Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-05-13
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 13 mai 1868 13 mai 1868
Description : 1868/05/13 (A3,N755). 1868/05/13 (A3,N755).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47177574
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
1
JOURNAL QUOTIDIEN
1
& cent le numéro
. 5 cént. le numéro -
Abonnements. — Trois mois. Six mois. Un an.
Paris,......... 5 fr. 9 -fr. 2 s fr.
Départements-,. a 11 99 -
Administrateur : E. DEL-SAUX.
{.■
r
3rae année. — MERCREDI 13 Mkl 1868. — y. 155
. Directeier- PrOI)Éiétaire : Jannin.
Rédacteur en chef: A. de BALATHIER BRÂG ELONN.B. "
BUREAUX D'ABON NÈMENT : 0.
ADMINISTRATION ; 13, place Breda.
PARIS, 12 MAI 1868
LES TROIS AVARES
Le premier est celui de Moli
Harpagon.
Le poëte le place dans les conditions ordi-
naires de la vie. Il a été marié ; il a un fils
et une fille; il aime; son train de maison est
celui des honnêtes gens. Seulement, ii re-
tient, au détriment de ses enfants, l'héritage
de sa première femme; il voudrait bien qu'une
petite dot s'ajoutât aux attraits de celle dont
il rêve de faire la seconde; il affame ses do-
mestiques; ses chevaux sont des squelettes,
et son carrosse mal tenu fait un bruit de fer-
. raille en roulant, Harpagon existe aujourd'hui
comme il existait au temps de Molière. Tout
le monde l'a rencontré, tout le monde le
connaît.
Le second est celui de Balzac. Il se nomme
Gobseck.
— Si j'aime l'or, dit-il, c'est qu'avec de
l'or on peut acheter le pouvoir et le plaisir, et,
qu'ayant la cause, je jouis de l'effet par la
pensée !
Ce logicien impitoyable réduit peu à peu
ses besoins jusqu'à la négation de tous les
instincts de l'homme.
C'est une création de génie, soit; mais c'est
un être de raison. Harpagon, au contraire,
est un être humain.
Je sais un troisième avare, moins complet
que les deux autres, mais plus humain et
p'us contemporain en tout cas. Je veux parler
de feu M. le marquis d'A..., qui fut populaire
à tant de titres : une immense fortune, une
grande position, un esprit supérieur, et le
mode de vie le plus original.
Cinq ou six traits le feront connaître mieux
que la plus longue étude.
!
Vous connaissez l'usage, dans certaines
églises de village, de faire quêtes sur quêtes, 1
! sans que les fidèles sachent ,au juste le pour-
.' quoi de chacune.
\ Le marquis d'A..., lui, aimait à se rendre
Acompte de ses dépenses.
| Comme le quêteur de la petite église de
'B — L — lui présentait le plat d-argent :
— Pour qui ? demanda-t-il.
— Pour les pauvres 1
Le marquis mit un louis de vingt francs
dans le plat.
Au second tour, même question.
La réponse fut :
— Pour les besoins du culte I •
Le marquis donna deux pièces de cinq
francs.
Au troisième :
■— Pour la chapelle de la Vierge ! " -
Il donna cent sous.
Le bedeau se présenta une quatrième
fois :
— Pour les morts !
— Oh ! ceux-là, dit fe marquis, n'ont plus
besoin d'e grand'chose !
Et il donna un sou.
A Paris, un matin, il eut besoin de papier-
écolier. Il sonne son valet de chambre.
'- Pierre, lui dit-il,, vous allez aller m'a-
cheter une main de papier.
— Oui, monsieur le marquis.
— Attendez 1 Dans ce quartier, la main de
papier coûte huit sous. 01', je sais, rue Cadet,
un papetier qui ne la vend que sept. C'est la
troisième ou la quatrième maison à droite, en
montant. Vous irez chez lui.
—- Oui, monsieur le marquis.
