Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-06-21
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 21 juin 1868 21 juin 1868
Description : 1868/06/21 (A3,N794). 1868/06/21 (A3,N794).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47177967
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
~
.,
r» 1 . cent. It'îdàMo ' - 1 • 1 JOURNAL QUOTIDIEN - 11~ j 1 5 cent. le noméro
ABONNEMENTS.'^n£#Tr®i* œoîs. Six mois. un an.
, Paris ; a &. 9 fr. i,. fr.
Départements.. 8 fi S 8. - -
.. Administrateur : E. DELSAUX.
,,3m, année. — DIMANCHE 24 JUIN 1868. —N* 79A
j
-
Directeur-Propriétaire : JÀNKIN,
Rédacteur en chef: A. DE B A L A T H 1 & It DU-GELONNI.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, rne -Drouet -
~ ADMINISTRATION : 13, place Breda.
PARIS, 29 JUIN 1868
LE SALON DE 1868
IV
A M. Adolphe Thabard.
Quiconque vient de l'Auvergfte, du Borde-
lais ou du Limousin triomphe aujourd'hui. ,rI
Vous êtes une preuve de' plus à l'appui de
cette vérité, mon cher ami..
Le minis'ère a commandé votre buste du
général Devons, et le jury a accordé une rrié*
daille à votre jeune homme agaçant un émé-
rillon......
Ilien de pins mérité, selon moi, que votre
Sllccès, et c'est pourquoi je vous en félicite
bien fort. Votre statue est très-élégante. On
peut en faire le 'onr, et la regarder de tous les
côtés. Elle rend, par un mouvement d'une j lls,-
tesse parfaite, une de ces actions simules dont
aimaient à s'inspirer les statuaires de l'anti-
quité. Ces gens-là ne cherchaient pas midi à
< quatorze heures. Ils prenaientun beau modèle;
ils lui donnaient la pose précise que doit avoir
tel homme accomplissant telle act.on, et ils
exprimaient cett ' pose avec la fidélité d'obser-
vateurs sachant leur métier d'artistes. Le
christianisme est venu, qui a changé tout
cela. Une beauté nouvelle est née, fille du
sentiment et de l'expression. Quelqu'un qui
rêve a la tête dans le ciel: on lui allonge les
jambes outre mesure pour lui faire quitter la
terre. La corps s'amincit ; l'œil s'agrandit; la
rondeur tourne à l',in-le. Ati li.eu.des beaux
gars huilés des jeux olyr11plqùes et des déesses '
impassibles, nous avons les martyrs, lès saints
et les vierges en extase adorant Dieu.
En vérité, je plains les sculpteurs. S'ils font
ramasser une pierre, ou agacer un oiseau par
un adolescent n'ayant d'autre beauté que celle
de la nature, on les accusera de n'être pas
modernes. S'ils mettent une chemise et des
bas à leur homme, on leur 'dira qu'ils n'ont
pas étudié le nu. Il en est d'eux comme des
architectes. S'ils font ancien, ils copient. S'ils
ne font que des murs, ils font plat. Quelque-
fois ils essayent de combiner l'ancien et le
nouveau; mais alors où est l'harmonie?...
— Voyez mon Opéra! dit M. Garnier. — C'est
bien parce que je l'ai vu...
Le mieux serait de trouver quelque chose
que les autres n'aient pas encore trouvé.
Mais trouver implique du génie, et nos sculp-
ainsi que nos architectes, n'ont encore
fait prpnve qun de talent.
, De là l'ennfii qu! se joint au soleil frappant
pes vitresdu toit. pour accabler les promeneurs
' du jardin de l'Exposition.
On cherche. On trouve des parties, des
tfiorc&irik; d4Ltb:; œuvras qui vous
43Venrieht aux entrailles et qui vous font vous
aFr,êifPy saisis et immobilisés dans l'admiration
dn beau. : .t> . ■ •
Il y a là ^pourtant des efforts, des tentatives,
un amour de la gloire qui ne recule ni
devant le travail, ni devant la difficulté, beau-
cwiR,- teop d'habileté.*..Mais j'y cherche en
vain le souffle créateur qui inspire les chefs-
d'œuvre....
