Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-04-21
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 21 avril 1868 21 avril 1868
Description : 1868/04/21 (A3,N733). 1868/04/21 (A3,N733).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717735j
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
5 tent. le numéro 1 Ir~ . JOURNAL QUOTIDIEN 1 1 : 1 1 ; ' " 1 . 5 cent. le numéro
ABONNEMENTS. — Trois moite Six "o. Un 18.
Paris 6 fr. 9 îi. 1 s fr.
Départements.. ® Il
Administrateur : E. DELSÀUX. 1 e
. 3me année. — MARDI 14 AVRIL 4868. — N' 733 .
Directeur-Propriétaire : JÀ N N I N. - - -
Rédacteur en chef: A. DE BA LA TH 1 ER BRAGELONNE.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9. rue DROWOT
ADMINISTRATION : 13, place Breda. 1
PARIS, 20 AVRIL 1868
LE VOYAGEUR DE COMMERCE
trente convives entourent la tablerd'hôte.
L'un d'eux s'adresse à son voisin :
— Monsieur est commis-voyageur ?
— Oui, monsieur.
— Pour quelle partie monsieur voyage-
t-il ?
— Pour les nez.
— Les nez de carton, les madques ou les
ïoups?
— Non, monsieur; je voyage pour les nez
de chair, ou, si vous l'aimez mieux, pour les
nez humaiu-,.
On éclate de rire. Le voyageur garde son
sérieux. Il reprend :
— Monsieur, vous avez 1Jn beau nez ; si
"ous voulez, je vous l'achète.
— Mon nez?
— Votre nez.
— Livrable?... -,
— A votre mort.
— C'est moins inquiétant... Et payable?...
— Tout de suite.
- Quel est le prix?
— Oh ! mon Dieu ! je le payerai au tarif.
Le commis-voyageur prend la mesure du
nez de son voisin ; il fait des chiffres sur un
agenda...
— C'est deux cents francs.
— Ça me va, dit le voisin.
— Seulement, ajoute le commerçant, j'exi-
ge un dédit de vingt bouteilles de Champagne
dans le caSTrftTun de nous romprait le mar-
ché-.
— Va pour les vingt bouteilles.,
— Ainsi, c'est entendu ?
— C'est, entendu.
Le commis se lève, prend une des servan-
tes de l'auberge par la taille, et lui parle à
l'oreille.
La servante sort en riant, et revient, au
bout de cinq minutes, tenant à la main une
énorme pincette dont les deux Jbranches sont
' rougies au feu.
Le commis-voyageur s'en empare, et al-
longe l'instrument dans la direction de son
voisin.
Ce dernier fait un bond en arrière.
— Qu'est-ce que cela ?
— C'est une pincette rouge, monsieur ;
toutes les fois que j'achète, je marque ma
marchandise afin qu'on ne puisse pas me,
\Ja changer: j'ai acheté votre nez, il faut que
je l'estampille.
! — Monsieur, je ne le souffrirai pas.
j — Alors, monsieur, notre marché sera
/r,ompu.
— Rompu!... Rompu!... Je voudrais bien
vous voir à ma place, vous...,
,. — Moi, je n'ai pas vendu; j'ai acheté!
Laissez-vous marquer, ou payez le dédit. Je
prends ces messieurs pour juges.
— Oui, oui, qu'il paye! crient les convives
d'une seule voix.
Et l'homme au nez de s'exécuter; heureux
d'en être quitte pour quelques bouteilles de
Champagne.
éeti, chers lecteurs, c'est le vieux jeu. Le,
commis-voyageur qui achète les nez, place le
chapeau, l'article Paris ou lesvins, se nomme
Gaudissart. —l'illustre Gaudissart! Il a été
immortalisé par Balrac, et l'on peut dire de
lui ce que l'auteur de la temédie humaine di-
sait de Victor Hugo : C'est un grand homme,
n'en parlons plus....
