Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-06-30
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 30 juin 1868 30 juin 1868
Description : 1868/06/30 (A3,N803). 1868/06/30 (A3,N803).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717805r
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
S tent. le rmméro -
1 -~ . i 1 JOURNAL QUOTIDIEN
ï "*
1 - -.. 5 @eat. le Humés .
&.MSKEMENTS. — Trois mois.. à' )L mois. o& uf
^Paris..... 5 ir. 9 fr. 18 fr. * -
'Départements.. 8 il ' 99
Administrateur : Ir.. DELSAUX. ~
1 3-11 année. — MARDI 30 |UIN 1,868. — 8ca -
Directeur-Propriétaire : ANNUEL • f
Rédacteur en chef: A. DE BAL!T HIER Brasklonri,
Bureaux d'abonnement: 9, vue Drcmcit.
Administration : * 3, place fk-ed& &
PARIS, 29 JUIN 1868
HISTOIRES DU LUNDI
LA FOURCHETTE
- • ■ X/- M'
^ Cesl l'Ardè&he qui a donné Pierre Rochat
a Paris. '
- L Y vint à quatorze sns, à pied, avec un
louis dans sa poche, deux paires de souliers
Terrés, des bas bleus, une culotte, un gilet,
une veste de tJaysan, trois grosses chemises
de bonne to>)e et son gourdin de route. Il
avait les cheveux coupés comme un enfant
j.e chœiy; 11es reins solides, et la volonté
bien arrêtée de parvenir.
. louf relatif,bien entendu. Parvenir pour
lui, c.' était gagner sa vie d'abord, ensuite ra-
n'as'/er quelques écus pour acheter un petit
doriiaine dans son pays, — un mondes !...
Pierre entra en qualité de garçon de peine
Ç 1 aeg un emballeur. On lui donna la nourri-
ture, quinze francs de gages par mois, et le
» Mroit de coucher sur un grabat dans le ma-
wssin.
I 'Ou,and il sut balayer, faire les commissions,
j lepballer, eufin quand il fut façonne au ser-
j i"ice, il gagna vingt francs. '
{ Alors il en mit cinq de côté. Cinq fois
<ïotize font soixante. Ne riez pas !... En meur-
■ trissant ses pieds sur le pavé, en brisant ses
bras et ses reins à clouer les caisses, il apprit
» la Vie-et le chacun pour soi, cet évangile du
a millionnaire au début.
. La jeunesse ne perd jamais ses droits.
Pierre aima. Encore choisit-il, pour l'ai-
mer, une femme à sa taille, robuste, ,Iabo-
. rieuse, qui, elle aussi, avait son livret de la
Caisse d'épargne.
A vingt-cinq nns, le gaiçon de magasin, ,
en sa qualité de chef de la communauté, se ]
. trouvait à là tête de mille écus.
Il censulta sa femme, risqua son capital et
s'établit.
Maintenant, représentez-vous l'emballeur, (
les marches retroussées, clouant connue 'un s
- ouvrier, suant comme un manœuvre, soûle- q
.î "iHÍt des poids comme un athlète, la femme
tenant ie ménage ét cousant de la confection q
jdans l'intervalle des repas; supprimes les
I fêtes, entassez les privations, multiplies les
| journées de seize heures, faites le compte des
économies de deux sous,— vous comprendrez
que le petit paysan de l'Ardèche soit devenu
richt?, très-riche même...
Du reste, ce -n'est pas de cela qu'il s'agit.
Pierre eut" deux enfants., deux fils.
Naturellement, il désira en faire des mes-
sieurs.
■n— L'un, se dit-il, sera ingénieur! Quant
à l'autre, je lui laisserai mon fonds, mais il
„ regardera travailler ses ouvriers en fumant
son cigare, et, s'il met la main à la besogne,
' ce sera histoire.de s'amuser un moment,pour
I le plaisir; et rien de plus..
t Les deux jeunes gens entrèrent dans les
1 idées de leur père,
L'aîné se présenta à l'Ecole polytechnique,
• d'où il sortit pour être nommé dans les
mines.