La statuaire,'c'est l'homme, et l'homme,
dans la période de transition où nous sommes,
ne se trouve nulle part. Je ne l'ai pas plus
trouvé en haut qu'en bas. Ce-qui donne la
note éclatante de l'école moderne, ce sont les
paysages. L)aq« s le!t; merveilleuses toiles de
Daubigny, de .Corot et de quelques antres
seulement, je trùutâce sentiment sincère et
profond Ta iiatorej qui dans l'art ne tient
que le second rrÜlg, mais qui au second rang
encore permet des chefs-d'œuvre.
Est-ce une raison pour ne pas louer ce qui
est louable, c'est-à-dire l'effort ? Non , sans
doute, et c'est pourquoi je m'arrêterai vo-
lontiers, avec vôtis, devant quelques sta-
tues. : • - •
• ; • ■ ' • 1 i . • ' ; :• : ;
M. AMY. — Le Châtiment, statue ; la muse
de Ponsard, bas-relief — Je passe sur la
seconde œtlvre. La m use de ra-tite-ué de Char-
lotte Corday est une.femme robuste, au front
élargi par la pensée, à l'œ;) voilé par la rê-
verie C'est une fille de Rousseau, à la fois
classique par la forme et contemporaine par
l'expression.
Sur des sujets nouveaux, faisons des vers antiques.
Elle n'a rien, à coup sur, de commun avec
cette élégie en robe plissée, méthodiquement
penchée sur un tombeau..
Mais le Châtiment se signale par des qua-
lités sérieuses. L'homme, aux prises avec les
serpents, est vigoureux et bien bâti. Ses mus-
cles se tendent bien. Des fautes de goût, on
en releverait dix; mais l'œuvre est large...
Je. voudrais la voir en pierre.
M. BAILLY. — Jeune Romaine à Cautel de
,-'i'
la. F or furie virile. — C'est une Romaine, elle
Ht jf-unei et la Fortune ne saurait rester in-
sensible £ tànt de grâce. -
M. CHN.RLES-ARTlfUP. BOURGEOTS. — Aeteur
grec. —^ Cet acteur mime plutôt qu'il ne
parle. s .sa mimique est expressive air . pos-
sible..Stj£ 'jambes sont bien posées. Ses bras
sont biènHancés. Ses mains sont bien agitées.
y!Le modelé, vaut le mouvement dans cette
exeel!en' fi-ure.
M. CANAÉ. — Bacchante jouant av ec une
panthère* — Faune de Perraud, grande sera
l ta lignéel Tu -floriras en bronze, en marbre
et en plàte, et les passants t'admireront !...
M. Cailla est le premier disciple de M. Per-
raud ; il a racheté, par de vraies qualités de
statuaire te que son motif avait d'usé.
M. CAHIER. - La cruche cassée. Quand
on est pkinjde sentiment, de grâce et de dé-
licatesse,km a presque toujours l'envers- de
ces qualités : jon est en même temps précieux.
— KegaÉlez-moi ! dit ce sein, qui sort exprès
pour £||e vu. — Admirez-moi ! dit cette
jambe, cgii se tend exprès pour être admi-
rée. 1
r
M. CfERVET. — Le Giotto. ■ Est-ce le
Giotto? (|;i serait tenté de le croire, car la
pensée s.ule peut expliquer un pareil abandon
du corpd. C'est pauvre, grêle, chétif, angu-
leux, mais la nature a passé par là: c'est
excellent;.
M. CoimTtr.- Faune sautant à la corde.—
La corde est-solide ; car le faune, qui ne tou-
che pas la terre, se tient très-bien en l'air en
..s'appi^aâi.dessus. DeJ^lslours deJbres sont
l'enfance de l'art. Ils ont l'avantage d'attirer
l'attention des bourgeois, et le désavantage
de repousser les véritables amateurs, qui se
disant : — A quoi bon regarder cela ?...
S'ils le regardaient, ils y trouveraient beau
coup d'élégance et un grand faire...
