Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-05-10
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 10 mai 1868 10 mai 1868
Description : 1868/05/10 (A3,N752). 1868/05/10 (A3,N752).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717754w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN
& cent. le numéro .
5 eeat. le namér* -
b.BUNl'ŒMEN'fS. - Trois mois. 8ft mois., lun on, j
Paris.. Ii fr. 9 fr. 1.8 fr.
Départements.. 6 II et ~ 1
Administrateur :E. Delsaux. i
S10® année. — DIMANCHE 4 0 MAI 1868. No
, Directeur-Propriétaire : 1 A N w i M.
Rédacteur en chef: A. DE Balathier. BiueiLOWN b.
Bureaux b'aiokhihent : 9, rne Drou0&
Admi-sictration : 13, piMO Brada.
PARIS, 9 MAI 1868
LES FÊTES D'ORLÉANS
JEANNE D'ARC
Laissons la légende de côté. T^^KîStlfre est
si belle qu'elle ne peut que gagner à être ra-
contée simplement. /
Les Anglais occupaient la moitié de la
France. Leur roi avait été profâ^ïié notre
roi. Comme c'était un eufan!,, le duc $£ Bed-
fort gouvernait à sa placE' j, et quelle ville
avait-il choisi pour siége .-de son gouverne-
ment? Paris.
Quant au vrai roi, Chai .-les Vif, il errait de
ville en ville, suivi d'un [ jfetit groupe de com-
pagnons, se demandant avec anxiété s'il ne
ferait pas mieux de fair.1 son royaume que de
poursuivre une défense; inutile.
Les nobles, il faut bi en le dire, se souciaient
médiocrement de l'i isue de la lutte. Long-
temps ils s'étaient lig,ués contre le roi, le plus
puissant d'entre eu&. Battus par lui, ils n'é-
taient pais Fâchés de; le voir battu à son tour
; par l'Anglais. Les souverainetés éparpillées
aiment les .ga-erres^civiles. C'est pour elles un
? prétexte à lever xles soldats, à s'agrandir à
main armée et à vendre leur appui.
Les seigneurs de l'ouest, du midi, du nord,
-.'étaient presque tous ralliés au roi étranger,
lis|sensateur de domaines et de privilèges, et
- du Teste, avait à leur yeux le grand
iiv-salage de demeurer très-loin. -
Quelques donneurs de coup-d'^épée-efr^trei"
£];k;s conseillers demeuraient encore fidèles;
\1015 'Charles VII les voyait si peu nombreux,
si bfvsi mécontents, qu'il ne comptait plus
gi-^re sur leur appui.
Donc, à la cour de Bourges — on appelait
le ,.iide France roi de Bourges ! — à la cour
de Bourges on désespérait.
Tout allait périr.
One jeune fille vint, qui sauva tout.
Je ne fuis pas de ceux qui vont chercher la
trace des Droits de l'homme d ns les capitu-
1 «ires de Char]en" igne et qui font faire les
piûiibdeM. Haussmann à Philippe-Auguste. Si
les principes de 89 s'appellent de 89, c'est
qu'ils n'étaient pas les principes du temps de
Charles VII et de Louis XI.
Cependant, il est juste de reconnaître dans
l'histoire les manifestations du peuple, qu'el-
les s'appellent les Communes, les Croisades
ou la Ligue...
\ A quatre ou cinq l'éprises, le peuple s'est-
fevé, et, chose curieuse, chaque fois qu'il
jjfest levé, c'a été pour défendre une idée.
f Lorsque les nobles firent défaut à Char-
les VII, les ouvriers et les paysans se dirent
que l'homme abandonné représentait la pa-
trie. Tout le monde avait fait peu ou prou la
guerre1 depuis un demi-siècle.. Pourquoi ne la
ferait-on pas encore ? Mieux valait en somme
obéir à un roi français qu'à une aristocratie
de grands vassaux sous la protection d'un
souverain étranger!
il y a des courants d'idées comme il y a
des courants d'air. Cette idée de délivrer le
sol passa sur les villages. On se leva, on s'in-
terrogea. Mais qui donnerait le signal ? Qui
montrerait la route? Qui irait trouver le roi
et lui dire : — Sire, votre peuple est avec
vous pour chasser l'Anglais !...