« Je le vois encore, — dit notre cher con-
frère Auguste Luchet, — finissant de remplir
et de fermer ses marmottes en basane verte,
enfonçant son parapluie à canne dans le
fourreau de grosse toile, armant ses pistolets
dépareillés, son rotin à épée sous le bras, son
grand manteau bleu à ,oollet de ppa^ de obat,.
son Béranger qu'il nous chantait si bien, e
son portefeuille qui semblait contenir les
destinées de.lau F.iaa£e~.^En juillet* il se
battit comme un lion. »
Aujourd'hui, le héros des Glorieuses est un.
des soixante-dix mille gentlemen qui forment.,
entre toutes les associations sorties de 181.8.,
la plus intéressante par eon esprit de solida-
rité, son intelligence et les services qu'elle
rend à la cause de la civilisation.
Disséminés dans toutes les villes de l'an-
cien et du nouveau continent, depuis les
Etats -Unis jusqu'aux Echelles du Levant et
depuis Londres jusqu'à Pékin, ils parcourent
le monde entier, yuigari.-jmt les inventions
avec les modes et les.idées avec les produits...
Le commis voyageur est agent actif et incon-
scient du progrès.
Il roule sur chaque chemin,
Sans s'occuper du lendemain.
De fleurs sa route est parsemée;
Du bout, de son cigare en leji
S'échappe, en long nuage bleu,
Une insouciante fumée.
S'il s'ennuie, un refrain grivois.
Poussé dans l'air à pleine voix,
Dissipe son humeur morose ;
Comme l'oiseau dans les buissons
Il jette aux échos ses chansons,
Et, pour lui, tout redevient rose. »
Belles qu'il charme chaque soir,
Pauvres dont sa bourse est l'espoir,
Marchands dont il fait la richesse,
, En voyant du chemin de fer
Les premiers wagons fendre l'air
Vous jetiez un cri de détresse :
« Pour ce voyageur si dispos,
» Sonne, hélas ! l'heure du repos
. » Puisqu'on va supprimer l'espace ! 1%
Mais lui, loin de s'en tourmenter,
Joyeux, on l'entendait chanter :
« Applaudissons, le progrès passe ! »
Ces vers, chers lecteurs, sont de " Charlfcs
llincenl; ils ont été mis en musique par Dar-
cier...
Ainsi le commis-voyageur a ses composi-
teurs et ses poétes.
Depuis hier, il a plus encore-, il a son jour-
nal.
Le Voyageur de commerce, journal litté-
raire, satirique et anecdotique, par M. Gaston
Robert d-e Salles, a grossi la pléiade des petits
journaux que chaque printemps a le privi-
lège de faire germer. D'ordinaire, il en est
ces journaux comme des amours dont
parle letaupiti de M. Alexandre Dumas fils :
t Ils naissent avec les lilas, se maRgent avec
fcs fraists, et meurent avec les .feuilles.... »
II n'en sera pas ainsi du Vé)yagem- de Com-
merce, s'il tient les promesses de son pre-
mier numéro. Il entend servir en effet les in-
térêts ée la corporation d0nt il prend en
main le drapeau, et, sous la forme humoris-
.tique et ,.-aie,de la petite presse, répandre des
vérités, propager des ooenaissances, faire
ressortir «ee-.qrae le commerce a d'.Qtiüté, de
g-randenr et-de poésie.
« Les premiers commerçants dont la tra- ;
d'riion nous ait conservé les noms, — dit
M. de Salies,—furent ces hommes aventu- ;
reux qui. bravant tous les périls, marchèrent
.devant eux -sans autre boussole que leur cou-
rage, et agrandirent le champ des relations
du monde encore jeune. Ils furent les traits
d'union fie la grande famille humaine, et mé-
ritèrent d'être chaules par les poètes.
» Réunis en caravanes, ils pénétrèrent au,
cœur de l'Asie et se frayèrent une route jusque
dans les profondeurs de la haute Egypte, dont;
ih rapportèrent l'ivoire, la myrrhe, les bpis
précieux et les parfume.
» Les Phéniciens, par. le fait, furent les s
premiers voyageurs de commerce, et c'est de •
Tyr et' de Cannas que partir nt ces rayons
dont la lueur eut-des reflets dans toutes le»
terres voisines de la Méditerranée, et les relia
entre elles.