M. DELAPLANCHE. — Unpecoraro. — Peto..
raro, homme qui souffle dans deux flûtes à
la fois. J'ai rarement vu un musicien aussi ca
naille. Mais ce voyou-là souffle crânement
dans ses roseaux. Il est bien campé, bien mo-
delé, il vit.
M. DESCRAMPS. - Discobole. — Discobole,
joueur de disque. Une étude un peu molle,
mais qui dénote un soin et une" préoccupa-
tion rares. Les sculpteurs salueront ce début
sans jalousie. M. Deschamps est mort dans
l'année. 1
M. DORJOT, jeune. — Fauna, épmtse de
Faunus, ({(!()rie comme déesse JHn' 'les dames;
rnmainfR. it cause de sa fidélité it !i,, mémoire
de son mari. — Fidèle, je le crois bien ; elle
est et, bois. Rien ne bouge en e!lc, ni un trait
du visage, ni un membre; mais ! a draperie
est superbe et descend le long du corps en
lignes harmonieuses.
M. ALEXANDRE FALGUIKRE. — Tarcinus,
martyr ciii,étieit. - a Il aima mieux mourir
sous les coups des païens que leur livrer le
corps du Cbrist. » — Serrant l'hostie sur sa
poitrine, vêtu, chaussé, cet ado!e?sent est le
triomphe de l'art chrétien. Il exprime la foi
rigide, et la médaille d'honneur seule pourra
le rappeler à la terre, que son regard a déjà
quittée.
M. FRANCESCIU. — Hébé. — rren d'ordi-
naire de plus gracieux et plus*élégant que les
statues de M. Franceschi Il me permettra
donc de lui dire que son Hébé e^t, trop Pari-
sienne, et surtout qu'elle s'assied trop com-
modément sur l'aigle de la fab'f. Vu de dos,
l'aig'e est superbe. On le croirait positivement
décapité exprès pour qu'Hébé puisse s'asseoir
entre ses ailes.
M. FRÉMlET.-Napoléon I*r, statue équestre.
— Le cheval est admirable. C'est un des plus
beaux chevaux qui se poissent voir. Quanta
"N;¡po!éon, il a la figure de mon cher confrère,
Albert Wolff, la redingote de Béranger, et un
de ces chapeaux comme on n'en trouve plus
qu'en province, peints en rouge et servant
d'enseigne.
M. ALFRED LE PÈRE. — Dioqène. — Le
cynique est assis, un fragment d'tr tentera e à
la main. De profil il est superbe_ De face, sa
poitrine est si large qu'en ne voit plus qu'elle
et que l'ensemble disparaît autour de cette
partie.
M. OTOINET. — Le bonheur vrai : le travail
et la famille, groupe. — Dieu ! que ces gens-
là s'ennuient !... Après cela, il en est peut-
être du bonheur comme d'un cie! éternelle-
ment bleu. Et, si vous vous étonniez trop de
la joie placide des parents, le statuaire vous
répondrait en vous montrant les enfants oui
se préparent à s'amuser.
M. SANZEL. — L'Amour captif. — La tête
de dieu monté en gaine qui domine le groupe
est celle d'un garçon de café de ma connais-
sance. On dirait une tête de canne, taillée au
couteau dans du buis.
mess=""Voir à la page 3 la suite des MISÈRES DE LONDRES.
LA
FEMME IMMMORTELLE
1 PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA MAISON ENCHANTÉE
I
Au moment où minuit sonnait, les portes de
la salle à manger s'ouvrirent à deux battants et
un chambellan annonça que le souper de Son
Altesse Royale, monseigneur le duc Philippe
.'Orléans, régent de France, était servi.
Les convives étaient peu nombreux, mais
choisis.
Mme de Sahran, maîtresse de Son . Altesse,
faisait les honneurs; M. de Nocé (-t M. de Si-
^ miane, les deux favoris par excellence, avaient
été chargés des mvitaHuns, et le cardinal Dubois
avait bien voulu les prier d'en adresser une à un
gentilhomme de province, son parent, qui n'était
pas venu à Paris depuis quarante années, mais
que monseigneur Gascon d'Orléans, frère du feu
roi et père de Son Altesse Royale, avait eu à son
service.
