Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-04-28
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 28 avril 1868 28 avril 1868
Description : 1868/04/28 (A3,N740). 1868/04/28 (A3,N740).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717742p
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
' ft cent. le numéro 1 JOURNAL QUOTIDIEN 5 cent. le numéro -
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. un an.
Paris 5 fr. 9 fr. 48 fr.
Départements.. 6 il
Administrateur: E. DEL S AUX. ne
3mc année. — MARDI x8 AVRIL 1868. —1\° 740
Directeur-Proprié taire : J A N N 1 N .
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIER BRAGELONNE.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, rue Drouot.
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
PARIS, 27 AVRIL 1868.
L'OURS DE LYON
ET LES OURS DE BERNE
L'ours est un animal populaire. IlêsTTÔur-
ûaud ; il prête à rire ; on aime à le voir aller,
venir, ouvrir la gueule, et se dresser sur ses
pattes de derrière pour recevoir une pomme
ou un pain de munition. C'est un comique ;
et les montreurs d'ours ont toujours eu le
plus grand succès.
Pas un jardin public qui n'ait son ours.
. L'ours est le plus bel ornement des foires et
des ménageries. Les fabulistes en ont fait un
ami maladroit, qui prend un pavé pour tuer
UllJ mouche, et qui écrase avec ce pavé la
tête de son ami. Les naturalistes ont vanlé
ses goûts champêtres et son amour pour les
rayons de miel.
De temps en temps, il arrive bien quel-
que effroyable récit de voyageur, et l'on
voit. se dresser sur une banquise un grand
ours blanc, dont le cou est agité par un
balancement méthodique, et dont la gueule
énorme menace de pauvres naufragés vêtus
de peaux. Mais ce sont là récits de voya-
geurs. On s'effràye au coin du feu: un ours
parait, on se sent tout de suite en bonne
humeur. L'ours, ennemi de l'homme, a été
démonétisé par les coiffeurs : qui ne connaît
ces affiches illustrées représentant un chas-
seur microscopique en face d'un ours géant?
L'ours a été tué, puisque le coiffeur vend de
;a pommade ; et l'on est rassérène. *-*
Les journaux reproduisent à l'envi depuis
[rois jours la nouvelle de la mort d'un ours.
Ct) pauvre diable de Martin., — ils s'appellent
toujours Martin,— faisait l'admiration des
promeneurs du parc de la Tète-d'Or, à la
fois Bois de Boulogne et Jardin d'acclimata-
tion des Lyonnais. Voyez si un seul journa-
liste s'est attendri sur sa. nn!... Au contraire,
chacun y cherchait matière à plaisanterie,
Mon ami de Balathier a prétendu que l'ours
de -Lyon avail sans doute été victime d'un
autre ours échappé de quelque théâtre de
Paris. Le Refusé prétend que Martin est
mort de langueur, atteint d'un amour sans
espoir pour une Dugazon. Je passe une demi-
douzaine d'autres oraisons funèbres tournées
, en épigrammes. Ce qu'il y a de sûr, c'est
;\ue l'ours de Lyon m'a donné envie de vous
; parler des ours et que je choisis pour héros
'"ai^ourd'hui ceux de Berne...
justement je reçois une lettre d'Alexandre
: .DjImas, qui me prie d'annoncer qu'il com-
mencera, mercredi, dans le Dartagnan, le
'' Volontaire de 92.
On nous accuse volontiers, nous autres
chroniqueurs quotidiens, de nous servir des
dictionnaires et des encyclopédies. Eh bien!
cela est vrai ; seulement nos encyclopédies
ne sont pas ce qu'on croit. Elles ne s'appel-
lent ni le Dictionnaire de la conversation, ni
le Dictionnaire des sciences, des lettres et
des arts, ni le Répertoire des connaissances
utiles, Non ; elles sont signées Voltaire, Di-
derot, Balzac, Alexandre Dumas. C'est dans
l'œuvre de ces maîtres, — grands à des de-
grés divers, mais qui ont touché à tout,— que
nous cherchons et que nous trouvons ce qui
nous manque, lorsque nous désirons vous
intéresser et vous instruire.