» Ces pacifiques et courageuses expédi-
tions servaient de thème aux premières
légendes et aux premiers poèmes avant que le
fléau des grandes guerres se fut abattu sur le ,
monde. C'est aux poëtes, de cet âge heureux.
que nous devons de savoir, après plus
j de trois mille ans, le nom du pilote de l 'ex-
pédition des Argonautes. V:r-ilè a célébré cette .
• glorieuse expédition d'aventuriers de génie,
qui affrontaient sur une mauvaise barque les
flots toujours agités de la mer Noire, et il -
nous a conservé le nom de Tiphys, pilote du
navire Argo.
» Les voyages se multiplièrent ; les grandes
métropoles du commerce antique, Co:inthe
et Carthage, s'élevèrent, et la civilisation
grecque se répandit dans le monde entier au
moyen de nombreuses colonies.., » -
Ce qui tîst vrai pour l'antiquité l'est encore
plus pour le moyen âge et les temps mo-
dernes.
Au treizième siècle, des marchands, dési-
reux de protéger leur commerce, organisè-
rent la ligue hanséatique des villes de l'Alle-
magne du Nord, et cette ligue, qui traitait
directement avec les empereurs, sut garder
son indépendance à travers tous les boulevei^
sements militaires et féodaux.
En France, le prévôt des marchands fut
une autorité. Les rois s'appuyèrent longtemps
SUT la boutique pour combattre la noblesse,
et .plus tard ils durent compter avec e!le.
.Qu'était-ce que les Médicis, ces souverains
artistes de Florence, sinon des marchands
parvenus?...
A quoi Venise, Gênes, toutes les petites
républiques Italiennes durent-elles leur puis-
sance, sinon à .la richesse, fille du com-
merce?...
C'est pour trouver des voies nouvelles d'ex-
portation, que Vasco de Gama doubla le pre.
mier le cap de Bonne-Espéiance, ". et que
ROCAMBOLE
N° 169 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIE
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
XXV
La Tamise, dans son trajet à travers Londres,
ressemble "bien plu g à un port qu'à un fleuve,
Pendant le jour, on à peine à compter les
bateaux à vapeur; la nuit, on aperçoit à gauche
et à droite, en amont et en aval, des forets -de'
roâfs cUles quantités d'embarcations grandes et
pe/Hes, à l'ancre.
\
Voir le numéro au 22 novembre.
En descendant de Rot.henthe au bord de l'eau,
si on tourne à gauche, au lieu de prendre à
droite pour aller rejoindre lè ponton d'embar-
quement du penny-boat, on trouve amarrée tout
au bord, une grosse barque pontée, à la proue
arrondie, ressemblant à ces lourdes péniches
hollandaises qui remontent les canaux à l'inté-
rieur des terres, après avoir bravement tenu la
mer.
Cette barque n'a pas de mâts. On dirait une
maison plutôt qu'un navire.
Que fait-elle là? Sert-elle de magasin ou d'ar-
senal ?
A première vue, il serait difficile He le dire.
Un nom est écrit en lettres blanches sur la
proue
< MANNIN,
Qu'e3t-ce que Mann ng?
Un marchand de chevaux célèbre par toute
l'Angleterre, qui l'ait des envois considérables
sur tout ie continent.
Une fois par mois, la grosse embarcation
remorquée par un petit bateau à vapeur, quitte
Rot.heritbe et descend la Tamise jusqu'à la
mer.
Elle a cinquante et quelquefois Cent chevaux
à sun bord.
A l'intérieur, elle est emméuagée comme une
immense écurie; et chaque cheval, soutenu par
des sangles, a son box. particulier. j
Ce fut vers cette barque singulière que John,
qui précédait ses trois compagnons, dont l'un
portait Shoking sur ses épaules, dirigea la pe-
tite troupe nocturne.
Il n'est pas un vagabond sans feu ni lieu qui
n'ait couché une fois dans Manning-house, comme
on appelle la baraque pontée.
11 suffit pour cela de se hisser à bord et de
descendre du pont à l'intérieur par le grand pan-
neau, qu''qn ne songe jamais à fermer, attendu
qu'il n'y a absolument rien à voler, et qu'il n'y
reste, après chaque traversée, ni fourrage pour
les chevaux, ni vivres pour les hommes.
