Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-04-12
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 12 avril 1868 12 avril 1868
Description : 1868/04/12 (A3,N724). 1868/04/12 (A3,N724).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717726k
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN
I .
S cent. le numéro
5,cent. le numéro
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. Un an.
Paris S fr. 9 fr. fr.
Départements.. 6 -e 1 1
Administrateutf: E. DELSAUX. -2 s
3me année. — DIMANCHE 12 AVRIL 1808. — T 7U 1
Directeur- Propriétaire taire : «,'ANNIN.
Rédacteur en chef: A. DE BALAI RIIK'IT BRAGELONNE.
BUREAUX D'ABONNEMENT : Î>. t'ne Dronot.
ADMINISTRATION : 13, plane B. reda.
PARIS, 11 AVRIL 1868.
LA MODE
Hier était le jour de la pj^eftàtte An-
nuelle de Longchamp. ^
Parler de Longchamp est bien usîH
Mais la question de la mode est toujours
nouvelle.
Cette année deux sortes de boucles d'oreil-
les sont à la mode :
D'abord, les petits boutons en brillants,
pour ainsi dire soudés à la peau.
Ensuite les insectes, hannetons, cétoines,
papillons et scarabées.
Je sais l'histoire d'un scarabée aux ailes de
diamants, aux yeux d'éméraudes, aux an-
tennes d'or, et je vais vous la raconter, si
vous le voulez bien.
Il y a trois mois, une .émme, qui a
oeaucoup d'amis, se dit, en passant en revue
les boucles d'oreilles de son écrin: — Tout
cela est bien vieux; ne trouvera-t-on donc
rien de nouveau?...
Il était trois heures de l'après-midi; on lui j
annonça une visite. Le visiteur était jeune; il ;
portait un grand nom, et il dépensait, par
vanité, une grande fortune. Comme presque
tous ceux de son monde, il passait son temps
à chercher le plaisir, et il ne trouvait le plus
souvent que l'ennui. Il avait des goûts au lieu
de passions, des fantaisies au lieu d'amour,
de la mémoire au lieud'idées. Comme menue
monnaie de4 là vie* il prenait l'écrit 4©ut. fait |
des petits journaux et les opinions toutes for-
mulées de son grand-père. Du reste, sa figure
était fatiguée, comme il sied aux figures de
vingt ans, et il parlait en traînant sur les
mots, comme s'il eût voulu attester que par-
ler pour ne rien dire donne une peine in-
finie.
La jolie femme fit part de son désir à ce
privilégié.
— Bien 1 dit-il, en étouffant un bâillement.
Cela va me distraire.
Il sortit un quart d'heure après.
■ Son cocher le conduisit chez un artiste de
ia connaissance.
Ce dernier était véritablement fï^àbîé. H ne
^pouvait suffire aux commandes des amateurs.
"ij gagnait plus d'argent qu'il ne voulait, et,
payant pas le temps de dépenser le fruit de
son travail, il le donnait à des gens qui le
noyaient de la plus noire ingratitude. Autre-
fois, les artistes empruntaient; maintenant,
ils prêtent. Ils s'amusaient, ils travaillent.
Inventer une boucle d'oreille était une grosse
affaire. Comment en trouverait-il le temps?
Il le ferait cependant pour obliger le gentil-
homme qu'il avait connu au collège...
— Quel poseur! dit le membre du petit
club, en quittant l'atelier.
L'artiste était déjà à l'œuvre, empressé de
produire, cherchant, trouvant, puis mé-
content de ce qu'il avait trouvé, et cher- 1
chant encore... -
— Chez mon notaire! dit le jeune nomme
à son cocher. '
ME Fanfernot de Bell eytie, avait une face
napoléonienne, rasée avec sfoin'et teintée de
bile. Il" se levait au petit jour pour suivre ses
affaires, et la nuit le trouvait encore dans sa
vieille étude sombre. Il passait d'un client à
un client, d'un dossier à un dossier, sans
avoir jamais le temps d'être à lui. Son esprit,
obéissagt,J'saJvolonté, s'appliquait aux objets
les plus divers, tout en.. poursuivant un seul
but : gagner de .l'argent. A neuf heures, le
soir, quand l'étude était fermée, il condui-
sait dans le monde sa femme, qui aimait à
faire la grande dame ; le dimanche, de loin
en loin, il voyait ses enfants.
— M^Bsieuc^lô ^comte^ dit-tl à- son çaieiit,
il y a longtemps' que je n'al pîus â'argent.
à vous ; il faut attendre le gain de votre
procès.
— Ce procès ne finira donc jamais ?...
— Je verrai l'avoué aujourd'hui même.
— En attendant, j'ai besoin de dix mille
francs pour une affaire grave. 11 s'agit de bou-
cles d'oreilles...
— Bien ! bien 1 je vais vous donner un
mot pour un banquier.
Huit jours après, le gentilhomme et l'ar-
tiste entraient chez un orfèvre.
Tête de bourgeois content de lui-même ; le
front chauve, et le bonnet grec brodé du mar.
chand arrivé ; à la boutonnière le ruban die la
Légion d'honneur du membre du Conseil des
prudhommes ; une de ses filles, mariée à un
ingénieur ; l'autre, fiancée à un avocat ; la
parole facile, accompagnée par un petit ba-
lancement joyeux : officier dans la garde na-
tionale, cela ne fait pas de doute ; des vel-
léités d'opposition.
