toulon. Elle parcourt
les gorges du Var. La voilà qui s'extasie de-
vant le spectacle de la nature. Elle est entre
les Alpes et la mer...
« Le papillon, qui a tant de facettes dans
son œil de diamant, peut-il voir à la fois la
terre et le ciel, l'horizon et le sol qu'il
effleure ? Il est bien heureux, le papillon, s'il
pent saisir d'emblée le grand et le petit, le
loin et le proche ! Ah ! que notre œil humain
est lent et pauvre, et avec cela la vie si
courte !...a
Plus loin, au sortir d'une forêt de chênes-
liéges et de châtaigniers, qui vient de rompre
la monotonie des plantations d'oliviers,
George Sand trouve un hameau. Le nom de
ce hameau est populaire. Il s'appelle Des
Adrets. Un petit poste de gendarmerie y fait
à l'illustre voyageur l'effet d'une préface de
mélodrame. La route était périlleuse et poé-
tique. Aujourd'hui, l'effroi a fait place au
sourire. On se rappelle Robert Macaire, Fré-
dérick-Lemaître, et le bois dans la montagne
disparaît. On ne voit plus que le bandit cyni-
que de la légende, avec son bandeau de taffe-
tas sur l'œil, et son bâton, dont il donnait de
si bons coupe 4 son ami Bertrand.
« Elle est pourtant sinistre cette auberge
des Adrets, et les auteurs du drame qui en
porte le nom l'ont parfaitement choisie pour
type de coupe-gorge. Elle en a tout le classi-
que, surtout aujourd'hui que la cuisine est
fermée et abandonnée. Pourquoi? On ne sait.
A force d'entendre les voyageurs plaisanter
sur la mort fictive de M. Germeuil, les pro-
priétaires se sont imaginés qu'on leur attri-
buait un crime réel. La ' porte principale est
barricadée, et les habitants du hameau regar-
dent avec défiance et curiosité les tentatives
que l'on fait pour entrer. En souriant mysté-
rieusement, ils affectent un air moqueur pour
répondre aux moqueries qu'ils attendent de
vous. il faut que certains passants les aient
cruellement mystifiés.
' » On frappe longtemps en vain; enfin, les
hôtes vous demandent sèchement ce que vous
,votilez, et consentent à "Vous conduire dans
lune salle de cabaret véritablement hideuse.
1Elle est sombre, sale et barbouillée de fres-
pques représentant des paysages» des scènes
de pêche et de chasse d'un dessin si barbare
Íel d'une couleur si féroce tqifon est pris de
^referet-tte-tristesse " devant cette-navrante pa>¥-
rodie de la nature. Ceci est la nouvelle au-
berge, soudée à l'ancienne, que l'on ne vous
ouvre qu'après bien des pourparlers et des
questions : « Que voulez-vous voir là? Il n'y
a rien de curieux, il ne s'y est jamais rien
passé. » Il faut répondre qu'on le sait bien,
mais qu'on veut voir l'escalier de bois. On le
voit enfin, dressé en zigzag, au fond d'une
salle nue et sombre,à cheminée très-ancienne.
Il est assez décoratif et conduit à deux misé-
rables petites chambres dans l'une desquelles
ne fut pas assassiné M. Germeuil. Toute
cette recherche du souvenir d'une fiction est
fort puérile, mais il faut rire en voyage, et,
en sortant, on rit de la figure ahurie et soup-
çonneuse de ces bons habitants des Adrets. »
Ce style est celui de la Revue des Deux-
Mondes.
Le mélodrame jadis célèbre, dont parlent
les Lettres d'un voyageur, n'a d'autre rapport
avec elles que le lieu.
Les auteurs du boulevard, sous la Restau-
ration, étaient de bonnes gens qui ne cher-
chaient pas midi à quatorze heures. Faire
pleurer ou faire rire, tel était leur double
but. Au-delà, ils ne voyaient rien. Ceux d'en-
tre eux qui se piquaient de littérature com-
posaient une chanson entre deux mélodrames,
et cette eba:nen, presque toujours spirituelle
et bien tournée, suffisait à les faire estimer
des écrivains de leur temps.
, J'ai eu le plaisir de dîner, il n'y a pas plus
de trois ou quatre ans, avec l'un des auteurs
de l'Auberge des Adrets, M. Benjamin Antier.
Je me trouvai en face d'un vieillard de
quatre-vingts ans , au front chauve, à la face
rasée, monacale et souriante, à la mise pro-
prette, qui mangea de bon appétit, but sec,
nous raconta des anecdotes sur le Béranger de
1815, et, prié par les convives, chanta, au
moment voulu, le Coup du milieu, d'une voix
qui ne tremblait pas trop.
