Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-07-01
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 juillet 1868 01 juillet 1868
Description : 1868/07/01 (A3,N804). 1868/07/01 (A3,N804).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47178065
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN 1
t
1
1
. ~ H- c-e&ti 1 4c iniaiérô
S tml le iiiiôkéro -
AtlÚ:'i:\D!Ei'\'îS, — Trois moit. six mois. un an.
Paris. 1 & fr. 9 fr. 1 s fr.
• . « . D6pj®çiiients.. 0 il 99
« '■Admini&lrulcur : E. DELSAUX.
3IDe année. — .-MERCREDI: 1" JUILLET iMift. — N' Sr-4
Directeur-Propriétaire : JANNIN.
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIER BRAGELONNE.
BUREAUX D'ABONNEMENT ; 9, rue Dronot.
L ADMINISTRATION : 13, place Breda.
PARIS, 30 JUIN 1868
LES DÉMOLITIONS DE PARIS
L'HOTEL LAFFITTE
tes Limousins, armes de pics, sont, en ce
TTioment, debout sur les pans de murs d'une
maison historique. — Il faut que le peuple
ait de l'air !,Et la rue Lafayette, commer-
çante, industrielle, ouvrière, relie le .boulc-
vard des Capucines au faubourg lointain de
la Villette. Rue immense, en pente, sans autre
horizon en haut que le ciel, elle s'allonge,
l, pleine de lumière et de soleil, sans souci des
rues transversales que le contraste fait paraî-
tre humides et sombres. Certaines de ces rues
cependant ont. eu leur heure de célébrité.
Elles ont représenté la grande propriété fon-
cière du dix-huitième siècle et la propriété
mobilière du dix-neuvième. Sur quelques-
unes on pouvait écrire le mot plaisir, sur
d'autres, le mot argent...
La rue Laftitte est une rue vouée à la ban-
que. Elle a été créée par un banquier, M. de
Laborde. Elle a été, habitée par un autre,
U. Laffitte. La maison Rothschild y étale en-
!or& ses bureaux, ses cuisines et ses splen-
deurs... f . w
Vers le milieu du dix-huitième siècle, un
petit paysan du Béarn, hardi et entreprenant,
somme le sont aujourd'hui les Bordelais, ar-
riva à Paris pour faire fortune. Il devint, ma
toi, fermier général, millionnaire et banquier
de l'empereur d'Autriche. C'était le père du
comte Alexandre de Laborde, qui fut un des
conseillers d'Etat de Napoléon, un des hom-
files de Juillet, et l'homme le plus distrait de
France.
Le premier Laborde, comme tous les finan-
ciers d'avant la Révolution, faisait de sa for-
tune un usage princier. C'est aux traitants, il
ne faut pas l'oublier, que l'ancienne France
dut ses plus beaux châteaux et ses plus beaux
parcs. Eux et le roi encourageaient les arts;
ils achetaient des tableaux et de's statues. Les'
grands seigneurs, que la comédie a illustrés,
dépensaient leur fortune à la cour et à l'armée;
•ils - se battaient bien, s'habillaient mieux
encore. mais h'nr faste était tout personnel et ■
se traduisait. rarement par des créations,
i Le vieux Laborde habitait d'abord ''"hô'el
[ qu'occupe aujourd'hui la direction de l'Opéra,
rue Drnuot. Son jardin allait jusqu'au che-
min dti l'Hôtel-Dien, aujourd'hui la Chaussée
d'Antin, Q^uand^saJortune fut à peu ...près paf-'
(quel banquier a laissé une dynastie?..) le
bonhomme s'avisa de détailler son domaine
pour en tirer parti. Il fit percer trois rues dans
son parc : la rue Le Pèletier. la rue de Pro-
vence et la rue Laffitte. Je donne les noms
contemporains.'On n'a plus l'idée maintenant
de fortunes foncières, comme celle du finan-
cier LabOllde. Sa spéculation réussit. 11 vendit
si bien ses terrains qu'il redevint riche et put
se faire, construire un nouvel liôtel, plus beau
que celui qu'il habitait avant sa liquidation.