Les rues de Paris, — j'ouvre Balzac ; les
ours de Berne, — je prends; Alexandre Du-
-
mas.
Partout à Berne, on rencontre des ours.
Au-dessus d'une porte de la ville, se dressent
deux ours en pierre, de grandeur colossale.
Plus loin, une colonne est surmontée d'un
ours en armure de chevalier, portant une
bannière. Des ours supportent les armes de
Berne sur un fronton sculpté. Midi sonne, et
des ours sortent en procession d'une horloge
potn*- mai'qwf les -heIH'es: - Veus-allez YOtlS-
promener aux environs de la ville ; vous aper-
cevez deux ou trois cents personnes arrêtées;
vous vous approchez; ces curieux sont cam-
pés devant des fosses où des ours, vivants
cette fois, prennent leurs ébats. Vous inter-
rogez et l'on vous raconte -qu'un duc de
Zœbl'ingen, un trèl-grand seigneur du dou-
zième siècle, après avoir ceint de murs et
fortifié un petit bourg suisse, lui chercha un
nom. — Je l'appellerai, dit-il, du nom de
l'animal qui tombera le premier sous mes
coups!... Là-dcssu?, il partit pour la chasse,
et il tua un ours, — jBt&r en allemand ; —
de là le nom de la ville.
- Plus lard, une vieille filie fort riche mou-
rut, ne laissant, que des parents éloignés. « -
On ouynt ï son testament : elle y constituait
soixante imflle livres de rente aux ours, et
mille écris une fois donnés à l'hôpital pour y
fonder u l lit en faveur des membres de sa
famille, .es petits-cousins attaquèrent le tes-
tament; ais les juges nommèrent un avocat
d'office, it ce dernier plaida si bien que les
ours de 11 République furent-déclarés rentiers
par arr . Les douze cent mille francs qui
leur étai nt légués furent versés auT'ésor,
que le gouvernement déclara responsable du
dépôt, a ec charge d'en compter les intérêts
aux lég taires. Seulement on considéra ces
derniers comme mineurs, et on leur nomma
un cons il de famille pour administrer leur
bien. L 3 tuteurs eurent la meilleure table
et le me Iletir carrosse de Berne; mais les
ours ne ! Furent pas à plaindre non plus. Leur
gardien eçut le titre de valet de chambre;
il eut l' rdre de les gorger de bonne nourri-
ture, et île ne les battre qu'avec un ionc à
pomme 'or.
Cela dura jusqu'en 789.
I
La Révolution française eut son contre
coup en.Suisse. Berne prit parti contre nous.
Bientôt taincue, elle dut ouvrir ses portes.
Le général Brune entra dans la petite capitale.
Il fallut ipayer les frais de la guerre : le trésor
bernois'fut expédié à Paris. Onze mulets,
chargés d'or, passèrent la frontière. Deux
d'entre feux portaient les douze cent mille
francs des ours. Il ne leur resta plus que l'hô-
tel deletirs fondés de pouvoirs., que les Français
--«e pouîwient emporter.
Cependant les Martin suisses ne moururent
pas de faim. Ce fut à qui leur porterait à
manger. Il y a même à parier que quelques
soldats français, glorieux ancêtres des pious-
pious du Jardin des Plantes, partagèrent avec
eux leur pain de muni'ion. La gloire et la pi-
tié sont sœurs, a dit Lamartine.
Vint Napoléon. L'acte de médiation fut
proclamé, et les dix-neuf cantons purent vi-
vre en paix sous la protection de la France.
A peine Berne fut-elle tranquille, que les
citoyens qui avaient souffert de la guerre de-
mandèrent des indemnités à la nation. La
République fit droit à presque toutes les de-
mandes ; mais ce fut surtout envers les ours
qu'elle se montra magnifique'. Ils n'avaient
rien demandé; on leur accorda soixante mille
| francs, avec lesquels-je conseil de la ville
acheta un lot de terre qui rapportait deux
mille francs de rente.
Encore cette petite fortune fut-elle bientôt
réduite de moitié, et voici pourquoi.
La fosse des ours était alors située dans li
ville, et touchait aux murs de la prison.