Le cadet apprit à monter à cheval et à jou^r
du violon pour charmer ses loisirs, plus tard,
quand il ferait embalier par autrui. t
Madame Rochat mourut. 1
Le père et les fils se partagèrent à l'a-
miable la succession pour éviter les frais. L'in-
géniem' eut sa part en argent; l'autre s'nr-
rangea du fonds de commerce, moyennant un
retour qu'il promit de payer.
■—Moi, dit Pierre. Rochat, j'ai assez tra-.
vaille. Je vas me reposer à présent.
Il avait acheté à Nogent un terrain nu,
qii'il avait planté et sur lequel il s'était fait
bâtir une petite maison. Les arbres étaient J
devenus asses grands pour donner de l'om- ,
làrann des pkjuats rC-jr
fieraient le -soleil. Des poissons rouges ria-1
geaient dans un bassin devant la maison.
Derrière, un coq chantait au milieu. d'une
demi-douztci'ne de pçyizles.-.
f 'Qu'est-ce que le bonhe-uf, sinon un pareil
établissement, lorsqu'on -est venu à pied:fi
Paris pour être garçoo\ld.e;pelúc,à quinze francs
par mois?...
Aussi Pierre Rochat étaift-il heureux.
I — Il ne me manque, disait-il à son cadsî.,
que deux choses ; d abord que ta pauvre mère
soi* encore là; ensuite que tu 1-e maries et
qlOO tu K*« donnes des petits «enfants...
—•* Efe Lien ! il aie t'en maRquera plus c
qu'une. ' ~s
— Tu vas te marier?
— Avef, ton consentement? \
— Je te le donne. Qui épouses-tu ? d
s ' : .
Une jeune fille très comme il faut. Son
père-était notaire.
L a fille d'un notaire; comme tu y vas!..
Je lui garderai mes œufs frais. Pour ne pas
une tromper, je mettrai des numéros des-
sus...
I Deux mois après, tout était terminé dans
rcspr}t , d'ordre propre aux commerçants.
Le père Rochat habiterait sa maison de.
campagne. Le dimanche, ses enfants fraient
passer III journée à Nogent. Le jeudi, il vien-
f rait à Paris dîner avec eux...
On vivrait chacun de son côté; mais la fa-
lote garderait ses droits. On se verrait une
lois par semaine, et l'ingénieur ferait en sorte
{ie venir une fois par an.
l - Le Au début, tout alla bien.
Le fille du rotaire s'amusait beaucoup des
ouïes et des poissons; elle se mirait dans
les boules, et elle cueillait des brassées de
lilas. - - •
1 A Paris, quand on avait dîné, la jeune
femme se mettait au piano, le mari prenait
son violon, et on donnait un petit -concert au
jbouhomme, qui faisait tourner ses pouces
jd'un air réjoui.
1 —Eh quoi! Ce beau salon, c'est celui de
mon fils! Cette belle dame si élégante qui fait
de la musique, c'est ma bru ! Moi j'ai un
bassin et un parc !... Pitrre, Pierre, celui qui
feÙt prédit cela, il y a trente ans, t'aurait
bien étonné, mon vieux!...
}f soir, le wagon qui emportait notre pro-
priétaire n était pas assez grand pour contenir
l^pànouissement (fi ses désirs satisfaits.
L'ouvrier parvenu, gras, le teint fleuri, la
digestion facile, tiAe-ontait son bonheur à ses
voisins :
— Mon fils l'ingénieur, mon fils le mari de
la . fille du notaire, ma maison par ci, leur
piano par là...
Et vive l'emb'lHage !...
Cela n'en finissait plus.
Un jour, à dîner, chez son fils, _ lerre Ro-
chat posa sa fourchette sur la nappe, sans
avoir pensé à l'essuyer.
On venait de maeger une sauce. Cela fit
un petit dessin. Il y avait du monde. La fille
du notaire rougit et se tourna vers son mari;
celui-ci la regarda d'un air qui signifiait :
— Que veux-tu? le pauvre homme n'en sait
pas plus long; il faut le prendre comme il
est.