Un laboureur, Jacques d'Arc, et sa femme,
Isabelle Romée, vivaient avec leurs cinq en-
fants à Domrémy, un village sur les marches
de la Lorraine et de la Champagne. Le pays
relevait du roi de France. Sans cesse on y
prononçait son nom. On bataille volontiers
sur ces frontières. La guerre civile y avait
rendu les gens braves. Chaque fois qu'un
seigneur commettait quelque déprédation, on'
se disait : — Ah! si le roi savait cela!... EL
l'on croyait, non sans raison, qu'un seul
maître vaut mieux qu'une centaine de petits
tyrans.
La fille de Jacques d'Arc s'appelait Jeanne.
Elle menait paître le troupeau de.son père,
filait le chanvre fit la laine. Douce, modeste,
pareille à ses sœurs dans' la vie commune,
elle se transformait tout à coup dans la soli-
tude.
C'était alors des exlusl::';¡ des prières et des
chants.
Tantôt la jeune fille passait de longues
heures à prier 'notre dame la Vierge; tantôt
elle appelait les oiseaux qui venaient par volées
manger son paindans son giron.
Le soir, de retour au logis, elle entendait
son père ét son frère aîné parler des désastres
du roi, des malheurs de la France, des crimes
de l'étranger .. Ces récits lui revenaient pen-
dant le jour. Alors elle priait, puis elle écou-
tait, penchée, lesbruits bibliques des pasteurs
et des troupeaux. — Mon Dieu, inspire-moi!
s'écriait-elle avec ferveur. Ùn jour, elle se
releva radieuse: elle avait ejitendu des voix
qui lui ordonnaient de partir, d'aller trouver
Charles VII, de se mettre à la tête de son ar-
mée et de le ramener dans sa capitale.
Dans le village, on se mit à'rire. On la
laissa., partir pourtant. A la cour, on rit en-
core ; mais, comme on n'avait plus rien à
perdre, on lui. permit d'essayer de tout
sauver.
La paysanne n'avait pas vingt ans. Mais
elle était forte, couràgeuse, et soutenue par
une foi profonde. Elle se mit à la tête de la
petite armée royale.
— Suivez-moi!
Orléans était assiégé parles Anglais.
Elle força leurs lignes et entra dàns Or-
léans,
Elle avait combattu à côté de durs soldats,
les Dunois, les Xain'r&ilies , les Lahire, et
elle les avait étonnés par son audace. Elle se
tenait au premier rang, un étendard à la
main. Elle le dira, plus tard en termes
naïfs. A peine, pour se faire jour à travers
les Anglais, les frappait-elle de la tête de sa
hache d'armes ou du plat de son épée, propre
à donner de bonnes bnfles et de bons tor-
chons
Blessée à la défense d'Orléans, d'une flèche
qui lui traversa l'épaule, elle l'arrache de ses
mains, entraîne après elle les soldats enthou-
siasmés et retourne à l'ennemi.
Orléans est délivrée.
En/pareil cas, un premier combat décide
d'une campagne. Les Anglais qui passaient
pour invincibles avaient été vaincus une fois;
pourquoi ne le seraient-ils pas encore ?... Et
un grand mouvement de s'opérer en faveur
du roi. Les partisans lui reviennent. Son ar-
mée se grossit. Il peut, battant l'ennemi sur
son chemin, pousser jusqu'à Reims, au cœur
de la Champagne, et s'y faire sacrer. La mis-
tion de Jeanne d'Arc est finie.
— Laissez-moi partir! dit-elle.
On la retient : il reste encore des villes à
prendre.
Mais son enthousiasme est tombé, Sa
gloire lui a fait des ennemis, sa faveur des
envieux.Elle, la. fille des champs et des camps,
à son aise avec les laboureurs et les soldats,
elle est gauche et gênée au milieu des grands
seigneurs et des grandes dames...
Cependant elle obéit.
Les fossés de Paris la virent, M*ss8e,
sa bannière haute, pousser Passant juequ'à m
nuit :
— Rendez la villa au roi ! eriait-elle auX
assiégés ; rendez la ville!...
Mais le lendemain elle demandait encow
à retourner dans son vHlasfé.