Le domestique sortait, M. d'A .T'Ie rap-
pela : »
— J'ai besoin de ce papier tout de suite.
Vous prendrez une voiture.
Ses gens le volaiest sans pitié. Mais il ne
les renvoyait point pour cela, craignant, di-
rait-il, d'en prendre d'autres qui le voleraient
davantage.
Il donnait pour étrennes à ses domestiques
les cendres de ses cheminées.
Par une chaude, journée d'août, passant
devant la chambre' de l'un d'eux, il aperçut,
par la porte entr'ouverte, un grand feu.
Il entra, et, avisant le quidam rouge comme
un homard :
f
— Es-tu malade ? lui demanda-t-il. Pour-
quoi Ce' feu? Que fais-tu là?
Le érôle fut assez troublé pour dire la
vérité :
— Dame ! ' monsieur le marquis, je fais
des cendres! répondit-il, en s'essuyant le
front.
Lors,, de l'inventaire fait après la mort de
M. d'A..., on trouva tous ses papiers classés
et cotés par lui-même.
Sur Une des liasses, il y avait, écrit de sa
main :
« Rapines, grapillages et petites friponne-
ries du sieur un tel, mon homme d'affaires
à... » *
Notez bien qu'il ne l'avait pas chassé, mais
« il aimait à se rendre compte ».
Autre histoire d'intendant. •
Le marquis, visitant une de ses terres dans
la Nièvre, en trouva le régisseur aux anges.
Ce digne homme venait de se faire construire
une petite maison avec ses économies. Il la
fit visiter au marquis de la cave au grenier :
— Admirez, lui disait-il, la vue dont on jouit
du premier ! Et quel beau jardin! Et quelles
charmantes plantations ! Ma femme est bien
heureuse 1 Nous vieillirons dans ce petit en-
clos, etc., etc. —
Trois mois après, le marquis, de retour à
Paris, écrivait à son régisseur :
«Mou cher, je vous aime beaucoup, et je
ne saurais 'vous dire avec quel chagrin j'ai
reçu Jx nouvelle du malheur qui vous'frappe.
-Car c'est un véritable malheur. Eh quoi!
devant vos fenêtres, au lieu de l'horizon
sans bornes, vous aurez une vilaine muraille!
Des fenêtres indiscrètes s'ouvriront sur votre
jardin! Cette maison, où vous comptiez finir
vos jours, sera grevée d'une horrible servi-
tude ! Que je vous plains! Et quelle fâcheuse
idée a eue l'animal qui s'est avisé de bâtir en
face de vous!... »
Le régisseur répondit aussitôt :
« La bonté de monsieur le marquis me pé-
nètre, et c'est du fond du cœur que je le re-
mercie de sa sollicitude; mais que monsieur
le marquis se rassure! Au milieu de ses nom-
breuses préoccupations, il aura confondu ma
maison avec celle d'un autre .de ses servi-
teurs.- La mienne n'a pas de voisine. Nulle
fenêtre ne donne sur mon jardin, et je puis
toujours, à l'abri des regards indiscrets, m'y
promener avec ma femme chérie. Néanmoins
je bénis cette erreur, et le chagrin qu'a
éprouvé monsieur le marquis me touche pro-
fondément, car je suis sûr que ce chagrin
était sincère... Que monsieur le marquis, etc.
etc.' »
« Monsieur! écrivit le marquis, je suis
bien aise de m'être trompé; mais puisquè
vous croyez au chagrin que j'ai éprouvé de
votre déconvenue imaginaire, vous compren-
drez celui bien plus réel que j'ai ressenti, en
voyant, par votre négligence, s'élever, en
face de ma maison, la maison d'un voisin... »
L..., le célèbre expert en tableaux, voulait
absolument faire acheter un Titien au mar-
quis.
—Je n'en veux pas! disait le marquis.C'est
une copie !
— Je vous jure, monsieur, que c'est un
original. Il est signé !...
— On imite les signatures.
— Pas celle-là.
De guerre las, le marquis finit par céder.
