Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-07-28
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 28 juillet 1868 28 juillet 1868
Description : 1868/07/28 (A3,N831). 1868/07/28 (A3,N831).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47178332
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
5-cent, le numéro JOURNAL QUOTIDIEN 5 cenl. le numéro
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. On an.
IJaris 5 fr. 9 fr. 18 fr.
I?epartem'."!t?.. 6 11 eV
- Administrateur : E. DELSAUX.
allie année. — MARDI 28 JUILLET 1868. — IN0 831
Directeur- l,roprie taire : J A N N r N.
Rédacteur en chef : A. DE BALATIiIEll-DRAGE',ONNE;
BUREAUX D'ABONNEMENT : t'tae SFIROSST»}
ADMINISTRATION '. t3. place Breda.
PARIS, 27 JUILLET 1868
HISTOIRES DU LUNDI
LE CROUP
Ce jour-la, le petit garçon, qui avait joué
toute la soirée, la veille, et qui s'était endormi
d'un sommeil d'ange, toussa en s'éveillant.
Une petite toux sèche. Rien. La mère pourtant
l'entendit.
— Qu'as-tu à tousser comme cela, Chariot?
dit-elle; es-tu malade? .
— Non maman, répondit l'enfant en agi-
tant gaiement ses menotes au-dessus des
couvertures. Mais je voudrais bien rester au
lit...
— Alors tu es malade? Réponds... Si tu te
lèves tout de suite, tu auras du bon à déjeu-
ner ..
— Je n'ai pas faim. Je voudrais dormir.
— Laisse-le dormir, puisqu'il en a envie!
dit l'homme en passant ses bretelles. Il a tant
couru hier qu'il en est encore fatigué. Par-
dine, ne vas-tu pas être inquiète?... Les en-
fants!..
— Et moi je dis que cette envie de dormir
n'est pas naturelle. Voyons 1 parle, Charlot,
où as-tu mal?.. i
— Je n'ai mal nulle part.
— Si tu n'as mal nulle part, il faut te
lever.
— Je ne peux pas, maman...
— Là! quand je le disais!.. Toi, en t'en
allant, tu vas m'envoyer le médecin.
— Le médecin 1 Pourquoi pas tout de suite
l'apothicaire?... , -
— Je t'en prie, Pierre ! v '
— Bon ! bon ! on te l'enverra, ton méde-
cin. Epargne-toi les giries!...
Le médecin, pour nous autres, c'est un ca-
marade de collège, un monsieur qui fume
des cigares, un homme... Pour les mères à
genoux prè3 d'un berceau, c'est un Dieu.
— Monsieur , depuis ce matin, le pauvre
petit ne fait que tousser. Entendez !...
— Montre ta langue, mon ami. Bien.
Ouvre la bouche. Tiens-la ouverte. Ne bouge
pas, je vois maintenant...
— Eh bien, monsieur?...
— Vous allez mettre votre enfant dans un
bain très-chaud, aussi chaud q-u'il pourra^ le
supporter. Ensuite vous lui entourerez les
\pierls de cataplasmes de farine de lin. Ne
craignez pas de le brûler 1... Jf! reviendrai ce
oir.
f — Ce soir, c'est donc dangereux?
— Non,—j'espère que cela ne sera rien.
Le bain bouillant... N'oubliez pas I...
— Chabot!
— Maman?...
— Qu'est-ce que tu sens?
— Je ne sais pas. J'ai soif... '
— Tiens ! voilà de la tisane... Bois !...
— Je ne peux pas avaler.,.
— Le médecin avait l'air bien bon, n'est-ce
pas?...
— Oui... ma... man...
— Tu seras content de le revoir?... Dis...
Tu fais signe de la tète... Est-ce que ça te
gène de parler?...
— Oui...
—- Ah ! mon Dieu, il ne parle plus !... Le
voilà qui devient tout rouge, puis tout
blanc 1... Et mon mari qui ne rentre pas!...