(t Les seigneurs , dit-ego plus tard, ne Mt
le permirent pas. t
L'armée royale se dirigea vers Compiègne
Liset. maintenant :
« C'était encore, comme l'année précé-
dente, le beau moi^ de mai, où les fleurs re-
naissent, et où tout s'anime dans la nature
et réjouit; mais cette fois'Jeanne ne marchait
plus, comme vers Orléans, d'un pas joyeu*,-
L'épine blanche de Tanière douceur était
l'unique fleur que le mois de mai de l'année
1430 dût lui apporter..,
1) Et ce même mois, le 23 mai, après avoir
jusqu'au dernier moment, toujours secoura-
ble aux assiégés, soutenu l'attaque par des
prodiges de valeur, et protégé la retraite de
tous les siens, demeurant seule en arrière
d'eux et en face de l'ennemi, tout à coup l?»s
c!oches de Compiègne donnèrent l'alarme, le
pont levis se releva derrière elle, et elle ioio-
baitaux mains des Anglais! Et. on la traînait
do prison en prison jusqu'à Rouen ! Et toutes
le-s portes des villes de France demeuraient
fermées derrière elle l Et nul n'en sortit pour
la défendre,et nul ne sut mourir pour ell^f.,.
» Je l'avoue, parmi les iniquités de la terro,
je n'en sais pas qui blessent plus profondé-
ment mon âme que les iniquités de la justice.
Mais quand j'y rencontre un prêtre, q-oami
un évêque y préside., l'atteinte est si cruelk;
que mon âme fléchit. Oh! c'est alors qu'il
faut élever sa pensée plus haut. Les iniqui-
tés sont dr. la terre ! il faut donc s'y faire ;
ma;s il faut savoir aussi que quand les inrn-
gnités doivent dépasser toute mesure, quand
l'injustice et la bassesse humaine doivent
aller an comble. Caïphe et Judas n'y man-
quent jamais 1 Ils ne manquèrent pas ici. Eh
bien! je m'en r'jouis; rien ne manquera donc
à la grandeur de cette pauvre fille.
» Oui, elle est grande, parce qu'elle sorn-
fre! Elle est grande, parce qu'elle meurt pour
son pays, pour la vérité et pour !a justice!
Elle est grande, parce qu'elle n'y rencontre
que le délaissement, l'ingratitude, le men-
songe, l'atroce calomnie, le mal pour le bien!
Elle est grande, non-seulem''nt parce qu'elle
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIE
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
îs«*i87
XLIV
Cette longue journée du dimanche s'était
écoulée enfin, car rien n'est interminable et
triste comme le dimanche à Londres.
Tout est fermé, magasins et public-house ; la
foule qui circule dans les rues est silencieuse
Voirie numéro du 22 ncvcB]bra. "
v
et recueillie, sinon par dévotion; au moins par
habitude.
Chacun paraît s'ennuyer et se tordre la mâ-
choire; et on en voit qui regardent, le cie!, trou-
vant que le jour a l'air d se prolonger indéfi-
niment.
Enfin, la nuit vient, le gaz s'allume dans les
rues, quelques établissements publics se rou-
vrent; la poste, qui a chômé tout le jour, expé-
die les lettres pour l'étranger et la province, et
le publicain reparaît à son comptoir avec son
tablier, son habit noir et na cravate blanche.
Le peuple anglais, le dimanche soir, est
comme le peuple turc pendant le rhamadan,
c'est-à-dire au lendemain du carême.
Il se rattrape de son long jour d'abstinence
avec une fiévreuse ardeur.
Dans les quakers pauvres, au Wapping. à
"Wliite Clripel, n Rot.hfr'tho, dans le Borough,
da;", le Seutwark. les tavernes s?ernp;i-:sent dès
hu l heures du scir.
Le policeman, toujours respMi.", se montre
rntmlJ indûment; il n'appréhende les ivrognes
au voilât que lorsque le scandale est trop fia-
gran t,
Sinon, il ferme les yeux sur ceux qui s'en
vont on décrivant des courbe.- et des arabesques,
et lwfFC devant }os pub'ic house sans trop re-»
garder à travers les carreaux garnis au dedans
de rideaux rouges.
Ce soir là, Paddy, qui était demeuré tout le
jour enfermé dans sa ma'son, Paddy se leva du
coin du poêle qui ronflait 'joyeusement, main-
tenant qu'on avait de l'argent et partant du
cook et du charbon :
— Femme, dit-il, je vais aller me promener
un peu. J'ai mal de tête.
— Il fait froid, dit mistress Paddy.
— Je boutonnerai mon habit.
— Et puis, continua sa femme, je ne saurais
dire pourquoi, ma.is j'aimerais mieux que tu
restasses ici.
— J'ai soif, dit Paddy.
- Il y a sur la table une cruche de bière
brune toute pleine.
— La bière qu'on boit chez soi raffraichit
moins que celle du publie bou?e.
Mistress Paddy soupira.
— Seigneur Dieu, dit-elle, comme les hommes
sont entêtés, en vérité!
— Ah çà 1 mais pourquoi donc vçux-tu que
je ne sorte pas? dit Paddy d'un. ton bourru.
— Je te l'ai cht, je ne sais pas. C'est une
idée.
— Une drôle d'idée ' ricana Paddy.
— lm puis, fit mistress Paddy, j'ai comme un
pr<*e.sontîmensoir..
— A propos de quoi t
— Il me -semble que -ce matin le prêtre idan.
dais s'est mrfié de quelque oho/C.
Paddy tJ'es£aW¡t.
— Je ne sai? pas pourquoi encore, continua
sa femme, mai ; il me fwmb'e q ic miss Ell n t'a
donné là une drôle de Lesogne, en te disant de
l'avertir que Nitholf; (1t les autres swaient ijue
John Golden était dans )a clocher de Saint-
George;
— Moi aussi, dit Paddy, je ne comprends pas
pourquoi cite m'a di d'agir ainsi.
— Car enfin , -71t mistress Paddy, elle a,
comme son père; :1 haine dos Irlandais, et alors
pourquoi leur donner un avis charitable?
— Femme, dit Paddy, je te le répète, je n'y
comprends absolument fien, mais, enfin, du
moment quo je me suis vendu à miss Ellen et
que je lui ai juré ds faire ce qulelle me comman-
derait, je n'ai pas besoin de discuter ses
ordres.
Et Paddy fit un pa-3 vers la parte
Mais sa femme lui prit le bras et !e retint»
— Ecoute encore, lui 'lit-e!!e.
— Parie.
— Je te disais donc que j'avais dans mon
idée que ce matin J'abbé Samuel s'était toéSÔ
de quelque chose.
i — Tu ci'ois?
»
JOURNAL QUOTIDIEN
& cent. le numéro .
5 eeat. le namér* -
b.BUNl'ŒMEN'fS. - Trois mois. 8ft mois., lun on, j
Paris.. Ii fr. 9 fr. 1.8 fr.
Départements.. 6 II et ~ 1
Administrateur :E. Delsaux. i
S10® année. — DIMANCHE 4 0 MAI 1868. No
, Directeur-Propriétaire : 1 A N w i M.
Rédacteur en chef: A. DE Balathier. BiueiLOWN b.
Bureaux b'aiokhihent : 9, rne Drou0&
Admi-sictration : 13, piMO Brada.
PARIS, 9 MAI 1868
LES FÊTES D'ORLÉANS
JEANNE D'ARC
Laissons la légende de côté. T^^KîStlfre est
si belle qu'elle ne peut que gagner à être ra-
contée simplement. /
Les Anglais occupaient la moitié de la
France. Leur roi avait été profâ^ïié notre
roi. Comme c'était un eufan!,, le duc $£ Bed-
fort gouvernait à sa placE' j, et quelle ville
avait-il choisi pour siége .-de son gouverne-
ment? Paris.
Quant au vrai roi, Chai .-les Vif, il errait de
ville en ville, suivi d'un [ jfetit groupe de com-
pagnons, se demandant avec anxiété s'il ne
ferait pas mieux de fair.1 son royaume que de
poursuivre une défense; inutile.
Les nobles, il faut bi en le dire, se souciaient
médiocrement de l'i isue de la lutte. Long-
temps ils s'étaient lig,ués contre le roi, le plus
puissant d'entre eu&. Battus par lui, ils n'é-
taient pais Fâchés de; le voir battu à son tour
; par l'Anglais. Les souverainetés éparpillées
aiment les .ga-erres^civiles. C'est pour elles un
? prétexte à lever xles soldats, à s'agrandir à
main armée et à vendre leur appui.
Les seigneurs de l'ouest, du midi, du nord,
-.'étaient presque tous ralliés au roi étranger,
lis|sensateur de domaines et de privilèges, et
- du Teste, avait à leur yeux le grand
iiv-salage de demeurer très-loin. -
Quelques donneurs de coup-d'^épée-efr^trei"
£];k;s conseillers demeuraient encore fidèles;
\1015 'Charles VII les voyait si peu nombreux,
si bfvsi mécontents, qu'il ne comptait plus
gi-^re sur leur appui.
Donc, à la cour de Bourges — on appelait
le ,.iide France roi de Bourges ! — à la cour
de Bourges on désespérait.
Tout allait périr.
One jeune fille vint, qui sauva tout.
Je ne fuis pas de ceux qui vont chercher la
trace des Droits de l'homme d ns les capitu-
1 «ires de Char]en" igne et qui font faire les
piûiibdeM. Haussmann à Philippe-Auguste. Si
les principes de 89 s'appellent de 89, c'est
qu'ils n'étaient pas les principes du temps de
Charles VII et de Louis XI.
Cependant, il est juste de reconnaître dans
l'histoire les manifestations du peuple, qu'el-
les s'appellent les Communes, les Croisades
ou la Ligue...
\ A quatre ou cinq l'éprises, le peuple s'est-
fevé, et, chose curieuse, chaque fois qu'il
jjfest levé, c'a été pour défendre une idée.
f Lorsque les nobles firent défaut à Char-
les VII, les ouvriers et les paysans se dirent
que l'homme abandonné représentait la pa-
trie. Tout le monde avait fait peu ou prou la
guerre1 depuis un demi-siècle.. Pourquoi ne la
ferait-on pas encore ? Mieux valait en somme
obéir à un roi français qu'à une aristocratie
de grands vassaux sous la protection d'un
souverain étranger!
il y a des courants d'idées comme il y a
des courants d'air. Cette idée de délivrer le
sol passa sur les villages. On se leva, on s'in-
terrogea. Mais qui donnerait le signal ? Qui
montrerait la route? Qui irait trouver le roi
et lui dire : — Sire, votre peuple est avec
vous pour chasser l'Anglais !...
Un laboureur, Jacques d'Arc, et sa femme,
Isabelle Romée, vivaient avec leurs cinq en-
fants à Domrémy, un village sur les marches
de la Lorraine et de la Champagne. Le pays
relevait du roi de France. Sans cesse on y
prononçait son nom. On bataille volontiers
sur ces frontières. La guerre civile y avait
rendu les gens braves. Chaque fois qu'un
seigneur commettait quelque déprédation, on'
se disait : — Ah! si le roi savait cela!... EL
l'on croyait, non sans raison, qu'un seul
maître vaut mieux qu'une centaine de petits
tyrans.
La fille de Jacques d'Arc s'appelait Jeanne.
Elle menait paître le troupeau de.son père,
filait le chanvre fit la laine. Douce, modeste,
pareille à ses sœurs dans' la vie commune,
elle se transformait tout à coup dans la soli-
tude.
C'était alors des exlusl::';¡ des prières et des
chants.
Tantôt la jeune fille passait de longues
heures à prier 'notre dame la Vierge; tantôt
elle appelait les oiseaux qui venaient par volées
manger son paindans son giron.
Le soir, de retour au logis, elle entendait
son père ét son frère aîné parler des désastres
du roi, des malheurs de la France, des crimes
de l'étranger .. Ces récits lui revenaient pen-
dant le jour. Alors elle priait, puis elle écou-
tait, penchée, lesbruits bibliques des pasteurs
et des troupeaux. — Mon Dieu, inspire-moi!
s'écriait-elle avec ferveur. Ùn jour, elle se
releva radieuse: elle avait ejitendu des voix
qui lui ordonnaient de partir, d'aller trouver
Charles VII, de se mettre à la tête de son ar-
mée et de le ramener dans sa capitale.
Dans le village, on se mit à'rire. On la
laissa., partir pourtant. A la cour, on rit en-
core ; mais, comme on n'avait plus rien à
perdre, on lui. permit d'essayer de tout
sauver.
La paysanne n'avait pas vingt ans. Mais
elle était forte, couràgeuse, et soutenue par
une foi profonde. Elle se mit à la tête de la
petite armée royale.
— Suivez-moi!
Orléans était assiégé parles Anglais.