Une nuit un condamné à mort, qui était
parvenu à se procurer un poinçon de fer, se
mit à percer un trou dans la muraille. Quelle
ne fut pas sa surprise, en s'apercevant qu'un
ami inconnu venait à son aide et détachait
des pierres de son côté. Quand la dernière
pierre fut tombée, il se trouva en face d'un
ours; mais ce dernier fut tellement surpris à
la vue du prisonnier qu'il le laissa fuir. Seu-
lement, curieux de reconnaître le passage, il
s'y aventura, et le lendemain le geôlier ne
laissa pas que d'être surpris en trouvant un
ours au lieu d'iiii prisonnier.
Il prit la fuite, l'ours le suivit. Le malheu-
reux geôlier oubliait 'de fermer les portes.
Quand il fut à une certaine distance, il se re-
tourna. L'ours était sur ses talons. On se
trouvait sur le marché aux légumes. L'animal
se mit à faire fête aux poires et aux pommes
étalées. Les marchands ne songèrent pas un
seul instant à interrompre son déjeuner. Mais
deux maréchaux,— dont la forge donnait sur
la place, — voyant l'effroi général, prirent
une résolution héroïque. Ils firent chauffer
deux grandes tenailles^ et, s'avançant, vers
l'ours absorbé par ses pommes, iis le pincè-
rent chacun par ime oreille. L'animal fit la
'grimace, mais il se laissa conduire à sa fosse,
sans autre protestation.
Le lendemain, le conseil de Berne dé-
créta qu'on transporterait les ouïs hors de
la ville, et qu'on leur bâtirait deux nouvelles
fosses sur les anciens remparts.
La construction de ces fosses coûta. trente
mille francs, qui furent hypothéqués sur la
propriété; et voilà pourquoi la peli' c fortune
des ours fut diminuée de moitié.
Ici se termine leur histoire. Si elle vous
a amusés, chers lecteurs de Lyon, vous pou-
vez m'en témoigner'votre reconnaissance en
portant des gâteaux à l'orphelin en ba.. âge
qu'a laissé l'ours du parc de la Tetc-d'Or.
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
mess=""N° 176 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIE
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
XXXII
Paddy ne savait pas trop ce que miss Ellen
Attendait de lui.
Mais'il avait fait le sacrifice de sa volonté, du
moment où il s'était remis dans les mains de^eette
femme dont il connaissait tous les instincts per-
vers.
Paddy pensait, du reste, ce que pensent beau-
Voir le numéro du 22 novembre.
*
coup de gens du peuple, à qui l'éducation a fait
défaut, et dans l'esprit desquels il n'y a qu'heur
et malheur dans ce monde.
Il était si pauvre, il avait femme et enfants, il
n'avait donc pas le moyen d'être honnête.
Dès l'instant qu'if vendait sa conscience, il
devait observer scrupuleusement les conditions
du marché.
Miss Ellen le conduisit à travers le jardin jus-
qu'à l'hôtel, lui fit gravir le petit escalier, tra-
versa la galerie et l'introduisit dans le cabinet
de lord Palmure.
Celui-ci, qui n'était pas encore revenu de la
stupéfaction que lui avait fait éprouver le récit
de sa fille, fronça le sourcil en voyant entrer
Paddy.
— Quel est cet homme déguenillé ? dit-il.
— Un homme que j'emploie, répondit miss
Ellen, et dont nous avons besoin.
— Mais, aie encore lord Palmure, pourquoi
ces outils ?
— lVlOn père, dit. la jeune fUlle, je n'ai pas et '•
le joner, d'une hallucination; il y a là une porte
secix i un passage, et il faut savoir où ils con-
duisent.
-
Sur '.'es irots, elle prit un flambeau et se di-
rigea vers l'an)c du cabinet où son pore et
elle. Vê,:.C..:C;lL livrés aux plu* i..ln,i !
. lieuses inventerions.. J
Paddy la suivait toujours.
Une dernière fois elle promena, le flambeau
sur tous les points du panneau de boiserie, et
toujours avec le même insuccès.-
Alors elle dit à Paddy :
— Prends le ciseau et le marteau, et pratique-
moi un trou là-dedans.
Lord Palmure, cédant à l'ascendant que sa
tille exerçait sur lui* ne s'opposa point à ce tra-
vail.
