Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-06-22
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 22 juin 1868 22 juin 1868
Description : 1868/06/22 (A3,N795). 1868/06/22 (A3,N795).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717797n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
1 •
JOURNAL QUOTIDIEN '
,r» cent, le numéro ,1.
. 1: Po "1 '' ~ 7 lé ~ àlllèë"
^BONNÉMT.'YTS. - trois mois. Slïfffiois. un ln.
a Paris s fr. 9 fr. j 8 fr. > : ;
Mjpaîtements.. G il ISS ~ 1
Administrateur : E. DELSAUX. .
3e* année. — LUNDI %% JUIN 1868. wv ^To 795
^ Directeurr Propriétaire :)A NN 1 N.
Rédacteur. en chef : A., m BÏU.Ç ELONN B*
. BUREAUX 1)' '''An, 0 N N EMEN' R®, '-VIe Drovo^'-I
j ADMINISTRATION : i3. place Breda.
PARIS, 21 JUIN 1868
LE PLUS LONG JOUR DE L'ANNÉE
Aujourd'hui, . chers lecteurs, Ïës'"hTron*
del1cs qui semblent naître, vivre et mourir
dans l'azur, et qu'on aperçoit dans l'air de-
puis 1< s premières lueurs de l'aube jusqu'aux
dernières lueurs du crépusl;nle, — les hiron-
delles n'auront que quelques heures de
repos. -
A neuf heures du soir, hier, on entendait
encore leur pépiement. A moins de trois beu-
res, ce matin, elles filaient déjà à travers les
nuages. *
Le 21 juin est le plus long jour de
l'année.
Le cordon nier, qui se lève ^ avec le jour, se
frotte les mains, disant: — Le soleil m'épar-
gne l'huile. L'épicier, au contraire maudit la
Providence dont les décrets, clairs comme le
jour, nuisent à. la vente des bougies.
Les voleurs, les tire-laines, les assassins,
bref, tous les exaspérés qui s'agitent dans
l'ombre, chôment ce jonr-là, comme les co-
médiens chôme-ut ie V'endredi-Saint. -
Le plus long jour de l'année en est le plus
beau. La nuit paralyse l'activité humaine. Le
jour lui permet de se développer dans sa
liberté et. dans sa forée.
Dix-huit heures sur vingt-quatre sont don-
nées au besoin d'agir qui possède lofs honnims.
Les six autres heures seulement sont accor-
dées au repos.
Napoléon n'a jamais dormi que six heures;
pour lui, chaque jour était le plus long jour
de l'année. -
C'en était aussi 'le pins court. Car, pas une
tninute de ces dix-huit heures qui ne fût
marquée par une lettre, une causerie, un rai-
sonnement, un décret.
Mais, en général, les quatorze heures de la
journée moyennè suffisent à l'homme, et,
quand il parle du plus long jour de l'année,
il fait allusion au jour où le temps lui a duré
ie plus.
Tel est le dernier jour de l'année scolaire
pour le lycéen. TeLes sont, pour le prisonnier,
les vingt-quatre heures, pleines d'angoisses,
qui précèdant sa sortie de la prison.
\ Un navigateur de génie cherche une route
Nouvelle de l'Europe aux Indes. Il réunit quel-
ques compagnons autour de lui. D'abord, ces
bonshommes ont la foi. Puis ils doutent et se
pévoltant. En ce moment, la vigie crie :
Terre ! Une côte boisée apparaît au milieu
de l'Océan que rien ne limite. — Dans com-
bien de temps serons nous arrivés? deman-
dent les matelots... On. leur l'épond : — Dans
une heure... Ils attendent un jour,— le jour le
'plus long de la traversée.
Un vaisseau vient, d'un pays où la peste
exerce ses ravages. On lui fait subir une qna-
rantaine dans le port, avant de laisser débar-
quer ses passagers. Ces derniers sont atten-
dus. Ils comptent les heures' qui les séparent
de ceux qu'ils aiment ou auxquels ils ont à
faire, — et les vingt-quatre dernières leur
semblent ne devoir jamais finir.
Une attente plus longue encore est celle du
maire ou de l'artiste qui espère être décoré le
15 août. Dès le 14, il achète un petit ruban,
et il l'essaye devant sa glace, l'œil fixé sur la
pendule, et comptant les secondes qui le sé-
parent du moment où il pourra le porter de-
vant son concierge et son fruitier...
Bonne chance ànx candidats du 45 août !...