Cet hôtel est celui que les Limousins sont
en train de démolir.
En 1793, l'habitation du banquier se trans-
forma en hôtel meublé et devint celle de tout
le monde. Elle avait eu je ne sais combien
de propriétaires, lorsqu'en 1822 le banquier
LarOt te l'acheta et lui donna son nom, ainsi
qu'à la rue où elle était située. J'en finis tout
de suite avec elle. La fille de Laffitte épousa
le fils du maréchal Ney, prince de la Mos-
kowa. Mine de la Moskowa vit encore. C'est
elle que M. Hauss'nann a expropriée.
Ce qu'il y a de vraiment intéressant, dans
l'histoire de l'hôtel Laffitte, ce sont les jour-
nées de 1830, c'est le rôle joué parle ban-
quier dans l'avènement de la dynastie des
d'Orléans.
✓
Jacques Laffitte venait du Midi, comme
Laborde. S .m père était charpentier il Bayo:)ne.
Petit clerc de notaire dans son pays à douze
ans, commis banqtiipt--à Paris à vingt, il de-
vint bientôt l'associé de son patron, M. Perre-
gaux, créé sénateur et comte de l'Empire en
480i. La maison Perregaux, Laffitte et Ce
florissait en 181!1, lors de la première Restau-
ration. A cette époque, son chef, grâce à des
services d'argent rendus au nouveau gouver-
nement, devint régent de la banque de
France. M. Lafdtte eut. la fortune singulière
d'inspirer la confiance, dans un moment de
crise r'u ln. confi 'nre semblait bannie. Les ri-
chef, étrangers lui confiaient. leurs fonds. Ni-
polron. - en , quittant Paris pour aller, fi
Rochefort, s'embarquer sur le Bellérûphnn,
— déposa tout ce qui Itrr restait de 5:1 fortune
imlériale. cinq millions. chez le banquier
royliste, qu'il estimait. Un peu plus tard ce
df. i(w devenait l'ami.:.d.J.L.Qnc d'Orléans —
depuis Louis-Philippe 1CV"—et par contre-
coup le banquier de l'opposition libérale.
La raye! te din -,;it chez Lartllle, et Béranger lui
adressait ses pauvres. Il ne faut ni prodigue;
l'¡',jogc, ni blâmera outrance. Comme tous les
i'.mquibrs, Laffille entassait affaires sur
n(fai"es. et le succès de l'une couvrait l'in-
succès de l'autre. Quelques actionnaires s'en-
richissaient; quelques autres* se ruinaient.
L'homme de parti et l'homme bienfaisant ont
fait oublier le mot de M. Djpin aîné sur
i'homme d'affaires. Ce mot cependant était
joli: « Chez le gros-oanquicr, alors même
qu'il est passé à l'état de grand citoyen, il y a
toujours de la nature du loup-cervier. »
Mon savant confrère, M. Jal, dans son
Dictionnaire critique, raconte le fait suivant,
qui dut se reproduire à l'infiiii :
f: Nnd:cr el1t besoin, en 1817, de quelques
mire francs et de quelques autres plus tard ;
il offrait pour gage son talent et sa probité.
