Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-06-19
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 19 juin 1868 19 juin 1868
Description : 1868/06/19 (A3,N792). 1868/06/19 (A3,N792).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717794d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
cent. le numéro JOURNAL QUOTIDIEN S cent. le numéro
ABONNEMENTS. - Trois mois. Six mois. un u.
Paris " 5 fr. 9 fr. Jt8 fr.
Départements.. - il es
Administrateur : E. DELSAUX.
3®« année. -io, VENDREDI 19 JUIN 1808. ZL NI, li92
y-*. -• 1 *
Directeur-Propriétaire : JANNFN. - a "
Rédacteur en chef: A. DE Balathier BRAjtEi^QlTS'S^
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9f i^œW ©3MIIWMÏ»'
ADMINISTRATION : 13. plaeeàfëàa; J - •;
PARIS, 18 JUIN 1868
LE 18 JUIN 1855
- le second volume du JoumbllïupmiMiifde
du siège de Sébastopol a paru.
J'ai déjà parlé du livre. Treize ans nous sé-
parent des événements, mais la campagne de
Crimée a tenu une si grande plaçe d'ans les
préoccupations françaises que tout ce qui s'y
rapporte est demeuré jeune, vivant, intéres-
sant pour nous.
L'auteur du Journal du Siège, M. Bédar-
rides, capitaine d'artillerie, est un de ces
écrivains qui voient pittoresque. Avec eux,
ce ne sont pas seulement des faits qui se
succèdent, mais des tableaux. On n'a pas seu-
lement l'historique des événements, mais on
vit de la vie des acteurs. On partage leurs
sensations tristes ou gaies. On quitte, pour
une heure, Paris et la France, et l'on se trouve
au pied du Mamelon-Vert, la veille de
l'attaque..,. - -: {
a Le ciel de la Ghersonèse était cfrné comme
pour la mélancolie. La lune, se levant an-
dessus des monts de la chaîne Taurique, ar-
gentait du feu de ses rayons les rares bombes
jouant au-dessus de Karabelnaïa, tels que des
volants en feu. Sébastopol, muet, semblait
pleurer sô&.r4iku^^A«xj£ûvliï)UV. un.e,_ cailla,
égarée chantait dans le ravin des morts, et le
toit de la chapelle funéraire figurait aux yeux
des regardants une apparition du clocher de
leur village. Cà et là des servants dormaient
contre les pièces, et les tirailleurs, épars en
fece des créneaux, tenaient l'affût, à cheval
sur leurs carabines. Chacun de nous bénis-
sait, à sa place de repos, les. Russes du calme
des bastions. Plus tard, une pluie de grenades
.survint à l'improviste. En réponse à cette ma-
nifestation des artificiers russes, les mineurs
firent sauter un fourneau, et ces incidents
égayèrent la fin de la nuit.
» Nous dévidâmes péniblement la matinée :
,).e soleil, ardent dès l'aurore, putréfiait à grand
train les cadavres enfouis sous les terres, et
l'air était déjà imprégné de miasmes délétè-
res. La tranchée, plus par' hygiène' que par
raison d'ennui, devenait une vaste tabagie.
' Les pipes brûlaient au loin comme des vases
à fumigation. Après midi, l'artillerie enne-
mie, pour masquer le tracé d'une batterie, en
avant de la lunette Belkin, détona en chœur;
l il fallut de toutes parts rendre le salut, et le
r soir nous surprit dans les douceurs de la
charge à volonté. Nous cédâmes le plaisir et
icfTfcmsTgne à nos successeurs et descendîmes.
La soirée de bivac fut radieusement douce.
La Tauride justifiait maintenant son nom
d'Italie du Nord ; on se serait imaginé, à peu
de Irais, être en lieu de délices, sous un cli-
mat enchanté. Le ciel étoilé blanchissait de
sa clarté la mer, tendue comme un tapis de
glace entre le rivage et les palais du Bos-
phore ; et la brise, en soufflant du côté de
Stamboul, n'apportait que des bruits1 joyeux
comme l'écho d'une fête d'odalisques. C'é- j
taient les sons du cor ou de la flûte préludant
à la retraite, et les éclats de joie partant des
groupes d'amis qui babillaient au seuil des
tentes »
Le 14 septembre 1854, t'armée anglo fran-
çaise avait débarqué en Crimée, et, six jours
après, elle avait battu l'armée russe sur les
pentes de l'Aima. Il falîait; disait-on, mar-
cher sur Sébastopol dès le lendemain de la
victoire. C'était l'avis de lord raglan ; ce ne
fut pas celui des généraux français. Trop
d'empressement dans un pays inconnu pour-
rait tout perdre. Et l'on mit un mois à tour-
ner la ville pour l'attaquer. Or, pendant ce
mois, un homme de génie se révéla du côté
"CFfP-offtcrê'r-iircemîî», -fit
une place forte d'une place ouverte. Le siège
devait durer un mois; il dura un an. Le ma-
réchal Saint-Arnaud avait cédé, dès le début,
son commandement au général Canrobert.