Les hommes! Çà ne s'inquiète jamais de
rien!... Pourvu que le médecin revienne bien
comme il l'a dit!... Ah! mon pauvre Chariot,
sans ta mère, tu serais tout seul.... Heureuse-
ment que je sui,s'là 1... Noire père qui êtes
aux deux...
1
Le docteur jeta un coup d'œil sur le petit
lit, et dit :
— C'tst le croup.
— Le croup! répéta la mère; le croup!
Mais c'est dangereux, monsieur L.. Mais on
en meurt !...
| — Pas toujours, madame. Quand le mal
est pris à temps, il y a de l'espoir...
— De J'espoir ! Que faut-il faire?... Dites!
monsieur, dites vite, je, vous en prie!...
— Parlez à votre entant !...
— Charlot !... Chariot, entends-tu?...
monsieur qui t'aime bien veut que je te
parle. Tu entends, n'est-ce pas?...
— Ou... ou... ou... i...
! .- Il aboie maintenant!... Oh! Mon Dieu!
Mon Dieu !...
— Vous allez lui mettre quatre sangsues
nu cou,, deux là et deux la , vous voyez
bien?...
— -1 " i je vois !... Pauvre enfant!...-
— Vous laisserez saigner un bon moment;
ensuite, vous arrêterez le sang avec de l'ama-
dou. En avez-vous?
— Soyez, tranquille, monsieur, j'aurai ce
qu'il faudra. Des sangsues!... Si jeune!...
Est-ce qu'il pourra les supporter? Il n'a pas
çncore ses quatre ans, monsieur...
— Je vais les poser moi-même. Dépêchons-
nous!...
— Oh! les affreuses bêtes!... Est-ce que
deux ne suffiraient pas?... Trois?... Il n'est
pas fort... Dès qu'il joue un moment, le voilà
en transpiration... Enfin, si les quatre Font
indispensables... Prenez garde, monsieur,
vous appuyez trop!... Ah! le pauvre petit
ange, elles vont lui prendre tout son sang...
Courage, Chariot, je suis là... C'est pour te
guérir... Ah ! voilà sa tête qui se rejette en
arrière !... Il va passer !... Assez ! Assez, mon-
sieur !...
— L'amadou ? Bon !... Tout à l'heure, si ses
lèvrés deviennent violettes et si ses yeux bril-
lent, vous lui ferez prendre cette potion, et
vous le frotterez avec cela. Voilà l'ordon-
nance. Au revoir!... Vous pouvez m'envoyer
chercher, mais cela ne servirait de rien.
Vous en savez maintenant aussi long que
moi...
— Moi, je ne sais pas seulement où est le
mal de mon pauvre'petit !...
— Dans la gorge. C'est une inflammation.
Il y a des pellicules qui peuvent étouffer l'en-
fant en empêchant l'air de passer, ou l'em-
pOiSOnQ^F s'il les ava:e -L (!â
pour dégager....
— Merci, merci bien, monsieur...
%
La nuit était venue. L'homme n'était pas
rentré.
L'enfant, brûlé par le bain, épuisé par les
sangsues, brisé par le vomitif, se laissait fric-
tionner sans faire un mouvement.
— Mon Dieu! mon Dieu! disait la mère.
Elle ne disait que cela.
Tout à coup, elle s'interrompit dans sa
tâche et dans sa prière.
— Ah! cria-t-elle, c'est dans le gosier qu'il
a ces mauvaises choses. Si je pouvais les as-
pirer en l'embrassant!...
Et elle colla ses lèvres sur les lèvres de son
'fils...' •
— Madame, dit une voix, je voudrais bien
l'embrasser aussi...
Une petite fille venait d'entrer. On l'appe-
lait Marie. Elfe avait quatorze ans, mais on
ne lui en aurait pas donné plus de*douze, car
elle était chétive, malingre et contrefaite.
Ses parents, dont elle ne flattait pas la vanité,
lui préféraient ses frères et ses sœurs. A eux
les caresses et les friandises; à elle les mau-
vais propos et quelquefois les coups. Elevée
ainsi, Marie était devenue gauche et timide.