M. Manning n'habite pas Londres; il a ses
écuries à sept ou huit lieues, sur là route de
Manchester, et sa barque, dont on ne saurait que
faire, quand elle est revenue à Rotherithe, n'est
gardée par personne,
— Ici, dit John qui grimpa le premier sur le
pont, nous serons tout à fait chez nous, et nous
pourrons causer avec Sa Seigneurie lord W ilf
mot. * 1
Shoking, en voyant qu'on ne le jetait pas à j
l'eau sur-le-champ, commençait à respirer un ;
peu et rassemblait tout ce qu'il avait de courage i
et de orésence d'esprit. i
Les quatre roughs montèrent donc à bord dl"
Manning-Jiovsc avec leur prisonnier.
Puis descendirent à l'intérieur par l'échelle iiu '
i grand panneau.
La nuit était sobmre, et le dedans de la pé-
niche était plongé dans une obscurité profonde.
Mais John tira de sa poche un briquet phos-
phorique et alluma une petite mèche de cire '
jaune repliée sur elle-même cornue un écheve^!*
de fil.
Alors les reflets de la mèche éclairèrent l'in-
térieur de la barque, disposée, nous l'ayons dit,
comme une écurie.
Mais il y avait une CfLllo assez profonde ru-
dessous du .plancher .de;; chevaux et dan-3. la-
quelle on pénétrait par une wv^erture pratiquée
au milieu même de l''¿ClJ.rj,f).
C'est en bas que nous serons à notre aise,
dit John, qui descendit encore le premier.
L'Ecossais le suivit, portant toujours Shoking
dans ses bras. •'
Personne ne savait ce que voulait faire John;
mais Shoking avait les plus affreux pressenti-
ments.
La calle était à. peu prè& y4de. Cependant
quelques bribes de fumier et mue, bz&ssée de
paille se trouvaient dans qn. owy.
— Mes en fiants, alo«r'»foha,te rqugh,R9*ia
sommes ici au-dessous du - ,MY$U de. 1 V
«
5 tent. le numéro 1 Ir~ . JOURNAL QUOTIDIEN 1 1 : 1 1 ; ' " 1 . 5 cent. le numéro
ABONNEMENTS. — Trois moite Six "o. Un 18.
Paris 6 fr. 9 îi. 1 s fr.
Départements.. ® Il
Administrateur : E. DELSÀUX. 1 e
. 3me année. — MARDI 14 AVRIL 4868. — N' 733 .
Directeur-Propriétaire : JÀ N N I N. - - -
Rédacteur en chef: A. DE BA LA TH 1 ER BRAGELONNE.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9. rue DROWOT
ADMINISTRATION : 13, place Breda. 1
PARIS, 20 AVRIL 1868
LE VOYAGEUR DE COMMERCE
trente convives entourent la tablerd'hôte.
L'un d'eux s'adresse à son voisin :
— Monsieur est commis-voyageur ?
— Oui, monsieur.
— Pour quelle partie monsieur voyage-
t-il ?
— Pour les nez.
— Les nez de carton, les madques ou les
ïoups?
— Non, monsieur; je voyage pour les nez
de chair, ou, si vous l'aimez mieux, pour les
nez humaiu-,.
On éclate de rire. Le voyageur garde son
sérieux. Il reprend :
— Monsieur, vous avez 1Jn beau nez ; si
"ous voulez, je vous l'achète.
— Mon nez?
— Votre nez.
— Livrable?... -,
— A votre mort.
— C'est moins inquiétant... Et payable?...
— Tout de suite.
- Quel est le prix?
— Oh ! mon Dieu ! je le payerai au tarif.
Le commis-voyageur prend la mesure du
nez de son voisin ; il fait des chiffres sur un
agenda...
— C'est deux cents francs.
— Ça me va, dit le voisin.
— Seulement, ajoute le commerçant, j'exi-
ge un dédit de vingt bouteilles de Champagne
dans le caSTrftTun de nous romprait le mar-
ché-.