Docile comme un esclave, Paddy se mit donc
à l'ouvrage ; il enfonça le ciseau à froid dans le
milieu du panneau, à coups de m.u'toau.
— Mais, observa tord Palm.u'e, nous ailons
réveider toute la maison, et mettre uos gens
dans le secret.
— Fermez la porte au -verrou, dit tranquille-
ment miss Ellen.
Paddy continuait sa tâche.
Le ciseau traversa la boiserie dans toute son
épaisseur, mais alors il rencontra un corps
dur.. _
— C'est la ;;;:.iraille, dit lord Palmure.
— Non,vrépondit-il, c'est comme une plaque-
ùe ier ou de tôle.
— Lu bien ! il faut arracher le morceau, et
nous 'verrons aprpg: ordonna encore miss El-
is' h." o .;ne Oiaii tacite-
Attaqué adroitement en plusieurs endroits, le
panneau fut soulevé avec la pince et se brisa. "
Alors miss Ellen eut un cri de triomphe.
Le panneau recouvrait une porte de fer sur !a-
quelle on avait appliqué un enduit couleur de
plâtre.
On n'apercevait ni gonds ni serrures, mais un
petit bouton de cuivre se; trouvait clans en an-
gle, et un coup de marteau fut donne dessus par
le rough.
Soudain la po,tC'/s'oJ.\Tit touie grande, et une
bouffée d'air humide \ in t lrap))er au visage lord
Palmure et sa fille, qui se tenaient haletants
derrière Paddy.
La porte ouverte laissait voir un étroit corri-
dor pratiqué dans l'épaisseur du mur, et plongé
dans l'ohscurit'.''.
..- Allons, mon pcro, dit miss Ellen à lord
Palmure stupéfait., il faut avoir le cœur net de
tant cela.
— C'est mon avis, répondit le n0118 lord avec
un flegme tout britannique
Mais il alla, avant J se mettre en route,
prendre deux revolvers qui se trouvaient sur sa
cueminee, et il en tendit un à sa fille.
Miss Ellen s'en empara. Puis elle tendit le
¡Lmb()Ju à Paddy 8" lui dit
P;¡S"D !e premier
' ft cent. le numéro 1 JOURNAL QUOTIDIEN 5 cent. le numéro -
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. un an.
Paris 5 fr. 9 fr. 48 fr.
Départements.. 6 il
Administrateur: E. DEL S AUX. ne
3mc année. — MARDI x8 AVRIL 1868. —1\° 740
Directeur-Proprié taire : J A N N 1 N .
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIER BRAGELONNE.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, rue Drouot.
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
PARIS, 27 AVRIL 1868.
L'OURS DE LYON
ET LES OURS DE BERNE
L'ours est un animal populaire. IlêsTTÔur-
ûaud ; il prête à rire ; on aime à le voir aller,
venir, ouvrir la gueule, et se dresser sur ses
pattes de derrière pour recevoir une pomme
ou un pain de munition. C'est un comique ;
et les montreurs d'ours ont toujours eu le
plus grand succès.
Pas un jardin public qui n'ait son ours.
. L'ours est le plus bel ornement des foires et
des ménageries. Les fabulistes en ont fait un
ami maladroit, qui prend un pavé pour tuer
UllJ mouche, et qui écrase avec ce pavé la
tête de son ami. Les naturalistes ont vanlé
ses goûts champêtres et son amour pour les
rayons de miel.
De temps en temps, il arrive bien quel-
que effroyable récit de voyageur, et l'on
voit. se dresser sur une banquise un grand
ours blanc, dont le cou est agité par un
balancement méthodique, et dont la gueule
énorme menace de pauvres naufragés vêtus
de peaux. Mais ce sont là récits de voya-
geurs. On s'effràye au coin du feu: un ours
parait, on se sent tout de suite en bonne
humeur. L'ours, ennemi de l'homme, a été
démonétisé par les coiffeurs : qui ne connaît
ces affiches illustrées représentant un chas-
seur microscopique en face d'un ours géant?
L'ours a été tué, puisque le coiffeur vend de
;a pommade ; et l'on est rassérène. *-*
Les journaux reproduisent à l'envi depuis
[rois jours la nouvelle de la mort d'un ours.