Ce dernier, après avoir pendant cinq mois
conduit les opérations du siège, avait prié le
gouvernement de lui donner un successeur,
en demandant comme une faveur la permis-
sion de continuer à servir au second rang. Le
général Pélissier avait pris le commandement
en chef, et—depuis le 28 mars— trois cent
cinquante bouches à feu tonnaient contre
Sébastopol, préparant Passaut.
Le 4 juin fut un jour mémorable. On avait
essayé de tous les moyens pour attirer l'ar-
mée ennemie en rase campagne. l\his, instruits
par l'expérience d'lnkermann, les Busses
s'obstinaient à demeurer derrière les bastions.
Eh bien 1 c'est là qu'on irait les chercher.
Une position avancée contrariait les plans de j
cheminement des assiégeants. On s'empare^,
rait. ff-é cette position. *#&.«•'
L attaque du Mamelon-Vert fut résolue.
tible :
« Après une mêlée sanglante, les Russes
se replient vers Malakoff, et Brancion meurt,
frappé au cœur, en plantant son aigle au
sommet de cet avant-boulevard de Sébasto-
pol. »
Par malheur, nos soldats, emportés, pour-
suivent l'ennemi. Les Russes jettent en avant
.d:es troupes fraîches, et vont reprendre le
Mamelon. Ils sont aux portes de la tranchée.
Tout est perdu. Le général Bosquet ordonne
aux réserves de marcher. La charge bat. La
j brigade Vergé et la division Brunet se
heurtent contre la ligne de bataille russe.
tes chocs des baïonnettes se succèdent dans
la fumée... Enfin, le Mamelon est à nous.
Ja€s pionniers du général F'rossard ferment la
gorge de l'ouvrage et les artilleurs du général
Beuret s'y établissent.
On avait réussi à moitié.
Bientôt le bruit court que, dans dix jours,
aura lieu l'attaque de Malakoff qui commande
la ville.
,Le,}ÿ, le conseil discqte"les dispositions
dê î'entr-eprisè. eelle-cl "fîxèë"àîf 1b, ia
pointe du jour. Vingt-quatre heures de canon. j
nade la précéderont. » '
On se mit à l'œuvre.
Je rends la parole à M. Bédarrides :
| « La veillée au grand parc, sanctuaire du
vieux siége, fut bruyante. Partout des groupes
de discoureurs. La majorité se familiarisait
avec les vicissitudes de la destinée, qui, des
anciens delà tranchée, semblaient vouloir
faire les subalternes de la victoire. De rares
envieux élevaient des doutes sur la chute de
Sébastopol, en tant que conséquence de la
prise de Malakoff. Dans la nuit s'achevèrent,
sans orage, à la sourdine, les derniers tra-
vaux de préparation, et le f}l, sitôt que le so-
leil levant enflamma la thersonèse, un
immense salut du canon de siège réveilla la
place, et le tir se poursuivit sans trève ni re-
lârjiex Les batteries de la gauche, liguées,
frappaient'aux mhrs de la viïîff^ohr !es
, mantèler, et aux casernes pour alléger tes'-
Anglais; les batteries de la droite COnren" -
traient en cadence leurs coups sur Hàlakoffi1
Le défi avait partout une telle uniformité qu'il,'
était impossible aux Russes de préjuger d0:
1 i Vwgèwfr ■ swmt 4*vré, L'armée, aa>
camp, accablé par la chaleur , écoutait du t
logis en silence, avec l'indifférence que don»,
nent à des oreilles blasée, les trop. fréquen- i
tes déceptions de la fortune. D'ailleurs, un
rempart de fumée, soleil, sa vapeur suffo-
cante aux ardeurs du sOleil, cachait impéné-
trablement le lointain. L'assiégé résista* ^
d abord à la tempête croissante ; mars vers lt> '*'
soir, Malakoff pliait sous ses ruines....