Le Ragent, à qui on avait soumis la liste,
voyant ce nom, s'était écrié :
. — Mais, ccmpère, que veux-tu que nous fas.
sions de ce sexagénaire?
— Il est fjrt gai, avait répondu Dubois ; et
puis il sait une foule d'anecdotes sur l'ancienne
cour.
— Et tu dis qu'il a servi mon père?
— En qualité de valet de chambre.
— 11 y a quarante ans ?
— Peut être quarante-cinq, monseigneur.
Le Rt gent n'avait pas insisté. !
Or donc, à minuit on se mit à table.
Cependant deux places demeuraient vides, et
Mme de Sabran observa qu'on avait mis deux
couverts de trop.
— Non pas, ma chère belle, répondit Philippe
d'Orléans. L'un de ces couverts est destiné au
I parent de Dubois, et l'autre est celui de ce
pauvre chevalier d'Esparron.
Ce nom, prononcé mélancoliquement par le
Régent, répandit une vague tristesse parmi les
convives.
— Pauvre d'Esparron! dit Mme de Sabran;
un si gai compagnon, un garçon si spirituel.
— C'est pour cela, mes (Unis" que, pendant
six mois il aura son couvert ici, bien que nous
nous soyions tous résignés à ne plus le revoir.
— Hélas! monseigneur, fit le cardinal, Votre
Altesse Royale trouvait plaisant, au commence-
ment, de conserver le couvert du chevalier; elle
disait même que le cheva'ier ne pouvait man-
quer de revenir prendre sa place un jour ou
l'autre...
Mais, d'après le rapport de police que j'ai reçu
il y a trois jours, je crois qu'on peut enlever le
couvert, et que le seul et dernier service qu'on
puisse encore rendre au chevalier est de lui faire
dire des messes.
— Vraiment, cardinal, dit la marquise de
Sabran, vous croyez que le chevalier est mori?
— Un homme de la cour ne disparaît pas,
madame. Il est assassiné, répliqua Dubois.
— Mais par qui? ,
— Voilà ce que tous mes limiers ont vaine-
ment cherché.
Le Régent soupira :
— Voici quatre mois qne d'Esparron nous a
quittés, un soir, et que nous ne l'avons jamais
revu. Où est-il ? qu'est-il devenu?
Par le Béarnais mon aï. ul ! continua Phi-
lippe d'Orléans, c'est chose plaisante, en vérité,
moi régent, qu'on fasse disparaître, e i plein
Paris , un homme que j'honorais de mon
amitié.
— Mais enfin, dit M. de Nocé, qui n'avait
pas desserré les dents jusque-là, que savez-vous
au juste, cardinal *
— Ce que je vous ai déjà dit, et pas autre
chose, répondit Dubois.
— Excusez-moi, observa Simiare, j'arrive du
fond de mes terres, et je ne sais absolument
rien, moi.
La porte s'ouvrit en ce moment, et le convive
prié sur la demande de Dubois fit son apparition
sur le seuil.
Dubois alla le prendre par la main et le pré-
senta à Son Altesse royale en disert:
— Monsieur le marquis de la Roehe-iiam-
bert.
C'était un homme de haute taille, un peu
voûté cependant, les cheveux entièrement blancs
mais le visage jeune encore, l'œil vif, la lèvre
sensuelle, et d'une parfaite distinction de ma-
nières.
Pour un homme qui vivait depuis quarante
ans, en province, en un vieux mas oir de Nor-
mandie, le'marquis n'était certes, ni ridicule, ni
emprunté.
Ses habits étaient au goût du jour, et il salua
les dames en homme qui les avait beaucoup ai-
mées et qui les aimait encore peut-être.
— Pardieu ! fit le Régent, votre nom, mar-
quis, était sorti de ma mémoire, mais non votre
personne. Je vous reconnais maintenant, vous
étiez chez mon père.
- Oui, monseigneur.