Un banquier royaliste trouva le gage insuffi-
sant, M. Uiffitte l'accepta. 11 prêta l'argent,
stipulant seulement que le remboursement,
serait fait des époques convenues et qu'au
principal s'ajouterait, selon l'nsnge, l'intérêt
légal de ciaq pour cent. Ch. Nodier acceptai
M. Laffitte ne le pressa point, et le romancier
p.s.y.ï c Mitera et -principal », comme la cigale
de La Fontaine. J'ai vu les quittances. Nodier
offrit alors un de ses ouvrages à M. Laffitte. et
tint à rendre publique l'expression de sa re-
connaissance ; il le fit en termes nobles et
respectueux ; il dit de son livre : « C'est l'œu-
vre d'un homme sincère, mais impressionna-
ble, dont les impressions ne sont pas tou-
jours d'acccord avec les vôtres. » Quoi de
mieux? Il saluait le pavillon de lU. Laffitte,
sans amener le sien... »
Pendant les journées de juillet 4830,
l'hôtel de Laffitte fut le quartier général de
l'insurrection. Le 28, le banquier écrivait au
duc d'Orléans : «Evitez les filets de Saint-
Cloud », et le 29 : « Plus d'tiésitati(in ; une
couronne ou ifn passeport.» -
I A1eXélllrre Dnma?, dans ses mémoTCS, <
j nous a donné la physionomie du salon dt
Laffi fe. à l'heure où le peuple enfonçait le?
po: tes du Louvre :
® M. Laffitîe était nr^s 'de la fenêtre du
jardin, qui était ouverte, mais dont les per-
sonnes était formées; il se tenait a?sis dans
' un grand fauTôTTTt; "ÎÎTjS'ÏÏJtjtf^eiKÏuwnii tît
bbollret.
» Il s'était foulé le 'pied, la veille au matin.
» Derrière lui était Béranger, nppivé SUT
le dos do son fauteuil; à l'un de ses côtés, ic
général Lafayette ; dans l'prnbr1\snre d'une
seconde f-'netre, Georges Lr)fnyet.{c causait
avec M. ! arocbe, neveu de M. Larntte.
» Trente ou quarante députés, s'entreterianJ
*par groupes, encombraient le reste du .
salon.
» Tout à coup une. effroyable fusillade et
fait entendre, et ce cri retentit :
» — La garde royale marche sur rhÔ.
tel!... »
» On eût dit que chaque député était sut
une trappe et avait disparu à un coup de sir.
flet.
» Le temps de tourner la main, il ne restait
absolument dans le salon que Laffitte, tou-
jours assis, et sur le visage duquel n'apparut
pas la plus légère émotion; Béranger, qui
demeura ferme à sa place; M. Laroche, qui
se rapprocha de son oncle. ; Lafayette, qui re-
leva sa noble et vénérable tète, et fit lHI pas
vers la porte, c'est-à-dire vers le dang< r ;
Georges Lafayette, qui s'élança vers son père ;
et les cinq officiers, qui firent de leurs corps
un rempart à M. Laffitte.
.» Tous les autres ava:ent disparu par les
portes de dégagement ou avaient sauté par ies
fenêtres... » ^ ,
L'alarme avait été causé.; par les soldats
d'un régiment, qui avaient déchargé leurs fu-
sils en se raLiant au peuple.
Le lendemain, M. Laffitte se rendait en
boitant au Palais-Royal, et répondait à Louis-
Philippe, qui s'informait de son indisposition :
— Ne regardez pas à mes pieds, monsei-
gneur, mais a mes mains : il y a une cou-
ronne.
Ministre du nouveau roi, puis renversé par
une opposition nouvelle, et devenu gênant
pour le maître, Laffitte,dans ses dernières an-
nées, dut liquider sa maison de banque. Du.
moins, il garda jusqu'à sa mort la popularité
LA
FEMME IMMORTELLE
mess=""il PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA MAISON ENCHANTÉE
XI
i fallait tout le caractère aventureux de mon-
seigneur Philippe d'Orléans, Régent de France
pour qu'il osât s'embarquer ainsi, à la merci de
deux hommes masqués, et en compagnie d'un
seul gentilhomme qu'il honora:t de son amitié,
■ il est vrai, mais qu'il n'avait pas vu depuis trois
mois et qui pouvait fort bien être passé à l'ennemi.