Ct) pauvre diable de Martin., — ils s'appellent
toujours Martin,— faisait l'admiration des
promeneurs du parc de la Tète-d'Or, à la
fois Bois de Boulogne et Jardin d'acclimata-
tion des Lyonnais. Voyez si un seul journa-
liste s'est attendri sur sa. nn!... Au contraire,
chacun y cherchait matière à plaisanterie,
Mon ami de Balathier a prétendu que l'ours
de -Lyon avail sans doute été victime d'un
autre ours échappé de quelque théâtre de
Paris. Le Refusé prétend que Martin est
mort de langueur, atteint d'un amour sans
espoir pour une Dugazon. Je passe une demi-
douzaine d'autres oraisons funèbres tournées
, en épigrammes. Ce qu'il y a de sûr, c'est
;\ue l'ours de Lyon m'a donné envie de vous
; parler des ours et que je choisis pour héros
'"ai^ourd'hui ceux de Berne...
justement je reçois une lettre d'Alexandre
: .DjImas, qui me prie d'annoncer qu'il com-
mencera, mercredi, dans le Dartagnan, le
'' Volontaire de 92.
On nous accuse volontiers, nous autres
chroniqueurs quotidiens, de nous servir des
dictionnaires et des encyclopédies. Eh bien!
cela est vrai ; seulement nos encyclopédies
ne sont pas ce qu'on croit. Elles ne s'appel-
lent ni le Dictionnaire de la conversation, ni
le Dictionnaire des sciences, des lettres et
des arts, ni le Répertoire des connaissances
utiles, Non ; elles sont signées Voltaire, Di-
derot, Balzac, Alexandre Dumas. C'est dans
l'œuvre de ces maîtres, — grands à des de-
grés divers, mais qui ont touché à tout,— que
nous cherchons et que nous trouvons ce qui
nous manque, lorsque nous désirons vous
intéresser et vous instruire.
Les rues de Paris, — j'ouvre Balzac ; les
ours de Berne, — je prends; Alexandre Du-
-
mas.
Partout à Berne, on rencontre des ours.
Au-dessus d'une porte de la ville, se dressent
deux ours en pierre, de grandeur colossale.
Plus loin, une colonne est surmontée d'un
ours en armure de chevalier, portant une
bannière. Des ours supportent les armes de
Berne sur un fronton sculpté. Midi sonne, et
des ours sortent en procession d'une horloge
potn*- mai'qwf les -heIH'es: - Veus-allez YOtlS-
promener aux environs de la ville ; vous aper-
cevez deux ou trois cents personnes arrêtées;
vous vous approchez; ces curieux sont cam-
pés devant des fosses où des ours, vivants
cette fois, prennent leurs ébats. Vous inter-
rogez et l'on vous raconte -qu'un duc de
Zœbl'ingen, un trèl-grand seigneur du dou-
zième siècle, après avoir ceint de murs et
fortifié un petit bourg suisse, lui chercha un
nom. — Je l'appellerai, dit-il, du nom de
l'animal qui tombera le premier sous mes
coups!... Là-dcssu?, il partit pour la chasse,
et il tua un ours, — jBt&r en allemand ; —
de là le nom de la ville.
- Plus lard, une vieille filie fort riche mou-
rut, ne laissant, que des parents éloignés. « -
On ouynt ï son testament : elle y constituait
soixante imflle livres de rente aux ours, et
mille écris une fois donnés à l'hôpital pour y
fonder u l lit en faveur des membres de sa
famille, .es petits-cousins attaquèrent le tes-
tament; ais les juges nommèrent un avocat
d'office, it ce dernier plaida si bien que les
ours de 11 République furent-déclarés rentiers
par arr . Les douze cent mille francs qui
leur étai nt légués furent versés auT'ésor,
que le gouvernement déclara responsable du
dépôt, a ec charge d'en compter les intérêts
aux lég taires. Seulement on considéra ces
derniers comme mineurs, et on leur nomma
un cons il de famille pour administrer leur
bien. L 3 tuteurs eurent la meilleure table
et le me Iletir carrosse de Berne; mais les
ours ne ! Furent pas à plaindre non plus. Leur
gardien eçut le titre de valet de chambre;
il eut l' rdre de les gorger de bonne nourri-
ture, et île ne les battre qu'avec un ionc à
pomme 'or.