L'article de George Sand m'a fait relire la
pièce de ce vieillard du bon temps. C'est
l'enfance de l'art, le vieux jeu. Et pourtant,
l'on sourit encore à certaines plaisanteries,
et l'on comprend l'effet de certains mots.
On parle si souvent àeVAuberge des Adrets
que- jfl ne crois pas sans intérêt d'en dire ici
la fable naïve. 1
Un misérable, nommé Robert-Macaire, a
abandonné sa femme et son fils, pour mener
vie de "W, brigandages et de
ches. Il a un complice et un associé, nommé
Bertrand. Tous deux, après une longue car-
rière de crimes, sont arrêtés et mis en pri-
son. Ils s'échappent, et cherchent à se réfu-
gier à l'étranger. Munis de faux passeports,
ils arrivent tous deux au hameau des Adrets,
non loin de la frontière du Piémont. Ils en-
trent dans une auberge et ils y trouvent les
apprêts d'une noce. Charles, le fils adoptif de
l'aubergiste, va épouser Clémentine, la fille !
d'un brave propriétaire des environs, nommé
Germeuil. Germeuil a dans son portefeuille
la dot de sa fille. Robert-Macaire et son com-
plice l'assassinent et lui prennent son argent.
Fuir après ce beau coup, serait se dénoncer.
Ils demeurent, résolus à faire bonne conte-
nance. Surviennent les gendarmes. Après une
série de scènes, où l'habileté de nos bandits»
se développe à l'aise, tout se découvre. Ils
sont arrêtés...
Le drame a deux dénoÚments.
Dans le premier, tourné en vaudeville,
nos drôles jettent leur tabatière dans les yeux
des gendarmes, se réfugient dans une loge,
passent de là aux fauteuils d'orchestre et
chantent un couplet de facture :
Nous somm' pincés; et, quoi qu'on fasse,
Faudra subir un jugement.
* Mais il est un recours en grâce
Qu'ici j'implore en ce moment.
Ah ! daignez calmer nos alarmes.
Pour nous montrez-vous indulgents.
Tuer les mouchards et les gendarmes r <.
Ça n'empêche pas les sentiments. |
Le second dénouement, au contraire, est
tragique. Robert-Macaire retrouve sa femme
dans une mendiante à laquelle les gens de
l'auberge ont donné l'hospitalité, et son fils
dans l'enfant-trouvé adopté par l'aubergiste.
Charles veut sauver le misérable « qui lui a
donné le jour. » Robert va fuir, quand son
ami Bertrand, pour le punir de son abandon
et pour tui prendre sa part du vol, le tue d'un
coup de pistolet. Au dernier moment, il se
repent :
— ManeÏ... Charles î... Pardonnez-moi ï...
re meurs !...
CHARLES, s'élançant.— C'est mon...
MARIE, vivement. - Silence!... Il n'est déjà
plus!.„ 1 .
' I7âiïberge des Adrets, c'est cela. C'est en-
core, et surtout, Frédérick-Lemaître. Le grand
comédien avait vingt-trois ans. Après avoir
obtenu un prix au Conservatoire, il avait
joué aux Variétés, dans une pièce à trois per-
sonnages, intitulée Pyrame et Thisbé; il y
remplissait le rôle du lion, faisant ainsi un
début à quatre pattes qui ne manquait pas
d'originalité. Figurant aux Funambules, sol-
dat au Cirque, confident de tragédie à l'O-
déon, il venait enfin d'être engage à l'Am-
bigu. Benjamin Antier et ses collaborateurs
lui confièrent le rôle de Robert-Macaire. La
pièce, le premier jour, était purement dra-
matique. Elle fut sifflée. Mais l'acteur avait
été applaudi. Le lendemain, il abandonna la
pièce pour ne garder que le rôle, et le mélo-
drame, devenu une bouffonnerie, obtint ce
succès aujourd'hui légendaire...
Robert-Macaire réunit, en effet, tous les
éléments de ce qu'on est convenu d'appeler
un type. C'est le scélérat farceur, sans re-
mords et sans vergogne, bravant l'opinion,
tournant la loi, remplaçant la conscience par
l'estomac, mangeant de bon appétit après un
vol, et dormant sur ses deux oreilles après un
assassinat; bref, une brute, mais une brute
civilisée, doublée d'un beau parleur et d'un
convive aimable. Aussi ce fut à qUI, parmi
les caricaturistes et les écrivains des petits
journaux, s'emparerait de cette figure, 0t met-
trait dans la bouche de ce bandit Ses apho-
rismes cyniques et les plaisanterie * affron-
tées des gens tarés de la banque et de la
bourse.
Mentionner toutes ces séries m'ent; dînerait
trop loin ; mais je tiens à citer quelqu -s-unes
des drôleries de la pièce primitive.