Or l'ennemi du Régent, c'était l'Espagne d'a-
" Voir les numéros parus deuuis le 21 ium.
bord, c'étaient ensuite le duc et la duchesse du
Maine qui conspiraient nuit et jour, c'étaient tous
les princes légitimes ou légitimés qui avaient,
eux aussi, rêvé la Régence.
La conspiration Cellamare déjouée au dernier
moment était de date récente; et il pouvait fort
bien se faire que le chevalier d'Esparron eùt >
l'audace de vouloir 'efilever le -duc d'Orléans.
Celui-ci même en eut un moment l'idée, et il
dit au chevalier :
— Dis donc, d'Esparron, tu ne t'es pas fait re-
cevoir, au moins, de l'ordre de la Mouche à miel?
— Dont madame la duchesse du Maine est
grande-maîtresse?
— Précisément.
— Non, monseigneur.
— Tu n'as y as d'or espagnol dans ta p^ie?
— Non, monseigneur.
— Alors, tu m'es toujours dévoué?
— Tout mon sang est à Votre Altesse royale.
L'accent de ' franchise du chevalier fit éva-
nQuir le foupçon qui, un moment, avait traversé
l'e?prit de Philippe d'Orléans.
Le prince et le chevalier s'étaient assis à l'ar-
rière de la barque.... *
Les deux mariniers nageaient vigoureuse-
ment.
— Ah ça ! où me conduis .tu? demanda le Ré'
xrent ..
— Chez elle. - 1
— Est-ce loin ?
— Non, monseigneur. Mais vous serez le
premier homme qui y serà entré les yeux ou-
vert.,,.
— Ah bah !
- Moi, j'ai eu les yeux bandés.
. — Tu vois donc bien que les histoires du vieux
marquis do la Roche-Lambert ont duvrafi?
— Oui et non, monseigneur.
— Singulière réponse!
— Monseigneur, répondit le chevalier d'Es-
parron avec gravité, si vous me dites que la
femme dont je parle s'entoure de mystère, de
merveilleux, d'appareils de ir.agie et de sorcel-
lerie, je répondrai à Votre Altesse qu'elle a
raison..
— Ah! tu en conviens?
— Mais si Votre Altesse croit le "marquis de
la Roche-Lambert, quand il vient dire que cette
femme est une goule et qu'elle s'abreuve de
sang humain, Votre Altesse se trompe.
— Mais enfin, mon bel ami, reprit le Régent,
le marquis a été saigné à blanc dans sa jeu-
nesse.
— Peuh 1 fit d'Esparron.
— Et toi-même tu as au cou...
Le petit gentilhomme provençal eut la har-
diesse d'interrompre le Ré^eaft.
— Monseigneur, dit-il, je suis lié par un s(Ir-
ment, je ne puis rien dire à Votre Altesse, mais
elle, celle que nous allons voir, dira tout, ci
a'ers Votre Altesse comprendra une foule dû
choses qui sont du grimoire en ce moment-, et
qui deviendront claires et limpides comme da
l'eau de roche.
Le Régent aimait trop le merveilleux, poui
ne se point accommoder provisoirement de cette
réponse.
— Soit, dit-il, j'atten drai.
— Mo'nseigneur, reprit d'Fsparron, «'/c et mol
avons une foi si aveugle en Votre Altesse, que
je ne vous 'ai même pas demandé un serment.
— Lequel ?
— Celui de ne révéler à personne le chemin
que vous prenez en ce moment,
— Qu'à cela ne tienne, je te jure de n'en point
parler, mon mignon.
La barque, en effet, courait raptdement.
Cependant elle ne s'çn allait point au fil de
l'eau. Tout au contraire, elle remontait le cou-
rant, et, après avoir passé sous le pont au
Change, elle longeait maintenant la Cité, lais-
sant sur sa droite les tours de l'église Notre-
Dame.
