Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-05-14
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 14 mai 1868 14 mai 1868
Description : 1868/05/14 (A3,N756). 1868/05/14 (A3,N756).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717758j
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN
- 5 cent. le numéro
5 cent. le numéro
1 ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. un an.
Paris 5 fr. 9 fr. 2 s fr.
Départements.. a 11 99
Administrateur : E. DELSAUX.
3me année. — JEUDI 14 MAI 1868. — N* 756 .
Directeur-Proprié taire : J A N N i N.
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIER BRAGELONNB.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, rue Dronot. 1
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
PARIS, 13 MAI 1868
LES CÉLÉBRITÉS DE LA RUE
LA VIEILLE AU BOUQUET
%
Le drame d'abord. Je vous parlerai du
personnage ensuite.
En 1821, le 45e de ligne tenait garnison à
la Rochelle. Un jour, quatre sous-officiers de
ce régiment furent arrêtés, transférés à Paris,
mis au secret, traduits en cour d'assises...
Leurs noms? — Bories, Raoulx, Goubin et
Pommier.
Leur crime?—Ils avaient conspiré pour
renverser le gouvernement de la Restau-
ration.
Aujourd'hui, l'on juge impartialement la
Restauration.
On peut être l'adversaire du principe,
mais du moins on apprécie les hommes avec
équité...
Alors il n'en était point ainsi. La Restau-
ration nous avait été imposée par le grand
mouvement de l'Europe coalisée contre nous;
elle ramenait l'ancien régime. On ne voyait
que cela.
Les sociétés secrètes s'agitaient pour la
renverser et elles trouvaient des échos à
la tribune, dans la presse et même dans
l'armée...
Le gouvernement résolut de frapper les es-
prits par un exemple terrible de répression.
. Le jury avait condamné les quatre sergents
de la Rochfllle. Le roi refusa de leur faire ,
grâce.
Tous quatre portèrent leur tète sur l'écha-
faud, et, le soir on dansa aux Tuileries.
Il faut tenir compte de la passion du temps.
La loi frappait; le roi frappait aussi; mais
dans les condamnés, le peuple vit des mar-
tyrs. Ceux qui allaient mourir étaient jeunes;
quand ils apparurent pâles et résignés sur la
charrette, la foule s'empressa autour d'eux.
Des enthousiastes se ruèrent. En un instant
la charrette fut pleine de flaurs.
Au premier rang des spectateurs se tenait
lune jeune fille vêtue de deuil, les bras éten-
dus, poussant des cris.
L'un des sergents, Raoulx, l'aperçut, et,
prenant un des bouquets, le jeta vers elle :
— Garde-le, cria-t-il, en souvenir de
moi!... I
i
' \ 1863. Quarante-deux ans se sont passes:
Tons les habitués des cafés du quartier La-
; tifa s'inquiètent de la disparition d'une vieille
; femme, qui vient de temps en temps leur de-
mander un petit verre et les égayer par sa
) tournure et l'incohérence de ses propos.
Courbée en deux, la tête plus basse que
les reins, le menton dans les genoux, cette
vieille marche appuyée sur un bâton plus
haut qu'elle... Parfois elle regarde les pas-
sants de côté, et son visage prend une ex-
pression farouche ; si on l'interroge,. elle
répond brusquement. Parfois aussi, un sou-
rire éclaire les rides brunes de sa face, et elle
contemple d'un air attendri un bouquet
qu'elle tient à la main. Tantôt frais, tantôt
fané, ce bouquet ne la quitte jamais. Aussi,
dans tous les quartiers, Fappelle-t-on la Vieille
au bouquet. Quelques-uns cependant lui
donnent un autre nom. — C'est, disent ils,
la fiancée de Bories, le sergent de la Ro-
chelle !...
— Quel livre curieux, me disait ce matin
mon confrère Cénac-Moncaut, il y aurait à faire-
avec les vieillards inconnus !.. Que d'hommes
et de femmes, illustres un jour, rentrent en-
suite dans l'oubli où ils végètent pendant de
longues années... Ils meurent, et les jour-
naux, qui nous annoncent leur mort, nous
font dire': Ah 1 Car, au souvenir lointain qui
se rattache à eux, nous les aurions cru enter-
rés depuis vingt, trente ou quarante ans.