— Eh bien! soit, dit-il, je vous achète vo-
tre original, mais à une condition : c'est que
vous l'emhallerez et l'expédierez à vos frais
dans un château que j'ai près de Bordeaux,
et où je vois à le placer.
— De grand cœur.
M. d'A... écrivit au régisseur de sa terre dp
Bordeaux : r
« Aussitôt que vous recevrez une caisse à
mon. adresse, renvoyez-la-iaei à Paris, s ans
perdre une minute. »
Puis, il alla chez un marchand choisir un
cadre à la mesure du tableau.
Quinze ou vingt jours après, il fit prier
lU. L... de passer chez lui :
— Mon cher monsieur, lui dit-il, j'ai à me
plaindre de vous. Je reçois une lettre de Bor- -
deaux. Mon tableau n'est pas encore arrivé.
Qu'est-ce quecela veut dire? Ne l'auriez-vous
pas envoyé?... f
Il n'y avait pas alors de chemin de fer.
M. L... pesta contre la lenteur des diligences,
et jura ses grands dieux qu'il avait envoyé le
Titien, le jour même de la vente.
— Persistez-vous, lui demanda le marquis,
à soutenir que c'est un original?
— Plus que jamais!
ROCAMBOLE
N° 190 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIE
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
XLVII
En présence de cette accusation formelle,
énergique, qui faisait retomber sur l'abbé Sa-
muel la responsabilité de la mort de Paddy, le
magistrat de police qui avait commencé l'en-
quête, comprenant qu'il ne s'agissait pas d'un
meurtre ordinaire, ordonna aux policemen de
Voir le numéro du 22 novembre.
faire sortir la foule, afin qu'il pût se livrer à
une enquête minutieuse.
Le peuple anglais est assez docile envers la
police.
Tout le inonde sortait donc sans trop mur-
murer, laissant le magistrat, les polieemen, Lis-
beth et ses deux enfants seuls auprès du cada-
vre de Paddy..
Mais elle demeura au dehors, remplissant le
passage et presque tout Adam street. ,
Divisés par groupes de huit ou dix person-
nes, les curieux causaient et émettaient mille
avis différents.
Paddy n'avait pas, du reste, une oraison fu-
nèbre bien élogieuse.
— C'était un assez triste drôle, disait un pu-
blicain qui lui avait fait crédit autrefois et n'a-
vait jamais pu en être payé.
— Sa femme est une méchante femme, répli-
quait une commère du voisinage. D'abord, elle
accuse le prêtre catholique bien légèrement...
— Et pui?, reprenait un troisième, en admet-
tant que cela soit vrai, Paddy n'a que ce qu'il
méritait. Du moment où il mangeait le pain dû
prêtre, il ne devait pas s'associer à ses ennemis.
— Cela est vrai, dirent plusieurs voix.
Mais toutes ces conversations avaient lieu à
l voix basse, sans bruit, sans tapage, et sans au
cune de ces bousculades qui font la gloire des at-
troupements parisiens.
L'Anglais est calme, il a l'habitude de vivre
la nuit et d'agir à sa guise sans jamais gêner la
liberté d'autrui.
Un nouveau personnage qui n'était pas entré
dans la maison du mort et qui n'était passé par
là qu'après que le magistrat de police l'eût fait
évacuer, se mêla alors aux différents groupes,
recueillant çà et là des indications et des ren-
seignements.
Il était pauvrement vêtu et ressemblait plu-
tôt à un petit commis du quartier de la Pois-
sonnerie et des docks qu'à un gentleman.
Cependant il s'exprimait en très-bons termes,
et il demandait ce qui s'était passé avec une
grande politesse.
La commère qui, déjà, s'était exprimée sévè-
rement sur le compte de Lisbeth, se chargea de le
mettre au courant.
Cet homme, que personne ne connaissait, du
reste, dans le quartier, apprit ainsi qu'on avait
assassiné Paddy et que la femme de Paddy ac-
cusait l'abbé Samuel de ce crime.