Cela dura jusqu'en 789.
I
La Révolution française eut son contre
coup en.Suisse. Berne prit parti contre nous.
Bientôt taincue, elle dut ouvrir ses portes.
Le général Brune entra dans la petite capitale.
Il fallut ipayer les frais de la guerre : le trésor
bernois'fut expédié à Paris. Onze mulets,
chargés d'or, passèrent la frontière. Deux
d'entre feux portaient les douze cent mille
francs des ours. Il ne leur resta plus que l'hô-
tel deletirs fondés de pouvoirs., que les Français
--«e pouîwient emporter.
Cependant les Martin suisses ne moururent
pas de faim. Ce fut à qui leur porterait à
manger. Il y a même à parier que quelques
soldats français, glorieux ancêtres des pious-
pious du Jardin des Plantes, partagèrent avec
eux leur pain de muni'ion. La gloire et la pi-
tié sont sœurs, a dit Lamartine.
Vint Napoléon. L'acte de médiation fut
proclamé, et les dix-neuf cantons purent vi-
vre en paix sous la protection de la France.
A peine Berne fut-elle tranquille, que les
citoyens qui avaient souffert de la guerre de-
mandèrent des indemnités à la nation. La
République fit droit à presque toutes les de-
mandes ; mais ce fut surtout envers les ours
qu'elle se montra magnifique'. Ils n'avaient
rien demandé; on leur accorda soixante mille
| francs, avec lesquels-je conseil de la ville
acheta un lot de terre qui rapportait deux
mille francs de rente.
Encore cette petite fortune fut-elle bientôt
réduite de moitié, et voici pourquoi.
La fosse des ours était alors située dans li
ville, et touchait aux murs de la prison.
Une nuit un condamné à mort, qui était
parvenu à se procurer un poinçon de fer, se
mit à percer un trou dans la muraille. Quelle
ne fut pas sa surprise, en s'apercevant qu'un
ami inconnu venait à son aide et détachait
des pierres de son côté. Quand la dernière
pierre fut tombée, il se trouva en face d'un
ours; mais ce dernier fut tellement surpris à
la vue du prisonnier qu'il le laissa fuir. Seu-
lement, curieux de reconnaître le passage, il
s'y aventura, et le lendemain le geôlier ne
laissa pas que d'être surpris en trouvant un
ours au lieu d'iiii prisonnier.
Il prit la fuite, l'ours le suivit. Le malheu-
reux geôlier oubliait 'de fermer les portes.
Quand il fut à une certaine distance, il se re-
tourna. L'ours était sur ses talons. On se
trouvait sur le marché aux légumes. L'animal
se mit à faire fête aux poires et aux pommes
étalées. Les marchands ne songèrent pas un
seul instant à interrompre son déjeuner. Mais
deux maréchaux,— dont la forge donnait sur
la place, — voyant l'effroi général, prirent
une résolution héroïque. Ils firent chauffer
deux grandes tenailles^ et, s'avançant, vers
l'ours absorbé par ses pommes, iis le pincè-
rent chacun par ime oreille. L'animal fit la
'grimace, mais il se laissa conduire à sa fosse,
sans autre protestation.
Le lendemain, le conseil de Berne dé-
créta qu'on transporterait les ouïs hors de
la ville, et qu'on leur bâtirait deux nouvelles
fosses sur les anciens remparts.
La construction de ces fosses coûta. trente
mille francs, qui furent hypothéqués sur la
propriété; et voilà pourquoi la peli' c fortune
des ours fut diminuée de moitié.
Ici se termine leur histoire. Si elle vous
a amusés, chers lecteurs de Lyon, vous pou-
vez m'en témoigner'votre reconnaissance en
portant des gâteaux à l'orphelin en ba.. âge
qu'a laissé l'ours du parc de la Tetc-d'Or.
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
mess=""N° 176 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIE
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
XXXII
Paddy ne savait pas trop ce que miss Ellen
Attendait de lui.