Le vieux avait remarqué la rougeur. Il sur-
prit le regard.
Il porta la, main à sa poitrine comme s'il
eiIt reçu un coup. Puis il releva sa fourchette,
en balbutiant : ,
■— Pardon! je n'avais pas fait attention...
Le soir, en s'en allant, il fut silencieux con-
tre son habitude.
Il pensait. ' " ~
— Ma belle-fille a rougi de moi.
Quand il fut sur le point de se mettre
au lit, il arpenta sa chambre pendant une
heure.
— Et cet imbécile qui avait l'air de lui
donner raison !... -
Il creva son oreiller d'un coup de,poing. ;
— Que je suis bête !....
D'ordinaire, il dormait dix heures * pour
rattraper le temps perdu », disait-il. Mais
t cette nuit-là, -il ne put fermer les yeux.
J'en aurai le cœur net.
i Le bonhomme retourna chez. ses enfants,.
t résolu à tout observer, *
i Cette fois ils étaient .seuls.
1 — Tiens ! Vous n'attendez personne.
; - Non !
— C'est dr61e.
— Drôle ! Pourquoi?
— Pour rien. Une idée à moi. J'aime, la, -
' société* '— 4»- -
— Si nous avions su...
- Bon!. Bon! Ne faites pas attention. Nous-
dînerons bien tout de même.
Pendant le diner, notre emballeur s'en,
donna à cœur joie.
Il bavarda à tort et à travers ; il mit sos
coudes sur la table ; il se versa du vin si plein
son verre que la nappe en but un peu ; je crois:.
qu'il jura au dessert. Il s'était promis d'être
: salin. Il avait la fièvre.
La jeune femme était au supplice. ~
Il fit semblant de ne pas s'en apercevoir. r
Eh bien ! Et mon petit air? dit-il, anrè!
le pousse-café, en s'allongeant.
La femme regarda son mari.
Nous sommes forcés dé 'sortir, mon
I père, dit celui-ci ; nous avons une visite à
[ faire.
LA FEMME IMMORTELLE
PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA MAISON ENCHANTÉE
X
\.10
Le chevalier d'Esparron, toujours calme, tou.
jours impassible, prit datfs la poche de sa veste
un petit instrument qu'il montra à Philippe
d'Orléans et que celui-ci -reconnut pour être une
lancette de chirurgien. 1
— Que veux-tu donc faire de cela? fit le
il}'ince. „
,Toir les uuniéros parus depuis le 21 juin.
1 co,,iver a Votre Altesse que j'ai menti au
marquis de La Roche-Lambert.
— Mais comment?
— Votre Altesse est convaincue, n'est-ce pas,
que j'ai au cou la morsure d'un vampire?
— Dame ! ,
Qui s'abreuve de mon sang depuis trois
mois ?
— C'est probable.
D 'Esparron alla se placer devant une glace,
ouvrit la lancette, l'approcha de sen cou et se
fit jaillir une goutte de sang qu'il essuya avec
1 son doigt.
Puis, revenant au Relent :
Maintenant, monseigneur, dit-il, f',UCVotre
Altesse décide laquelle de ces deux piqùres est
la première.
En effet, celle qu il venait de se faire avec la
lancette était à côté de la première, et toutes
deux avaient la même profondeur, la même for-
me, le même aspect. s
Un cri échappa au Régent. f
— Vous voyez bien, monseigneur/ dit le che-
valier qui n'avait rien perdu de son calme, que
j avais simplement dans ma poche, sous la I
forme de ce petit outil, le vampire dont M. de
la Roche-Lambert vous a conté l'histoire si ex- n
traordinaire.
Philippe d'Orléans secouait la têîe f{
1 | — Je comprends de moins en moins,disait-il.
— C est pourtant facile, monseigneur.
— Ah! vraiment?
C est moi qui me suis fait la première pi-
qûi e, comme je viens de me faire la seconde,
. en présence de Votre Altesse.