Il haussa imperceptiblement les épaules, ne
se prononça ni pour ni contre, glissa d'un grou-
pe à l'autre et finit par arriver jusqu'à un poli-
ceman qui s'était mis en sentinelle à la porte
même du mort.
— Mon ami, lui dit-il, voulez-vous avertir un.
de vos collègues qui sont de l'autre côté de la
porte ?
— Pourquoi faire? demanda le policeman
avec flegme.
— Il Y a dans cette maison un cadavre ?
— Oui.
— Le cadàvre d'un homme assassiné ?
— Oui, dit encore le policeman.
— Et le magistrat de police se livre à une
enquête ?
— Mais oui, répondit encore le policeman
sans s'impatienter le moins du monde.
L'Anglais est le plus patient des hommes.
— Eh bien ! reprit le personnage inconnu,
dites à un des policemen qui sont dans l'inté-
rieur, qb'un homme qui p eut fournir des rensei-
gnements sur le'meurtre et aider l'enquête, de-
mande à être introduit.
Ce que la police anglaise a d'admirable, c'est
qu'elle ne repousse personne et ne dédaigne
aucun renseignement, si insignifiant qu'il puiss'è
être.
Le policeman fit un signe de tête afûr-
matif.
Puis il frappa à la porte, qu'un des policemen
placés à l'intérieur entr'ouvrît.
On entèndait toujours à travers cette porte
. les cris de douleur des deux enfants.
1
JOURNAL QUOTIDIEN
1
& cent le numéro
. 5 cént. le numéro -
Abonnements. — Trois mois. Six mois. Un an.
Paris,......... 5 fr. 9 -fr. 2 s fr.
Départements-,. a 11 99 -
Administrateur : E. DEL-SAUX.
{.■
r
3rae année. — MERCREDI 13 Mkl 1868. — y. 155
. Directeier- PrOI)Éiétaire : Jannin.
Rédacteur en chef: A. de BALATHIER BRÂG ELONN.B. "
BUREAUX D'ABON NÈMENT : 0.
ADMINISTRATION ; 13, place Breda.
PARIS, 12 MAI 1868
LES TROIS AVARES
Le premier est celui de Moli
Harpagon.
Le poëte le place dans les conditions ordi-
naires de la vie. Il a été marié ; il a un fils
et une fille; il aime; son train de maison est
celui des honnêtes gens. Seulement, ii re-
tient, au détriment de ses enfants, l'héritage
de sa première femme; il voudrait bien qu'une
petite dot s'ajoutât aux attraits de celle dont
il rêve de faire la seconde; il affame ses do-
mestiques; ses chevaux sont des squelettes,
et son carrosse mal tenu fait un bruit de fer-
. raille en roulant, Harpagon existe aujourd'hui
comme il existait au temps de Molière. Tout
le monde l'a rencontré, tout le monde le
connaît.
Le second est celui de Balzac. Il se nomme
Gobseck.
— Si j'aime l'or, dit-il, c'est qu'avec de
l'or on peut acheter le pouvoir et le plaisir, et,
qu'ayant la cause, je jouis de l'effet par la
pensée !
Ce logicien impitoyable réduit peu à peu
ses besoins jusqu'à la négation de tous les
instincts de l'homme.
C'est une création de génie, soit; mais c'est
un être de raison. Harpagon, au contraire,
est un être humain.
Je sais un troisième avare, moins complet
que les deux autres, mais plus humain et
p'us contemporain en tout cas. Je veux parler
de feu M. le marquis d'A..., qui fut populaire
à tant de titres : une immense fortune, une
grande position, un esprit supérieur, et le
mode de vie le plus original.
Cinq ou six traits le feront connaître mieux
que la plus longue étude.
!
Vous connaissez l'usage, dans certaines
églises de village, de faire quêtes sur quêtes, 1
! sans que les fidèles sachent ,au juste le pour-
.' quoi de chacune.