Certes, la journée du 14 marquera dans leur
vie, et je défie un auteur d'être plus ému, le
matin d'une première représentation, qu'ils
ne le font la veille d u grand jour qui doit déci-
der du sort de leur boutonnière.
Il est cependant des jours plus longs en-
core.
Un prisennier de guerre est condamné à
mort. Demain, au point du jour, il sera fu-
sillé. On l'a introduit dans la chapelle ar-
dente, ce vestibule du supplice. D'abord, il se
laisse aller à une sorte de prostration. Puis, il
en sort pour causer avec les personnes qui
l'entourent. Puis encore, il retombe dans ses
pensées.
Au moment de mourir', il revoit sa vie tout
entière, avec une netteté merveilleuse, en
quelques minutes. Il se rappelle tout, même
un dîner avec deux amis, dîner insignifiant
qu'il ne se serait pas rappelé en temps ordi-
naire. Les personnes qu'il aime et celles dont
il est aimé défilent devant lui, comme les
personnages d'un drame dont il serait le
spectateur impassible.
L'attendrissement le prend.* Il pleure, en
songeant à sa rnèrè," 3f /ut jfe, TaàHj ôtresj
chers et aux choses coutumières qu'il ne re4
: verra plus. La sensation du néant revient. Sa
tête tourne, et, pris de cauchemar, il se sent
tomber et tourbillonner dans un gouÍfI'c sans
fond. L'excès de la terreur le ramène à la vie.
Une curiosité froide le tenai!!e. - J'ai tont
supporté, tout subi, tout souffert, et je vais
mourir ! Qu'est-ce que la mort? Qu'éprouve-
t-on lorsque l'on voùs met en joue? Et, après,
qu'y a-t-il ?02.
Les questions se pressent et se succèdent.
Mais, entre chacune d'elles, surgit, par une
association d'idées prévues, le souvenir de
quelque épisode heureux ou triste. Ce sou-
venir émeut le condamné. La chair crie. L'es
prit continue à vivre des heures par minute;
et des années par heure. Les chances les
plus improbables de salut se présentent à l'i-
magination. L'œil voit tout, jusqu'à un grain
de poussière sur une vitre ou sur une dalle.
On dirait que la vie, comme une lampe, sur
le point de s'éteindre, concentre toutes ses
forces pour jeter une d-ernièrct subite et plus
rayonnante clarté. ,•
»
— Maman,'j'ai faim.
— Attends un peu, mon enfan't! Ton père
est allé nous chercher à manger. Il ne tardera
pas à revenir.
Une deftiî-henre se passe. L'enfant répète
sa demande. Une heure. Il h répète encore.
La quatrième fois, il ne dit plus que :
— Maman I... Mais la mère comprend le reste.
Elle écoute sonner l'Jieu're à l'horloge du
voisin.
— Il est aile à tel endroit. Il lui a fallu
tant de temp.;;. En admettant qu'on l'ait fait
attendre, tant ; en revenant, l'on va moins vite,
tarit encore. 1 .
Elle additionne. Il devrait être revenu !...
Elle recommence son compte, anxieuse,—
serrant contre sa poitrine le pauvre petit, dont
les tempes battent et dont la voix affaiblie ne
murmure plus que par intervalles : —
Maman!... maman !...
Elle le regarde. Ah ! si ses larmes pouvaient
se changer en or, quel magnifique festin elle
offrirait à son enfant!... Mais non,des larmes
ne sont que de l'eau salée. Elle n'a rien. Tout
| ce qui pouvait s'engager est engagé. Tout ce
qui pouvait se vendre est vendu: Même la
petite alliance d'or est allée à son ' tour chez
!e brocanteur, qui en a donné cinq francs.,:;.
Et' l.'¡;dmmé'qtii ne revient pas!.. Enfin,
toute seule devant son malheur, écrasée par
l'abandon, en face de la nuit qui tombe, la
malhe.ureu«e crie en désespérée :
— Mon Dieu ! mon Dieu ! Que c'est long,
un jour sans pain !.. t ,,
Jane, — le jotir le plus long est le 21 juit
pour les astronomes. Pour la rivasse- des hom-
mes, P,'ést le dernier jour qui les sépare d'un
but longtemps poursuivi. Pour les amoureux,
c'est le jour qu'ils passent sans voir leur amie
ou sans recevoir d'elle un mot qui les rassure
ou les réjouisse.