— Mais... dans quel but?
Et , le Régent regardait toujours d'Esparron
d'un œil sévère.
— Monseigneur, répondit celui-ci, je savais
que le marquis de la Roche-Lambert assiste-
rait ay souper de Votre Altesse Royale.
— Et c'est pour cela?,..
— C est pour cela que je suis venu, monsei-
gneur.
L accent du chevalier était tout à coup de.
venu solennel, et le Régent en fut frappé.
— Tu connaissais donc le marquis ?
— Oui, monseigneur.
— Cependant
— Cependant, il m'a vu, lui, pour la première
fois. Mais...
Ici le chevalier d'Esparron s'arrêta encore.
Puis il retira, de son soin le médaillon que le
Régent avait examiné déjà.
— Mais, acheva-t-il, cette femme-lù le con-
naît...
Tu conviens donc de la vérité de ses pa-
tsles ?
— Oui ét non, monseigneur.
Le Régent secoua encore la tête ;
Mais explique-toi donc, chevalier, fit-il.
— Monseigneur, répliqua d'Esparron, la
t femme que j'aime a vingt ans. -
— Cependant le marquis l'a reconnue... "
— C'est possible.
— Et c est bien celle qui l'a aimé, mordu a<
cou et s'est abreuvée de son sang, voici plus r]"
quarante ans ?
— Oui et non. monseigneur.
— Chevalier, tu parles comme le sphinx an-
tique.
C est que je ne puis rn'expliquer davan-
tage, monseigneur.
— Même si je l'exige? *
Une expression de tristesse mélancolique ee
répandit sur le visage du chevalier.
— Monseigneur, dit-il, je suis un pauvre
cadet de Provence qui n'est devenu quelque
chose que par la bienveillance et la très-haute
protection de Votre Altesse, et cependant j'aurai
le courage de répéter : je ne puis m'expliquer
davantage aujourd'hui. " ,
— Ah! aujourd'hui?
— Oui, monseigneur.
— Mais... demain...
— De-main, peut-être, poumivit b_$evaî)$§.
S tent. le rmméro -
1 -~ . i 1 JOURNAL QUOTIDIEN
ï "*
1 - -.. 5 @eat. le Humés .
&.MSKEMENTS. — Trois mois.. à' )L mois. o& uf
^Paris..... 5 ir. 9 fr. 18 fr. * -
'Départements.. 8 il ' 99
Administrateur : Ir.. DELSAUX. ~
1 3-11 année. — MARDI 30 |UIN 1,868. — 8ca -
Directeur-Propriétaire : ANNUEL • f
Rédacteur en chef: A. DE BAL!T HIER Brasklonri,
Bureaux d'abonnement: 9, vue Drcmcit.
Administration : * 3, place fk-ed& &
PARIS, 29 JUIN 1868
HISTOIRES DU LUNDI
LA FOURCHETTE
- • ■ X/- M'
^ Cesl l'Ardè&he qui a donné Pierre Rochat
a Paris. '
- L Y vint à quatorze sns, à pied, avec un
louis dans sa poche, deux paires de souliers
Terrés, des bas bleus, une culotte, un gilet,
une veste de tJaysan, trois grosses chemises
de bonne to>)e et son gourdin de route. Il
avait les cheveux coupés comme un enfant
j.e chœiy; 11es reins solides, et la volonté
bien arrêtée de parvenir.
. louf relatif,bien entendu. Parvenir pour
lui, c.' était gagner sa vie d'abord, ensuite ra-
n'as'/er quelques écus pour acheter un petit
doriiaine dans son pays, — un mondes !...
Pierre entra en qualité de garçon de peine
Ç 1 aeg un emballeur. On lui donna la nourri-
ture, quinze francs de gages par mois, et le
» Mroit de coucher sur un grabat dans le ma-
wssin.