— Va pour les vingt bouteilles.,
— Ainsi, c'est entendu ?
— C'est, entendu.
Le commis se lève, prend une des servan-
tes de l'auberge par la taille, et lui parle à
l'oreille.
La servante sort en riant, et revient, au
bout de cinq minutes, tenant à la main une
énorme pincette dont les deux Jbranches sont
' rougies au feu.
Le commis-voyageur s'en empare, et al-
longe l'instrument dans la direction de son
voisin.
Ce dernier fait un bond en arrière.
— Qu'est-ce que cela ?
— C'est une pincette rouge, monsieur ;
toutes les fois que j'achète, je marque ma
marchandise afin qu'on ne puisse pas me,
\Ja changer: j'ai acheté votre nez, il faut que
je l'estampille.
! — Monsieur, je ne le souffrirai pas.
j — Alors, monsieur, notre marché sera
/r,ompu.
— Rompu!... Rompu!... Je voudrais bien
vous voir à ma place, vous...,
,. — Moi, je n'ai pas vendu; j'ai acheté!
Laissez-vous marquer, ou payez le dédit. Je
prends ces messieurs pour juges.
— Oui, oui, qu'il paye! crient les convives
d'une seule voix.
Et l'homme au nez de s'exécuter; heureux
d'en être quitte pour quelques bouteilles de
Champagne.
éeti, chers lecteurs, c'est le vieux jeu. Le,
commis-voyageur qui achète les nez, place le
chapeau, l'article Paris ou lesvins, se nomme
Gaudissart. —l'illustre Gaudissart! Il a été
immortalisé par Balrac, et l'on peut dire de
lui ce que l'auteur de la temédie humaine di-
sait de Victor Hugo : C'est un grand homme,
n'en parlons plus....
« Je le vois encore, — dit notre cher con-
frère Auguste Luchet, — finissant de remplir
et de fermer ses marmottes en basane verte,
enfonçant son parapluie à canne dans le
fourreau de grosse toile, armant ses pistolets
dépareillés, son rotin à épée sous le bras, son
grand manteau bleu à ,oollet de ppa^ de obat,.
son Béranger qu'il nous chantait si bien, e
son portefeuille qui semblait contenir les
destinées de.lau F.iaa£e~.^En juillet* il se
battit comme un lion. »
Aujourd'hui, le héros des Glorieuses est un.
des soixante-dix mille gentlemen qui forment.,
entre toutes les associations sorties de 181.8.,
la plus intéressante par eon esprit de solida-
rité, son intelligence et les services qu'elle
rend à la cause de la civilisation.
Disséminés dans toutes les villes de l'an-
cien et du nouveau continent, depuis les
Etats -Unis jusqu'aux Echelles du Levant et
depuis Londres jusqu'à Pékin, ils parcourent
le monde entier, yuigari.-jmt les inventions
avec les modes et les.idées avec les produits...
Le commis voyageur est agent actif et incon-
scient du progrès.
Il roule sur chaque chemin,
Sans s'occuper du lendemain.
De fleurs sa route est parsemée;
Du bout, de son cigare en leji
S'échappe, en long nuage bleu,
Une insouciante fumée.
S'il s'ennuie, un refrain grivois.
Poussé dans l'air à pleine voix,
Dissipe son humeur morose ;
Comme l'oiseau dans les buissons
Il jette aux échos ses chansons,
Et, pour lui, tout redevient rose. »
Belles qu'il charme chaque soir,
Pauvres dont sa bourse est l'espoir,
Marchands dont il fait la richesse,
, En voyant du chemin de fer
Les premiers wagons fendre l'air
Vous jetiez un cri de détresse :
« Pour ce voyageur si dispos,
» Sonne, hélas ! l'heure du repos
. » Puisqu'on va supprimer l'espace ! 1%
Mais lui, loin de s'en tourmenter,
Joyeux, on l'entendait chanter :
« Applaudissons, le progrès passe ! »
Ces vers, chers lecteurs, sont de " Charlfcs
llincenl; ils ont été mis en musique par Dar-
cier...
Ainsi le commis-voyageur a ses composi-
teurs et ses poétes.