Elle n'osait ni parler, ni marcher, ni se tenir.
Aussi la regardait-on comme idiote dans 1»
quartier...
Et voilà que, ce soir, elle avait entendu
dire que la maladie était entrée chez ses voi-
sins, et elle, qu'on ne croyait bonne à rien,
s'était avisée de venir voir si elle ne pourrait;
pas être bonne à quelque chose.
— Je voudrais bien l'embrasser aussi !...
La mère comprit. Elle se dressa, les bras
tendus :
— Ah ! ma pauvre Marie ! dit-elle.
Il n'y eut plus ni mère de famille, ni petite >
fille.... Il y eut deux femmes dont le cœur'
battit d'un même mouvement, deux âmesf
qu'un même élan rapprocha soudain... deux,
sanglots, deux prières et deux amours !...
¥
Marie alluma la lampe.
— On n'y voit pas assez clair.r;
El!e alla chercher des bougies.
— Plus que ça d'illumination ! Excusez !... ~
Est-ce qu'on donne un bal chez moi ce soir?...
— Tais-toi, Pierre, ne fais pas de bruit !...
— Pas de bruit ?... Et si le bruit me plaît , ,
àmoi ?... Si je veux chanter... Je suis libre!...
Tra la la la la la...
— Pierre, Charlot est très-malade.
— Malade ! Le petiot !... Laisse donc ! Tu,
dis ça!...
Regarde !...
L'ouvrier se pencha en chancelant. Sa fem-
me voulut le soutenir.
— Je verrai bien tout seul....
Soudain, il se rejeta en arrière.
— Oh !...
Il courut à la fontaine ; il prit ae l'eau
plein ses mains ; il s'en inonda le crâne et le,
visage. Puis :
— C'est fini ! dit-il en prenant une chaise.
Maintenant, dis-moi tout. Nous allons veiller
ensemble.
LA
FEMME IMMORTELLE
mess=""38 PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA MAISON ENCHANTÉE
XXXIX
Maintenant, voyons ce que devenait le mar-
'quis de la Roche-Maubârt.. •:
Il n est rien de si tenace, a-t-on dit, que la
fantaisie amoureuse è;un vieillard.
On a pu voir put- sa conduite depuis huit jours
, .tuo le marquis se chargeait de justifier pleine-
l'lent cette st,nteiiee.
Voir les numéros parus depuis le 21 juin,
Retrouver Janine,la femme immortelle, la sor-
cière qui faisait de l'or, était désormais pour lui
l'unique but de sa vie.
11 s'était donc aventuré bravement, un flam-
beau à la main, dans cet escalier que la plaque
mobile de la cheminée venait de démasquer.
Où conduisait cet escalier?
Très-certainement au laboratoire, se disait le
marquis.
Et le flambeau d'une main, son épée nue de
l'autre, le marquis continuait à descendre.
L'escalier tournait sur lui-même, en forme de
vrille.
Des bouffées d'air humide montaient de ses
profondeurs et fouettaient le marquis au vi-
sage. '
Mais il descendait toujours.
A la quarantième marche environ, il entendit
un bruit sourd.
Alors il s'arrêta et tendit l'oreille.
Le bruit avait quelque chose du roulement
lointain du tonnerre.
Mais le marquis eut bientôt reconnu ce qu'il
en était.
C'était le clapottement de l'eau contre un ro-
cher qui parvenait jusqu'à lui, et M. de la Ro-
che-Maubert comprit que cet escalier descen-
dait à la rivière.
Un moment, il songea 4 rebrousser chemin
et à chercher ailleurs la routa, qui devait con-
duire au laboratoire.
Mais alors il se souvint que pendant son pro-
cès, il y avait quarante ans, Janine avait dit à
ses juges :
— On arrive chez moi par eau aussi bien que
par terre.
Les juges n'avaient point compris ces paroles
sans doute, puisque les enquêtes et les perqui-
sitions ordonnées par le parlement dans la
maison de la rue de l'Hirondelle, n'avaient
amené aucun résultat.