I 'Ou,and il sut balayer, faire les commissions,
j lepballer, eufin quand il fut façonne au ser-
j i"ice, il gagna vingt francs. '
{ Alors il en mit cinq de côté. Cinq fois
<ïotize font soixante. Ne riez pas !... En meur-
■ trissant ses pieds sur le pavé, en brisant ses
bras et ses reins à clouer les caisses, il apprit
» la Vie-et le chacun pour soi, cet évangile du
a millionnaire au début.
. La jeunesse ne perd jamais ses droits.
Pierre aima. Encore choisit-il, pour l'ai-
mer, une femme à sa taille, robuste, ,Iabo-
. rieuse, qui, elle aussi, avait son livret de la
Caisse d'épargne.
A vingt-cinq nns, le gaiçon de magasin, ,
en sa qualité de chef de la communauté, se ]
. trouvait à là tête de mille écus.
Il censulta sa femme, risqua son capital et
s'établit.
Maintenant, représentez-vous l'emballeur, (
les marches retroussées, clouant connue 'un s
- ouvrier, suant comme un manœuvre, soûle- q
.î "iHÍt des poids comme un athlète, la femme
tenant ie ménage ét cousant de la confection q
jdans l'intervalle des repas; supprimes les
I fêtes, entassez les privations, multiplies les
| journées de seize heures, faites le compte des
économies de deux sous,— vous comprendrez
que le petit paysan de l'Ardèche soit devenu
richt?, très-riche même...
Du reste, ce -n'est pas de cela qu'il s'agit.
Pierre eut" deux enfants., deux fils.
Naturellement, il désira en faire des mes-
sieurs.
■n— L'un, se dit-il, sera ingénieur! Quant
à l'autre, je lui laisserai mon fonds, mais il
„ regardera travailler ses ouvriers en fumant
son cigare, et, s'il met la main à la besogne,
' ce sera histoire.de s'amuser un moment,pour
I le plaisir; et rien de plus..
t Les deux jeunes gens entrèrent dans les
1 idées de leur père,
L'aîné se présenta à l'Ecole polytechnique,
• d'où il sortit pour être nommé dans les
mines.
Le cadet apprit à monter à cheval et à jou^r
du violon pour charmer ses loisirs, plus tard,
quand il ferait embalier par autrui. t
Madame Rochat mourut. 1
Le père et les fils se partagèrent à l'a-
miable la succession pour éviter les frais. L'in-
géniem' eut sa part en argent; l'autre s'nr-
rangea du fonds de commerce, moyennant un
retour qu'il promit de payer.
■—Moi, dit Pierre. Rochat, j'ai assez tra-.
vaille. Je vas me reposer à présent.
Il avait acheté à Nogent un terrain nu,
qii'il avait planté et sur lequel il s'était fait
bâtir une petite maison. Les arbres étaient J
devenus asses grands pour donner de l'om- ,
làrann des pkjuats rC-jr
fieraient le -soleil. Des poissons rouges ria-1
geaient dans un bassin devant la maison.
Derrière, un coq chantait au milieu. d'une
demi-douztci'ne de pçyizles.-.
f 'Qu'est-ce que le bonhe-uf, sinon un pareil
établissement, lorsqu'on -est venu à pied:fi
Paris pour être garçoo\ld.e;pelúc,à quinze francs
par mois?...
Aussi Pierre Rochat étaift-il heureux.
I — Il ne me manque, disait-il à son cadsî.,
que deux choses ; d abord que ta pauvre mère
soi* encore là; ensuite que tu 1-e maries et
qlOO tu K*« donnes des petits «enfants...
—•* Efe Lien ! il aie t'en maRquera plus c
qu'une. ' ~s
— Tu vas te marier?
— Avef, ton consentement? \
— Je te le donne. Qui épouses-tu ? d
s ' : .
Une jeune fille très comme il faut. Son
père-était notaire.
L a fille d'un notaire; comme tu y vas!..
Je lui garderai mes œufs frais. Pour ne pas
une tromper, je mettrai des numéros des-
sus...
I Deux mois après, tout était terminé dans
rcspr}t , d'ordre propre aux commerçants.