« Loin des yeux, loin du coeur » est un
vieux proverbe qu'ils, se redisent sans cesse
en tremblant. Etre aimé, quand on est là, cela
paraît la chose la plus simple; car l'amour se
communiqué dans un serrement de main ou
dans un' regard. Mais à distance, tout çhange. ■
La femme se reprend; et, dans ce duel à poi-
trine découverte * qui s'aprielle' la passion,
l'homme ne saurait être vainqueur s'il n'a en
face de lui qu'une ombre.
Toutes les deux heures, il y a une distri-
bution de lettres à Paris. Les facteurs sont
quelquefois en retard, quand la journée esL.
1 chargée. Mais enfin on ne les attend pi(s plus ,
de deux heures -et demie, et l'espoir d'avoir
!a lettre fait toujours passer une heure ou .
deux, comme le spectacle de la torture, sui-
vant Perrin Dand-in.
Paris est une terre privjlégiée. Mais, lors-
qu'on habite la province, lorsque les lettres .
n'arrivent qu'une: seule fois dans la journée,
oh! alors, si l'on ne reçoit rien, quel chagrin,
quelle tristesse!... La campagne la plus belle ,
perd tout son charme. Le ciel le plus pur so-
couvre d'une cu-ee. Quand donc viendra la ,
Ruit? Quand vient la nuit, on se couche. On
finit par dormir, et l'on rêve. La nuit, (J'(:}\l.
presque demain. ; '
Qu'elle soit bénie, quand elle descend, ap- -
portant l'npaisement avec elle! Car elle ter-
mine lë jour le plus long, celui qu'on a pas^
sans nouvelles de celle qu'oa aime...
\
TONY RÉVILLON.
LA
mess=""2 PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA MAISON EN CHANTÉE
II
Les cheveux blancs du marquis de la Roche-
l¡arnl.!ert et son vidage ému et grave excluaient
tûate idée de mystification.
Il était évident que ce qu'il allait raconter
était jrrai.
— Mx>n«eigneur> dit-ili s'adressant toujours
au Régent, je supplie Votre Altesse royale,
quelque extraordinaire que puisse lui paraître
mon Fecit, de daigner l'écouter jusqu'au bout.
. Top les Qusiéroe parus depuis le 21 juin.
— Allez, marquis, répéta le Régent.
Alors le vieillard commença a;nsi :
— C'était-it la fin de l'été de l'année 1675, et
j'étais encore, page de monseigneur Gaston d'Or-
léans,lI le père de Votre Altesse.
J avais dix-neuf ans, mais j'étais grand et fort,
et je paraissais plus âgé de trois ou quatre an-
nées.
Un soir que je courais les rues-de Paris,
cherchant aventure, je passai auprès d'une li-
tière dont les rideaux étaient hermétiquement
fermés.
J entendis une voix de femme qui disait :
— Oh ! le beau petit gentilhomme!
Intrigué, je voulus regarder au travers des
rideaux; mais il me fut impossible d'apercevoir
celle à qui j'avais fait faire cette remorque flat-
teuse.
Alors, intrigué, je suivis la litière/n'
" Elle longeait la rue Saint-Honoré et ja me te-
nais à distance respectueuse, espérant qu'elle
s'arrêterait à la porte de quelque noble maison
et que celle qu'elle renfermait en sortirait.
Mais la litière parcourut la rue dans toute sa
longueur, dépassa le charnier des innocents, ga-
gna la place du CMtelet et arriva uinsi au bord
de l'eau.
La nuit approchait, le soleil avait dispara de-
puis longtemps et une brume légère couvrait 1-0
fleuve.
Les porteurs s'an'étèfem à cent pas environ
, du ^uont au Change.
[ Alors j'entendis un bruit aigu, qui ressem-
bl;:¡i' à un coup de sifflet.
Tout aussitôt une barque se détacha de la
rive opposés et traversa le fleuve en droite
ligne.
Puis les rideaux de la litière s'écartèrent, une
des portières s'ouvrit et je vis une femme de
taille moyenne et d'une tournure enchanteresse
mettre pied à terre..
Elle était masquée ; mais son. abondante che- *
velure noire, mais les yeux noirs qui brillaient
au travers du loup, mais ia biancheur de son col
de cygne,disaiem qu'elle était jeune et belle. !
Elle sauta lestement dans la barque et les
deux batetier.-, qui étaient masqués, aussi pous-
sèrent aussitôt au large.