\ Le marquis d'A..., lui, aimait à se rendre
Acompte de ses dépenses.
| Comme le quêteur de la petite église de
'B — L — lui présentait le plat d-argent :
— Pour qui ? demanda-t-il.
— Pour les pauvres 1
Le marquis mit un louis de vingt francs
dans le plat.
Au second tour, même question.
La réponse fut :
— Pour les besoins du culte I •
Le marquis donna deux pièces de cinq
francs.
Au troisième :
■— Pour la chapelle de la Vierge ! " -
Il donna cent sous.
Le bedeau se présenta une quatrième
fois :
— Pour les morts !
— Oh ! ceux-là, dit fe marquis, n'ont plus
besoin d'e grand'chose !
Et il donna un sou.
A Paris, un matin, il eut besoin de papier-
écolier. Il sonne son valet de chambre.
'- Pierre, lui dit-il,, vous allez aller m'a-
cheter une main de papier.
— Oui, monsieur le marquis.
— Attendez 1 Dans ce quartier, la main de
papier coûte huit sous. 01', je sais, rue Cadet,
un papetier qui ne la vend que sept. C'est la
troisième ou la quatrième maison à droite, en
montant. Vous irez chez lui.
—- Oui, monsieur le marquis.
Le domestique sortait, M. d'A .T'Ie rap-
pela : »
— J'ai besoin de ce papier tout de suite.
Vous prendrez une voiture.
Ses gens le volaiest sans pitié. Mais il ne
les renvoyait point pour cela, craignant, di-
rait-il, d'en prendre d'autres qui le voleraient
davantage.
Il donnait pour étrennes à ses domestiques
les cendres de ses cheminées.
Par une chaude, journée d'août, passant
devant la chambre' de l'un d'eux, il aperçut,
par la porte entr'ouverte, un grand feu.
Il entra, et, avisant le quidam rouge comme
un homard :
f
— Es-tu malade ? lui demanda-t-il. Pour-
quoi Ce' feu? Que fais-tu là?
Le érôle fut assez troublé pour dire la
vérité :
— Dame ! ' monsieur le marquis, je fais
des cendres! répondit-il, en s'essuyant le
front.
Lors,, de l'inventaire fait après la mort de
M. d'A..., on trouva tous ses papiers classés
et cotés par lui-même.
Sur Une des liasses, il y avait, écrit de sa
main :
« Rapines, grapillages et petites friponne-
ries du sieur un tel, mon homme d'affaires
à... » *
Notez bien qu'il ne l'avait pas chassé, mais
« il aimait à se rendre compte ».
Autre histoire d'intendant. •
Le marquis, visitant une de ses terres dans
la Nièvre, en trouva le régisseur aux anges.
Ce digne homme venait de se faire construire
une petite maison avec ses économies. Il la
fit visiter au marquis de la cave au grenier :
— Admirez, lui disait-il, la vue dont on jouit
du premier ! Et quel beau jardin! Et quelles
charmantes plantations ! Ma femme est bien
heureuse 1 Nous vieillirons dans ce petit en-
clos, etc., etc. —
Trois mois après, le marquis, de retour à
Paris, écrivait à son régisseur :
«Mou cher, je vous aime beaucoup, et je
ne saurais 'vous dire avec quel chagrin j'ai
reçu Jx nouvelle du malheur qui vous'frappe.
-Car c'est un véritable malheur. Eh quoi!
devant vos fenêtres, au lieu de l'horizon
sans bornes, vous aurez une vilaine muraille!