La nuit était brumeuse, du reste, il n'y avait
au ciel ni étoiles ni lune, et un fanal placé à J'a-
vant de la barque, enfermait le Régent dans un
JOURNAL QUOTIDIEN 1
t
1
1
. ~ H- c-e&ti 1 4c iniaiérô
S tml le iiiiôkéro -
AtlÚ:'i:\D!Ei'\'îS, — Trois moit. six mois. un an.
Paris. 1 & fr. 9 fr. 1 s fr.
• . « . D6pj®çiiients.. 0 il 99
« '■Admini&lrulcur : E. DELSAUX.
3IDe année. — .-MERCREDI: 1" JUILLET iMift. — N' Sr-4
Directeur-Propriétaire : JANNIN.
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIER BRAGELONNE.
BUREAUX D'ABONNEMENT ; 9, rue Dronot.
L ADMINISTRATION : 13, place Breda.
PARIS, 30 JUIN 1868
LES DÉMOLITIONS DE PARIS
L'HOTEL LAFFITTE
tes Limousins, armes de pics, sont, en ce
TTioment, debout sur les pans de murs d'une
maison historique. — Il faut que le peuple
ait de l'air !,Et la rue Lafayette, commer-
çante, industrielle, ouvrière, relie le .boulc-
vard des Capucines au faubourg lointain de
la Villette. Rue immense, en pente, sans autre
horizon en haut que le ciel, elle s'allonge,
l, pleine de lumière et de soleil, sans souci des
rues transversales que le contraste fait paraî-
tre humides et sombres. Certaines de ces rues
cependant ont. eu leur heure de célébrité.
Elles ont représenté la grande propriété fon-
cière du dix-huitième siècle et la propriété
mobilière du dix-neuvième. Sur quelques-
unes on pouvait écrire le mot plaisir, sur
d'autres, le mot argent...
La rue Laftitte est une rue vouée à la ban-
que. Elle a été créée par un banquier, M. de
Laborde. Elle a été, habitée par un autre,
U. Laffitte. La maison Rothschild y étale en-
!or& ses bureaux, ses cuisines et ses splen-
deurs... f . w
Vers le milieu du dix-huitième siècle, un
petit paysan du Béarn, hardi et entreprenant,
somme le sont aujourd'hui les Bordelais, ar-
riva à Paris pour faire fortune. Il devint, ma
toi, fermier général, millionnaire et banquier
de l'empereur d'Autriche. C'était le père du
comte Alexandre de Laborde, qui fut un des
conseillers d'Etat de Napoléon, un des hom-
files de Juillet, et l'homme le plus distrait de
France.
Le premier Laborde, comme tous les finan-
ciers d'avant la Révolution, faisait de sa for-
tune un usage princier. C'est aux traitants, il
ne faut pas l'oublier, que l'ancienne France
dut ses plus beaux châteaux et ses plus beaux
parcs. Eux et le roi encourageaient les arts;
ils achetaient des tableaux et de's statues. Les'
grands seigneurs, que la comédie a illustrés,
dépensaient leur fortune à la cour et à l'armée;
•ils - se battaient bien, s'habillaient mieux
encore. mais h'nr faste était tout personnel et ■
se traduisait. rarement par des créations,
i Le vieux Laborde habitait d'abord ''"hô'el
[ qu'occupe aujourd'hui la direction de l'Opéra,
rue Drnuot. Son jardin allait jusqu'au che-
min dti l'Hôtel-Dien, aujourd'hui la Chaussée
d'Antin, Q^uand^saJortune fut à peu ...près paf-'
(quel banquier a laissé une dynastie?..) le
bonhomme s'avisa de détailler son domaine
pour en tirer parti. Il fit percer trois rues dans
son parc : la rue Le Pèletier. la rue de Pro-
vence et la rue Laffitte. Je donne les noms
contemporains.'On n'a plus l'idée maintenant
de fortunes foncières, comme celle du finan-
cier LabOllde. Sa spéculation réussit. 11 vendit
si bien ses terrains qu'il redevint riche et put
se faire, construire un nouvel liôtel, plus beau
que celui qu'il habitait avant sa liquidation.