C'est l'histoire de M. deMaubreuil, le vieux
partisan de 1814, remis en lumière en 1867
par un procès.
Ce fut aus i celle de la Vieille au bouquet,
Le 20 août 1863, un fait divers apprit à ses
amis du quartier Latin qu'elle venait de s'é-
teindre à lHôtel-Dieu...
La vieille de l'Hôtel-Dieu, chers lecteurs,
et la jeune fille qui suivait la charrette des
condamnés de la Restauration ne font qu'une
seule personne, vous l'avez deviné.
Lisez maintenant cette simple histoire:
« Françoise était née à Marans, à deux
lieues de la Rochelle, d'une famille pauvre.
Son père mort et sa sœur mariée, elle entra
en service chez un ministre du nom de Fleury,
un brave homme s'il en fût. Le dimanche, les
soldats en garnison à la Rochelle venaient à
i Marans se divertir, et la jolie fille, alerte et
fraîche, avec ses dix-huit ans et son franc
I rire, n'échappa pas aux yeux des jeunes trou-
piers. Elle attira surtout l'attention d'un ser-
gent nommé Marius Raoulx, d'un naturel sé-
rieux, très-sympathique, presque recueilli,
plus ami des promenades solitaires que des
assemblées et des bals sous la feuillée.
» On se donnait des rendez-vous devant tout
le village, on s'aimait et on se le disait ; bien-
tôt on mit les amis dans la confidence, et
Marius présenta Françoise à ses trois amis,
sergents comme lui au 45e de ligne, et nom-
més Bories, Goubin et Pommier.
» Un jour, Marius ne revint pas à Marans.
Françoise inquiète écrit à Bories, pas de ré-
ponse. Successivement, elle adresse une let-
tre à Goubin et à Pommier, sans qu'aucun
des quatre sous-officiers donne signe de vie;
elle part pour la Rochelle, et apprend que ses
amis ont conspiré....
» Elle n'hésite pas, revient à Marans,prend
congé, les larmes aux yeux, de' M. Fleury,
fait un paquet de ses hardes, et, à pied, à pe-
tites journées, elle part pour Paris, où les
quatre sergents viennent d'être transférés.
Elle arrive, les pieds gonflés, les yeux en
pleurs, l'âme déchirée; elle interroge, elle
supplie. On lui désigne la prison de l'Abbaye
comme le cachot qui renfermait celui qui lui
était cher; pendant dix jours, elle vint
chaque matin s'asseoir à la porte de l'Abbaye
et supplier les geôliers et les gardes. Elle est
défaillante, un brave marchand l1e la rue
Sainte-Marguerite la recueille. Enfin, on les
transporte à la Force, et le 21 août on les
juge. Le jugement dura quatorze jours. Le 5
septembre, les quatre sergents étaient con-
damnes à mort.
» Du 5 au 21 septembre, on la vit chaque
jour au guichet des Tuileries, épiant la sortie
du roi, prête à se jeter sous les pieds des
chevaux pour demander la grâce de son fiancé
Marius. Le 22, elle l'accompagnait jusqu'au
pied de l'échafaud..... »
La citation que je viens de faire est em-
pruntée à la nouvelle édition d'un livre popu-
laire : Les Célébrités de la Rue, par Charles
Yriarte.
Ce.qu'il a fallu de curiosité dans l'esprit,de
patience dans la recherche et de persévé-
rance dans la volonté, pour écrire et illustrer
un tel livre, ne peut être bien apprécié que
par ceux qui tiennent une plume ou -un
crayon.... •
Mais tout le monde peut juger du résultat.
Grâce à M. Charles Yriarte, quarante phy-
sionomies légendaires ou pittoresques ont été
sauvées de l'oubli, et mettent en lumière tout
un côté des mœurs contemporaines.
Un tel livre est mieux qu'un livre ; c'est
l'histoire de la rue incarnée dans ceux qui j
vivent et qui y meurent.