J'étais demeuré à la même place, fasciné,
ébloui, suivant du regard la barqre qÛ'i s'éloi-
gnait en remontant le courant et qui fini"; par
disparaître derrière le terre-plein de l'église
Notre Dame.
Alors seulement, je songeai à regagner fa
place du Châtelet.
La litière et les porteurs s'étaient éloignés
sans que je fisse attention à eux.
Cependant, comme je reprenais la rue Saint-
Honoré pour rentrer au Palais-Royal, une main
s'appuya sur mon épaule.
— Je me retournai et je crus reconnaître un
des deux porteurs.
— Mon gentilhomme, me dit-il, si vou-s me
voulez dire votre nom et l'adresse de votre îogiss
i
jr pu;s vous affirmer que vous ne vous en repen-
tirez pas. '
— Je m'appelle Paul de la Roche-Lambert,
répondis-je Un petf ému. 'et i(> demeure au Pa-
lais-Royal, où je suis attache à Son Altesse lf
duc d'Orléans.
Cet homme s'éloigna. r *' '
Le soir même, une main inconnue déposa
dans ma chàmbrette-de page -titi bi-ilét ;(Jans le-
quel on me disait :
« Vous êtes beau et je vous a:mo; Etes-vo-is
d discret? ètes-vous'un vrai gentilhomme 7 B;ù
» lez cette lettre et trouvez-vous demain en aval
» du pont au Changé, à l'entrée de la nuit. »
Je ne pouvais douter un seul instant que ce
billet me vint de la femme masquée.
Qui donc a hésité; à dix-neuf ans, quand on
lui assignait un rendez-vous d'amour ? ''
Je fus discret, je ne parlai à âme qui -vive dé
mon aventure,et j'attendis le lendemain soîr avec
impatience. *•
A l'Heure indiquée, j'étais sur la berge, upp; - .
minute après, une barque fendait l'eau et je re-
connaissais mes deux bateliers mac-qués.
Mais la dame n'était pas dans ie bateaiî.
Je pensai qu'elle mtenvbyait chercher et ie
m'embarquai hardiment.
j L'un des bateliers me dit alors :
j — Mon gen:ilhomme, il faut que vous vous
laissiez bander les yeux.
j Cette condition pleine de mystère acheva de ma
1 tourne, la tète. - -
*
1 •
JOURNAL QUOTIDIEN '
,r» cent, le numéro ,1.
. 1: Po "1 '' ~ 7 lé ~ àlllèë"
^BONNÉMT.'YTS. - trois mois. Slïfffiois. un ln.
a Paris s fr. 9 fr. j 8 fr. > : ;
Mjpaîtements.. G il ISS ~ 1
Administrateur : E. DELSAUX. .
3e* année. — LUNDI %% JUIN 1868. wv ^To 795
^ Directeurr Propriétaire :)A NN 1 N.
Rédacteur. en chef : A., m BÏU.Ç ELONN B*
. BUREAUX 1)' '''An, 0 N N EMEN' R®, '-VIe Drovo^'-I
j ADMINISTRATION : i3. place Breda.
PARIS, 21 JUIN 1868
LE PLUS LONG JOUR DE L'ANNÉE
Aujourd'hui, . chers lecteurs, Ïës'"hTron*
del1cs qui semblent naître, vivre et mourir
dans l'azur, et qu'on aperçoit dans l'air de-
puis 1< s premières lueurs de l'aube jusqu'aux
dernières lueurs du crépusl;nle, — les hiron-
delles n'auront que quelques heures de
repos. -
A neuf heures du soir, hier, on entendait
encore leur pépiement. A moins de trois beu-
res, ce matin, elles filaient déjà à travers les
nuages. *
Le 21 juin est le plus long jour de
l'année.
Le cordon nier, qui se lève ^ avec le jour, se
frotte les mains, disant: — Le soleil m'épar-
gne l'huile. L'épicier, au contraire maudit la
Providence dont les décrets, clairs comme le
jour, nuisent à. la vente des bougies.
Les voleurs, les tire-laines, les assassins,
bref, tous les exaspérés qui s'agitent dans
l'ombre, chôment ce jonr-là, comme les co-
médiens chôme-ut ie V'endredi-Saint. -
Le plus long jour de l'année en est le plus
beau. La nuit paralyse l'activité humaine. Le
jour lui permet de se développer dans sa
liberté et. dans sa forée.