» Cà et là quelques endurcis n'osaient
croire à la fin de leurs misères ; les- malins-
blâmaient uniquement le choix de l'aube du
lendemain pour l'heure de l'assaut. Le cré- .
puscule avait, favorisé le succès au 7 juin;
pourquoi ne pas attaquer le soir?... Les plus
incrédules n'allaient pas jusqu'à la supposi-
tion d'un revers. On aurait crié haro sur eux.
Dès qu 'on fut au rendez-vous de canonnade,
la reprise générale eut lieu...
1) Malakoff ne répondait aux outragea que par
des salves aussi rares qu'impuissantes. A deux
heures du matin, de tous les gardiens de la
; place, le bastion du Mât était presque seul à
supporter 'le fardeau de la guerre. L'ordre fut
alors transmis à la gauche-de précipiter le
tir autant que possible. On obéit avec l'élan £
qu'imprimait aux écouvillons une impatience
de dix mois, et les fortifications furent' abî-
mées s'ous des tourbillons de fer. En ce mo-
ment d'effervescence bn^n'apërcevâtt. que des
lueurs d'obus clair-semés à l'horizon dèHvsra-
belnaïa, car les acteurs du drame prochain se
plaçaient le long des parapets avancés, et il
convenait de ne pas attirer sur eux, par des.
attaques intempestives, l'attention de' l'en....
nemi. Malakoff se livrait d'ailleurs ,à ce re-
cueillement qui avait coutume de précéder
les grandes crises du siège. En peu de temps,
le silence et l'ordre présidant au mouvement,
lejj colonnes d'assaut furent au rendez-vous...
» Trois heures n'avaient pas sonné, le t>sé-
pigne ment de l'attente agitait au loin les earn-
battants. Les tirailleurs, couchés par terce ea
vedettes, dévoraient des yeux le rempaii, et
la place veillait religieusement aux aguets,.. Les :
camps, n'étant pas dans le secret, dormaient ^
en paix. Le général en chef, qui s'était réservé
l'honneur du signal, arrivait à son pavillon (-
de la batterie Lancastre. On n'entendait â.^|
ROCAMBOLE
N° 227 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
CINQUIÈME PARTIE
L'ENFER DE MISTRESS BURTON
XXVII
Le fiacre qui avait conduit rnommo gris et
Shoking à Newgate, les attendit à la porte, tan-
dis Qu'ils faisaient écrouer mistress Fanoche.
L'opération n'avait pas duré dix minutes.
Avec de vrais agents de police mistress Fa-
BQcke se serait peut-être débattue; peut-être
, Voir le numéro du 22 novembre.
même aurait-elle crié; mais avec l'homme gris,
elle ne souffla mot.
Cet homme exerçait sur elle un tel empire, il
lui inspirait une si grande épouvante qu'elle
n'avait opposé aucune résistance,et n'était sortie
de son évanouissement que pour s'abandonner
à une prostration sans limites.
L'homme gris et Shoking étaient donc remon-
tés en voiture. '
— Où allons-nous? demanda alors Shoking.
Le maître consulta sa montre:
— Quatre heures du matin, dit-il. Il ne fera
pss jour avant sept heures et demie. Nous avons
du temps devant nous.
— Mais où allons-nous? répéta Shoking qui
avait ouvert la portière.
— A Hampsteadt.
Shoking transmit l'ordre au cocher.
— Maître, reprit-il, quand le iiacre roula, vous
avez mis Jenny, son fils et John Colden eri sû-
reté, c'est bien. Mais.... vous?....
Et il y avait dans cette timide question, com-
me une vague et mystérieuse terreur.
— Moi, dit l'homme gris en souriant, je n'ai
pas encore accompli ma tâche.
— Ah !
— Ecoute-moi, poursuivit-il, et tu compren-
dras que je nJai pas le droit de quitter Londres.
[ Les Irlandais attendaient un chef; cp
un enfant et jusqu'à l'heure où devenu homme,
il pourra prendre en mains ce pouvoir occulte
qui lui fera 'une royauté dans l'ombre, en atten-
dant le triomphe du jour,il faut qu'une main plus
ferme,une pensée plus intelligen te, fasse mouvoir
tous les fils de cette vaste intrigue,tous les soldats
de,celte immense conspiration qui enveloppe
peu 'à peu l'Angleterre.