TONY RÉVILLON.
LA CUEILLETTE
Bien de nouveau sous le soleil. Les savants vien- •
nent de découvrir que les caboulots étaient déjà in-
ventés en Egypte au temps de me Putiphar, la-
quelle les fréquentait peut-être — elle en avait
assez les mœurs, - et que les étudiants en bordée
se réunissaient volontiers pour pincer leur chope
dans les tapis-francs les plus mal famés. On lit en
effet, dans la Pairie.
Les égyptologues ont constaté que, dans les
hautes écoles ou universités de l'empire des
Pharaons, les étudiants buvaient déjà de la bière
ou du moins une boisson faite avec de J'orge et
appelée hag. Il existe des papyrus où un père
gourmande son fils, en lui reprochant de courir
toute la journée les cabarets pour y boire de ce
maudit haa.
Le n est pas, je suppose, dans des papyrus que
la Patrie a découvert l'histoire de la Maison isolée,
laquelle s'épanouissait, il y a tantôt huit jours,
dans la Petite Presse, et qui fait, à l'heure qu'il est,
le tour des journaux politiques, — ces braves jour-
naux qui resservent au public, au prix de quinze
centimes, la desserte des feuilles à un sou.
*
* *
Je parlais tout à l'heure de Mme Putiphar. Ce
nom-là me ramène, en vertu de la loi des contras-
tes, aux Pénélope et aux Ar t(-mise de la Chine,
dont le Journal de Paris nous décrit en ces termés
émus les vertus et la fidélité conjugales.
Une fois mariée, l'épouse subit l'autorité com-
plète de son époux, et peu d'entre elles, con-
trairement à ce qui se passe fréquemment dans
les nations civilisées, manquent à la foi conju-
gale. Bien plus, les Chinois méprisent la femme
qui, devenue veuve, contracte un second ma-
riage.
. Les femmes légitimes qui sont devenues
yeuves, restent dans cet état jusqu'à la fin de
leur vie, et, si d'éminentes vertus les ont
distinguées, elles sont honorées après leur '
mort par des monuments publics. On a voulu
ainsi qu'à la. puissance des mœurs s'ajoutas-
sent aussi des témoignages éclatants et person-
nels.
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIE
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
XLVIII
M 191
L'homme mal mis, et qui s'exprimait cepen-
dant avec distinction, le prétendu médecin alle-
mand, n'était autre encore, on l'a dû deviner,
que l'homme gris, le personnage fécond en mé-
tamorphoses.
Cet homme, que la police recherchait, dont
Voirie numéro du 22 novembre.
miss Ellen avait juré la perte, que la potence
attendait comme un des chefs les plus ardents
de la cause irlandaise, avait l'audace de se pré-
senter devant un magistrat de police et de lui
offrir, son concours pour découvrir un assas-
sin.
Quant au nègre, dont il avait saisi le bras et
qu'il entraînait vers Adam-street, on a reconnu
notre bon ami Shoking.
Une heure auparavant , l'homme gris et
Shoking s'en revenaient ensemble vers Saint-
George, lorsque le bruit qui se faisait dans
Adam-street et sous le passage avait attiré leur
attention.
Ils s'étaient mêlés à la foule, et l'homme gris
avait appris ce qui était arrivé, en même temps
que le nom de l'abbé Samuel, prononcé tout
haut, lui révélait l'accusation terrible formulée
contre le jeune prêtre.
Alors l'homme gris avait dit à Shoking :
— Attends-moi là, je vais en savoir pius
long encore.
On sait comment il était entré dans la mai-
son de Paddy, et comment il en était sorti, em-
portant la parole du magistrat de police que, le
lendemain, il lui serait permis de faire son ex-
périence scientifique.
Il paraissait si pressé de s'éloigner du Sout-
wark, que pendant quelques minutes Shoking
n'osa le questionner.
Ce ne fut qu'en vue du pont de Westminster
que le nègre de couleur récente se décida à
prendre la parole.
— Est-ce que nous retournons de l'autre côté
de l'eau, maître ? demanda-t-il.