Mais le marquis, en se remémorant cette
réponse, pouvait en conclure qu'il trouverait,
en descendant toujours, quelque corridor latéral,
quelque porte pratiquée dans la cage de l'esca-
lier et qui le conduirait là où il voulait aller.
Il se remit donc en marche et continua à des-
cendre.
Le bruit devenait plus distinct, l'air plus hu-
mide.
Le marquis ne s'était pas trompé cepen-
dant.
A la soixantième marche il trouva un repos.
La cage s'élargissait et une galerie s'ouvrait
sur la gauche.
— Voilà mon chemin, dit le marquis.
Et, quittant l'escalier, il entra dans _ la gale-
rie, •
A peine avait-il fait vingt pas que l'air devint .?■
plus vif et qu'une bouffée de vent souffla sur son '
flambeau et l'éteignit.
Alors le marquis se trouva plongé dans d'Ó- i
paisses ténèbres. 2
Tout autre que l'entêté vieillard eût, en c&i
moment, perdu tout son calme et toute sa pré-|
sence d'esprit.
Peut-être même n'eùt-il osé bouger.
Ou bien, essayant de revenir en arrière^"!
n'eût plus eu qu'un but, retrouver l'escaliee- etr
remonter à la surface du monde vivant.
En aucun cas, tout autre que le marquis, eût
songé à aller en avant.
Mais le marquis, lui, n'hésita pas longte?mps.
Il était dans les ténèbres, mais peu. lu i im-
portait! Il se remit donc en marche, étendant
son épée devant lui pour sonder les ob stables,
et murmurant :
. — Quand ce chemin conduirait à. l'e nfer, j'i-
rais jusqu'au bout 1
La"galerie avait un sol humide, un peu boueux;
en outre elle suivait un plan incliné et la mar-
quis comprit qu'elle descendait toujours.
Mais en descendant et s'enfonçant sous terre
elle tournait légèrement sur elle-même, M. de la
Roche-Maubert le comprit, car tout à coup les té-
nèbres qui l'environnaient devinrent moins épais-
ses. et auelaue chose comme la lueur d'una
5-cent, le numéro JOURNAL QUOTIDIEN 5 cenl. le numéro
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. On an.
IJaris 5 fr. 9 fr. 18 fr.
I?epartem'."!t?.. 6 11 eV
- Administrateur : E. DELSAUX.
allie année. — MARDI 28 JUILLET 1868. — IN0 831
Directeur- l,roprie taire : J A N N r N.
Rédacteur en chef : A. DE BALATIiIEll-DRAGE',ONNE;
BUREAUX D'ABONNEMENT : t'tae SFIROSST»}
ADMINISTRATION '. t3. place Breda.
PARIS, 27 JUILLET 1868
HISTOIRES DU LUNDI
LE CROUP
Ce jour-la, le petit garçon, qui avait joué
toute la soirée, la veille, et qui s'était endormi
d'un sommeil d'ange, toussa en s'éveillant.
Une petite toux sèche. Rien. La mère pourtant
l'entendit.
— Qu'as-tu à tousser comme cela, Chariot?
dit-elle; es-tu malade? .
— Non maman, répondit l'enfant en agi-
tant gaiement ses menotes au-dessus des
couvertures. Mais je voudrais bien rester au
lit...
— Alors tu es malade? Réponds... Si tu te
lèves tout de suite, tu auras du bon à déjeu-
ner ..
— Je n'ai pas faim. Je voudrais dormir.
— Laisse-le dormir, puisqu'il en a envie!
dit l'homme en passant ses bretelles. Il a tant
couru hier qu'il en est encore fatigué. Par-
dine, ne vas-tu pas être inquiète?... Les en-
fants!..
— Et moi je dis que cette envie de dormir
n'est pas naturelle. Voyons 1 parle, Charlot,
où as-tu mal?.. i
— Je n'ai mal nulle part.
— Si tu n'as mal nulle part, il faut te
lever.
— Je ne peux pas, maman...
