Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-05-09
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 09 mai 1868 09 mai 1868
Description : 1868/05/09 (A3,N751). 1868/05/09 (A3,N751).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717753g
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN .
H tent le numéro. , * 1
H cent le aiiEiéro
ÀBOKSEMSNTS. — Trois mo!s. Six Ynois. Cn an.
Paris.......... 5 fr. 9 fr. 1 § fr.
Départements.. 6 il
Administrateur: E. DELSAUX. %, tb
aIne année.-— SAMEDI 9 MAI 1868. —r- l'Jo 75 i
n'i'i'ecfp1;r.PfOpt'iétai',"e : JAN NT N.
11 Rédacteur en ("'" : \ un BALATHIER BRAGELONNE.
BURÇAU5 f; 4BON REMENT 9. raa'e Dponoi;
ADMINISTRATION : 13. place Breda.
PARIS, 8 MAI 1868.
LE SALON DE 1868
II.
te" plus Beau Tableau du Saîbn,c*ejst Te
Lever de Lune de DAUBTGNY; le plus recher-
ché, c'est le maréchal Ney, de GÉROME.
1071.— '7 décembre 1815; neuf heures du
matin.
M. Gérôme excelle à trouver des sujets.
Chez lui, le jeune maître du Combat de Coqs
a vite fait place à l'artiste homme du monde ,
désireux de popularité facile, ne ' cherchant
dans l'histoire et dans le genre qu* a des épi-
sodes à effet, renonçant de gaieté < de oœur à
l'estime un peu froide de la critic itie pour la '
curiosité empressée des bourgeois .
Un duel dans lequel la victime est un Pier-
rot, la mort de César, une Phryn é qu'on dés-
-habitle devant un aréopage de 1 polissons, un
Turc qui monte la garde devant des tètes cou-
pées, un calvaire sur lequel se dessinent les
ombres des croix, tandis que les croix res-
tent dans le cadre, — tels sont les motifs pré-
férés du peintre. La foule ad mire - les criti-
ques complaisants louent; les critiques
sincères blâment, mais, en 1 pâmant, ils re-
connaissent le talent, et 1 A renommée de
M. GérÔmt, grandit au mili! m de ratteiftion
universelle.
— Un cheval, un cheva' {11 mon royaume
pour un cheval ! criait Rich a?d.KI désarçonné
ù Bosworth.
— Un sujet, un sujet, palette pour un
suje-t t crie M. Gerôme:
Le sujet se présente, il jette sa palette, et
nous avons la mort du m: iréch&l Ney.
Le grand soldat aispicien', qui s'agitait
comme un demi-dieu dans la bataille, est
aplati contre le pavé. Pa r-dessous le collet de
sa grande redingote b le me apparaît sa large
face balafrée de fa:vori's roux. Une des joues
est tachée de sang...
A trente pas, dans le brouillard d'une ma-
tinée d'hiver, Les soldats s'éloignent, la tête
basse et le dos rond, Ils se serrent les uns
-contre les autres; les derniers poussent les
premiers. On dirait des coupables qui fuient...
Rien d© plus juste et de plus dramatique
que 00 mouvement. Je m'étonne que Gé-
rôme n'ait, pas laissé le cadavre du maréchal
dans le cadre, comme les croix du calcaire,
et ne se soit pas contpnté de nous montrer ses
Ê'ôldats dont le dos a des remords...
l*
f Les natures mortes ne m'inspirent pas une
admiration sans mélange. Si le dernier mot
de fart était, comme on l'a prétendu, une
grappe de Ja:sin si ressemblante que les oi-
seaux venaient la becqueter, je nierais l'art.
Se placer en face d'un homme ou d'une
femme, les regarder, les devir.er, les com-
prendre, mettre leur âme sur leur visage,-ex-
primer par les mouvements de. leur corps les
passions ou lçs sentiments qui les agitent, —
ou bien encore, en présence de la nature, se
sentir ému et transporté, puis rendre ce
qu'on a vu, en laissant percer dans le fini de
l'exécution l'émotion de la première heure,
—voilà qui est beau, voilà qui est grand!...
C'est pourquoi, dùt-on m'accuser de froi-
deur, je ne crierais pas au, chef-d'œuvre
devant la nature morte de M. VOLLON. Ce-
pendant je reconnais volontiers qu'il est im-
possible de faire mieux dans un genre infé-
rieur. Les Curiosités (2:531) sont merveilleu-
sement dessinées, merveilleusement peintes;
pour un amateur de brie-ki-brac, -ce tableau
vaut les raisins.de tout à l'heure. II. est à lui
seul une galerie.
M. Vollon, qui est de Lyon,.— Lyon gran-
dit à chaque exposition, — a encore envoyé
un portrait (2532). Ce portrait est celui d'un
pêcheur du Tréporf, face hâfée, rugueuse,
rougeaude, à la boucbe un bout de pipe noir-
cie. L'homme vit. C'est excellent...
'M. JULES-JOSEPH LEFEBVRE. -1505, Femme
couchée, étude.
,La tête est celle d'un enfant gâte : une pe-
tits mine espiègle, aux yeux éveillés, aux lè-
vres roses ; le corps est celui d'une jolie-
femme de vingt-cinq à vingt-huit ans. Rien
de Vénus ; nous sommes devant une Pari-
sienne qui s'est déshabillée. Aussi les visi-
teurs sont-ils nombreux : — Les belles épau-
les ! dit l'un. — L'admirable torse ! dit l'autre.
— Ce que j'aime par-dessus tout, ajoute un
troisième, c'est le raccourci démette jambe!...
La Parisienne, qui ira pas perdu toute pu-
deur, rougit de se voir examinée ainsi en dé-
tail, et cette rougeur donne à ses chairs un
ton vineux. il y a, dans ce tableau, de très.
1
grandes qualités de dessin qui justifient son
succès.
La femme empoisonnée de M. FEYEN-PERRIN,
— 971, — a simplement l'i:Îr d'être transie
de froid. C'est un tableau sur lequel on ferait
dix critiques, toutes justes, mais qui a le mé-
rite d'attirer et de retenir le regard, L'impres-
sion qu'on ressent est surtout celle du bi-
zarre. Mais n'est pas bizarre ainsi qui veut.
On n'admire pas, on ne sourit pas. on est :
étonné... 1 .
Ni l'un ni l'autre de ces tableaux ne valent
celui d'At-mA TADEMA, la Sieste (Grèce), 28.
— Cependant la Sieste e::t inférieure aux
précédentes expositions du même artiste.
Sur une terrasse, près d'une table chargée de
bronzes, de fruits et de fleurs, une jeune fem-
me blonde joue de h flûte. Le corps allongé,
les mains croisées dans l'attitude du repos,
un jeune homme à la tête brune l'écoute et
la regarde. Plus loin un vieillard s'est endor-
mi. Le tableau est tout en long. Deux cous-
sins du même-noir, pliés de la même façon,
supportent les têtes des deux hommes cou-
chés à la . Hie. Si j'ai parlé du corps du jeune
homme, c?est par induction, ne pouvant, sup-
poser une tête sans un corps; en réalité, il
n'y a qu'une draperie, et rien dessous. Quant
au vieillard, pourquoi porte-t-il autour du
front une bandelette do laine? Est-ce parce
qu'il n'a plus de cheveux? Et quant à la
jeune fille, pourquoi son profil, très-grec
d:aiÍleurs; rappeile-t-il,-dans dans une autre cou-
lear,^" bec de la flûte dont eHtr joue ? — En
somme, on se sent en présence de l'œuvre
d'un homme de talent, et si l'on éprouve un
regret, c'est surtout de ne pas trouver cette
œuvre sans défaut.
Je suis encore une fois le courant du pu-
blic,, et je me trouve devant les deux tableaux
de M. MARCHAL.
1666, — Pénélope; 1667, — Phryné.
Ici nous ne sommes plus en Grèce. Pené-
lope est une jeune femme élégante, jolie, mo-
deste, debout devant une table chargée de
laine, et faisant de -la tapisserie. Des cheveux
blonds et une robe gris perle très-bien coupée,
mais un peu raide dans les plis, symbolisent
la vertu.
Des cheveux rouges et une robe de velours
noir très-décolletée dans le dos symbolisent
la légèreté de Phryné. N'oublions pas que la
robe grise traîne, et que la robe noire, un peu
relevée, laisse voir les dentelles du jupon et
la soie des bas à jours.
Ces deux tableaux ont le mérite de se faire
pendant et d'habiller de neuf une vieille
idée On les a exaltés. Pour ma part, j'aimais
autant les servantes d'Alsace avec leurs joues
éclatantes et leurs bonnets à papillons...
Voilà bien des années que les plus jolis
tableaux de .genre sont les tableaux de
M. GUSTAVE JUNDr. On n'a pas plus de nature!,
de grâce, de finesse et de gaieté. La dentelle
même qui semble recouvrir la peinture donne
une délicatesse de plus à ces charmantes
scènes.
M. Jundt, cet hiver, a lu M. Louis Matia-
bonne. Etrange, en vérité! Voici les vers:
Malf:!¡ucnliJ, sœur
De la fleur,
Fai, aussi simplette,
Sa toilette
A l'eau du lavoir,
SO-D miroir.
N'imitez pas le chant du coq ! Ce mirliton a
inspiré à M. Jundt un tableau d'un c-hanne
infini. La jeune fille, une vraie jeune mIr"
bien portante, sans mièvrerie, belle do Ire-
double beauté de la jeunesse qui est en eil." m
du printemps qui l'environne, lève les
peur arranger ses cheveux, pendant que iV.au
débordant le bassin se répand dans les bel'''
bes. C'est le peintre qui a été le poêle. Il fout
aller voir cela. 1350, — Margueritts,
I
i357. — L'Heure de l'Office-
Encore des vers de M. Louis RalU.bur.ue.
mais moins mauvais que les premiers :
L'atcule tend Peu faut à la mère qui p:u':;
Et la petite tête blonde,
Laisse tomber sa bouche ronde
f\lIX lèvr:? de sa mère et sourit au dup...; i.
Encore un tableau de M. Jundt, uia-js
moins bon que l'autre.
M. PICHIO dit PIQ.—1990, l'Héritage du Pau-
Mon bon confrère Eugène Pradîûes
m'a mené devantce tableau et m'a dit : — Re-
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIE
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
XLIII
Ne 186
L'homn \e griu continuait son "chemin.
Il trottai t au bord de la serpentine, cette ri-
zière micros co pique dont les Londoniens sont
plus fiers que ' de la Tamise, se rdrùournant d'une
façon si imper*. '.cplibte que miss B'ilen n'avait
pu s'en apereev,
le numéro \ ^ $2 Rovembre.'
Mais il avait parfaitement vu la jeune fille,
lui, et ce qu'il voulait, c'était se rapprocher le
plus possible des grilles de Hyde-Park, afin de
n'avoir pas grand chemin à faire, au besoin,
ponr gagner une des portes.
Miss Ellen galopait avec furie.
Elle dépassa le groom qu'elle avait reconnu.
C'était bien celui à qui, quelques jours aupa-
ravant elle avait offert de l'argent pour qu'il lui
dit le vrai nom et la demeure de son maitre.
Elle avait également reconnu la jument de
pur sang, et le cavalier qui' la montait avait la
tournure de celui qu'elle cherchait.
I Mais comme elle arrivait tout près de lui-, il
: se retourna et un cri de surprise échappa à miss
j Ellen.
! Elle ne reconnaissait plus l'homme gris.
1 Son étonnement, sa stupeur furent même si
1 naïfs, que l'homme gris se prit à sourire.
1 Puis son regard s'alluma et pesa sur miss
Ellen.
Alors miss Ellen courba la tête et eut un lé-
ger frisson. Ce n'était pas lui et c'état lui.
S'il avait changé de visage, iï avait conservé
son regard.
Et, saluant la jeune fille, il fit voUer son che-
val et s'approcha d'elle |
— Bonjour, miss mien, dit-il. I
— OL î iBurmura-t-elia, s'est s* vols. 8
— Pardonnez-moi, miss Ellen, dit-il, mais il
a bien fallu me grimer, un peu pour venir ici et
n'être pas reconnu.
- 'Vous! encore vous! dit-elle.
- Jusqu'au jour où vous m'aimerez, répon-
dit-il.
Et il rangea familièrement son cheval à côté
du cheval de miss Ellen.
Le groom suivait à distance et avait été re-
joint par .celui de miss Ellen.
Celle-ci avait dominé sur-le-champ ce pre-
mier moment d'émotion que lui faisait toujours
éprouver la rencontre de son ennemi. t
— Une'belle journée qu'on dirait la premiè** -
du printemps, miss 'Ellen, dit l'homme gri* 1
d'une vo-ix harmonieuse, une journée où il fait J
bon parler d'amour, n'est-ce pas? ( i
Jt1iss Ellen le regarda : /
— Vous êtes donc toujours fou? dit-elle a***
un accent de mépris ironique.
— P.eut-être...
— Hier, reprit-elle, vous avez déployé -v*-
talents de sorcier 'et d'escamoteur.
— 'Vous êtes cruelle, miss Ellen.
— Aujourd'hui, le rôle de don Juan ne von* 4
déplaît pas.
-- J'aime vQtref ironie. misr^EUen.
T?.o w»Vifcé.î . '
— Elle m'accuse bien franchement votre
haine.
— Ah!
— Et la hame est le commencement de l'a-
mour, miss Eilen.
Elle haussa imperceptiblement les épaules.
Puis, ricanant toujours:
— Vous êtes hardi, dit-elle. Cet'e nuit, vous
étiez sous mon toit, et j'ai respecte i'hogpit.alite,
mais ici, nous sommes en public. Tenez, au mo-
ment où je parle, il y a vingt gentlemen.qru
vous prennent pour un gentilhomme russe, le
comte de R..., qui, lui aussi, est amoureux de
K JJl oi
L —Fort bien, mise Ellen. Où voulez-vous en
^enir?
| — A ceci. Je n'ai qu'un signe à faire, et ils
m'entoureront.
— Après ?
— Je n'ai qu'à leur dire : Cet hOP"'-"ae que
vous ne connaissez pas et que vous j rei ponr
un gentleman...
— Est le dernier des misérables, interrompit
l'homme gris en souriant, le chef de ces fc-mimes
qui, dans l'ombre, conspirent contre l'Angle-
. terre; c'est ce bandit à visage de Protée qui a
i sauvé John Colden de l'échafaud.
| — Oui, dit miss Ellen, je puis les appeler et
< l&W' dire tout cela.
JOURNAL QUOTIDIEN .
H tent le numéro. , * 1
H cent le aiiEiéro
ÀBOKSEMSNTS. — Trois mo!s. Six Ynois. Cn an.
Paris.......... 5 fr. 9 fr. 1 § fr.
Départements.. 6 il
Administrateur: E. DELSAUX. %, tb
aIne année.-— SAMEDI 9 MAI 1868. —r- l'Jo 75 i
n'i'i'ecfp1;r.PfOpt'iétai',"e : JAN NT N.
11 Rédacteur en ("'" : \ un BALATHIER BRAGELONNE.
BURÇAU5 f; 4BON REMENT 9. raa'e Dponoi;
ADMINISTRATION : 13. place Breda.
PARIS, 8 MAI 1868.
LE SALON DE 1868
II.
te" plus Beau Tableau du Saîbn,c*ejst Te
Lever de Lune de DAUBTGNY; le plus recher-
ché, c'est le maréchal Ney, de GÉROME.
1071.— '7 décembre 1815; neuf heures du
matin.
M. Gérôme excelle à trouver des sujets.
Chez lui, le jeune maître du Combat de Coqs
a vite fait place à l'artiste homme du monde ,
désireux de popularité facile, ne ' cherchant
dans l'histoire et dans le genre qu* a des épi-
sodes à effet, renonçant de gaieté < de oœur à
l'estime un peu froide de la critic itie pour la '
curiosité empressée des bourgeois .
Un duel dans lequel la victime est un Pier-
rot, la mort de César, une Phryn é qu'on dés-
-habitle devant un aréopage de 1 polissons, un
Turc qui monte la garde devant des tètes cou-
pées, un calvaire sur lequel se dessinent les
ombres des croix, tandis que les croix res-
tent dans le cadre, — tels sont les motifs pré-
férés du peintre. La foule ad mire - les criti-
ques complaisants louent; les critiques
sincères blâment, mais, en 1 pâmant, ils re-
connaissent le talent, et 1 A renommée de
M. GérÔmt, grandit au mili! m de ratteiftion
universelle.
— Un cheval, un cheva' {11 mon royaume
pour un cheval ! criait Rich a?d.KI désarçonné
ù Bosworth.
— Un sujet, un sujet, palette pour un
suje-t t crie M. Gerôme:
Le sujet se présente, il jette sa palette, et
nous avons la mort du m: iréch&l Ney.
Le grand soldat aispicien', qui s'agitait
comme un demi-dieu dans la bataille, est
aplati contre le pavé. Pa r-dessous le collet de
sa grande redingote b le me apparaît sa large
face balafrée de fa:vori's roux. Une des joues
est tachée de sang...
A trente pas, dans le brouillard d'une ma-
tinée d'hiver, Les soldats s'éloignent, la tête
basse et le dos rond, Ils se serrent les uns
-contre les autres; les derniers poussent les
premiers. On dirait des coupables qui fuient...
Rien d© plus juste et de plus dramatique
que 00 mouvement. Je m'étonne que Gé-
rôme n'ait, pas laissé le cadavre du maréchal
dans le cadre, comme les croix du calcaire,
et ne se soit pas contpnté de nous montrer ses
Ê'ôldats dont le dos a des remords...
l*
f Les natures mortes ne m'inspirent pas une
admiration sans mélange. Si le dernier mot
de fart était, comme on l'a prétendu, une
grappe de Ja:sin si ressemblante que les oi-
seaux venaient la becqueter, je nierais l'art.
Se placer en face d'un homme ou d'une
femme, les regarder, les devir.er, les com-
prendre, mettre leur âme sur leur visage,-ex-
primer par les mouvements de. leur corps les
passions ou lçs sentiments qui les agitent, —
ou bien encore, en présence de la nature, se
sentir ému et transporté, puis rendre ce
qu'on a vu, en laissant percer dans le fini de
l'exécution l'émotion de la première heure,
—voilà qui est beau, voilà qui est grand!...
C'est pourquoi, dùt-on m'accuser de froi-
deur, je ne crierais pas au, chef-d'œuvre
devant la nature morte de M. VOLLON. Ce-
pendant je reconnais volontiers qu'il est im-
possible de faire mieux dans un genre infé-
rieur. Les Curiosités (2:531) sont merveilleu-
sement dessinées, merveilleusement peintes;
pour un amateur de brie-ki-brac, -ce tableau
vaut les raisins.de tout à l'heure. II. est à lui
seul une galerie.
M. Vollon, qui est de Lyon,.— Lyon gran-
dit à chaque exposition, — a encore envoyé
un portrait (2532). Ce portrait est celui d'un
pêcheur du Tréporf, face hâfée, rugueuse,
rougeaude, à la boucbe un bout de pipe noir-
cie. L'homme vit. C'est excellent...
'M. JULES-JOSEPH LEFEBVRE. -1505, Femme
couchée, étude.
,La tête est celle d'un enfant gâte : une pe-
tits mine espiègle, aux yeux éveillés, aux lè-
vres roses ; le corps est celui d'une jolie-
femme de vingt-cinq à vingt-huit ans. Rien
de Vénus ; nous sommes devant une Pari-
sienne qui s'est déshabillée. Aussi les visi-
teurs sont-ils nombreux : — Les belles épau-
les ! dit l'un. — L'admirable torse ! dit l'autre.
— Ce que j'aime par-dessus tout, ajoute un
troisième, c'est le raccourci démette jambe!...
La Parisienne, qui ira pas perdu toute pu-
deur, rougit de se voir examinée ainsi en dé-
tail, et cette rougeur donne à ses chairs un
ton vineux. il y a, dans ce tableau, de très.
1
grandes qualités de dessin qui justifient son
succès.
La femme empoisonnée de M. FEYEN-PERRIN,
— 971, — a simplement l'i:Îr d'être transie
de froid. C'est un tableau sur lequel on ferait
dix critiques, toutes justes, mais qui a le mé-
rite d'attirer et de retenir le regard, L'impres-
sion qu'on ressent est surtout celle du bi-
zarre. Mais n'est pas bizarre ainsi qui veut.
On n'admire pas, on ne sourit pas. on est :
étonné... 1 .
Ni l'un ni l'autre de ces tableaux ne valent
celui d'At-mA TADEMA, la Sieste (Grèce), 28.
— Cependant la Sieste e::t inférieure aux
précédentes expositions du même artiste.
Sur une terrasse, près d'une table chargée de
bronzes, de fruits et de fleurs, une jeune fem-
me blonde joue de h flûte. Le corps allongé,
les mains croisées dans l'attitude du repos,
un jeune homme à la tête brune l'écoute et
la regarde. Plus loin un vieillard s'est endor-
mi. Le tableau est tout en long. Deux cous-
sins du même-noir, pliés de la même façon,
supportent les têtes des deux hommes cou-
chés à la . Hie. Si j'ai parlé du corps du jeune
homme, c?est par induction, ne pouvant, sup-
poser une tête sans un corps; en réalité, il
n'y a qu'une draperie, et rien dessous. Quant
au vieillard, pourquoi porte-t-il autour du
front une bandelette do laine? Est-ce parce
qu'il n'a plus de cheveux? Et quant à la
jeune fille, pourquoi son profil, très-grec
d:aiÍleurs; rappeile-t-il,-dans dans une autre cou-
lear,^" bec de la flûte dont eHtr joue ? — En
somme, on se sent en présence de l'œuvre
d'un homme de talent, et si l'on éprouve un
regret, c'est surtout de ne pas trouver cette
œuvre sans défaut.
Je suis encore une fois le courant du pu-
blic,, et je me trouve devant les deux tableaux
de M. MARCHAL.
1666, — Pénélope; 1667, — Phryné.
Ici nous ne sommes plus en Grèce. Pené-
lope est une jeune femme élégante, jolie, mo-
deste, debout devant une table chargée de
laine, et faisant de -la tapisserie. Des cheveux
blonds et une robe gris perle très-bien coupée,
mais un peu raide dans les plis, symbolisent
la vertu.
Des cheveux rouges et une robe de velours
noir très-décolletée dans le dos symbolisent
la légèreté de Phryné. N'oublions pas que la
robe grise traîne, et que la robe noire, un peu
relevée, laisse voir les dentelles du jupon et
la soie des bas à jours.
Ces deux tableaux ont le mérite de se faire
pendant et d'habiller de neuf une vieille
idée On les a exaltés. Pour ma part, j'aimais
autant les servantes d'Alsace avec leurs joues
éclatantes et leurs bonnets à papillons...
Voilà bien des années que les plus jolis
tableaux de .genre sont les tableaux de
M. GUSTAVE JUNDr. On n'a pas plus de nature!,
de grâce, de finesse et de gaieté. La dentelle
même qui semble recouvrir la peinture donne
une délicatesse de plus à ces charmantes
scènes.
M. Jundt, cet hiver, a lu M. Louis Matia-
bonne. Etrange, en vérité! Voici les vers:
Malf:!¡ucnliJ, sœur
De la fleur,
Fai, aussi simplette,
Sa toilette
A l'eau du lavoir,
SO-D miroir.
N'imitez pas le chant du coq ! Ce mirliton a
inspiré à M. Jundt un tableau d'un c-hanne
infini. La jeune fille, une vraie jeune mIr"
bien portante, sans mièvrerie, belle do Ire-
double beauté de la jeunesse qui est en eil." m
du printemps qui l'environne, lève les
peur arranger ses cheveux, pendant que iV.au
débordant le bassin se répand dans les bel'''
bes. C'est le peintre qui a été le poêle. Il fout
aller voir cela. 1350, — Margueritts,
I
i357. — L'Heure de l'Office-
Encore des vers de M. Louis RalU.bur.ue.
mais moins mauvais que les premiers :
L'atcule tend Peu faut à la mère qui p:u':;
Et la petite tête blonde,
Laisse tomber sa bouche ronde
f\lIX lèvr:? de sa mère et sourit au dup...; i.
Encore un tableau de M. Jundt, uia-js
moins bon que l'autre.
M. PICHIO dit PIQ.—1990, l'Héritage du Pau-
Mon bon confrère Eugène Pradîûes
m'a mené devantce tableau et m'a dit : — Re-
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIE
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
XLIII
Ne 186
L'homn \e griu continuait son "chemin.
Il trottai t au bord de la serpentine, cette ri-
zière micros co pique dont les Londoniens sont
plus fiers que ' de la Tamise, se rdrùournant d'une
façon si imper*. '.cplibte que miss B'ilen n'avait
pu s'en apereev,
le numéro \ ^ $2 Rovembre.'
Mais il avait parfaitement vu la jeune fille,
lui, et ce qu'il voulait, c'était se rapprocher le
plus possible des grilles de Hyde-Park, afin de
n'avoir pas grand chemin à faire, au besoin,
ponr gagner une des portes.
Miss Ellen galopait avec furie.
Elle dépassa le groom qu'elle avait reconnu.
C'était bien celui à qui, quelques jours aupa-
ravant elle avait offert de l'argent pour qu'il lui
dit le vrai nom et la demeure de son maitre.
Elle avait également reconnu la jument de
pur sang, et le cavalier qui' la montait avait la
tournure de celui qu'elle cherchait.
I Mais comme elle arrivait tout près de lui-, il
: se retourna et un cri de surprise échappa à miss
j Ellen.
! Elle ne reconnaissait plus l'homme gris.
1 Son étonnement, sa stupeur furent même si
1 naïfs, que l'homme gris se prit à sourire.
1 Puis son regard s'alluma et pesa sur miss
Ellen.
Alors miss Ellen courba la tête et eut un lé-
ger frisson. Ce n'était pas lui et c'état lui.
S'il avait changé de visage, iï avait conservé
son regard.
Et, saluant la jeune fille, il fit voUer son che-
val et s'approcha d'elle |
— Bonjour, miss mien, dit-il. I
— OL î iBurmura-t-elia, s'est s* vols. 8
— Pardonnez-moi, miss Ellen, dit-il, mais il
a bien fallu me grimer, un peu pour venir ici et
n'être pas reconnu.
- 'Vous! encore vous! dit-elle.
- Jusqu'au jour où vous m'aimerez, répon-
dit-il.
Et il rangea familièrement son cheval à côté
du cheval de miss Ellen.
Le groom suivait à distance et avait été re-
joint par .celui de miss Ellen.
Celle-ci avait dominé sur-le-champ ce pre-
mier moment d'émotion que lui faisait toujours
éprouver la rencontre de son ennemi. t
— Une'belle journée qu'on dirait la premiè** -
du printemps, miss 'Ellen, dit l'homme gri* 1
d'une vo-ix harmonieuse, une journée où il fait J
bon parler d'amour, n'est-ce pas? ( i
Jt1iss Ellen le regarda : /
— Vous êtes donc toujours fou? dit-elle a***
un accent de mépris ironique.
— P.eut-être...
— Hier, reprit-elle, vous avez déployé -v*-
talents de sorcier 'et d'escamoteur.
— 'Vous êtes cruelle, miss Ellen.
— Aujourd'hui, le rôle de don Juan ne von* 4
déplaît pas.
-- J'aime vQtref ironie. misr^EUen.
T?.o w»Vifcé.î . '
— Elle m'accuse bien franchement votre
haine.
— Ah!
— Et la hame est le commencement de l'a-
mour, miss Eilen.
Elle haussa imperceptiblement les épaules.
Puis, ricanant toujours:
— Vous êtes hardi, dit-elle. Cet'e nuit, vous
étiez sous mon toit, et j'ai respecte i'hogpit.alite,
mais ici, nous sommes en public. Tenez, au mo-
ment où je parle, il y a vingt gentlemen.qru
vous prennent pour un gentilhomme russe, le
comte de R..., qui, lui aussi, est amoureux de
K JJl oi
L —Fort bien, mise Ellen. Où voulez-vous en
^enir?
| — A ceci. Je n'ai qu'un signe à faire, et ils
m'entoureront.
— Après ?
— Je n'ai qu'à leur dire : Cet hOP"'-"ae que
vous ne connaissez pas et que vous j rei ponr
un gentleman...
— Est le dernier des misérables, interrompit
l'homme gris en souriant, le chef de ces fc-mimes
qui, dans l'ombre, conspirent contre l'Angle-
. terre; c'est ce bandit à visage de Protée qui a
i sauvé John Colden de l'échafaud.
| — Oui, dit miss Ellen, je puis les appeler et
< l&W' dire tout cela.
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