— Oui.
— Tiens 1 pourquoi donc faire ?
—- Nous allons dans le quartier Saint-
Gilles.
— Ah 1
— Il faut que je voie l'abbé Samuel cette
nuit même. N'as-tu pas entendu ce qu'on
disait ?
— Oui, mais comme l'abbé Samuel est inca-
pable de commettre un crime, répondit Shoking,
je suis bien tranquille.
— Et moi je ne le suis pas, dit l'homme
gris.
Sa voix était grave et trahissait une certaine
émotion.
Ils passèrent le pont et l'homme gris conti-
nua :
— Ecoute bien ce que je vais te dire.
— Parlez. •
— On a assassiné un homme, et on accuse
l'abbé Samuel de ce meurtre.
— Bon! fit Shoking. Après?
— La police qui soupçonne, et elle n'a pas
tort, l'abbé Samuel d'être un des chefs les plus
actifs du fenianisme, va être enchantée du pré-
texte. Elle l'arrêtera de confiance, comme on dit
en France.
— Oui, mais l'abbé Samuel prouvera son
innocence.
— Ce n'est pas lui, c'est moi.
— Vous!
— Oui, en désignant le meurtrier.
— Alors, on rendra le prêtre à la liberté.
— Non. Quand la justice anglaise veut faire
traîner un procès, elle est merveilleuse de chi-
canes.
On gardera l'abbé Samuel en prison, jusqu'à
l'arrestation du coupable, e't la police s'arran-
gera de façon à ne pas l'arrêter.
— Alors qu'allons-nous faire?
— Une chose bien simple. Le magistrat de
police n'a pu donner des ordres encore. Nous:
allons prévenir l'abbé Samuel.
— Pour qu'il prenne la fuite? ' 1
— Non, pour qu'il s'enferme dans son église
et n'en bouge plus.. ,
— Mais, dit Shoking, on l'arrêtera à l'église?
— Mon bon Shoking, dit l'homme gris, je
vois qu'il faut que je t'apprenne les lois de toa
pays, moi qui ne suis pas Anglais.
— Ah ! fit Shokinc-
JOURNAL QUOTIDIEN
- 5 cent. le numéro
5 cent. le numéro
1 ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. un an.
Paris 5 fr. 9 fr. 2 s fr.
Départements.. a 11 99
Administrateur : E. DELSAUX.
3me année. — JEUDI 14 MAI 1868. — N* 756 .
Directeur-Proprié taire : J A N N i N.
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIER BRAGELONNB.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, rue Dronot. 1
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
PARIS, 13 MAI 1868
LES CÉLÉBRITÉS DE LA RUE
LA VIEILLE AU BOUQUET
%
Le drame d'abord. Je vous parlerai du
personnage ensuite.
En 1821, le 45e de ligne tenait garnison à
la Rochelle. Un jour, quatre sous-officiers de
ce régiment furent arrêtés, transférés à Paris,
mis au secret, traduits en cour d'assises...
Leurs noms? — Bories, Raoulx, Goubin et
Pommier.
Leur crime?—Ils avaient conspiré pour
renverser le gouvernement de la Restau-
ration.
Aujourd'hui, l'on juge impartialement la
Restauration.
On peut être l'adversaire du principe,
mais du moins on apprécie les hommes avec
équité...
Alors il n'en était point ainsi. La Restau-
ration nous avait été imposée par le grand
mouvement de l'Europe coalisée contre nous;
elle ramenait l'ancien régime. On ne voyait
que cela.
Les sociétés secrètes s'agitaient pour la
renverser et elles trouvaient des échos à
la tribune, dans la presse et même dans
l'armée...
Le gouvernement résolut de frapper les es-
prits par un exemple terrible de répression.
. Le jury avait condamné les quatre sergents
de la Rochfllle. Le roi refusa de leur faire ,
grâce.
Tous quatre portèrent leur tète sur l'écha-
faud, et, le soir on dansa aux Tuileries.
Il faut tenir compte de la passion du temps.