Des fenêtres indiscrètes s'ouvriront sur votre
jardin! Cette maison, où vous comptiez finir
vos jours, sera grevée d'une horrible servi-
tude ! Que je vous plains! Et quelle fâcheuse
idée a eue l'animal qui s'est avisé de bâtir en
face de vous!... »
Le régisseur répondit aussitôt :
« La bonté de monsieur le marquis me pé-
nètre, et c'est du fond du cœur que je le re-
mercie de sa sollicitude; mais que monsieur
le marquis se rassure! Au milieu de ses nom-
breuses préoccupations, il aura confondu ma
maison avec celle d'un autre .de ses servi-
teurs.- La mienne n'a pas de voisine. Nulle
fenêtre ne donne sur mon jardin, et je puis
toujours, à l'abri des regards indiscrets, m'y
promener avec ma femme chérie. Néanmoins
je bénis cette erreur, et le chagrin qu'a
éprouvé monsieur le marquis me touche pro-
fondément, car je suis sûr que ce chagrin
était sincère... Que monsieur le marquis, etc.
etc.' »
« Monsieur! écrivit le marquis, je suis
bien aise de m'être trompé; mais puisquè
vous croyez au chagrin que j'ai éprouvé de
votre déconvenue imaginaire, vous compren-
drez celui bien plus réel que j'ai ressenti, en
voyant, par votre négligence, s'élever, en
face de ma maison, la maison d'un voisin... »
L..., le célèbre expert en tableaux, voulait
absolument faire acheter un Titien au mar-
quis.
—Je n'en veux pas! disait le marquis.C'est
une copie !
— Je vous jure, monsieur, que c'est un
original. Il est signé !...
— On imite les signatures.
— Pas celle-là.
De guerre las, le marquis finit par céder.
— Eh bien! soit, dit-il, je vous achète vo-
tre original, mais à une condition : c'est que
vous l'emhallerez et l'expédierez à vos frais
dans un château que j'ai près de Bordeaux,
et où je vois à le placer.
— De grand cœur.
M. d'A... écrivit au régisseur de sa terre dp
Bordeaux : r
« Aussitôt que vous recevrez une caisse à
mon. adresse, renvoyez-la-iaei à Paris, s ans
perdre une minute. »
Puis, il alla chez un marchand choisir un
cadre à la mesure du tableau.
Quinze ou vingt jours après, il fit prier
lU. L... de passer chez lui :
— Mon cher monsieur, lui dit-il, j'ai à me
plaindre de vous. Je reçois une lettre de Bor- -
deaux. Mon tableau n'est pas encore arrivé.
Qu'est-ce quecela veut dire? Ne l'auriez-vous
pas envoyé?... f
Il n'y avait pas alors de chemin de fer.
M. L... pesta contre la lenteur des diligences,
et jura ses grands dieux qu'il avait envoyé le
Titien, le jour même de la vente.
— Persistez-vous, lui demanda le marquis,
à soutenir que c'est un original?
— Plus que jamais!
ROCAMBOLE
N° 190 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIE
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
XLVII
En présence de cette accusation formelle,
énergique, qui faisait retomber sur l'abbé Sa-
muel la responsabilité de la mort de Paddy, le
magistrat de police qui avait commencé l'en-
quête, comprenant qu'il ne s'agissait pas d'un
meurtre ordinaire, ordonna aux policemen de
Voir le numéro du 22 novembre.
faire sortir la foule, afin qu'il pût se livrer à
une enquête minutieuse.
Le peuple anglais est assez docile envers la
police.
Tout le inonde sortait donc sans trop mur-
murer, laissant le magistrat, les polieemen, Lis-
beth et ses deux enfants seuls auprès du cada-
vre de Paddy..
Mais elle demeura au dehors, remplissant le
passage et presque tout Adam street. ,
Divisés par groupes de huit ou dix person-
nes, les curieux causaient et émettaient mille
avis différents.
Paddy n'avait pas, du reste, une oraison fu-
nèbre bien élogieuse.
— C'était un assez triste drôle, disait un pu-
blicain qui lui avait fait crédit autrefois et n'a-
vait jamais pu en être payé.
— Sa femme est une méchante femme, répli-
quait une commère du voisinage. D'abord, elle
accuse le prêtre catholique bien légèrement...