— Là! quand je le disais!.. Toi, en t'en
allant, tu vas m'envoyer le médecin.
— Le médecin 1 Pourquoi pas tout de suite
l'apothicaire?... , -
— Je t'en prie, Pierre ! v '
— Bon ! bon ! on te l'enverra, ton méde-
cin. Epargne-toi les giries!...
Le médecin, pour nous autres, c'est un ca-
marade de collège, un monsieur qui fume
des cigares, un homme... Pour les mères à
genoux prè3 d'un berceau, c'est un Dieu.
— Monsieur , depuis ce matin, le pauvre
petit ne fait que tousser. Entendez !...
— Montre ta langue, mon ami. Bien.
Ouvre la bouche. Tiens-la ouverte. Ne bouge
pas, je vois maintenant...
— Eh bien, monsieur?...
— Vous allez mettre votre enfant dans un
bain très-chaud, aussi chaud q-u'il pourra^ le
supporter. Ensuite vous lui entourerez les
\pierls de cataplasmes de farine de lin. Ne
craignez pas de le brûler 1... Jf! reviendrai ce
oir.
f — Ce soir, c'est donc dangereux?
— Non,—j'espère que cela ne sera rien.
Le bain bouillant... N'oubliez pas I...
— Chabot!
— Maman?...
— Qu'est-ce que tu sens?
— Je ne sais pas. J'ai soif... '
— Tiens ! voilà de la tisane... Bois !...
— Je ne peux pas avaler.,.
— Le médecin avait l'air bien bon, n'est-ce
pas?...
— Oui... ma... man...
— Tu seras content de le revoir?... Dis...
Tu fais signe de la tète... Est-ce que ça te
gène de parler?...
— Oui...
—- Ah ! mon Dieu, il ne parle plus !... Le
voilà qui devient tout rouge, puis tout
blanc 1... Et mon mari qui ne rentre pas!...
Les hommes! Çà ne s'inquiète jamais de
rien!... Pourvu que le médecin revienne bien
comme il l'a dit!... Ah! mon pauvre Chariot,
sans ta mère, tu serais tout seul.... Heureuse-
ment que je sui,s'là 1... Noire père qui êtes
aux deux...
1
Le docteur jeta un coup d'œil sur le petit
lit, et dit :
— C'tst le croup.
— Le croup! répéta la mère; le croup!
Mais c'est dangereux, monsieur L.. Mais on
en meurt !...
| — Pas toujours, madame. Quand le mal
est pris à temps, il y a de l'espoir...
— De J'espoir ! Que faut-il faire?... Dites!
monsieur, dites vite, je, vous en prie!...
— Parlez à votre entant !...
— Charlot !... Chariot, entends-tu?...
monsieur qui t'aime bien veut que je te
parle. Tu entends, n'est-ce pas?...
— Ou... ou... ou... i...
! .- Il aboie maintenant!... Oh! Mon Dieu!
Mon Dieu !...
— Vous allez lui mettre quatre sangsues
nu cou,, deux là et deux la , vous voyez
bien?...
— -1 " i je vois !... Pauvre enfant!...-
— Vous laisserez saigner un bon moment;
ensuite, vous arrêterez le sang avec de l'ama-
dou. En avez-vous?
— Soyez, tranquille, monsieur, j'aurai ce
qu'il faudra. Des sangsues!... Si jeune!...
Est-ce qu'il pourra les supporter? Il n'a pas
çncore ses quatre ans, monsieur...
— Je vais les poser moi-même. Dépêchons-
nous!...
— Oh! les affreuses bêtes!... Est-ce que
deux ne suffiraient pas?... Trois?... Il n'est
pas fort... Dès qu'il joue un moment, le voilà
en transpiration... Enfin, si les quatre Font
indispensables... Prenez garde, monsieur,
vous appuyez trop!... Ah! le pauvre petit
ange, elles vont lui prendre tout son sang...
Courage, Chariot, je suis là... C'est pour te
guérir... Ah ! voilà sa tête qui se rejette en
arrière !... Il va passer !... Assez ! Assez, mon-
sieur !...