La loi frappait; le roi frappait aussi; mais
dans les condamnés, le peuple vit des mar-
tyrs. Ceux qui allaient mourir étaient jeunes;
quand ils apparurent pâles et résignés sur la
charrette, la foule s'empressa autour d'eux.
Des enthousiastes se ruèrent. En un instant
la charrette fut pleine de flaurs.
Au premier rang des spectateurs se tenait
lune jeune fille vêtue de deuil, les bras éten-
dus, poussant des cris.
L'un des sergents, Raoulx, l'aperçut, et,
prenant un des bouquets, le jeta vers elle :
— Garde-le, cria-t-il, en souvenir de
moi!... I
i
' \ 1863. Quarante-deux ans se sont passes:
Tons les habitués des cafés du quartier La-
; tifa s'inquiètent de la disparition d'une vieille
; femme, qui vient de temps en temps leur de-
mander un petit verre et les égayer par sa
) tournure et l'incohérence de ses propos.
Courbée en deux, la tête plus basse que
les reins, le menton dans les genoux, cette
vieille marche appuyée sur un bâton plus
haut qu'elle... Parfois elle regarde les pas-
sants de côté, et son visage prend une ex-
pression farouche ; si on l'interroge,. elle
répond brusquement. Parfois aussi, un sou-
rire éclaire les rides brunes de sa face, et elle
contemple d'un air attendri un bouquet
qu'elle tient à la main. Tantôt frais, tantôt
fané, ce bouquet ne la quitte jamais. Aussi,
dans tous les quartiers, Fappelle-t-on la Vieille
au bouquet. Quelques-uns cependant lui
donnent un autre nom. — C'est, disent ils,
la fiancée de Bories, le sergent de la Ro-
chelle !...
— Quel livre curieux, me disait ce matin
mon confrère Cénac-Moncaut, il y aurait à faire-
avec les vieillards inconnus !.. Que d'hommes
et de femmes, illustres un jour, rentrent en-
suite dans l'oubli où ils végètent pendant de
longues années... Ils meurent, et les jour-
naux, qui nous annoncent leur mort, nous
font dire': Ah 1 Car, au souvenir lointain qui
se rattache à eux, nous les aurions cru enter-
rés depuis vingt, trente ou quarante ans.
C'est l'histoire de M. deMaubreuil, le vieux
partisan de 1814, remis en lumière en 1867
par un procès.
Ce fut aus i celle de la Vieille au bouquet,
Le 20 août 1863, un fait divers apprit à ses
amis du quartier Latin qu'elle venait de s'é-
teindre à lHôtel-Dieu...
La vieille de l'Hôtel-Dieu, chers lecteurs,
et la jeune fille qui suivait la charrette des
condamnés de la Restauration ne font qu'une
seule personne, vous l'avez deviné.
Lisez maintenant cette simple histoire:
« Françoise était née à Marans, à deux
lieues de la Rochelle, d'une famille pauvre.
Son père mort et sa sœur mariée, elle entra
en service chez un ministre du nom de Fleury,
un brave homme s'il en fût. Le dimanche, les
soldats en garnison à la Rochelle venaient à
i Marans se divertir, et la jolie fille, alerte et
fraîche, avec ses dix-huit ans et son franc
I rire, n'échappa pas aux yeux des jeunes trou-
piers. Elle attira surtout l'attention d'un ser-
gent nommé Marius Raoulx, d'un naturel sé-
rieux, très-sympathique, presque recueilli,
plus ami des promenades solitaires que des
assemblées et des bals sous la feuillée.
» On se donnait des rendez-vous devant tout
le village, on s'aimait et on se le disait ; bien-
tôt on mit les amis dans la confidence, et
Marius présenta Françoise à ses trois amis,
sergents comme lui au 45e de ligne, et nom-
més Bories, Goubin et Pommier.
» Un jour, Marius ne revint pas à Marans.
Françoise inquiète écrit à Bories, pas de ré-
ponse. Successivement, elle adresse une let-
tre à Goubin et à Pommier, sans qu'aucun
des quatre sous-officiers donne signe de vie;
elle part pour la Rochelle, et apprend que ses
amis ont conspiré....