L'abbé Samuel a besoin d'un homme auprès
de lui, et cet homme c'est moi.
Shoking secoua la tête.
— Oui, dit-il, tout cela est fort bien ; mais
deux personnes presque aussi fortes que vous,
ont juré votre perte, le révérend Peters Town
et miss Ellen.
— Je ne crains que cette dernière, répondit
l'homme gris; je la crains jusqu'à l'heure où
elle m'aimera.
. — Mais vous avez donc encore cet espoir?
fit naïvement Shoking.
— Oui.
L'accent de l'homme gris était net et con-
vaincu ; mais il ne persuada point Shoking.
— Singulière idée, murmura-t-il après un si-
lence, que de vouloir se faire aimer de cette
femme hautaine et cruelle, et qui n'a d'humain
que l'apparence.
! — Le jour où elle m'aimera, elle sera mon,
i_es^ve, dit l'l\omme sris.
— Et qu'en ferez-vous alors?
— J'en ferai un des serviteurs les plus djs<»*
voués le l'Irlancie.
Shoking ne répondit pas.
Seulement, il murmura à part lui :
— Tous les hommes de génie c-nî leur -^ina-
rofcte. Celui-là a mis dans sa tète qu'il ferait:
aimé de miss EUen. Mais il en frâra, je '•crois,
pour ses frais d'espérance, et il a le temps, d'at- '
tendre.
Le fiacre atteignit Hampstee.¿:t assez -rapide-:
ment.
Alors, comme il s'arrêtait a la grille du cot«J
tage, un souvenir traversa, l'esprit de ShQ,-'
king : 1 1
— Maitre, dit-il, ne m'Vvez-vous pas dit qtta
vous me rendriez ma cou.leur naturelle?
i —Oui.' •
! — Quand donc le ft,rez-vous?
— C'est pour cela que je t'amène ici, -*
— Vraiment? - »
Et Shoking éprouva en même temps un mou<
vement de joie e^ un sentiment de regret.
Il fut joyeux de penser qu'il allait redevenir
blanc; mais il soupira on songeant qu'il cesse-, .
rait, du même coup, d'être marquis, décoré '
d'une foule d'ordres et porteur d'un nom si long j
qu'il aurais fait trois ligues du joircîS dw
[ Timi. ^ ~ *
» *
cent. le numéro JOURNAL QUOTIDIEN S cent. le numéro
ABONNEMENTS. - Trois mois. Six mois. un u.
Paris " 5 fr. 9 fr. Jt8 fr.
Départements.. - il es
Administrateur : E. DELSAUX.
3®« année. -io, VENDREDI 19 JUIN 1808. ZL NI, li92
y-*. -• 1 *
Directeur-Propriétaire : JANNFN. - a "
Rédacteur en chef: A. DE Balathier BRAjtEi^QlTS'S^
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9f i^œW ©3MIIWMÏ»'
ADMINISTRATION : 13. plaeeàfëàa; J - •;
PARIS, 18 JUIN 1868
LE 18 JUIN 1855
- le second volume du JoumbllïupmiMiifde
du siège de Sébastopol a paru.
J'ai déjà parlé du livre. Treize ans nous sé-
parent des événements, mais la campagne de
Crimée a tenu une si grande plaçe d'ans les
préoccupations françaises que tout ce qui s'y
rapporte est demeuré jeune, vivant, intéres-
sant pour nous.
L'auteur du Journal du Siège, M. Bédar-
rides, capitaine d'artillerie, est un de ces
écrivains qui voient pittoresque. Avec eux,
ce ne sont pas seulement des faits qui se
succèdent, mais des tableaux. On n'a pas seu-
lement l'historique des événements, mais on
vit de la vie des acteurs. On partage leurs
sensations tristes ou gaies. On quitte, pour
une heure, Paris et la France, et l'on se trouve
au pied du Mamelon-Vert, la veille de
l'attaque..,. - -: {
a Le ciel de la Ghersonèse était cfrné comme
pour la mélancolie. La lune, se levant an-
dessus des monts de la chaîne Taurique, ar-
gentait du feu de ses rayons les rares bombes
jouant au-dessus de Karabelnaïa, tels que des
volants en feu. Sébastopol, muet, semblait
pleurer sô&.r4iku^^A«xj£ûvliï)UV. un.e,_ cailla,
égarée chantait dans le ravin des morts, et le
toit de la chapelle funéraire figurait aux yeux
des regardants une apparition du clocher de
leur village. Cà et là des servants dormaient
contre les pièces, et les tirailleurs, épars en
fece des créneaux, tenaient l'affût, à cheval
sur leurs carabines. Chacun de nous bénis-
sait, à sa place de repos, les. Russes du calme
des bastions. Plus tard, une pluie de grenades
.survint à l'improviste. En réponse à cette ma-
nifestation des artificiers russes, les mineurs
firent sauter un fourneau, et ces incidents
égayèrent la fin de la nuit.