Dix-huit heures sur vingt-quatre sont don-
nées au besoin d'agir qui possède lofs honnims.
Les six autres heures seulement sont accor-
dées au repos.
Napoléon n'a jamais dormi que six heures;
pour lui, chaque jour était le plus long jour
de l'année. -
C'en était aussi 'le pins court. Car, pas une
tninute de ces dix-huit heures qui ne fût
marquée par une lettre, une causerie, un rai-
sonnement, un décret.
Mais, en général, les quatorze heures de la
journée moyennè suffisent à l'homme, et,
quand il parle du plus long jour de l'année,
il fait allusion au jour où le temps lui a duré
ie plus.
Tel est le dernier jour de l'année scolaire
pour le lycéen. TeLes sont, pour le prisonnier,
les vingt-quatre heures, pleines d'angoisses,
qui précèdant sa sortie de la prison.
\ Un navigateur de génie cherche une route
Nouvelle de l'Europe aux Indes. Il réunit quel-
ques compagnons autour de lui. D'abord, ces
bonshommes ont la foi. Puis ils doutent et se
pévoltant. En ce moment, la vigie crie :
Terre ! Une côte boisée apparaît au milieu
de l'Océan que rien ne limite. — Dans com-
bien de temps serons nous arrivés? deman-
dent les matelots... On. leur l'épond : — Dans
une heure... Ils attendent un jour,— le jour le
'plus long de la traversée.
Un vaisseau vient, d'un pays où la peste
exerce ses ravages. On lui fait subir une qna-
rantaine dans le port, avant de laisser débar-
quer ses passagers. Ces derniers sont atten-
dus. Ils comptent les heures' qui les séparent
de ceux qu'ils aiment ou auxquels ils ont à
faire, — et les vingt-quatre dernières leur
semblent ne devoir jamais finir.
Une attente plus longue encore est celle du
maire ou de l'artiste qui espère être décoré le
15 août. Dès le 14, il achète un petit ruban,
et il l'essaye devant sa glace, l'œil fixé sur la
pendule, et comptant les secondes qui le sé-
parent du moment où il pourra le porter de-
vant son concierge et son fruitier...
Bonne chance ànx candidats du 45 août !...
Certes, la journée du 14 marquera dans leur
vie, et je défie un auteur d'être plus ému, le
matin d'une première représentation, qu'ils
ne le font la veille d u grand jour qui doit déci-
der du sort de leur boutonnière.
Il est cependant des jours plus longs en-
core.
Un prisennier de guerre est condamné à
mort. Demain, au point du jour, il sera fu-
sillé. On l'a introduit dans la chapelle ar-
dente, ce vestibule du supplice. D'abord, il se
laisse aller à une sorte de prostration. Puis, il
en sort pour causer avec les personnes qui
l'entourent. Puis encore, il retombe dans ses
pensées.
Au moment de mourir', il revoit sa vie tout
entière, avec une netteté merveilleuse, en
quelques minutes. Il se rappelle tout, même
un dîner avec deux amis, dîner insignifiant
qu'il ne se serait pas rappelé en temps ordi-
naire. Les personnes qu'il aime et celles dont
il est aimé défilent devant lui, comme les
personnages d'un drame dont il serait le
spectateur impassible.
L'attendrissement le prend.* Il pleure, en
songeant à sa rnèrè," 3f /ut jfe, TaàHj ôtresj
chers et aux choses coutumières qu'il ne re4
: verra plus. La sensation du néant revient. Sa
tête tourne, et, pris de cauchemar, il se sent
tomber et tourbillonner dans un gouÍfI'c sans
fond. L'excès de la terreur le ramène à la vie.
Une curiosité froide le tenai!!e. - J'ai tont
supporté, tout subi, tout souffert, et je vais
mourir ! Qu'est-ce que la mort? Qu'éprouve-
t-on lorsque l'on voùs met en joue? Et, après,
qu'y a-t-il ?02.
Les questions se pressent et se succèdent.
Mais, entre chacune d'elles, surgit, par une
association d'idées prévues, le souvenir de
quelque épisode heureux ou triste. Ce sou-
venir émeut le condamné. La chair crie. L'es
prit continue à vivre des heures par minute;
et des années par heure. Les chances les
plus improbables de salut se présentent à l'i-
magination. L'œil voit tout, jusqu'à un grain
de poussière sur une vitre ou sur une dalle.