» Elle n'hésite pas, revient à Marans,prend
congé, les larmes aux yeux, de' M. Fleury,
fait un paquet de ses hardes, et, à pied, à pe-
tites journées, elle part pour Paris, où les
quatre sergents viennent d'être transférés.
Elle arrive, les pieds gonflés, les yeux en
pleurs, l'âme déchirée; elle interroge, elle
supplie. On lui désigne la prison de l'Abbaye
comme le cachot qui renfermait celui qui lui
était cher; pendant dix jours, elle vint
chaque matin s'asseoir à la porte de l'Abbaye
et supplier les geôliers et les gardes. Elle est
défaillante, un brave marchand l1e la rue
Sainte-Marguerite la recueille. Enfin, on les
transporte à la Force, et le 21 août on les
juge. Le jugement dura quatorze jours. Le 5
septembre, les quatre sergents étaient con-
damnes à mort.
» Du 5 au 21 septembre, on la vit chaque
jour au guichet des Tuileries, épiant la sortie
du roi, prête à se jeter sous les pieds des
chevaux pour demander la grâce de son fiancé
Marius. Le 22, elle l'accompagnait jusqu'au
pied de l'échafaud..... »
La citation que je viens de faire est em-
pruntée à la nouvelle édition d'un livre popu-
laire : Les Célébrités de la Rue, par Charles
Yriarte.
Ce.qu'il a fallu de curiosité dans l'esprit,de
patience dans la recherche et de persévé-
rance dans la volonté, pour écrire et illustrer
un tel livre, ne peut être bien apprécié que
par ceux qui tiennent une plume ou -un
crayon.... •
Mais tout le monde peut juger du résultat.
Grâce à M. Charles Yriarte, quarante phy-
sionomies légendaires ou pittoresques ont été
sauvées de l'oubli, et mettent en lumière tout
un côté des mœurs contemporaines.
Un tel livre est mieux qu'un livre ; c'est
l'histoire de la rue incarnée dans ceux qui j
vivent et qui y meurent.
TONY RÉVILLON.
LA CUEILLETTE
Bien de nouveau sous le soleil. Les savants vien- •
nent de découvrir que les caboulots étaient déjà in-
ventés en Egypte au temps de me Putiphar, la-
quelle les fréquentait peut-être — elle en avait
assez les mœurs, - et que les étudiants en bordée
se réunissaient volontiers pour pincer leur chope
dans les tapis-francs les plus mal famés. On lit en
effet, dans la Pairie.
Les égyptologues ont constaté que, dans les
hautes écoles ou universités de l'empire des
Pharaons, les étudiants buvaient déjà de la bière
ou du moins une boisson faite avec de J'orge et
appelée hag. Il existe des papyrus où un père
gourmande son fils, en lui reprochant de courir
toute la journée les cabarets pour y boire de ce
maudit haa.
Le n est pas, je suppose, dans des papyrus que
la Patrie a découvert l'histoire de la Maison isolée,
laquelle s'épanouissait, il y a tantôt huit jours,
dans la Petite Presse, et qui fait, à l'heure qu'il est,
le tour des journaux politiques, — ces braves jour-
naux qui resservent au public, au prix de quinze
centimes, la desserte des feuilles à un sou.
*
* *
Je parlais tout à l'heure de Mme Putiphar. Ce
nom-là me ramène, en vertu de la loi des contras-
tes, aux Pénélope et aux Ar t(-mise de la Chine,
dont le Journal de Paris nous décrit en ces termés
émus les vertus et la fidélité conjugales.
Une fois mariée, l'épouse subit l'autorité com-
plète de son époux, et peu d'entre elles, con-
trairement à ce qui se passe fréquemment dans
les nations civilisées, manquent à la foi conju-
gale. Bien plus, les Chinois méprisent la femme
qui, devenue veuve, contracte un second ma-
riage.
. Les femmes légitimes qui sont devenues
yeuves, restent dans cet état jusqu'à la fin de
leur vie, et, si d'éminentes vertus les ont
distinguées, elles sont honorées après leur '
mort par des monuments publics. On a voulu
ainsi qu'à la. puissance des mœurs s'ajoutas-
sent aussi des témoignages éclatants et person-
nels.