» Nous dévidâmes péniblement la matinée :
,).e soleil, ardent dès l'aurore, putréfiait à grand
train les cadavres enfouis sous les terres, et
l'air était déjà imprégné de miasmes délétè-
res. La tranchée, plus par' hygiène' que par
raison d'ennui, devenait une vaste tabagie.
' Les pipes brûlaient au loin comme des vases
à fumigation. Après midi, l'artillerie enne-
mie, pour masquer le tracé d'une batterie, en
avant de la lunette Belkin, détona en chœur;
l il fallut de toutes parts rendre le salut, et le
r soir nous surprit dans les douceurs de la
charge à volonté. Nous cédâmes le plaisir et
icfTfcmsTgne à nos successeurs et descendîmes.
La soirée de bivac fut radieusement douce.
La Tauride justifiait maintenant son nom
d'Italie du Nord ; on se serait imaginé, à peu
de Irais, être en lieu de délices, sous un cli-
mat enchanté. Le ciel étoilé blanchissait de
sa clarté la mer, tendue comme un tapis de
glace entre le rivage et les palais du Bos-
phore ; et la brise, en soufflant du côté de
Stamboul, n'apportait que des bruits1 joyeux
comme l'écho d'une fête d'odalisques. C'é- j
taient les sons du cor ou de la flûte préludant
à la retraite, et les éclats de joie partant des
groupes d'amis qui babillaient au seuil des
tentes »
Le 14 septembre 1854, t'armée anglo fran-
çaise avait débarqué en Crimée, et, six jours
après, elle avait battu l'armée russe sur les
pentes de l'Aima. Il falîait; disait-on, mar-
cher sur Sébastopol dès le lendemain de la
victoire. C'était l'avis de lord raglan ; ce ne
fut pas celui des généraux français. Trop
d'empressement dans un pays inconnu pour-
rait tout perdre. Et l'on mit un mois à tour-
ner la ville pour l'attaquer. Or, pendant ce
mois, un homme de génie se révéla du côté
"CFfP-offtcrê'r-iircemîî», -fit
une place forte d'une place ouverte. Le siège
devait durer un mois; il dura un an. Le ma-
réchal Saint-Arnaud avait cédé, dès le début,
son commandement au général Canrobert.
Ce dernier, après avoir pendant cinq mois
conduit les opérations du siège, avait prié le
gouvernement de lui donner un successeur,
en demandant comme une faveur la permis-
sion de continuer à servir au second rang. Le
général Pélissier avait pris le commandement
en chef, et—depuis le 28 mars— trois cent
cinquante bouches à feu tonnaient contre
Sébastopol, préparant Passaut.
Le 4 juin fut un jour mémorable. On avait
essayé de tous les moyens pour attirer l'ar-
mée ennemie en rase campagne. l\his, instruits
par l'expérience d'lnkermann, les Busses
s'obstinaient à demeurer derrière les bastions.
Eh bien 1 c'est là qu'on irait les chercher.
Une position avancée contrariait les plans de j
cheminement des assiégeants. On s'empare^,
rait. ff-é cette position. *#&.«•'
L attaque du Mamelon-Vert fut résolue.
tible :
« Après une mêlée sanglante, les Russes
se replient vers Malakoff, et Brancion meurt,
frappé au cœur, en plantant son aigle au
sommet de cet avant-boulevard de Sébasto-
pol. »
Par malheur, nos soldats, emportés, pour-
suivent l'ennemi. Les Russes jettent en avant
.d:es troupes fraîches, et vont reprendre le
Mamelon. Ils sont aux portes de la tranchée.
Tout est perdu. Le général Bosquet ordonne
aux réserves de marcher. La charge bat. La
j brigade Vergé et la division Brunet se
heurtent contre la ligne de bataille russe.
tes chocs des baïonnettes se succèdent dans
la fumée... Enfin, le Mamelon est à nous.