— Et c'est vous qu'il appelait familièrement
Lambertin?
— Précisément moase!gseur.
~
.,
r» 1 . cent. It'îdàMo ' - 1 • 1 JOURNAL QUOTIDIEN - 11~ j 1 5 cent. le noméro
ABONNEMENTS.'^n£#Tr®i* œoîs. Six mois. un an.
, Paris ; a &. 9 fr. i,. fr.
Départements.. 8 fi S 8. - -
.. Administrateur : E. DELSAUX.
,,3m, année. — DIMANCHE 24 JUIN 1868. —N* 79A
j
-
Directeur-Propriétaire : JÀNKIN,
Rédacteur en chef: A. DE B A L A T H 1 & It DU-GELONNI.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, rne -Drouet -
~ ADMINISTRATION : 13, place Breda.
PARIS, 29 JUIN 1868
LE SALON DE 1868
IV
A M. Adolphe Thabard.
Quiconque vient de l'Auvergfte, du Borde-
lais ou du Limousin triomphe aujourd'hui. ,rI
Vous êtes une preuve de' plus à l'appui de
cette vérité, mon cher ami..
Le minis'ère a commandé votre buste du
général Devons, et le jury a accordé une rrié*
daille à votre jeune homme agaçant un émé-
rillon......
Ilien de pins mérité, selon moi, que votre
Sllccès, et c'est pourquoi je vous en félicite
bien fort. Votre statue est très-élégante. On
peut en faire le 'onr, et la regarder de tous les
côtés. Elle rend, par un mouvement d'une j lls,-
tesse parfaite, une de ces actions simules dont
aimaient à s'inspirer les statuaires de l'anti-
quité. Ces gens-là ne cherchaient pas midi à
< quatorze heures. Ils prenaientun beau modèle;
ils lui donnaient la pose précise que doit avoir
tel homme accomplissant telle act.on, et ils
exprimaient cett ' pose avec la fidélité d'obser-
vateurs sachant leur métier d'artistes. Le
christianisme est venu, qui a changé tout
cela. Une beauté nouvelle est née, fille du
sentiment et de l'expression. Quelqu'un qui
rêve a la tête dans le ciel: on lui allonge les
jambes outre mesure pour lui faire quitter la
terre. La corps s'amincit ; l'œil s'agrandit; la
rondeur tourne à l',in-le. Ati li.eu.des beaux
gars huilés des jeux olyr11plqùes et des déesses '
impassibles, nous avons les martyrs, lès saints
et les vierges en extase adorant Dieu.
En vérité, je plains les sculpteurs. S'ils font
ramasser une pierre, ou agacer un oiseau par
un adolescent n'ayant d'autre beauté que celle
de la nature, on les accusera de n'être pas
modernes. S'ils mettent une chemise et des
bas à leur homme, on leur 'dira qu'ils n'ont
pas étudié le nu. Il en est d'eux comme des
architectes. S'ils font ancien, ils copient. S'ils
ne font que des murs, ils font plat. Quelque-
fois ils essayent de combiner l'ancien et le
nouveau; mais alors où est l'harmonie?...
— Voyez mon Opéra! dit M. Garnier. — C'est
bien parce que je l'ai vu...
Le mieux serait de trouver quelque chose
que les autres n'aient pas encore trouvé.
Mais trouver implique du génie, et nos sculp-
ainsi que nos architectes, n'ont encore
fait prpnve qun de talent.
, De là l'ennfii qu! se joint au soleil frappant
pes vitresdu toit. pour accabler les promeneurs
' du jardin de l'Exposition.
On cherche. On trouve des parties, des
tfiorc&irik; d4Ltb:; œuvras qui vous
43Venrieht aux entrailles et qui vous font vous
aFr,êifPy saisis et immobilisés dans l'admiration
dn beau. : .t> . ■ •
Il y a là ^pourtant des efforts, des tentatives,
un amour de la gloire qui ne recule ni
devant le travail, ni devant la difficulté, beau-
cwiR,- teop d'habileté.*..Mais j'y cherche en
vain le souffle créateur qui inspire les chefs-
d'œuvre....