Depuis hier, il a plus encore-, il a son jour-
nal.
Le Voyageur de commerce, journal litté-
raire, satirique et anecdotique, par M. Gaston
Robert d-e Salles, a grossi la pléiade des petits
journaux que chaque printemps a le privi-
lège de faire germer. D'ordinaire, il en est
ces journaux comme des amours dont
parle letaupiti de M. Alexandre Dumas fils :
t Ils naissent avec les lilas, se maRgent avec
fcs fraists, et meurent avec les .feuilles.... »
II n'en sera pas ainsi du Vé)yagem- de Com-
merce, s'il tient les promesses de son pre-
mier numéro. Il entend servir en effet les in-
térêts ée la corporation d0nt il prend en
main le drapeau, et, sous la forme humoris-
.tique et ,.-aie,de la petite presse, répandre des
vérités, propager des ooenaissances, faire
ressortir «ee-.qrae le commerce a d'.Qtiüté, de
g-randenr et-de poésie.
« Les premiers commerçants dont la tra- ;
d'riion nous ait conservé les noms, — dit
M. de Salies,—furent ces hommes aventu- ;
reux qui. bravant tous les périls, marchèrent
.devant eux -sans autre boussole que leur cou-
rage, et agrandirent le champ des relations
du monde encore jeune. Ils furent les traits
d'union fie la grande famille humaine, et mé-
ritèrent d'être chaules par les poètes.
» Réunis en caravanes, ils pénétrèrent au,
cœur de l'Asie et se frayèrent une route jusque
dans les profondeurs de la haute Egypte, dont;
ih rapportèrent l'ivoire, la myrrhe, les bpis
précieux et les parfume.
» Les Phéniciens, par. le fait, furent les s
premiers voyageurs de commerce, et c'est de •
Tyr et' de Cannas que partir nt ces rayons
dont la lueur eut-des reflets dans toutes le»
terres voisines de la Méditerranée, et les relia
entre elles.
» Ces pacifiques et courageuses expédi-
tions servaient de thème aux premières
légendes et aux premiers poèmes avant que le
fléau des grandes guerres se fut abattu sur le ,
monde. C'est aux poëtes, de cet âge heureux.
que nous devons de savoir, après plus
j de trois mille ans, le nom du pilote de l 'ex-
pédition des Argonautes. V:r-ilè a célébré cette .
• glorieuse expédition d'aventuriers de génie,
qui affrontaient sur une mauvaise barque les
flots toujours agités de la mer Noire, et il -
nous a conservé le nom de Tiphys, pilote du
navire Argo.
» Les voyages se multiplièrent ; les grandes
métropoles du commerce antique, Co:inthe
et Carthage, s'élevèrent, et la civilisation
grecque se répandit dans le monde entier au
moyen de nombreuses colonies.., » -
Ce qui tîst vrai pour l'antiquité l'est encore
plus pour le moyen âge et les temps mo-
dernes.
Au treizième siècle, des marchands, dési-
reux de protéger leur commerce, organisè-
rent la ligue hanséatique des villes de l'Alle-
magne du Nord, et cette ligue, qui traitait
directement avec les empereurs, sut garder
son indépendance à travers tous les boulevei^
sements militaires et féodaux.
En France, le prévôt des marchands fut
une autorité. Les rois s'appuyèrent longtemps
SUT la boutique pour combattre la noblesse,
et .plus tard ils durent compter avec e!le.
.Qu'était-ce que les Médicis, ces souverains
artistes de Florence, sinon des marchands
parvenus?...
A quoi Venise, Gênes, toutes les petites
républiques Italiennes durent-elles leur puis-
sance, sinon à .la richesse, fille du com-
merce?...
C'est pour trouver des voies nouvelles d'ex-
portation, que Vasco de Gama doubla le pre.
mier le cap de Bonne-Espéiance, ". et que
ROCAMBOLE
N° 169 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIE
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
XXV
La Tamise, dans son trajet à travers Londres,
ressemble "bien plu g à un port qu'à un fleuve,
Pendant le jour, on à peine à compter les
bateaux à vapeur; la nuit, on aperçoit à gauche
et à droite, en amont et en aval, des forets -de'
roâfs cUles quantités d'embarcations grandes et
pe/Hes, à l'ancre.