Ja€s pionniers du général F'rossard ferment la
gorge de l'ouvrage et les artilleurs du général
Beuret s'y établissent.
On avait réussi à moitié.
Bientôt le bruit court que, dans dix jours,
aura lieu l'attaque de Malakoff qui commande
la ville.
,Le,}ÿ, le conseil discqte"les dispositions
dê î'entr-eprisè. eelle-cl "fîxèë"àîf 1b, ia
pointe du jour. Vingt-quatre heures de canon. j
nade la précéderont. » '
On se mit à l'œuvre.
Je rends la parole à M. Bédarrides :
| « La veillée au grand parc, sanctuaire du
vieux siége, fut bruyante. Partout des groupes
de discoureurs. La majorité se familiarisait
avec les vicissitudes de la destinée, qui, des
anciens delà tranchée, semblaient vouloir
faire les subalternes de la victoire. De rares
envieux élevaient des doutes sur la chute de
Sébastopol, en tant que conséquence de la
prise de Malakoff. Dans la nuit s'achevèrent,
sans orage, à la sourdine, les derniers tra-
vaux de préparation, et le f}l, sitôt que le so-
leil levant enflamma la thersonèse, un
immense salut du canon de siège réveilla la
place, et le tir se poursuivit sans trève ni re-
lârjiex Les batteries de la gauche, liguées,
frappaient'aux mhrs de la viïîff^ohr !es
, mantèler, et aux casernes pour alléger tes'-
Anglais; les batteries de la droite COnren" -
traient en cadence leurs coups sur Hàlakoffi1
Le défi avait partout une telle uniformité qu'il,'
était impossible aux Russes de préjuger d0:
1 i Vwgèwfr ■ swmt 4*vré, L'armée, aa>
camp, accablé par la chaleur , écoutait du t
logis en silence, avec l'indifférence que don»,
nent à des oreilles blasée, les trop. fréquen- i
tes déceptions de la fortune. D'ailleurs, un
rempart de fumée, soleil, sa vapeur suffo-
cante aux ardeurs du sOleil, cachait impéné-
trablement le lointain. L'assiégé résista* ^
d abord à la tempête croissante ; mars vers lt> '*'
soir, Malakoff pliait sous ses ruines....
» Cà et là quelques endurcis n'osaient
croire à la fin de leurs misères ; les- malins-
blâmaient uniquement le choix de l'aube du
lendemain pour l'heure de l'assaut. Le cré- .
puscule avait, favorisé le succès au 7 juin;
pourquoi ne pas attaquer le soir?... Les plus
incrédules n'allaient pas jusqu'à la supposi-
tion d'un revers. On aurait crié haro sur eux.
Dès qu 'on fut au rendez-vous de canonnade,
la reprise générale eut lieu...
1) Malakoff ne répondait aux outragea que par
des salves aussi rares qu'impuissantes. A deux
heures du matin, de tous les gardiens de la
; place, le bastion du Mât était presque seul à
supporter 'le fardeau de la guerre. L'ordre fut
alors transmis à la gauche-de précipiter le
tir autant que possible. On obéit avec l'élan £
qu'imprimait aux écouvillons une impatience
de dix mois, et les fortifications furent' abî-
mées s'ous des tourbillons de fer. En ce mo-
ment d'effervescence bn^n'apërcevâtt. que des
lueurs d'obus clair-semés à l'horizon dèHvsra-
belnaïa, car les acteurs du drame prochain se
plaçaient le long des parapets avancés, et il
convenait de ne pas attirer sur eux, par des.
attaques intempestives, l'attention de' l'en....
nemi. Malakoff se livrait d'ailleurs ,à ce re-
cueillement qui avait coutume de précéder
les grandes crises du siège. En peu de temps,
le silence et l'ordre présidant au mouvement,
lejj colonnes d'assaut furent au rendez-vous...
» Trois heures n'avaient pas sonné, le t>sé-
pigne ment de l'attente agitait au loin les earn-
battants. Les tirailleurs, couchés par terce ea
vedettes, dévoraient des yeux le rempaii, et
la place veillait religieusement aux aguets,.. Les :
camps, n'étant pas dans le secret, dormaient ^
en paix. Le général en chef, qui s'était réservé
l'honneur du signal, arrivait à son pavillon (-
de la batterie Lancastre. On n'entendait â.^|
ROCAMBOLE
N° 227 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
CINQUIÈME PARTIE
L'ENFER DE MISTRESS BURTON
XXVII
Le fiacre qui avait conduit rnommo gris et
Shoking à Newgate, les attendit à la porte, tan-
dis Qu'ils faisaient écrouer mistress Fanoche.