— L'amadou ? Bon !... Tout à l'heure, si ses
lèvrés deviennent violettes et si ses yeux bril-
lent, vous lui ferez prendre cette potion, et
vous le frotterez avec cela. Voilà l'ordon-
nance. Au revoir!... Vous pouvez m'envoyer
chercher, mais cela ne servirait de rien.
Vous en savez maintenant aussi long que
moi...
— Moi, je ne sais pas seulement où est le
mal de mon pauvre'petit !...
— Dans la gorge. C'est une inflammation.
Il y a des pellicules qui peuvent étouffer l'en-
fant en empêchant l'air de passer, ou l'em-
pOiSOnQ^F s'il les ava:e -L (!â
pour dégager....
— Merci, merci bien, monsieur...
%
La nuit était venue. L'homme n'était pas
rentré.
L'enfant, brûlé par le bain, épuisé par les
sangsues, brisé par le vomitif, se laissait fric-
tionner sans faire un mouvement.
— Mon Dieu! mon Dieu! disait la mère.
Elle ne disait que cela.
Tout à coup, elle s'interrompit dans sa
tâche et dans sa prière.
— Ah! cria-t-elle, c'est dans le gosier qu'il
a ces mauvaises choses. Si je pouvais les as-
pirer en l'embrassant!...
Et elle colla ses lèvres sur les lèvres de son
'fils...' •
— Madame, dit une voix, je voudrais bien
l'embrasser aussi...
Une petite fille venait d'entrer. On l'appe-
lait Marie. Elfe avait quatorze ans, mais on
ne lui en aurait pas donné plus de*douze, car
elle était chétive, malingre et contrefaite.
Ses parents, dont elle ne flattait pas la vanité,
lui préféraient ses frères et ses sœurs. A eux
les caresses et les friandises; à elle les mau-
vais propos et quelquefois les coups. Elevée
ainsi, Marie était devenue gauche et timide.
Elle n'osait ni parler, ni marcher, ni se tenir.
Aussi la regardait-on comme idiote dans 1»
quartier...
Et voilà que, ce soir, elle avait entendu
dire que la maladie était entrée chez ses voi-
sins, et elle, qu'on ne croyait bonne à rien,
s'était avisée de venir voir si elle ne pourrait;
pas être bonne à quelque chose.
— Je voudrais bien l'embrasser aussi !...
La mère comprit. Elle se dressa, les bras
tendus :
— Ah ! ma pauvre Marie ! dit-elle.
Il n'y eut plus ni mère de famille, ni petite >
fille.... Il y eut deux femmes dont le cœur'
battit d'un même mouvement, deux âmesf
qu'un même élan rapprocha soudain... deux,
sanglots, deux prières et deux amours !...
¥
Marie alluma la lampe.
— On n'y voit pas assez clair.r;
El!e alla chercher des bougies.
— Plus que ça d'illumination ! Excusez !... ~
Est-ce qu'on donne un bal chez moi ce soir?...
— Tais-toi, Pierre, ne fais pas de bruit !...
— Pas de bruit ?... Et si le bruit me plaît , ,
àmoi ?... Si je veux chanter... Je suis libre!...
Tra la la la la la...
— Pierre, Charlot est très-malade.
— Malade ! Le petiot !... Laisse donc ! Tu,
dis ça!...
Regarde !...
L'ouvrier se pencha en chancelant. Sa fem-
me voulut le soutenir.
— Je verrai bien tout seul....
Soudain, il se rejeta en arrière.
— Oh !...
Il courut à la fontaine ; il prit ae l'eau
plein ses mains ; il s'en inonda le crâne et le,
visage. Puis :
— C'est fini ! dit-il en prenant une chaise.
Maintenant, dis-moi tout. Nous allons veiller
ensemble.
LA
FEMME IMMORTELLE
mess=""38 PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA MAISON ENCHANTÉE
XXXIX
Maintenant, voyons ce que devenait le mar-
'quis de la Roche-Maubârt.. •:
Il n est rien de si tenace, a-t-on dit, que la
fantaisie amoureuse è;un vieillard.