On dirait que la vie, comme une lampe, sur
le point de s'éteindre, concentre toutes ses
forces pour jeter une d-ernièrct subite et plus
rayonnante clarté. ,•
»
— Maman,'j'ai faim.
— Attends un peu, mon enfan't! Ton père
est allé nous chercher à manger. Il ne tardera
pas à revenir.
Une deftiî-henre se passe. L'enfant répète
sa demande. Une heure. Il h répète encore.
La quatrième fois, il ne dit plus que :
— Maman I... Mais la mère comprend le reste.
Elle écoute sonner l'Jieu're à l'horloge du
voisin.
— Il est aile à tel endroit. Il lui a fallu
tant de temp.;;. En admettant qu'on l'ait fait
attendre, tant ; en revenant, l'on va moins vite,
tarit encore. 1 .
Elle additionne. Il devrait être revenu !...
Elle recommence son compte, anxieuse,—
serrant contre sa poitrine le pauvre petit, dont
les tempes battent et dont la voix affaiblie ne
murmure plus que par intervalles : —
Maman!... maman !...
Elle le regarde. Ah ! si ses larmes pouvaient
se changer en or, quel magnifique festin elle
offrirait à son enfant!... Mais non,des larmes
ne sont que de l'eau salée. Elle n'a rien. Tout
| ce qui pouvait s'engager est engagé. Tout ce
qui pouvait se vendre est vendu: Même la
petite alliance d'or est allée à son ' tour chez
!e brocanteur, qui en a donné cinq francs.,:;.
Et' l.'¡;dmmé'qtii ne revient pas!.. Enfin,
toute seule devant son malheur, écrasée par
l'abandon, en face de la nuit qui tombe, la
malhe.ureu«e crie en désespérée :
— Mon Dieu ! mon Dieu ! Que c'est long,
un jour sans pain !.. t ,,
Jane, — le jotir le plus long est le 21 juit
pour les astronomes. Pour la rivasse- des hom-
mes, P,'ést le dernier jour qui les sépare d'un
but longtemps poursuivi. Pour les amoureux,
c'est le jour qu'ils passent sans voir leur amie
ou sans recevoir d'elle un mot qui les rassure
ou les réjouisse.
« Loin des yeux, loin du coeur » est un
vieux proverbe qu'ils, se redisent sans cesse
en tremblant. Etre aimé, quand on est là, cela
paraît la chose la plus simple; car l'amour se
communiqué dans un serrement de main ou
dans un' regard. Mais à distance, tout çhange. ■
La femme se reprend; et, dans ce duel à poi-
trine découverte * qui s'aprielle' la passion,
l'homme ne saurait être vainqueur s'il n'a en
face de lui qu'une ombre.
Toutes les deux heures, il y a une distri-
bution de lettres à Paris. Les facteurs sont
quelquefois en retard, quand la journée esL.
1 chargée. Mais enfin on ne les attend pi(s plus ,
de deux heures -et demie, et l'espoir d'avoir
!a lettre fait toujours passer une heure ou .
deux, comme le spectacle de la torture, sui-
vant Perrin Dand-in.
Paris est une terre privjlégiée. Mais, lors-
qu'on habite la province, lorsque les lettres .
n'arrivent qu'une: seule fois dans la journée,
oh! alors, si l'on ne reçoit rien, quel chagrin,
quelle tristesse!... La campagne la plus belle ,
perd tout son charme. Le ciel le plus pur so-
couvre d'une cu-ee. Quand donc viendra la ,
Ruit? Quand vient la nuit, on se couche. On
finit par dormir, et l'on rêve. La nuit, (J'(:}\l.
presque demain. ; '
Qu'elle soit bénie, quand elle descend, ap- -
portant l'npaisement avec elle! Car elle ter-
mine lë jour le plus long, celui qu'on a pas^
sans nouvelles de celle qu'oa aime...
\
TONY RÉVILLON.
LA
mess=""2 PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA MAISON EN CHANTÉE
II
Les cheveux blancs du marquis de la Roche-
l¡arnl.!ert et son vidage ému et grave excluaient
tûate idée de mystification.
Il était évident que ce qu'il allait raconter
était jrrai.
— Mx>n«eigneur> dit-ili s'adressant toujours
au Régent, je supplie Votre Altesse royale,
quelque extraordinaire que puisse lui paraître
mon Fecit, de daigner l'écouter jusqu'au bout.
. Top les Qusiéroe parus depuis le 21 juin.
— Allez, marquis, répéta le Régent.