— Et pui?, reprenait un troisième, en admet-
tant que cela soit vrai, Paddy n'a que ce qu'il
méritait. Du moment où il mangeait le pain dû
prêtre, il ne devait pas s'associer à ses ennemis.
— Cela est vrai, dirent plusieurs voix.
Mais toutes ces conversations avaient lieu à
l voix basse, sans bruit, sans tapage, et sans au
cune de ces bousculades qui font la gloire des at-
troupements parisiens.
L'Anglais est calme, il a l'habitude de vivre
la nuit et d'agir à sa guise sans jamais gêner la
liberté d'autrui.
Un nouveau personnage qui n'était pas entré
dans la maison du mort et qui n'était passé par
là qu'après que le magistrat de police l'eût fait
évacuer, se mêla alors aux différents groupes,
recueillant çà et là des indications et des ren-
seignements.
Il était pauvrement vêtu et ressemblait plu-
tôt à un petit commis du quartier de la Pois-
sonnerie et des docks qu'à un gentleman.
Cependant il s'exprimait en très-bons termes,
et il demandait ce qui s'était passé avec une
grande politesse.
La commère qui, déjà, s'était exprimée sévè-
rement sur le compte de Lisbeth, se chargea de le
mettre au courant.
Cet homme, que personne ne connaissait, du
reste, dans le quartier, apprit ainsi qu'on avait
assassiné Paddy et que la femme de Paddy ac-
cusait l'abbé Samuel de ce crime.
Il haussa imperceptiblement les épaules, ne
se prononça ni pour ni contre, glissa d'un grou-
pe à l'autre et finit par arriver jusqu'à un poli-
ceman qui s'était mis en sentinelle à la porte
même du mort.
— Mon ami, lui dit-il, voulez-vous avertir un.
de vos collègues qui sont de l'autre côté de la
porte ?
— Pourquoi faire? demanda le policeman
avec flegme.
— Il Y a dans cette maison un cadavre ?
— Oui.
— Le cadàvre d'un homme assassiné ?
— Oui, dit encore le policeman.
— Et le magistrat de police se livre à une
enquête ?
— Mais oui, répondit encore le policeman
sans s'impatienter le moins du monde.
L'Anglais est le plus patient des hommes.
— Eh bien ! reprit le personnage inconnu,
dites à un des policemen qui sont dans l'inté-
rieur, qb'un homme qui p eut fournir des rensei-
gnements sur le'meurtre et aider l'enquête, de-
mande à être introduit.
Ce que la police anglaise a d'admirable, c'est
qu'elle ne repousse personne et ne dédaigne
aucun renseignement, si insignifiant qu'il puiss'è
être.
Le policeman fit un signe de tête afûr-
matif.
Puis il frappa à la porte, qu'un des policemen
placés à l'intérieur entr'ouvrît.
On entèndait toujours à travers cette porte
. les cris de douleur des deux enfants.
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 95.88%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 95.88%.
- Collections numériques similaires Portraits Portraits /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=dc.subject adj "Portraits"Norvège. Lapon / [mission] Rabot ; [photographie] Rabot ; [reprod. par] Molteni [pour la conférence donnée par] Rabot /ark:/12148/btv1b53290490s.highres Maxence Bibié [sous-secrétaire d'Etat à l'Economie nationale et député de la Dordogne, à son bureau] : [photographie de presse] / [Agence Rol] /ark:/12148/btv1b53285387j.highres
- Auteurs similaires Portraits Portraits /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=dc.subject adj "Portraits"Norvège. Lapon / [mission] Rabot ; [photographie] Rabot ; [reprod. par] Molteni [pour la conférence donnée par] Rabot /ark:/12148/btv1b53290490s.highres Maxence Bibié [sous-secrétaire d'Etat à l'Economie nationale et député de la Dordogne, à son bureau] : [photographie de presse] / [Agence Rol] /ark:/12148/btv1b53285387j.highres
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k47177574/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k47177574/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k47177574/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k47177574/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k47177574
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k47177574
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k47177574/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest