Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-04-29
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 29 avril 1868 29 avril 1868
Description : 1868/04/29 (A3,N741). 1868/04/29 (A3,N741).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47177433
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURri AL QUTIDIEr-î
\<
& cent.' le 'numéro
.â cent. le numéro -
. ABONNEMENTS. ■— Trois M'Dis. sit mois. Un an.
Paris." S fr. 9 fr. 18 fr. ,
Départements.. 8 il
Administrateur: E. DiE I* s AUX. zl;e
3rne année. — MERCREDI 29 AVRIL 1868. — N. 144
K tf il '
-
Directeur-Propriétaire : J.an m i N.
Midattiwr in chtf : A. Di Balatoier Br.vgilokri»
BVRKAVX a' .B0l'O'.-;;;:; : 9, rue Dl'OHOt.
Amummtaatiok : 13, place Breda.
PARIS, 28 AVRIL 1868.
LE CORAIL
Vous êtes brune, madame, fifSe^èontetirs-
rives vous Feyent. La parure que vousaftec-
Lionnez est une parure d'un rose vif, presque
rouge, qui s'harmonise avec vos yeux et vos
cheveux noirs.
Vos boucles d'oreilles, vos croix, vos col-
liers, vos bracelets sont en corail. Les négres-
ses, dit-on, ont le même goût. Eh bien !
qu'est-ce que cela prouve, sinon que les né-
gresses ont quelquefois bon goût? Votre teint
an est-il moins blanc, vos lèvres en ont-elles
sioins d'éclat ?...
Les journaux italiens de ces jours-ci étaient
pleins de curieux détails sur le commerce et
la pêche du corail. Des centaines de bateaux
sont partis de Naples pour aller vous chercher
des parures sur les côtes d'Afrique. Et moi,
désireux de trouver des sujets qui puissent
vous intéresser, je vais faire comme eux et
vous parler corail ce matin.
Le coraii est-il une pierre, une plante ou
un animal? Les savants ont écrit des volumes-
là-dessus. Le corail est dur, donc c'est un
minéral; mais il grandit et poupse des bran-
ches comme un arbre, donc c'est un végétal;
mais ses branches sont couvertes d'une es-
pève de isîmif mi nos vivante; Té' Curait
est un zoophyte ou animal-plante. Cet animal
sécrète une substance qui se durcit, sans je
séparer de la couche animée qui l'environne.
Cette dernière version, qui est celle de Lin-
aé, a cours aujourd'hui.
Maintenant, transportons-nous par la pen-
sée sur les bords dé l'Adriatique et de la
Méditerranée; descendons à trente, à qua-
rante, à cent, à deux cents mètres dans la
mer. Nous trouverons de véritables forêts,
qui grandissent et s'enchevêtrent dans l'eau
profonde. Ce{; forêts» formées de troncs et de
branchages sans feuilles, ont leurs bûcherons.
Les pêcheurs font descendre une espèce de
drague formée de branches de fer disposées
su croix, et cette drague accroche, brise et
retire les ramitications du bois sous-marin.
Allons plus loin. Nous sommes à l'autre
bout du monde, au nord-est de l'Australie.
Là, s'étend une mer redoutée, pleine de récifs
|ur lesquels viennent se briser les vaisseaux,
fies récifs revêtent tous une couleur sinistre :
ilà sont rouges. Et les lames se heurtent sans
relâche contre leurs parois inégales et san-
giàntes. Les navigateurs les plus hardis ne se
Hasardent qu'en tremblant dans ces parages,
" et c'est avec effroi qu'ils prononcent ce doux
nom « la mer de Corail. »
Ce sont les coraux, en effet, qui recouvrent
les récifs, les rochers, les îles, et qui, quel-
quefois par leur seule puissance, forment
eux-mêmes des îlots, végétation bizarre, à la
forme circulaire, dont le sommet se creuse
pour former un petit lac où s'amasse l'eau
des tempêtes.
En face de ces créations et de ces mystères,
on se prend à rêver...
Bah ! le commerce nous ramène vite à la
réalité des choses.
Dès 1450, La Calle, qui fait maintenant
partie de nos possessions d'Algérie, était le
siége d'un établissement français pour la
pêche du corail. La nature est magnifique.