Cet hôtel est celui que les Limousins sont
en train de démolir.
En 1793, l'habitation du banquier se trans-
forma en hôtel meublé et devint celle de tout
le monde. Elle avait eu je ne sais combien
de propriétaires, lorsqu'en 1822 le banquier
LarOt te l'acheta et lui donna son nom, ainsi
qu'à la rue où elle était située. J'en finis tout
de suite avec elle. La fille de Laffitte épousa
le fils du maréchal Ney, prince de la Mos-
kowa. Mine de la Moskowa vit encore. C'est
elle que M. Hauss'nann a expropriée.
Ce qu'il y a de vraiment intéressant, dans
l'histoire de l'hôtel Laffitte, ce sont les jour-
nées de 1830, c'est le rôle joué parle ban-
quier dans l'avènement de la dynastie des
d'Orléans.
✓
Jacques Laffitte venait du Midi, comme
Laborde. S .m père était charpentier il Bayo:)ne.
Petit clerc de notaire dans son pays à douze
ans, commis banqtiipt--à Paris à vingt, il de-
vint bientôt l'associé de son patron, M. Perre-
gaux, créé sénateur et comte de l'Empire en
480i. La maison Perregaux, Laffitte et Ce
florissait en 181!1, lors de la première Restau-
ration. A cette époque, son chef, grâce à des
services d'argent rendus au nouveau gouver-
nement, devint régent de la banque de
France. M. Lafdtte eut. la fortune singulière
d'inspirer la confiance, dans un moment de
crise r'u ln. confi 'nre semblait bannie. Les ri-
chef, étrangers lui confiaient. leurs fonds. Ni-
polron. - en , quittant Paris pour aller, fi
Rochefort, s'embarquer sur le Bellérûphnn,
— déposa tout ce qui Itrr restait de 5:1 fortune
imlériale. cinq millions. chez le banquier
royliste, qu'il estimait. Un peu plus tard ce
df. i(w devenait l'ami.:.d.J.L.Qnc d'Orléans —
depuis Louis-Philippe 1CV"—et par contre-
coup le banquier de l'opposition libérale.
La raye! te din -,;it chez Lartllle, et Béranger lui
adressait ses pauvres. Il ne faut ni prodigue;
l'¡',jogc, ni blâmera outrance. Comme tous les
i'.mquibrs, Laffille entassait affaires sur
n(fai"es. et le succès de l'une couvrait l'in-
succès de l'autre. Quelques actionnaires s'en-
richissaient; quelques autres* se ruinaient.
L'homme de parti et l'homme bienfaisant ont
fait oublier le mot de M. Djpin aîné sur
i'homme d'affaires. Ce mot cependant était
joli: « Chez le gros-oanquicr, alors même
qu'il est passé à l'état de grand citoyen, il y a
toujours de la nature du loup-cervier. »
Mon savant confrère, M. Jal, dans son
Dictionnaire critique, raconte le fait suivant,
qui dut se reproduire à l'infiiii :
f: Nnd:cr el1t besoin, en 1817, de quelques
mire francs et de quelques autres plus tard ;
il offrait pour gage son talent et sa probité.