La statuaire,'c'est l'homme, et l'homme,
dans la période de transition où nous sommes,
ne se trouve nulle part. Je ne l'ai pas plus
trouvé en haut qu'en bas. Ce-qui donne la
note éclatante de l'école moderne, ce sont les
paysages. L)aq« s le!t; merveilleuses toiles de
Daubigny, de .Corot et de quelques antres
seulement, je trùutâce sentiment sincère et
profond Ta iiatorej qui dans l'art ne tient
que le second rrÜlg, mais qui au second rang
encore permet des chefs-d'œuvre.
Est-ce une raison pour ne pas louer ce qui
est louable, c'est-à-dire l'effort ? Non , sans
doute, et c'est pourquoi je m'arrêterai vo-
lontiers, avec vôtis, devant quelques sta-
tues. : • - •
• ; • ■ ' • 1 i . • ' ; :• : ;
M. AMY. — Le Châtiment, statue ; la muse
de Ponsard, bas-relief — Je passe sur la
seconde œtlvre. La m use de ra-tite-ué de Char-
lotte Corday est une.femme robuste, au front
élargi par la pensée, à l'œ;) voilé par la rê-
verie C'est une fille de Rousseau, à la fois
classique par la forme et contemporaine par
l'expression.
Sur des sujets nouveaux, faisons des vers antiques.
Elle n'a rien, à coup sur, de commun avec
cette élégie en robe plissée, méthodiquement
penchée sur un tombeau..
Mais le Châtiment se signale par des qua-
lités sérieuses. L'homme, aux prises avec les
serpents, est vigoureux et bien bâti. Ses mus-
cles se tendent bien. Des fautes de goût, on
en releverait dix; mais l'œuvre est large...
Je. voudrais la voir en pierre.
M. BAILLY. — Jeune Romaine à Cautel de
,-'i'
la. F or furie virile. — C'est une Romaine, elle
Ht jf-unei et la Fortune ne saurait rester in-
sensible £ tànt de grâce. -
M. CHN.RLES-ARTlfUP. BOURGEOTS. — Aeteur
grec. —^ Cet acteur mime plutôt qu'il ne
parle. s .sa mimique est expressive air . pos-
sible..Stj£ 'jambes sont bien posées. Ses bras
sont biènHancés. Ses mains sont bien agitées.
y!Le modelé, vaut le mouvement dans cette
exeel!en' fi-ure.
M. CANAÉ. — Bacchante jouant av ec une
panthère* — Faune de Perraud, grande sera
l ta lignéel Tu -floriras en bronze, en marbre
et en plàte, et les passants t'admireront !...
M. Cailla est le premier disciple de M. Per-
raud ; il a racheté, par de vraies qualités de
statuaire te que son motif avait d'usé.
M. CAHIER. - La cruche cassée. Quand
on est pkinjde sentiment, de grâce et de dé-
licatesse,km a presque toujours l'envers- de
ces qualités : jon est en même temps précieux.
— KegaÉlez-moi ! dit ce sein, qui sort exprès
pour £||e vu. — Admirez-moi ! dit cette
jambe, cgii se tend exprès pour être admi-
rée. 1
r
M. CfERVET. — Le Giotto. ■ Est-ce le
Giotto? (|;i serait tenté de le croire, car la
pensée s.ule peut expliquer un pareil abandon
du corpd. C'est pauvre, grêle, chétif, angu-
leux, mais la nature a passé par là: c'est
excellent;.
M. CoimTtr.- Faune sautant à la corde.—
La corde est-solide ; car le faune, qui ne tou-
che pas la terre, se tient très-bien en l'air en
..s'appi^aâi.dessus. DeJ^lslours deJbres sont
l'enfance de l'art. Ils ont l'avantage d'attirer
l'attention des bourgeois, et le désavantage
de repousser les véritables amateurs, qui se
disant : — A quoi bon regarder cela ?...
S'ils le regardaient, ils y trouveraient beau
coup d'élégance et un grand faire...