Elle força leurs lignes et entra dàns Or-
léans,
Elle avait combattu à côté de durs soldats,
les Dunois, les Xain'r&ilies , les Lahire, et
elle les avait étonnés par son audace. Elle se
tenait au premier rang, un étendard à la
main. Elle le dira, plus tard en termes
naïfs. A peine, pour se faire jour à travers
les Anglais, les frappait-elle de la tête de sa
hache d'armes ou du plat de son épée, propre
à donner de bonnes bnfles et de bons tor-
chons
Blessée à la défense d'Orléans, d'une flèche
qui lui traversa l'épaule, elle l'arrache de ses
mains, entraîne après elle les soldats enthou-
siasmés et retourne à l'ennemi.
Orléans est délivrée.
En/pareil cas, un premier combat décide
d'une campagne. Les Anglais qui passaient
pour invincibles avaient été vaincus une fois;
pourquoi ne le seraient-ils pas encore ?... Et
un grand mouvement de s'opérer en faveur
du roi. Les partisans lui reviennent. Son ar-
mée se grossit. Il peut, battant l'ennemi sur
son chemin, pousser jusqu'à Reims, au cœur
de la Champagne, et s'y faire sacrer. La mis-
tion de Jeanne d'Arc est finie.
— Laissez-moi partir! dit-elle.
On la retient : il reste encore des villes à
prendre.
Mais son enthousiasme est tombé, Sa
gloire lui a fait des ennemis, sa faveur des
envieux.Elle, la. fille des champs et des camps,
à son aise avec les laboureurs et les soldats,
elle est gauche et gênée au milieu des grands
seigneurs et des grandes dames...
Cependant elle obéit.
Les fossés de Paris la virent, M*ss8e,
sa bannière haute, pousser Passant juequ'à m
nuit :
— Rendez la villa au roi ! eriait-elle auX
assiégés ; rendez la ville!...
Mais le lendemain elle demandait encow
à retourner dans son vHlasfé.
(t Les seigneurs , dit-ego plus tard, ne Mt
le permirent pas. t
L'armée royale se dirigea vers Compiègne
Liset. maintenant :
« C'était encore, comme l'année précé-
dente, le beau moi^ de mai, où les fleurs re-
naissent, et où tout s'anime dans la nature
et réjouit; mais cette fois'Jeanne ne marchait
plus, comme vers Orléans, d'un pas joyeu*,-
L'épine blanche de Tanière douceur était
l'unique fleur que le mois de mai de l'année
1430 dût lui apporter..,
1) Et ce même mois, le 23 mai, après avoir
jusqu'au dernier moment, toujours secoura-
ble aux assiégés, soutenu l'attaque par des
prodiges de valeur, et protégé la retraite de
tous les siens, demeurant seule en arrière
d'eux et en face de l'ennemi, tout à coup l?»s
c!oches de Compiègne donnèrent l'alarme, le
pont levis se releva derrière elle, et elle ioio-
baitaux mains des Anglais! Et. on la traînait
do prison en prison jusqu'à Rouen ! Et toutes
le-s portes des villes de France demeuraient
fermées derrière elle l Et nul n'en sortit pour
la défendre,et nul ne sut mourir pour ell^f.,.
» Je l'avoue, parmi les iniquités de la terro,
je n'en sais pas qui blessent plus profondé-
ment mon âme que les iniquités de la justice.
Mais quand j'y rencontre un prêtre, q-oami
un évêque y préside., l'atteinte est si cruelk;
que mon âme fléchit. Oh! c'est alors qu'il
faut élever sa pensée plus haut. Les iniqui-
tés sont dr. la terre ! il faut donc s'y faire ;
ma;s il faut savoir aussi que quand les inrn-
gnités doivent dépasser toute mesure, quand
l'injustice et la bassesse humaine doivent
aller an comble. Caïphe et Judas n'y man-
quent jamais 1 Ils ne manquèrent pas ici. Eh
bien! je m'en r'jouis; rien ne manquera donc
à la grandeur de cette pauvre fille.
» Oui, elle est grande, parce qu'elle sorn-
fre! Elle est grande, parce qu'elle meurt pour
son pays, pour la vérité et pour !a justice!
Elle est grande, parce qu'elle n'y rencontre
que le délaissement, l'ingratitude, le men-
songe, l'atroce calomnie, le mal pour le bien!