Un banquier royaliste trouva le gage insuffi-
sant, M. Uiffitte l'accepta. 11 prêta l'argent,
stipulant seulement que le remboursement,
serait fait des époques convenues et qu'au
principal s'ajouterait, selon l'nsnge, l'intérêt
légal de ciaq pour cent. Ch. Nodier acceptai
M. Laffitte ne le pressa point, et le romancier
p.s.y.ï c Mitera et -principal », comme la cigale
de La Fontaine. J'ai vu les quittances. Nodier
offrit alors un de ses ouvrages à M. Laffitte. et
tint à rendre publique l'expression de sa re-
connaissance ; il le fit en termes nobles et
respectueux ; il dit de son livre : « C'est l'œu-
vre d'un homme sincère, mais impressionna-
ble, dont les impressions ne sont pas tou-
jours d'acccord avec les vôtres. » Quoi de
mieux? Il saluait le pavillon de lU. Laffitte,
sans amener le sien... »
Pendant les journées de juillet 4830,
l'hôtel de Laffitte fut le quartier général de
l'insurrection. Le 28, le banquier écrivait au
duc d'Orléans : «Evitez les filets de Saint-
Cloud », et le 29 : « Plus d'tiésitati(in ; une
couronne ou ifn passeport.» -
I A1eXélllrre Dnma?, dans ses mémoTCS, <
j nous a donné la physionomie du salon dt
Laffi fe. à l'heure où le peuple enfonçait le?
po: tes du Louvre :
® M. Laffitîe était nr^s 'de la fenêtre du
jardin, qui était ouverte, mais dont les per-
sonnes était formées; il se tenait a?sis dans
' un grand fauTôTTTt; "ÎÎTjS'ÏÏJtjtf^eiKÏuwnii tît
bbollret.
» Il s'était foulé le 'pied, la veille au matin.
» Derrière lui était Béranger, nppivé SUT
le dos do son fauteuil; à l'un de ses côtés, ic
général Lafayette ; dans l'prnbr1\snre d'une
seconde f-'netre, Georges Lr)fnyet.{c causait
avec M. ! arocbe, neveu de M. Larntte.
» Trente ou quarante députés, s'entreterianJ
*par groupes, encombraient le reste du .
salon.
» Tout à coup une. effroyable fusillade et
fait entendre, et ce cri retentit :
» — La garde royale marche sur rhÔ.
tel!... »
» On eût dit que chaque député était sut
une trappe et avait disparu à un coup de sir.
flet.
» Le temps de tourner la main, il ne restait
absolument dans le salon que Laffitte, tou-
jours assis, et sur le visage duquel n'apparut
pas la plus légère émotion; Béranger, qui
demeura ferme à sa place; M. Laroche, qui
se rapprocha de son oncle. ; Lafayette, qui re-
leva sa noble et vénérable tète, et fit lHI pas
vers la porte, c'est-à-dire vers le dang< r ;
Georges Lafayette, qui s'élança vers son père ;
et les cinq officiers, qui firent de leurs corps
un rempart à M. Laffitte.
.» Tous les autres ava:ent disparu par les
portes de dégagement ou avaient sauté par ies
fenêtres... » ^ ,
L'alarme avait été causé.; par les soldats
d'un régiment, qui avaient déchargé leurs fu-
sils en se raLiant au peuple.
Le lendemain, M. Laffitte se rendait en
boitant au Palais-Royal, et répondait à Louis-
Philippe, qui s'informait de son indisposition :
— Ne regardez pas à mes pieds, monsei-
gneur, mais a mes mains : il y a une cou-
ronne.
Ministre du nouveau roi, puis renversé par
une opposition nouvelle, et devenu gênant
pour le maître, Laffitte,dans ses dernières an-
nées, dut liquider sa maison de banque. Du.
moins, il garda jusqu'à sa mort la popularité
LA
FEMME IMMORTELLE
mess=""il PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA MAISON ENCHANTÉE
XI
i fallait tout le caractère aventureux de mon-
seigneur Philippe d'Orléans, Régent de France
pour qu'il osât s'embarquer ainsi, à la merci de
deux hommes masqués, et en compagnie d'un
seul gentilhomme qu'il honora:t de son amitié,
■ il est vrai, mais qu'il n'avait pas vu depuis trois
mois et qui pouvait fort bien être passé à l'ennemi.