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIE
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
XLVIII
M 191
L'homme mal mis, et qui s'exprimait cepen-
dant avec distinction, le prétendu médecin alle-
mand, n'était autre encore, on l'a dû deviner,
que l'homme gris, le personnage fécond en mé-
tamorphoses.
Cet homme, que la police recherchait, dont
Voirie numéro du 22 novembre.
miss Ellen avait juré la perte, que la potence
attendait comme un des chefs les plus ardents
de la cause irlandaise, avait l'audace de se pré-
senter devant un magistrat de police et de lui
offrir, son concours pour découvrir un assas-
sin.
Quant au nègre, dont il avait saisi le bras et
qu'il entraînait vers Adam-street, on a reconnu
notre bon ami Shoking.
Une heure auparavant , l'homme gris et
Shoking s'en revenaient ensemble vers Saint-
George, lorsque le bruit qui se faisait dans
Adam-street et sous le passage avait attiré leur
attention.
Ils s'étaient mêlés à la foule, et l'homme gris
avait appris ce qui était arrivé, en même temps
que le nom de l'abbé Samuel, prononcé tout
haut, lui révélait l'accusation terrible formulée
contre le jeune prêtre.
Alors l'homme gris avait dit à Shoking :
— Attends-moi là, je vais en savoir pius
long encore.
On sait comment il était entré dans la mai-
son de Paddy, et comment il en était sorti, em-
portant la parole du magistrat de police que, le
lendemain, il lui serait permis de faire son ex-
périence scientifique.
Il paraissait si pressé de s'éloigner du Sout-
wark, que pendant quelques minutes Shoking
n'osa le questionner.
Ce ne fut qu'en vue du pont de Westminster
que le nègre de couleur récente se décida à
prendre la parole.
— Est-ce que nous retournons de l'autre côté
de l'eau, maître ? demanda-t-il.
— Oui.
— Tiens 1 pourquoi donc faire ?
—- Nous allons dans le quartier Saint-
Gilles.
— Ah 1
— Il faut que je voie l'abbé Samuel cette
nuit même. N'as-tu pas entendu ce qu'on
disait ?
— Oui, mais comme l'abbé Samuel est inca-
pable de commettre un crime, répondit Shoking,
je suis bien tranquille.
— Et moi je ne le suis pas, dit l'homme
gris.
Sa voix était grave et trahissait une certaine
émotion.
Ils passèrent le pont et l'homme gris conti-
nua :
— Ecoute bien ce que je vais te dire.
— Parlez. •
— On a assassiné un homme, et on accuse
l'abbé Samuel de ce meurtre.
— Bon! fit Shoking. Après?
— La police qui soupçonne, et elle n'a pas
tort, l'abbé Samuel d'être un des chefs les plus
actifs du fenianisme, va être enchantée du pré-
texte. Elle l'arrêtera de confiance, comme on dit
en France.
— Oui, mais l'abbé Samuel prouvera son
innocence.
— Ce n'est pas lui, c'est moi.
— Vous!
— Oui, en désignant le meurtrier.
— Alors, on rendra le prêtre à la liberté.
— Non. Quand la justice anglaise veut faire
traîner un procès, elle est merveilleuse de chi-
canes.
On gardera l'abbé Samuel en prison, jusqu'à
l'arrestation du coupable, e't la police s'arran-
gera de façon à ne pas l'arrêter.
— Alors qu'allons-nous faire?
— Une chose bien simple. Le magistrat de
police n'a pu donner des ordres encore. Nous:
allons prévenir l'abbé Samuel.
— Pour qu'il prenne la fuite? ' 1
— Non, pour qu'il s'enferme dans son église
et n'en bouge plus.. ,
— Mais, dit Shoking, on l'arrêtera à l'église?
— Mon bon Shoking, dit l'homme gris, je
vois qu'il faut que je t'apprenne les lois de toa
pays, moi qui ne suis pas Anglais.
— Ah ! fit Shokinc-
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