Elle est grande, non-seulem''nt parce qu'elle
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIE
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
îs«*i87
XLIV
Cette longue journée du dimanche s'était
écoulée enfin, car rien n'est interminable et
triste comme le dimanche à Londres.
Tout est fermé, magasins et public-house ; la
foule qui circule dans les rues est silencieuse
Voirie numéro du 22 ncvcB]bra. "
v
et recueillie, sinon par dévotion; au moins par
habitude.
Chacun paraît s'ennuyer et se tordre la mâ-
choire; et on en voit qui regardent, le cie!, trou-
vant que le jour a l'air d se prolonger indéfi-
niment.
Enfin, la nuit vient, le gaz s'allume dans les
rues, quelques établissements publics se rou-
vrent; la poste, qui a chômé tout le jour, expé-
die les lettres pour l'étranger et la province, et
le publicain reparaît à son comptoir avec son
tablier, son habit noir et na cravate blanche.
Le peuple anglais, le dimanche soir, est
comme le peuple turc pendant le rhamadan,
c'est-à-dire au lendemain du carême.
Il se rattrape de son long jour d'abstinence
avec une fiévreuse ardeur.
Dans les quakers pauvres, au Wapping. à
"Wliite Clripel, n Rot.hfr'tho, dans le Borough,
da;", le Seutwark. les tavernes s?ernp;i-:sent dès
hu l heures du scir.
Le policeman, toujours respMi.", se montre
rntmlJ indûment; il n'appréhende les ivrognes
au voilât que lorsque le scandale est trop fia-
gran t,
Sinon, il ferme les yeux sur ceux qui s'en
vont on décrivant des courbe.- et des arabesques,
et lwfFC devant }os pub'ic house sans trop re-»
garder à travers les carreaux garnis au dedans
de rideaux rouges.
Ce soir là, Paddy, qui était demeuré tout le
jour enfermé dans sa ma'son, Paddy se leva du
coin du poêle qui ronflait 'joyeusement, main-
tenant qu'on avait de l'argent et partant du
cook et du charbon :
— Femme, dit-il, je vais aller me promener
un peu. J'ai mal de tête.
— Il fait froid, dit mistress Paddy.
— Je boutonnerai mon habit.
— Et puis, continua sa femme, je ne saurais
dire pourquoi, ma.is j'aimerais mieux que tu
restasses ici.
— J'ai soif, dit Paddy.
- Il y a sur la table une cruche de bière
brune toute pleine.
— La bière qu'on boit chez soi raffraichit
moins que celle du publie bou?e.
Mistress Paddy soupira.
— Seigneur Dieu, dit-elle, comme les hommes
sont entêtés, en vérité!
— Ah çà 1 mais pourquoi donc vçux-tu que
je ne sorte pas? dit Paddy d'un. ton bourru.
— Je te l'ai cht, je ne sais pas. C'est une
idée.
— Une drôle d'idée ' ricana Paddy.
— lm puis, fit mistress Paddy, j'ai comme un
pr<*e.sontîmensoir..
— A propos de quoi t
— Il me -semble que -ce matin le prêtre idan.
dais s'est mrfié de quelque oho/C.
Paddy tJ'es£aW¡t.
— Je ne sai? pas pourquoi encore, continua
sa femme, mai ; il me fwmb'e q ic miss Ell n t'a
donné là une drôle de Lesogne, en te disant de
l'avertir que Nitholf; (1t les autres swaient ijue
John Golden était dans )a clocher de Saint-
George;
— Moi aussi, dit Paddy, je ne comprends pas
pourquoi cite m'a di d'agir ainsi.
— Car enfin , -71t mistress Paddy, elle a,
comme son père; :1 haine dos Irlandais, et alors
pourquoi leur donner un avis charitable?
— Femme, dit Paddy, je te le répète, je n'y
comprends absolument fien, mais, enfin, du
moment quo je me suis vendu à miss Ellen et
que je lui ai juré ds faire ce qulelle me comman-
derait, je n'ai pas besoin de discuter ses
ordres.
Et Paddy fit un pa-3 vers la parte
Mais sa femme lui prit le bras et !e retint»
— Ecoute encore, lui 'lit-e!!e.
— Parie.
— Je te disais donc que j'avais dans mon
idée que ce matin J'abbé Samuel s'était toéSÔ
de quelque chose.
i — Tu ci'ois?
»
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