Un sous-officier de gendarmerie vuerroge
le garçon de l'auberge sur ses deu' voya-
geurs, dont la marche n'a pas laisse que ds
fatiguer le costume.. f
LE GARÇON. — Ce sont de braves go s, bien
honnêtes, bien tranquilles ; le premitM est un
chanteur, il fait tout ce qu'il ver*, de sa
voix.
LE GENDARME. — Alors, il devrait s'en faire
un pantalon.
LA
mess=""19 FEMME IMMORTELLE
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
VI
Cependant, Mme Edwige fit bonne conte-
îiattce, en présence de ce sacripant qui parais-
sait disposé à tout briser et à pourfendre
'tout. ~
V Mon gentilhomme, dit-elle, l'énigme est
facile à déchiffrer, je vous jure.,
— Voyons?
T- yous voyez cette glaça fr
^ Parbleu 1
3Ê* lés niugéros parus tteptiiBfe Sljqhu 2 -
— Elle est sans tain, et le prince est derrière,
dans une demi obscurité, ce qui lui permet de
voir sans être vu.
— Fort bien !
— Si le prince ne prise pas à sa juste valeur
la merveilleuse beauté de mademoiselle votre
sœur, il frappera trois petits coups à la glace.
— Et alors ?
— Alors, vous vous en irez, dit Mme Edwige,
à mon compte.
S'il n'en frappe que deux, vous passerez
dans une autre pièce, pt... alors...
Tandis que Mme Edwige parlait, le chevalier
s'était approché de la glace sans tain et l'exami-
nait curieusement.
En même temps, la Bayonnaise, sûre de sa
beauté, s'était placée en pleine lumière.
Le margrave ne se hâtait pas de frapper les
trois coups, et Mme Edwige était sur les épi-
nes...
La glace magique avait-elle donc perdu sa
vertu ?
Mais soudain elle entendit un petit bruit sec,
suivi d'un craquement.
En même temps un cri d'admiration retentit
de l'autre côté de la cloison.
Le chevalier avait un diamant au doigt. Avec
cja diamant il avait décrit une circonférence sur
la glace, aussi habilement qu'aurait pu le faire
un voleur de profession.
Et la glace découpée s'était détachée soudain,
et tout aussitôt le margrave, stupéfait, avait pu
voir Jeanne la Bayonnaise,non plus défigurée,
mais telle qu'elle était, et c'était lui qui avait
poussé cette exclamation de naïve admiration.
— Monseigneur! cria alors le Gascon, tandis
que Mme Edwige laissait échapper un geste de
fureur, vous le voyez, on vous trompait...
Le margrave avait ouvert la porte que recou-
vrait une draperie,et il entra dans le petit salon,
murmurant :
- Oh ! quelle est belle !
— Et sage, dit audacieusement le chevalier.
— Maudit Gascon ! exclama Mme Edwige.
Le chevalier était en veine de hardiesse; il
prit un air hautain et protecteur avec Mme
Edwige :
— Mais laissez-nous donc, respectable ma-
trone," dit-il, ne voyez-vous pas que le prince
désire causer avec nous?
Mais Mme Edwige ne bougea.
Elle avait lancé au margrave un de ces re-
gards qui le terrassaient.
— Laissez, monsieur, dit le margrave, cette
bonne Edwige est la femme de mon intendant,
^t je n'ai pas de secrets pour aga.
— C'est pour cela qu'elle vous trompait sans
doute, dit le chevalier.
Le margrave n'avait garde de se mettre en
colère.
— Mais non... je ne sais pas... balbutia-t-il,
tout ce queje puis vous dire, c'est qmade-
moiselle est fort belle... plus belle qu'aucune
des femmes que j'ai vues...
Puis regardant le Gascon :
— C'est votre sœur?
— Ma sœur, Mlle Jeanne de Castirac, dit le
chevalier avec aplomb.
Le margrave couvrait la jeune fille ''un re-
gard ardent de convoitise.
— Eh bien! dit Mme Edwige qui ne fie tenait
pas pour battue, je vais conduire maienoiselle
dans le grand salon ; et monseigneur pourra
voir ensuite les autres personnes...
— Non, dit le margrave, c'est inutile... ma-
demoiselle est si belle... qu'elle ne pourrait
avoir de rivale...
— Alors, dit le chevalier,qui aimait aller vite
en besogne, vous épousez?
— J'épouserai, dit lé margrave.... cepei}*»
dant....
— Ah! prenez garde! dit le Gascon dont ;
~ l'audace allait croissant, les Castirac sont con^
nus, les Rohan et les Crécy, ils ne daigner
être ni princes, ni dues, J:D.:aiI. ils sont neblfj.
* ' * *• '
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