\
Voir le numéro au 22 novembre.
En descendant de Rot.henthe au bord de l'eau,
si on tourne à gauche, au lieu de prendre à
droite pour aller rejoindre lè ponton d'embar-
quement du penny-boat, on trouve amarrée tout
au bord, une grosse barque pontée, à la proue
arrondie, ressemblant à ces lourdes péniches
hollandaises qui remontent les canaux à l'inté-
rieur des terres, après avoir bravement tenu la
mer.
Cette barque n'a pas de mâts. On dirait une
maison plutôt qu'un navire.
Que fait-elle là? Sert-elle de magasin ou d'ar-
senal ?
A première vue, il serait difficile He le dire.
Un nom est écrit en lettres blanches sur la
proue
< MANNIN,
Qu'e3t-ce que Mann ng?
Un marchand de chevaux célèbre par toute
l'Angleterre, qui l'ait des envois considérables
sur tout ie continent.
Une fois par mois, la grosse embarcation
remorquée par un petit bateau à vapeur, quitte
Rot.heritbe et descend la Tamise jusqu'à la
mer.
Elle a cinquante et quelquefois Cent chevaux
à sun bord.
A l'intérieur, elle est emméuagée comme une
immense écurie; et chaque cheval, soutenu par
des sangles, a son box. particulier. j
Ce fut vers cette barque singulière que John,
qui précédait ses trois compagnons, dont l'un
portait Shoking sur ses épaules, dirigea la pe-
tite troupe nocturne.
Il n'est pas un vagabond sans feu ni lieu qui
n'ait couché une fois dans Manning-house, comme
on appelle la baraque pontée.
11 suffit pour cela de se hisser à bord et de
descendre du pont à l'intérieur par le grand pan-
neau, qu''qn ne songe jamais à fermer, attendu
qu'il n'y a absolument rien à voler, et qu'il n'y
reste, après chaque traversée, ni fourrage pour
les chevaux, ni vivres pour les hommes.
M. Manning n'habite pas Londres; il a ses
écuries à sept ou huit lieues, sur là route de
Manchester, et sa barque, dont on ne saurait que
faire, quand elle est revenue à Rotherithe, n'est
gardée par personne,
— Ici, dit John qui grimpa le premier sur le
pont, nous serons tout à fait chez nous, et nous
pourrons causer avec Sa Seigneurie lord W ilf
mot. * 1
Shoking, en voyant qu'on ne le jetait pas à j
l'eau sur-le-champ, commençait à respirer un ;
peu et rassemblait tout ce qu'il avait de courage i
et de orésence d'esprit. i
Les quatre roughs montèrent donc à bord dl"
Manning-Jiovsc avec leur prisonnier.
Puis descendirent à l'intérieur par l'échelle iiu '
i grand panneau.
La nuit était sobmre, et le dedans de la pé-
niche était plongé dans une obscurité profonde.
Mais John tira de sa poche un briquet phos-
phorique et alluma une petite mèche de cire '
jaune repliée sur elle-même cornue un écheve^!*
de fil.
Alors les reflets de la mèche éclairèrent l'in-
térieur de la barque, disposée, nous l'ayons dit,
comme une écurie.
Mais il y avait une CfLllo assez profonde ru-
dessous du .plancher .de;; chevaux et dan-3. la-
quelle on pénétrait par une wv^erture pratiquée
au milieu même de l''¿ClJ.rj,f).
C'est en bas que nous serons à notre aise,
dit John, qui descendit encore le premier.
L'Ecossais le suivit, portant toujours Shoking
dans ses bras. •'
Personne ne savait ce que voulait faire John;
mais Shoking avait les plus affreux pressenti-
ments.
La calle était à. peu prè& y4de. Cependant
quelques bribes de fumier et mue, bz&ssée de
paille se trouvaient dans qn. owy.
— Mes en fiants, alo«r'»foha,te rqugh,R9*ia
sommes ici au-dessous du - ,MY$U de. 1 V
«
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