L'opération n'avait pas duré dix minutes.
Avec de vrais agents de police mistress Fa-
BQcke se serait peut-être débattue; peut-être
, Voir le numéro du 22 novembre.
même aurait-elle crié; mais avec l'homme gris,
elle ne souffla mot.
Cet homme exerçait sur elle un tel empire, il
lui inspirait une si grande épouvante qu'elle
n'avait opposé aucune résistance,et n'était sortie
de son évanouissement que pour s'abandonner
à une prostration sans limites.
L'homme gris et Shoking étaient donc remon-
tés en voiture. '
— Où allons-nous? demanda alors Shoking.
Le maître consulta sa montre:
— Quatre heures du matin, dit-il. Il ne fera
pss jour avant sept heures et demie. Nous avons
du temps devant nous.
— Mais où allons-nous? répéta Shoking qui
avait ouvert la portière.
— A Hampsteadt.
Shoking transmit l'ordre au cocher.
— Maître, reprit-il, quand le iiacre roula, vous
avez mis Jenny, son fils et John Colden eri sû-
reté, c'est bien. Mais.... vous?....
Et il y avait dans cette timide question, com-
me une vague et mystérieuse terreur.
— Moi, dit l'homme gris en souriant, je n'ai
pas encore accompli ma tâche.
— Ah !
— Ecoute-moi, poursuivit-il, et tu compren-
dras que je nJai pas le droit de quitter Londres.
[ Les Irlandais attendaient un chef; cp
un enfant et jusqu'à l'heure où devenu homme,
il pourra prendre en mains ce pouvoir occulte
qui lui fera 'une royauté dans l'ombre, en atten-
dant le triomphe du jour,il faut qu'une main plus
ferme,une pensée plus intelligen te, fasse mouvoir
tous les fils de cette vaste intrigue,tous les soldats
de,celte immense conspiration qui enveloppe
peu 'à peu l'Angleterre.
L'abbé Samuel a besoin d'un homme auprès
de lui, et cet homme c'est moi.
Shoking secoua la tête.
— Oui, dit-il, tout cela est fort bien ; mais
deux personnes presque aussi fortes que vous,
ont juré votre perte, le révérend Peters Town
et miss Ellen.
— Je ne crains que cette dernière, répondit
l'homme gris; je la crains jusqu'à l'heure où
elle m'aimera.
. — Mais vous avez donc encore cet espoir?
fit naïvement Shoking.
— Oui.
L'accent de l'homme gris était net et con-
vaincu ; mais il ne persuada point Shoking.
— Singulière idée, murmura-t-il après un si-
lence, que de vouloir se faire aimer de cette
femme hautaine et cruelle, et qui n'a d'humain
que l'apparence.
! — Le jour où elle m'aimera, elle sera mon,
i_es^ve, dit l'l\omme sris.
— Et qu'en ferez-vous alors?
— J'en ferai un des serviteurs les plus djs<»*
voués le l'Irlancie.
Shoking ne répondit pas.
Seulement, il murmura à part lui :
— Tous les hommes de génie c-nî leur -^ina-
rofcte. Celui-là a mis dans sa tète qu'il ferait:
aimé de miss EUen. Mais il en frâra, je '•crois,
pour ses frais d'espérance, et il a le temps, d'at- '
tendre.
Le fiacre atteignit Hampstee.¿:t assez -rapide-:
ment.
Alors, comme il s'arrêtait a la grille du cot«J
tage, un souvenir traversa, l'esprit de ShQ,-'
king : 1 1
— Maitre, dit-il, ne m'Vvez-vous pas dit qtta
vous me rendriez ma cou.leur naturelle?
i —Oui.' •
! — Quand donc le ft,rez-vous?
— C'est pour cela que je t'amène ici, -*
— Vraiment? - »
Et Shoking éprouva en même temps un mou<
vement de joie e^ un sentiment de regret.
Il fut joyeux de penser qu'il allait redevenir
blanc; mais il soupira on songeant qu'il cesse-, .
rait, du même coup, d'être marquis, décoré '
d'une foule d'ordres et porteur d'un nom si long j
qu'il aurais fait trois ligues du joircîS dw
[ Timi. ^ ~ *
» *
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