Le père Rochat habiterait sa maison de.
campagne. Le dimanche, ses enfants fraient
passer III journée à Nogent. Le jeudi, il vien-
f rait à Paris dîner avec eux...
On vivrait chacun de son côté; mais la fa-
lote garderait ses droits. On se verrait une
lois par semaine, et l'ingénieur ferait en sorte
{ie venir une fois par an.
l - Le Au début, tout alla bien.
Le fille du rotaire s'amusait beaucoup des
ouïes et des poissons; elle se mirait dans
les boules, et elle cueillait des brassées de
lilas. - - •
1 A Paris, quand on avait dîné, la jeune
femme se mettait au piano, le mari prenait
son violon, et on donnait un petit -concert au
jbouhomme, qui faisait tourner ses pouces
jd'un air réjoui.
1 —Eh quoi! Ce beau salon, c'est celui de
mon fils! Cette belle dame si élégante qui fait
de la musique, c'est ma bru ! Moi j'ai un
bassin et un parc !... Pitrre, Pierre, celui qui
feÙt prédit cela, il y a trente ans, t'aurait
bien étonné, mon vieux!...
}f soir, le wagon qui emportait notre pro-
priétaire n était pas assez grand pour contenir
l^pànouissement (fi ses désirs satisfaits.
L'ouvrier parvenu, gras, le teint fleuri, la
digestion facile, tiAe-ontait son bonheur à ses
voisins :
— Mon fils l'ingénieur, mon fils le mari de
la . fille du notaire, ma maison par ci, leur
piano par là...
Et vive l'emb'lHage !...
Cela n'en finissait plus.
Un jour, à dîner, chez son fils, _ lerre Ro-
chat posa sa fourchette sur la nappe, sans
avoir pensé à l'essuyer.
On venait de maeger une sauce. Cela fit
un petit dessin. Il y avait du monde. La fille
du notaire rougit et se tourna vers son mari;
celui-ci la regarda d'un air qui signifiait :
— Que veux-tu? le pauvre homme n'en sait
pas plus long; il faut le prendre comme il
est.
Le vieux avait remarqué la rougeur. Il sur-
prit le regard.
Il porta la, main à sa poitrine comme s'il
eiIt reçu un coup. Puis il releva sa fourchette,
en balbutiant : ,
■— Pardon! je n'avais pas fait attention...
Le soir, en s'en allant, il fut silencieux con-
tre son habitude.
Il pensait. ' " ~
— Ma belle-fille a rougi de moi.
Quand il fut sur le point de se mettre
au lit, il arpenta sa chambre pendant une
heure.
— Et cet imbécile qui avait l'air de lui
donner raison !... -
Il creva son oreiller d'un coup de,poing. ;
— Que je suis bête !....
D'ordinaire, il dormait dix heures * pour
rattraper le temps perdu », disait-il. Mais
t cette nuit-là, -il ne put fermer les yeux.
J'en aurai le cœur net.
i Le bonhomme retourna chez. ses enfants,.
t résolu à tout observer, *
i Cette fois ils étaient .seuls.
1 — Tiens ! Vous n'attendez personne.
; - Non !
— C'est dr61e.
— Drôle ! Pourquoi?
— Pour rien. Une idée à moi. J'aime, la, -
' société* '— 4»- -
— Si nous avions su...
- Bon!. Bon! Ne faites pas attention. Nous-
dînerons bien tout de même.
Pendant le diner, notre emballeur s'en,
donna à cœur joie.
Il bavarda à tort et à travers ; il mit sos
coudes sur la table ; il se versa du vin si plein
son verre que la nappe en but un peu ; je crois:.
qu'il jura au dessert. Il s'était promis d'être
: salin. Il avait la fièvre.
La jeune femme était au supplice. ~
Il fit semblant de ne pas s'en apercevoir. r
Eh bien ! Et mon petit air? dit-il, anrè!
le pousse-café, en s'allongeant.
La femme regarda son mari.
Nous sommes forcés dé 'sortir, mon
I père, dit celui-ci ; nous avons une visite à
[ faire.