Mais'il avait fait le sacrifice de sa volonté, du
moment où il s'était remis dans les mains de^eette
femme dont il connaissait tous les instincts per-
vers.
Paddy pensait, du reste, ce que pensent beau-
Voir le numéro du 22 novembre.
*
coup de gens du peuple, à qui l'éducation a fait
défaut, et dans l'esprit desquels il n'y a qu'heur
et malheur dans ce monde.
Il était si pauvre, il avait femme et enfants, il
n'avait donc pas le moyen d'être honnête.
Dès l'instant qu'if vendait sa conscience, il
devait observer scrupuleusement les conditions
du marché.
Miss Ellen le conduisit à travers le jardin jus-
qu'à l'hôtel, lui fit gravir le petit escalier, tra-
versa la galerie et l'introduisit dans le cabinet
de lord Palmure.
Celui-ci, qui n'était pas encore revenu de la
stupéfaction que lui avait fait éprouver le récit
de sa fille, fronça le sourcil en voyant entrer
Paddy.
— Quel est cet homme déguenillé ? dit-il.
— Un homme que j'emploie, répondit miss
Ellen, et dont nous avons besoin.
— Mais, aie encore lord Palmure, pourquoi
ces outils ?
— lVlOn père, dit. la jeune fUlle, je n'ai pas et '•
le joner, d'une hallucination; il y a là une porte
secix i un passage, et il faut savoir où ils con-
duisent.
-
Sur '.'es irots, elle prit un flambeau et se di-
rigea vers l'an)c du cabinet où son pore et
elle. Vê,:.C..:C;lL livrés aux plu* i..ln,i !
. lieuses inventerions.. J
Paddy la suivait toujours.
Une dernière fois elle promena, le flambeau
sur tous les points du panneau de boiserie, et
toujours avec le même insuccès.-
Alors elle dit à Paddy :
— Prends le ciseau et le marteau, et pratique-
moi un trou là-dedans.
Lord Palmure, cédant à l'ascendant que sa
tille exerçait sur lui* ne s'opposa point à ce tra-
vail.
Docile comme un esclave, Paddy se mit donc
à l'ouvrage ; il enfonça le ciseau à froid dans le
milieu du panneau, à coups de m.u'toau.
— Mais, observa tord Palm.u'e, nous ailons
réveider toute la maison, et mettre uos gens
dans le secret.
— Fermez la porte au -verrou, dit tranquille-
ment miss Ellen.
Paddy continuait sa tâche.
Le ciseau traversa la boiserie dans toute son
épaisseur, mais alors il rencontra un corps
dur.. _
— C'est la ;;;:.iraille, dit lord Palmure.
— Non,vrépondit-il, c'est comme une plaque-
ùe ier ou de tôle.
— Lu bien ! il faut arracher le morceau, et
nous 'verrons aprpg: ordonna encore miss El-
is' h." o .;ne Oiaii tacite-
Attaqué adroitement en plusieurs endroits, le
panneau fut soulevé avec la pince et se brisa. "
Alors miss Ellen eut un cri de triomphe.
Le panneau recouvrait une porte de fer sur !a-
quelle on avait appliqué un enduit couleur de
plâtre.
On n'apercevait ni gonds ni serrures, mais un
petit bouton de cuivre se; trouvait clans en an-
gle, et un coup de marteau fut donne dessus par
le rough.
Soudain la po,tC'/s'oJ.\Tit touie grande, et une
bouffée d'air humide \ in t lrap))er au visage lord
Palmure et sa fille, qui se tenaient haletants
derrière Paddy.
La porte ouverte laissait voir un étroit corri-
dor pratiqué dans l'épaisseur du mur, et plongé
dans l'ohscurit'.''.
..- Allons, mon pcro, dit miss Ellen à lord
Palmure stupéfait., il faut avoir le cœur net de
tant cela.
— C'est mon avis, répondit le n0118 lord avec
un flegme tout britannique
Mais il alla, avant J se mettre en route,
prendre deux revolvers qui se trouvaient sur sa
cueminee, et il en tendit un à sa fille.
Miss Ellen s'en empara. Puis elle tendit le
¡Lmb()Ju à Paddy 8" lui dit
P;¡S"D !e premier
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