On a pu voir put- sa conduite depuis huit jours
, .tuo le marquis se chargeait de justifier pleine-
l'lent cette st,nteiiee.
Voir les numéros parus depuis le 21 juin,
Retrouver Janine,la femme immortelle, la sor-
cière qui faisait de l'or, était désormais pour lui
l'unique but de sa vie.
11 s'était donc aventuré bravement, un flam-
beau à la main, dans cet escalier que la plaque
mobile de la cheminée venait de démasquer.
Où conduisait cet escalier?
Très-certainement au laboratoire, se disait le
marquis.
Et le flambeau d'une main, son épée nue de
l'autre, le marquis continuait à descendre.
L'escalier tournait sur lui-même, en forme de
vrille.
Des bouffées d'air humide montaient de ses
profondeurs et fouettaient le marquis au vi-
sage. '
Mais il descendait toujours.
A la quarantième marche environ, il entendit
un bruit sourd.
Alors il s'arrêta et tendit l'oreille.
Le bruit avait quelque chose du roulement
lointain du tonnerre.
Mais le marquis eut bientôt reconnu ce qu'il
en était.
C'était le clapottement de l'eau contre un ro-
cher qui parvenait jusqu'à lui, et M. de la Ro-
che-Maubert comprit que cet escalier descen-
dait à la rivière.
Un moment, il songea 4 rebrousser chemin
et à chercher ailleurs la routa, qui devait con-
duire au laboratoire.
Mais alors il se souvint que pendant son pro-
cès, il y avait quarante ans, Janine avait dit à
ses juges :
— On arrive chez moi par eau aussi bien que
par terre.
Les juges n'avaient point compris ces paroles
sans doute, puisque les enquêtes et les perqui-
sitions ordonnées par le parlement dans la
maison de la rue de l'Hirondelle, n'avaient
amené aucun résultat.
Mais le marquis, en se remémorant cette
réponse, pouvait en conclure qu'il trouverait,
en descendant toujours, quelque corridor latéral,
quelque porte pratiquée dans la cage de l'esca-
lier et qui le conduirait là où il voulait aller.
Il se remit donc en marche et continua à des-
cendre.
Le bruit devenait plus distinct, l'air plus hu-
mide.
Le marquis ne s'était pas trompé cepen-
dant.
A la soixantième marche il trouva un repos.
La cage s'élargissait et une galerie s'ouvrait
sur la gauche.
— Voilà mon chemin, dit le marquis.
Et, quittant l'escalier, il entra dans _ la gale-
rie, •
A peine avait-il fait vingt pas que l'air devint .?■
plus vif et qu'une bouffée de vent souffla sur son '
flambeau et l'éteignit.
Alors le marquis se trouva plongé dans d'Ó- i
paisses ténèbres. 2
Tout autre que l'entêté vieillard eût, en c&i
moment, perdu tout son calme et toute sa pré-|
sence d'esprit.
Peut-être même n'eùt-il osé bouger.
Ou bien, essayant de revenir en arrière^"!
n'eût plus eu qu'un but, retrouver l'escaliee- etr
remonter à la surface du monde vivant.
En aucun cas, tout autre que le marquis, eût
songé à aller en avant.
Mais le marquis, lui, n'hésita pas longte?mps.
Il était dans les ténèbres, mais peu. lu i im-
portait! Il se remit donc en marche, étendant
son épée devant lui pour sonder les ob stables,
et murmurant :
. — Quand ce chemin conduirait à. l'e nfer, j'i-
rais jusqu'au bout 1
La"galerie avait un sol humide, un peu boueux;
en outre elle suivait un plan incliné et la mar-
quis comprit qu'elle descendait toujours.
Mais en descendant et s'enfonçant sous terre
elle tournait légèrement sur elle-même, M. de la
Roche-Maubert le comprit, car tout à coup les té-
nèbres qui l'environnaient devinrent moins épais-
ses. et auelaue chose comme la lueur d'una
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