LA FEMME IMMORTELLE
PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA MAISON ENCHANTÉE
X
\.10
Le chevalier d'Esparron, toujours calme, tou.
jours impassible, prit datfs la poche de sa veste
un petit instrument qu'il montra à Philippe
d'Orléans et que celui-ci -reconnut pour être une
lancette de chirurgien. 1
— Que veux-tu donc faire de cela? fit le
il}'ince. „
,Toir les uuniéros parus depuis le 21 juin.
1 co,,iver a Votre Altesse que j'ai menti au
marquis de La Roche-Lambert.
— Mais comment?
— Votre Altesse est convaincue, n'est-ce pas,
que j'ai au cou la morsure d'un vampire?
— Dame ! ,
Qui s'abreuve de mon sang depuis trois
mois ?
— C'est probable.
D 'Esparron alla se placer devant une glace,
ouvrit la lancette, l'approcha de sen cou et se
fit jaillir une goutte de sang qu'il essuya avec
1 son doigt.
Puis, revenant au Relent :
Maintenant, monseigneur, dit-il, f',UCVotre
Altesse décide laquelle de ces deux piqùres est
la première.
En effet, celle qu il venait de se faire avec la
lancette était à côté de la première, et toutes
deux avaient la même profondeur, la même for-
me, le même aspect. s
Un cri échappa au Régent. f
— Vous voyez bien, monseigneur/ dit le che-
valier qui n'avait rien perdu de son calme, que
j avais simplement dans ma poche, sous la I
forme de ce petit outil, le vampire dont M. de
la Roche-Lambert vous a conté l'histoire si ex- n
traordinaire.
Philippe d'Orléans secouait la têîe f{
1 | — Je comprends de moins en moins,disait-il.
— C est pourtant facile, monseigneur.
— Ah! vraiment?
C est moi qui me suis fait la première pi-
qûi e, comme je viens de me faire la seconde,
. en présence de Votre Altesse.
— Mais... dans quel but?
Et , le Régent regardait toujours d'Esparron
d'un œil sévère.
— Monseigneur, répondit celui-ci, je savais
que le marquis de la Roche-Lambert assiste-
rait ay souper de Votre Altesse Royale.
— Et c'est pour cela?,..
— C est pour cela que je suis venu, monsei-
gneur.
L accent du chevalier était tout à coup de.
venu solennel, et le Régent en fut frappé.
— Tu connaissais donc le marquis ?
— Oui, monseigneur.
— Cependant
— Cependant, il m'a vu, lui, pour la première
fois. Mais...
Ici le chevalier d'Esparron s'arrêta encore.
Puis il retira, de son soin le médaillon que le
Régent avait examiné déjà.
— Mais, acheva-t-il, cette femme-lù le con-
naît...
Tu conviens donc de la vérité de ses pa-
tsles ?
— Oui ét non, monseigneur.
Le Régent secoua encore la tête ;
Mais explique-toi donc, chevalier, fit-il.
— Monseigneur, répliqua d'Esparron, la
t femme que j'aime a vingt ans. -
— Cependant le marquis l'a reconnue... "
— C'est possible.
— Et c est bien celle qui l'a aimé, mordu a<
cou et s'est abreuvée de son sang, voici plus r]"
quarante ans ?
— Oui et non. monseigneur.
— Chevalier, tu parles comme le sphinx an-
tique.
C est que je ne puis rn'expliquer davan-
tage, monseigneur.
— Même si je l'exige? *
Une expression de tristesse mélancolique ee
répandit sur le visage du chevalier.
— Monseigneur, dit-il, je suis un pauvre
cadet de Provence qui n'est devenu quelque
chose que par la bienveillance et la très-haute
protection de Votre Altesse, et cependant j'aurai
le courage de répéter : je ne puis m'expliquer
davantage aujourd'hui. " ,
— Ah! aujourd'hui?
— Oui, monseigneur.
— Mais... demain...
— De-main, peut-être, poumivit b_$evaî)$§.
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