M. DELAPLANCHE. — Unpecoraro. — Peto..
raro, homme qui souffle dans deux flûtes à
la fois. J'ai rarement vu un musicien aussi ca
naille. Mais ce voyou-là souffle crânement
dans ses roseaux. Il est bien campé, bien mo-
delé, il vit.
M. DESCRAMPS. - Discobole. — Discobole,
joueur de disque. Une étude un peu molle,
mais qui dénote un soin et une" préoccupa-
tion rares. Les sculpteurs salueront ce début
sans jalousie. M. Deschamps est mort dans
l'année. 1
M. DORJOT, jeune. — Fauna, épmtse de
Faunus, ({(!()rie comme déesse JHn' 'les dames;
rnmainfR. it cause de sa fidélité it !i,, mémoire
de son mari. — Fidèle, je le crois bien ; elle
est et, bois. Rien ne bouge en e!lc, ni un trait
du visage, ni un membre; mais ! a draperie
est superbe et descend le long du corps en
lignes harmonieuses.
M. ALEXANDRE FALGUIKRE. — Tarcinus,
martyr ciii,étieit. - a Il aima mieux mourir
sous les coups des païens que leur livrer le
corps du Cbrist. » — Serrant l'hostie sur sa
poitrine, vêtu, chaussé, cet ado!e?sent est le
triomphe de l'art chrétien. Il exprime la foi
rigide, et la médaille d'honneur seule pourra
le rappeler à la terre, que son regard a déjà
quittée.
M. FRANCESCIU. — Hébé. — rren d'ordi-
naire de plus gracieux et plus*élégant que les
statues de M. Franceschi Il me permettra
donc de lui dire que son Hébé e^t, trop Pari-
sienne, et surtout qu'elle s'assied trop com-
modément sur l'aigle de la fab'f. Vu de dos,
l'aig'e est superbe. On le croirait positivement
décapité exprès pour qu'Hébé puisse s'asseoir
entre ses ailes.
M. FRÉMlET.-Napoléon I*r, statue équestre.
— Le cheval est admirable. C'est un des plus
beaux chevaux qui se poissent voir. Quanta
"N;¡po!éon, il a la figure de mon cher confrère,
Albert Wolff, la redingote de Béranger, et un
de ces chapeaux comme on n'en trouve plus
qu'en province, peints en rouge et servant
d'enseigne.
M. ALFRED LE PÈRE. — Dioqène. — Le
cynique est assis, un fragment d'tr tentera e à
la main. De profil il est superbe_ De face, sa
poitrine est si large qu'en ne voit plus qu'elle
et que l'ensemble disparaît autour de cette
partie.
M. OTOINET. — Le bonheur vrai : le travail
et la famille, groupe. — Dieu ! que ces gens-
là s'ennuient !... Après cela, il en est peut-
être du bonheur comme d'un cie! éternelle-
ment bleu. Et, si vous vous étonniez trop de
la joie placide des parents, le statuaire vous
répondrait en vous montrant les enfants oui
se préparent à s'amuser.
M. SANZEL. — L'Amour captif. — La tête
de dieu monté en gaine qui domine le groupe
est celle d'un garçon de café de ma connais-
sance. On dirait une tête de canne, taillée au
couteau dans du buis.
mess=""Voir à la page 3 la suite des MISÈRES DE LONDRES.
LA
FEMME IMMMORTELLE
1 PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA MAISON ENCHANTÉE
I
Au moment où minuit sonnait, les portes de
la salle à manger s'ouvrirent à deux battants et
un chambellan annonça que le souper de Son
Altesse Royale, monseigneur le duc Philippe
.'Orléans, régent de France, était servi.
Les convives étaient peu nombreux, mais
choisis.
Mme de Sahran, maîtresse de Son . Altesse,
faisait les honneurs; M. de Nocé (-t M. de Si-
^ miane, les deux favoris par excellence, avaient
été chargés des mvitaHuns, et le cardinal Dubois
avait bien voulu les prier d'en adresser une à un
gentilhomme de province, son parent, qui n'était
pas venu à Paris depuis quarante années, mais
que monseigneur Gascon d'Orléans, frère du feu
roi et père de Son Altesse Royale, avait eu à son
service.