Elle crée, et semble dire aux hommes, en
étalant ses richesses : -- Prenez, ceci est à
tous. C'est pourquoi les hommes, beaucoup
moins généreux, s'empressent d'inaugurerdes
monopoles, afin que ce qui devrait être à tous,
ne soit plus qu'à quelques-uns. Une Compa-
gnie, obligée à n'employer que des marins
provençaux, avait do p?iyii%^|^a pèche du.
corail, et le conserva pendant plusjeurp siè-
des. Tint la dévolution; le privilège fut sup-
primé. Mais il en fut de cette Suppression
comme de l'abolition de l'esclavage et de tou.
tes les réforfues trop brusquement accomplies,
Notre commerce en souffrit, et les Italiens,
devenus maîtres de rétablissement de l'an-
cienne Compagnie, recueillirent les bénéfices
de la pèche.
Il fallait lutter avec eux par la concurrence;
mais, comme on va toujours d'un extrême à j
l'autre, on préféra enTevenirau monopole. j
Le 27 nivôse an IV, un arrêté créa une j
nouvelle société. La Compagnie ne pouvait
employer que des marins français ou établis
en France. L'armement de tout bateau devait
se faire dans l'un de nos ports. Quand tout fut
organisé, les Anglais détruisirent notre ma-
rine et s'emparèrent de la pèche. Ils y em-
ployèrent jusqu'à quatre cents embarcations.
En 1816, La Calle nous revint de droit,
mais 611e appartint de fait au dey d'Alger, et
cè n'est que depuis !830 que la recherche du
corail relève effectivement de l'administration
française. '
Unfistatistique de 1852 nous apprend que
nos 1^6 bateaux d'Afrique ont péché en
moyenne 230 kilogrammes de corail chacun,
soit 3|,880 kilogrammes, qui ont été vendus à
raison; de 60 francs le kilogramme. C'est
donc iin chiffre de deux millions cent cin-
qUllnte-deux mille huit cent quatre-vingts
francs* seulement pour une côte et pour un
pays.
Il feut s'arrêtep sur ce cbiffre-là.
C'est dans les villes de la côte d'Italie qne
l'industrie du corail s'étale dans sa richesse.
11 y a plusieurs fabriques de corail à Naples.
Là ou dans les maisonnettes des faubourgs
'mondes de soleil, travaillent les femmes et
les jettes filles, toutes douées d'une adresse
merveilleuse. - .
Un petit tour, dont le bout du pied fait tour-
ner laroue ; une scie circulaire, qui eoupe en
grinçant la branche rouge ; une meule, contre
laquelle on arrondit, en les usant, les mor-
ceaux': tels sont les-instruments du travail.
Les objets fabriqués sont ensuite rangés sur
du coton dans de petits cartons. Rappelez-vous
la Graziella de Lamartine 1 A cinquante ans
de distance, le vieil homme d'Etat, désen-
chanté,' retrouvait la poésie de sa jeunesse
pour peindre la corailleuse d'ïschia :
T ft^ii ni Ton iwyjMwm i ii< i»wiiiii«wo»ii>myrti i'
volant quelquefois jusqu'à son visage, saupou-
drait ses joues et ses lèvres d'un léger fard,
qui- faisait paraître ses yeux bleus plus res-
plendissants. Puis elle s'essuya en riant, et
secoua ses cheveux noirs, dont la poussière
me couvrit à mon tour.
» N'est-ce pas, dit-elle, que c'est un bel
état pour une fille de la mer comme moi ?
Nous lui devons tout, à la mer : depuis la
barque de mon grand-père et le pain que nous
mangeons jusqu'à ces colliers et à ces peri.
dants d'oreilles, dont je me parerai peut-être
un jour, quand j 'en aurai tant poli et tant fa-
çonné pour de plus riches et de plus belles
que moi... '¡J'
I
Le peuple qui attache le plus de prix au 1
corail est celui chez lequel il est le pins
rare.
Ainsi il ne croît pas sur les côtes de l'Inde,
ni sur les côtes méridionales do l'Afrique.
C'est pourquoi Indiens et Africains le préfè-
rent à toute autre pierrerie. Les. rajahs sur-
chargent de brillants et de per^s lenrs vête-
ments de soie aux couleurs ètfatantes. Mais .
ils réservent le corail pour hmi's: bracelets el
leurs colliers. Le corail, chez les Cafres . el
lesHottcntots, est à la fois .un remède comme
chez les anciens, un talisman contre les mau-
vaises chances comme chez -les Napôlitaîns.
et une parure comme chez les rajaïfs.
Un prince de Madagascar vendait un let de
ses sujets à un marchand- d'esclaves de rile-
de-France. C'était une vente au (l 'tai1 Les
sujets étaient beaux : on discutait; tour à four
le prix d.e chacun.
Arrivé à une négresse d'une beauté pur-
faite :
— J'en offre deux cents piastres, dit le
marchand.
L'autre allait consentir, qlJand un jeune
officier français s'avança. Il avait vu de-?
larmes dans les yeux de la jeune fille, el, se
représentant l'entrepont du vais-seau néprier,
les horreurs du la traversée, les.misères.de
l'esclavage, il voulait essayer d'arrachc-r cette
enfant n ses bourreaux.
Il n'était pas riche, lui, et il ne pouvait
offrir deuxxents piastres comme le -Màrchind..
i djifens sa - cabine,,.- un collier, de
corail qu'il avait acheté au Palais-Royal,
pendant un séjour à Paris. Ce collier valait
bien cent écus.
Il l'offritau prince de Madagascar, en échan-
ge de sa sujette.
Le marchand se mit à rire. Mais le nègre,
repoussant les piastres, dit à l'officier.
— Prends cette femme, elle est à toi.
La jeune négresse était libre, madame. Je
suis certain que votre parure de corail vous
paraîtra plus belle maintenant. Car à son éclat
rose s'ajoutera le prestige de la légende, et
cette légende est celle d'une bmHle action.
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
No 177
QUATRIÈME PARTIE
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
XXXIII
Lord Palmure avait raison sans doute en
disant que ce souterrain avait dû être creusé par
les-partisans du malheureux roi Charles 1er.
. En de certains endroits, à mesure que miss
E!len et ses deax compagnons avancaient, ils
démarquaient des éboulements déjà anciens, et,
n'eût été, sur le sol, qui était naturellement hu-
Voir le numéro du 22 novembre.
mide, une trace de pas Loute fraîche, on aurait
pu croire que depuis deux siècles aucun être hu-
main n'avait passé par là.
Ces traces devaient être celles de l'homme
gris.
Miss Ellen continuait à marcher la pre-
mière.
A mesure qu'ils avançaient, ce bruit sourd,
ce clapottement, qui annonçait le voisinage de
la Tamise, devenait plus strident.
Bientôt la flamme des flambeaux oscilla sous
l'effort du vent qui s'engouffrait dans le boyau
souterrain.
Miss Ellen l'abrita de sa main, avançant tou-
jours.
Mais tout à coup le vent survint si violent
que le flambeau s'éteignit, et que les trois voya-
geurs nocturnes se trouvèrent dans l'obscu-
rité.
Miss Ellen eut une exclamation de rage.
Elle n'avait emporte ni allumettes ni bri-
quet.
Heureusement Paddy avait sur lui une de ces
b'jlt'es d'allumettes anglaises, à l'usage des fu-
meurs, qui ne flambent pas, mais qui pétillent
quelques instants et deviennent toutes rouges.
— En voilà assez, dit-il, pour battre en re-
traite.
J'en ai bien une vingtaine à deux tètes, et
nous pourrons faire une dizaine de pas à la
lueur de chacune.
— Battre en retraite? fit miss Ellen.
— Sans doute, fit lord Palmure.
— Non pas, dit miss Ellen j devrais-je mar-
cher dans les ténèbres, j'irai jusqu'au bout.
Et elle continua à marcher dans une demi-
obscurité, car les allumettes de Paddy ne proje-
taient que des lueurs douteuses et qui s'étei-
gnaient presque aussitôt.
Comme le vent avait soufflé la bougre, miss
Ellen ne s'était pas aperçue que le souterrain
formait un coude assez prononcé, et c'était ce
coude qui avait permis au vent d'arriver plus vio-
lent et plus direct.
Mais la jeune fille, en revanche, sentit que le
sol devenait de plus en plus humide sous ses
pieds, et bientôt elle marcha dans l'eau.
Une seconde fois, lord Palmure proposa de
revenir en arrière, miss Ellen s'y opposa.
Tout à coup une lueur vint la frapper au
visage. C'était un point rougeâtre qui brillait
dans l'éloignement. On eût dit une lampe SllS-
pendue à la voûte du souterrain.
— Nous n'avons plus besoin des allumettes
de Paddy, dit alors miss Ellen.
Et, bien qu'elle eût de l'eau jusqu'à la cheville,
elle doubla. le pas.
Lord Palmure allait toujours, le dlJi.,;t sur la
détente de son revolver, prêt affaire feu si quel-
que danger venait à surgir et menaçait sa fille.
Miss Ellen avait pris la. lumière; pour guide..
Chose assez étrange' tandis que e paraissait lointaine encore, le brait devenait
assourdissant, si bien qu'on aurais, pu croire que
le fleuve roulait au milieu du souterrain et la
traversait.
Mais, quand elle eut fait quelque pas encore,
miss Ellen s'arrèta et comprit.
Le souterrain aboutissait à la Tamise et cette
lumière qu'elle voyait, c'était un bec de gaz qui
était placé de l'autre côté, sur l 'eau, juste en
face de l'orifice.
Tous trois atteignirent- l'extrémité du souter-
rain, qui se terminait par une oùverture prati-
quée dans la digue du fleuve à deux pieds au-
dessus de l'eau.
Miss Ellen, arrivée la première, put se rendre
compte alors du chemin qu'avait suivi l'homme
gris.
Un anneau de fer scellé dans une pierre attes-
tait qu'on y avait amarré un bateau.
Ainsi l'homme gris était venu en barque et
s'en était allé de même.
— Eh bien ! dit lord Palmure, à quoi a servi
cette exploration?
— A me donner une idée, dit miss Elleu.
— Ah 1 laquelle ?
JOURri AL QUTIDIEr-î
\<
& cent.' le 'numéro
.â cent. le numéro -
. ABONNEMENTS. ■— Trois M'Dis. sit mois. Un an.
Paris." S fr. 9 fr. 18 fr. ,
Départements.. 8 il
Administrateur: E. DiE I* s AUX. zl;e
3rne année. — MERCREDI 29 AVRIL 1868. — N. 144
K tf il '
-
Directeur-Propriétaire : J.an m i N.
Midattiwr in chtf : A. Di Balatoier Br.vgilokri»
BVRKAVX a' .B0l'O'.-;;;:; : 9, rue Dl'OHOt.
Amummtaatiok : 13, place Breda.
PARIS, 28 AVRIL 1868.
LE CORAIL
Vous êtes brune, madame, fifSe^èontetirs-
rives vous Feyent. La parure que vousaftec-
Lionnez est une parure d'un rose vif, presque
rouge, qui s'harmonise avec vos yeux et vos
cheveux noirs.
Vos boucles d'oreilles, vos croix, vos col-
liers, vos bracelets sont en corail. Les négres-
ses, dit-on, ont le même goût. Eh bien !
qu'est-ce que cela prouve, sinon que les né-
gresses ont quelquefois bon goût? Votre teint
an est-il moins blanc, vos lèvres en ont-elles
sioins d'éclat ?...
Les journaux italiens de ces jours-ci étaient
pleins de curieux détails sur le commerce et
la pêche du corail. Des centaines de bateaux
sont partis de Naples pour aller vous chercher
des parures sur les côtes d'Afrique. Et moi,
désireux de trouver des sujets qui puissent
vous intéresser, je vais faire comme eux et
vous parler corail ce matin.
Le coraii est-il une pierre, une plante ou
un animal? Les savants ont écrit des volumes-
là-dessus. Le corail est dur, donc c'est un
minéral; mais il grandit et poupse des bran-
ches comme un arbre, donc c'est un végétal;
mais ses branches sont couvertes d'une es-
pève de isîmif mi nos vivante; Té' Curait
est un zoophyte ou animal-plante. Cet animal
sécrète une substance qui se durcit, sans je
séparer de la couche animée qui l'environne.
Cette dernière version, qui est celle de Lin-
aé, a cours aujourd'hui.
Maintenant, transportons-nous par la pen-
sée sur les bords dé l'Adriatique et de la
Méditerranée; descendons à trente, à qua-
rante, à cent, à deux cents mètres dans la
mer. Nous trouverons de véritables forêts,
qui grandissent et s'enchevêtrent dans l'eau
profonde. Ce{; forêts» formées de troncs et de
branchages sans feuilles, ont leurs bûcherons.
Les pêcheurs font descendre une espèce de
drague formée de branches de fer disposées
su croix, et cette drague accroche, brise et
retire les ramitications du bois sous-marin.
Allons plus loin. Nous sommes à l'autre
bout du monde, au nord-est de l'Australie.
Là, s'étend une mer redoutée, pleine de récifs
|ur lesquels viennent se briser les vaisseaux,
fies récifs revêtent tous une couleur sinistre :
ilà sont rouges. Et les lames se heurtent sans
relâche contre leurs parois inégales et san-
giàntes. Les navigateurs les plus hardis ne se
Hasardent qu'en tremblant dans ces parages,
" et c'est avec effroi qu'ils prononcent ce doux
nom « la mer de Corail. »
Ce sont les coraux, en effet, qui recouvrent
les récifs, les rochers, les îles, et qui, quel-
quefois par leur seule puissance, forment
eux-mêmes des îlots, végétation bizarre, à la
forme circulaire, dont le sommet se creuse
pour former un petit lac où s'amasse l'eau
des tempêtes.
En face de ces créations et de ces mystères,
on se prend à rêver...
Bah ! le commerce nous ramène vite à la
réalité des choses.
Dès 1450, La Calle, qui fait maintenant
partie de nos possessions d'Algérie, était le
siége d'un établissement français pour la
pêche du corail. La nature est magnifique.
Elle crée, et semble dire aux hommes, en
étalant ses richesses : -- Prenez, ceci est à
tous. C'est pourquoi les hommes, beaucoup
moins généreux, s'empressent d'inaugurerdes
monopoles, afin que ce qui devrait être à tous,
ne soit plus qu'à quelques-uns. Une Compa-
gnie, obligée à n'employer que des marins
provençaux, avait do p?iyii%^|^a pèche du.
corail, et le conserva pendant plusjeurp siè-
des. Tint la dévolution; le privilège fut sup-
primé. Mais il en fut de cette Suppression
comme de l'abolition de l'esclavage et de tou.
tes les réforfues trop brusquement accomplies,
Notre commerce en souffrit, et les Italiens,
devenus maîtres de rétablissement de l'an-
cienne Compagnie, recueillirent les bénéfices
de la pèche.
Il fallait lutter avec eux par la concurrence;
mais, comme on va toujours d'un extrême à j
l'autre, on préféra enTevenirau monopole. j
Le 27 nivôse an IV, un arrêté créa une j
nouvelle société. La Compagnie ne pouvait
employer que des marins français ou établis
en France. L'armement de tout bateau devait
se faire dans l'un de nos ports. Quand tout fut
organisé, les Anglais détruisirent notre ma-
rine et s'emparèrent de la pèche. Ils y em-
ployèrent jusqu'à quatre cents embarcations.
En 1816, La Calle nous revint de droit,
mais 611e appartint de fait au dey d'Alger, et
cè n'est que depuis !830 que la recherche du
corail relève effectivement de l'administration
française. '
Unfistatistique de 1852 nous apprend que
nos 1^6 bateaux d'Afrique ont péché en
moyenne 230 kilogrammes de corail chacun,
soit 3|,880 kilogrammes, qui ont été vendus à
raison; de 60 francs le kilogramme. C'est
donc iin chiffre de deux millions cent cin-
qUllnte-deux mille huit cent quatre-vingts
francs* seulement pour une côte et pour un
pays.
Il feut s'arrêtep sur ce cbiffre-là.
C'est dans les villes de la côte d'Italie qne
l'industrie du corail s'étale dans sa richesse.
11 y a plusieurs fabriques de corail à Naples.
Là ou dans les maisonnettes des faubourgs
'mondes de soleil, travaillent les femmes et
les jettes filles, toutes douées d'une adresse
merveilleuse. - .
Un petit tour, dont le bout du pied fait tour-
ner laroue ; une scie circulaire, qui eoupe en
grinçant la branche rouge ; une meule, contre
laquelle on arrondit, en les usant, les mor-
ceaux': tels sont les-instruments du travail.
Les objets fabriqués sont ensuite rangés sur
du coton dans de petits cartons. Rappelez-vous
la Graziella de Lamartine 1 A cinquante ans
de distance, le vieil homme d'Etat, désen-
chanté,' retrouvait la poésie de sa jeunesse
pour peindre la corailleuse d'ïschia :
T ft^ii ni Ton iwyjMwm i ii< i»wiiiii«wo»ii>myrti i'
volant quelquefois jusqu'à son visage, saupou-
drait ses joues et ses lèvres d'un léger fard,
qui- faisait paraître ses yeux bleus plus res-
plendissants. Puis elle s'essuya en riant, et
secoua ses cheveux noirs, dont la poussière
me couvrit à mon tour.
» N'est-ce pas, dit-elle, que c'est un bel
état pour une fille de la mer comme moi ?
Nous lui devons tout, à la mer : depuis la
barque de mon grand-père et le pain que nous
mangeons jusqu'à ces colliers et à ces peri.
dants d'oreilles, dont je me parerai peut-être
un jour, quand j 'en aurai tant poli et tant fa-
çonné pour de plus riches et de plus belles
que moi... '¡J'
I
Le peuple qui attache le plus de prix au 1
corail est celui chez lequel il est le pins
rare.
Ainsi il ne croît pas sur les côtes de l'Inde,
ni sur les côtes méridionales do l'Afrique.
C'est pourquoi Indiens et Africains le préfè-
rent à toute autre pierrerie. Les. rajahs sur-
chargent de brillants et de per^s lenrs vête-
ments de soie aux couleurs ètfatantes. Mais .
ils réservent le corail pour hmi's: bracelets el
leurs colliers. Le corail, chez les Cafres . el
lesHottcntots, est à la fois .un remède comme
chez les anciens, un talisman contre les mau-
vaises chances comme chez -les Napôlitaîns.
et une parure comme chez les rajaïfs.
Un prince de Madagascar vendait un let de
ses sujets à un marchand- d'esclaves de rile-
de-France. C'était une vente au (l 'tai1 Les
sujets étaient beaux : on discutait; tour à four
le prix d.e chacun.
Arrivé à une négresse d'une beauté pur-
faite :
— J'en offre deux cents piastres, dit le
marchand.
L'autre allait consentir, qlJand un jeune
officier français s'avança. Il avait vu de-?
larmes dans les yeux de la jeune fille, el, se
représentant l'entrepont du vais-seau néprier,
les horreurs du la traversée, les.misères.de
l'esclavage, il voulait essayer d'arrachc-r cette
enfant n ses bourreaux.
Il n'était pas riche, lui, et il ne pouvait
offrir deuxxents piastres comme le -Màrchind..
i djifens sa - cabine,,.- un collier, de
corail qu'il avait acheté au Palais-Royal,
pendant un séjour à Paris. Ce collier valait
bien cent écus.
Il l'offritau prince de Madagascar, en échan-
ge de sa sujette.
Le marchand se mit à rire. Mais le nègre,
repoussant les piastres, dit à l'officier.
— Prends cette femme, elle est à toi.
La jeune négresse était libre, madame. Je
suis certain que votre parure de corail vous
paraîtra plus belle maintenant. Car à son éclat
rose s'ajoutera le prestige de la légende, et
cette légende est celle d'une bmHle action.
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
No 177
QUATRIÈME PARTIE
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
XXXIII
Lord Palmure avait raison sans doute en
disant que ce souterrain avait dû être creusé par
les-partisans du malheureux roi Charles 1er.
. En de certains endroits, à mesure que miss
E!len et ses deax compagnons avancaient, ils
démarquaient des éboulements déjà anciens, et,
n'eût été, sur le sol, qui était naturellement hu-
Voir le numéro du 22 novembre.
mide, une trace de pas Loute fraîche, on aurait
pu croire que depuis deux siècles aucun être hu-
main n'avait passé par là.
Ces traces devaient être celles de l'homme
gris.
Miss Ellen continuait à marcher la pre-
mière.
A mesure qu'ils avançaient, ce bruit sourd,
ce clapottement, qui annonçait le voisinage de
la Tamise, devenait plus strident.
Bientôt la flamme des flambeaux oscilla sous
l'effort du vent qui s'engouffrait dans le boyau
souterrain.
Miss Ellen l'abrita de sa main, avançant tou-
jours.
Mais tout à coup le vent survint si violent
que le flambeau s'éteignit, et que les trois voya-
geurs nocturnes se trouvèrent dans l'obscu-
rité.
Miss Ellen eut une exclamation de rage.
Elle n'avait emporte ni allumettes ni bri-
quet.
Heureusement Paddy avait sur lui une de ces
b'jlt'es d'allumettes anglaises, à l'usage des fu-
meurs, qui ne flambent pas, mais qui pétillent
quelques instants et deviennent toutes rouges.
— En voilà assez, dit-il, pour battre en re-
traite.
J'en ai bien une vingtaine à deux tètes, et
nous pourrons faire une dizaine de pas à la
lueur de chacune.
— Battre en retraite? fit miss Ellen.
— Sans doute, fit lord Palmure.
— Non pas, dit miss Ellen j devrais-je mar-
cher dans les ténèbres, j'irai jusqu'au bout.
Et elle continua à marcher dans une demi-
obscurité, car les allumettes de Paddy ne proje-
taient que des lueurs douteuses et qui s'étei-
gnaient presque aussitôt.
Comme le vent avait soufflé la bougre, miss
Ellen ne s'était pas aperçue que le souterrain
formait un coude assez prononcé, et c'était ce
coude qui avait permis au vent d'arriver plus vio-
lent et plus direct.
Mais la jeune fille, en revanche, sentit que le
sol devenait de plus en plus humide sous ses
pieds, et bientôt elle marcha dans l'eau.
Une seconde fois, lord Palmure proposa de
revenir en arrière, miss Ellen s'y opposa.
Tout à coup une lueur vint la frapper au
visage. C'était un point rougeâtre qui brillait
dans l'éloignement. On eût dit une lampe SllS-
pendue à la voûte du souterrain.
— Nous n'avons plus besoin des allumettes
de Paddy, dit alors miss Ellen.
Et, bien qu'elle eût de l'eau jusqu'à la cheville,
elle doubla. le pas.
Lord Palmure allait toujours, le dlJi.,;t sur la
détente de son revolver, prêt affaire feu si quel-
que danger venait à surgir et menaçait sa fille.
Miss Ellen avait pris la. lumière; pour guide..
Chose assez étrange' tandis que e
assourdissant, si bien qu'on aurais, pu croire que
le fleuve roulait au milieu du souterrain et la
traversait.
Mais, quand elle eut fait quelque pas encore,
miss Ellen s'arrèta et comprit.
Le souterrain aboutissait à la Tamise et cette
lumière qu'elle voyait, c'était un bec de gaz qui
était placé de l'autre côté, sur l 'eau, juste en
face de l'orifice.
Tous trois atteignirent- l'extrémité du souter-
rain, qui se terminait par une oùverture prati-
quée dans la digue du fleuve à deux pieds au-
dessus de l'eau.
Miss Ellen, arrivée la première, put se rendre
compte alors du chemin qu'avait suivi l'homme
gris.
Un anneau de fer scellé dans une pierre attes-
tait qu'on y avait amarré un bateau.
Ainsi l'homme gris était venu en barque et
s'en était allé de même.
— Eh bien ! dit lord Palmure, à quoi a servi
cette exploration?
— A me donner une idée, dit miss Elleu.
— Ah 1 laquelle ?
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