Or l'ennemi du Régent, c'était l'Espagne d'a-
" Voir les numéros parus deuuis le 21 ium.
bord, c'étaient ensuite le duc et la duchesse du
Maine qui conspiraient nuit et jour, c'étaient tous
les princes légitimes ou légitimés qui avaient,
eux aussi, rêvé la Régence.
La conspiration Cellamare déjouée au dernier
moment était de date récente; et il pouvait fort
bien se faire que le chevalier d'Esparron eùt >
l'audace de vouloir 'efilever le -duc d'Orléans.
Celui-ci même en eut un moment l'idée, et il
dit au chevalier :
— Dis donc, d'Esparron, tu ne t'es pas fait re-
cevoir, au moins, de l'ordre de la Mouche à miel?
— Dont madame la duchesse du Maine est
grande-maîtresse?
— Précisément.
— Non, monseigneur.
— Tu n'as y as d'or espagnol dans ta p^ie?
— Non, monseigneur.
— Alors, tu m'es toujours dévoué?
— Tout mon sang est à Votre Altesse royale.
L'accent de ' franchise du chevalier fit éva-
nQuir le foupçon qui, un moment, avait traversé
l'e?prit de Philippe d'Orléans.
Le prince et le chevalier s'étaient assis à l'ar-
rière de la barque.... *
Les deux mariniers nageaient vigoureuse-
ment.
— Ah ça ! où me conduis .tu? demanda le Ré'
xrent ..
— Chez elle. - 1
— Est-ce loin ?
— Non, monseigneur. Mais vous serez le
premier homme qui y serà entré les yeux ou-
vert.,,.
— Ah bah !
- Moi, j'ai eu les yeux bandés.
. — Tu vois donc bien que les histoires du vieux
marquis do la Roche-Lambert ont duvrafi?
— Oui et non, monseigneur.
— Singulière réponse!
— Monseigneur, répondit le chevalier d'Es-
parron avec gravité, si vous me dites que la
femme dont je parle s'entoure de mystère, de
merveilleux, d'appareils de ir.agie et de sorcel-
lerie, je répondrai à Votre Altesse qu'elle a
raison..
— Ah! tu en conviens?
— Mais si Votre Altesse croit le "marquis de
la Roche-Lambert, quand il vient dire que cette
femme est une goule et qu'elle s'abreuve de
sang humain, Votre Altesse se trompe.
— Mais enfin, mon bel ami, reprit le Régent,
le marquis a été saigné à blanc dans sa jeu-
nesse.
— Peuh 1 fit d'Esparron.
— Et toi-même tu as au cou...
Le petit gentilhomme provençal eut la har-
diesse d'interrompre le Ré^eaft.
— Monseigneur, dit-il, je suis lié par un s(Ir-
ment, je ne puis rien dire à Votre Altesse, mais
elle, celle que nous allons voir, dira tout, ci
a'ers Votre Altesse comprendra une foule dû
choses qui sont du grimoire en ce moment-, et
qui deviendront claires et limpides comme da
l'eau de roche.
Le Régent aimait trop le merveilleux, poui
ne se point accommoder provisoirement de cette
réponse.
— Soit, dit-il, j'atten drai.
— Mo'nseigneur, reprit d'Fsparron, «'/c et mol
avons une foi si aveugle en Votre Altesse, que
je ne vous 'ai même pas demandé un serment.
— Lequel ?
— Celui de ne révéler à personne le chemin
que vous prenez en ce moment,
— Qu'à cela ne tienne, je te jure de n'en point
parler, mon mignon.
La barque, en effet, courait raptdement.
Cependant elle ne s'çn allait point au fil de
l'eau. Tout au contraire, elle remontait le cou-
rant, et, après avoir passé sous le pont au
Change, elle longeait maintenant la Cité, lais-
sant sur sa droite les tours de l'église Notre-
Dame.
La nuit était brumeuse, du reste, il n'y avait
au ciel ni étoiles ni lune, et un fanal placé à J'a-
vant de la barque, enfermait le Régent dans un
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