Alors le vieillard commença a;nsi :
— C'était-it la fin de l'été de l'année 1675, et
j'étais encore, page de monseigneur Gaston d'Or-
léans,lI le père de Votre Altesse.
J avais dix-neuf ans, mais j'étais grand et fort,
et je paraissais plus âgé de trois ou quatre an-
nées.
Un soir que je courais les rues-de Paris,
cherchant aventure, je passai auprès d'une li-
tière dont les rideaux étaient hermétiquement
fermés.
J entendis une voix de femme qui disait :
— Oh ! le beau petit gentilhomme!
Intrigué, je voulus regarder au travers des
rideaux; mais il me fut impossible d'apercevoir
celle à qui j'avais fait faire cette remorque flat-
teuse.
Alors, intrigué, je suivis la litière/n'
" Elle longeait la rue Saint-Honoré et ja me te-
nais à distance respectueuse, espérant qu'elle
s'arrêterait à la porte de quelque noble maison
et que celle qu'elle renfermait en sortirait.
Mais la litière parcourut la rue dans toute sa
longueur, dépassa le charnier des innocents, ga-
gna la place du CMtelet et arriva uinsi au bord
de l'eau.
La nuit approchait, le soleil avait dispara de-
puis longtemps et une brume légère couvrait 1-0
fleuve.
Les porteurs s'an'étèfem à cent pas environ
, du ^uont au Change.
[ Alors j'entendis un bruit aigu, qui ressem-
bl;:¡i' à un coup de sifflet.
Tout aussitôt une barque se détacha de la
rive opposés et traversa le fleuve en droite
ligne.
Puis les rideaux de la litière s'écartèrent, une
des portières s'ouvrit et je vis une femme de
taille moyenne et d'une tournure enchanteresse
mettre pied à terre..
Elle était masquée ; mais son. abondante che- *
velure noire, mais les yeux noirs qui brillaient
au travers du loup, mais ia biancheur de son col
de cygne,disaiem qu'elle était jeune et belle. !
Elle sauta lestement dans la barque et les
deux batetier.-, qui étaient masqués, aussi pous-
sèrent aussitôt au large.
J'étais demeuré à la même place, fasciné,
ébloui, suivant du regard la barqre qÛ'i s'éloi-
gnait en remontant le courant et qui fini"; par
disparaître derrière le terre-plein de l'église
Notre Dame.
Alors seulement, je songeai à regagner fa
place du Châtelet.
La litière et les porteurs s'étaient éloignés
sans que je fisse attention à eux.
Cependant, comme je reprenais la rue Saint-
Honoré pour rentrer au Palais-Royal, une main
s'appuya sur mon épaule.
— Je me retournai et je crus reconnaître un
des deux porteurs.
— Mon gentilhomme, me dit-il, si vou-s me
voulez dire votre nom et l'adresse de votre îogiss
i
jr pu;s vous affirmer que vous ne vous en repen-
tirez pas. '
— Je m'appelle Paul de la Roche-Lambert,
répondis-je Un petf ému. 'et i(> demeure au Pa-
lais-Royal, où je suis attache à Son Altesse lf
duc d'Orléans.
Cet homme s'éloigna. r *' '
Le soir même, une main inconnue déposa
dans ma chàmbrette-de page -titi bi-ilét ;(Jans le-
quel on me disait :
« Vous êtes beau et je vous a:mo; Etes-vo-is
d discret? ètes-vous'un vrai gentilhomme 7 B;ù
» lez cette lettre et trouvez-vous demain en aval
» du pont au Changé, à l'entrée de la nuit. »
Je ne pouvais douter un seul instant que ce
billet me vint de la femme masquée.
Qui donc a hésité; à dix-neuf ans, quand on
lui assignait un rendez-vous d'amour ? ''
Je fus discret, je ne parlai à âme qui -vive dé
mon aventure,et j'attendis le lendemain soîr avec
impatience. *•
A l'Heure indiquée, j'étais sur la berge, upp; - .
minute après, une barque fendait l'eau et je re-
connaissais mes deux bateliers mac-qués.
Mais la dame n'était pas dans ie bateaiî.
Je pensai qu'elle mtenvbyait chercher et ie
m'embarquai hardiment.
j L'un des bateliers me dit alors :
j — Mon gen:ilhomme, il faut que vous vous
laissiez bander les yeux.
j Cette condition pleine de mystère acheva de ma
1 tourne, la tète. - -
*
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