Le Ragent, à qui on avait soumis la liste,
voyant ce nom, s'était écrié :
. — Mais, ccmpère, que veux-tu que nous fas.
sions de ce sexagénaire?
— Il est fjrt gai, avait répondu Dubois ; et
puis il sait une foule d'anecdotes sur l'ancienne
cour.
— Et tu dis qu'il a servi mon père?
— En qualité de valet de chambre.
— 11 y a quarante ans ?
— Peut être quarante-cinq, monseigneur.
Le Rt gent n'avait pas insisté. !
Or donc, à minuit on se mit à table.
Cependant deux places demeuraient vides, et
Mme de Sabran observa qu'on avait mis deux
couverts de trop.
— Non pas, ma chère belle, répondit Philippe
d'Orléans. L'un de ces couverts est destiné au
I parent de Dubois, et l'autre est celui de ce
pauvre chevalier d'Esparron.
Ce nom, prononcé mélancoliquement par le
Régent, répandit une vague tristesse parmi les
convives.
— Pauvre d'Esparron! dit Mme de Sabran;
un si gai compagnon, un garçon si spirituel.
— C'est pour cela, mes (Unis" que, pendant
six mois il aura son couvert ici, bien que nous
nous soyions tous résignés à ne plus le revoir.
— Hélas! monseigneur, fit le cardinal, Votre
Altesse Royale trouvait plaisant, au commence-
ment, de conserver le couvert du chevalier; elle
disait même que le cheva'ier ne pouvait man-
quer de revenir prendre sa place un jour ou
l'autre...
Mais, d'après le rapport de police que j'ai reçu
il y a trois jours, je crois qu'on peut enlever le
couvert, et que le seul et dernier service qu'on
puisse encore rendre au chevalier est de lui faire
dire des messes.
— Vraiment, cardinal, dit la marquise de
Sabran, vous croyez que le chevalier est mori?
— Un homme de la cour ne disparaît pas,
madame. Il est assassiné, répliqua Dubois.
— Mais par qui? ,
— Voilà ce que tous mes limiers ont vaine-
ment cherché.
Le Régent soupira :
— Voici quatre mois qne d'Esparron nous a
quittés, un soir, et que nous ne l'avons jamais
revu. Où est-il ? qu'est-il devenu?
Par le Béarnais mon aï. ul ! continua Phi-
lippe d'Orléans, c'est chose plaisante, en vérité,
moi régent, qu'on fasse disparaître, e i plein
Paris , un homme que j'honorais de mon
amitié.
— Mais enfin, dit M. de Nocé, qui n'avait
pas desserré les dents jusque-là, que savez-vous
au juste, cardinal *
— Ce que je vous ai déjà dit, et pas autre
chose, répondit Dubois.
— Excusez-moi, observa Simiare, j'arrive du
fond de mes terres, et je ne sais absolument
rien, moi.
La porte s'ouvrit en ce moment, et le convive
prié sur la demande de Dubois fit son apparition
sur le seuil.
Dubois alla le prendre par la main et le pré-
senta à Son Altesse royale en disert:
— Monsieur le marquis de la Roehe-iiam-
bert.
C'était un homme de haute taille, un peu
voûté cependant, les cheveux entièrement blancs
mais le visage jeune encore, l'œil vif, la lèvre
sensuelle, et d'une parfaite distinction de ma-
nières.
Pour un homme qui vivait depuis quarante
ans, en province, en un vieux mas oir de Nor-
mandie, le'marquis n'était certes, ni ridicule, ni
emprunté.
Ses habits étaient au goût du jour, et il salua
les dames en homme qui les avait beaucoup ai-
mées et qui les aimait encore peut-être.
— Pardieu ! fit le Régent, votre nom, mar-
quis, était sorti de ma mémoire, mais non votre
personne. Je vous reconnais maintenant, vous
étiez chez mon père.
- Oui, monseigneur.
— Et c'est vous qu'il appelait familièrement
Lambertin?
— Précisément moase!gseur.
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