—Le Paris nouveau a tué l'art industriel. Il
yavait un courant artistique dans nos vieilles
rues. Maintenant, nos ouvriers habitent la
banlieue, ou font les grands seigneurs avec
des loyers de douze cents francs. La main-
d'œuvre est hors de prix. Nous sommes forcés
4e faire fabriquer en Saxe. Je connais cepen-
dant un chef d'atejier qui écrit dans le Cour-
tier français. Je m'adresserai à lui..Monsieur
je comte peut être sur que je ferai tous mes
«forts pour le.satisfaire.... *
I L'ouvrier est à son établi. Il travaille, les
yeux fixés sur le modèle de l'artiste. Les loyers
sont chers, le patron l'a dit. Tout est cher.
Aussi le travailleur, qui vit au jour le jour,
outrepasse-t-il ses forces. Sa femme coud ;
son fils est apprenti dans une imprimerie. Tous
ises efforts réunis donnent à peine l'aisance.
Cet homme ignore le repos. Ne pouvant éco-
nomiser l'argent, il n'économise rien. Ou il
travaiMjB, ou il s'amuse. Arriver à un salaire
excessif, voilà son' idéal. #A de certaines heu-
res, pourtant, il pense ; et, le soir, dans son
pauvre logis, quand il se trouve au milieu des
siens, il sent. Alors, il lui arrive de pronon-
cer avec mélancolie le mot : avenir...
f 4èr»éèesfiilâ ast-iàr.et* la Jiiftdtiûiaia*
il reprendra patiemment la tâche de la veille.
Comme ces boucles d'oreilles sont
belles! À quelle femme sont-elles destinées?
A quèlle divinité?... Est-ce à une duchesse
dont la noblesse remonte aux croisades, ou
bien'à la fille d'un portier?...
Ainsi, l'aristocrate roi dt3 Paris, l'artiste
roi du monde, la pléïade des hommes d'af-
faires, la boutique, l'atelier, ont été mis en
mouvement tour à tour. Joignez à ceux qui
fabriquent la matière ceux qui l'apportent.
Que votre imagination se perde dans le fond
des mines noires. C'est tout un peuple que
nos boucles d'oreilles auront le'.privilége -d'é- :
roquer devant vous. '\
Tous les cercles parisiens, toutes les sphères
du travail auront été agités par une idée ^
commune... ' '
Et, de même qu'une pierre, jetée d'ans l'eau
,fait monter à sa surface je ne sais ^combien
de rides arrondies, de même il aura suffi du
caprice d'une jolie femme pour remuer et
mettre en .jeu toutes les couches"' de Tocéan1
humain....
— Elles sont très-jolies, vos boucler d'o-
I reilles! Je les mettrai pour aller à Long-
champ.
TONY RÉVILLON.
LA CUEILLETTE
S'il est un art béni des amants, c'est, sans con-
tredit, la photographie. Ce que l'amour lui a dû de
bienfaits est assurément incalculable. L'anecdote
suivante, que j'emprunte au Courrier des Etats-Unis,
prouve que le dieu de M. de Foy, l'hyménée, lui
doit aussi plus d'un service. |
Il y a deux ans environ arrivait à Carrolton
(Illinois) un jeune. Suisse de bonne mine et de
bonne éducation. Il était actif, industrieux, il
réussit à se créer des ressources, et il écrivit au
pays en parlant avec enthousiasme de sa nou-
velle patrie. Une jeune Suissesse qui lui était
absolument étrangère, mais qui entendit parler
de lui et de ses succès par une de ses amies,
s'éprit tout à coup d'une sympathie romanesque
pour ce héros de' l'autre monde, et lui écrivit
pour le féliciter, en'lui disant qu'elle aussi elle
serait aise $£ visiter cet Eldorado dont il faisait
un si rianê'tableau.
La lettre .était bien écrite, non-seulement
avec feu, mais avec correction, et une photogra-
■pttîfilia physionomie n'était pas
moins agréable que le style : l'un et l'autre plu-
rent au jeune homme, qui répondit et joignit éga-
lement son portrait à la lettre.
La correspondance dura ainsi quelque temps;
puis, après quelques mois, la demoiselle s'em-
barqua avec une amie; puis elle arriva à Tus-
cola, dans le comté de Douglas, où l'amoureux
inconnu l'attendait au débotté. Il la reçut dans ses
bras, et tous deux restèrent étroitement embras-
sés, comme deux vieux amis qui se retrouvent
après une longue absence, — et le soir même ils
étaient mariés.
Ils n'ont cessé depuis de vivre dans la plus
parfaite harmonie, et, à en juger par les pré-
misses ils sont bercés du doux espoir d'une nom-
breuse postérité.
N'est-ce pas charmant, ce roman par lettres, il-
lustré de photographies, et qe magnétisme de deux
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIE
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
XVI
No i55
Le land-lord alla donc poser les volets à la
devanture -du public house, éteignit le bec de
gaz qui brûlait au-dessus du comptoir et ne
laissa allumée qu'une petite lampe à schiste.
Puis il revint s'asseoir auprès de Shoking:
— Oui, lui dit-il, j'ai peur... figurez-vous que
depuis hier soir, on voit dans Rotherithe une
foule de visages inconnus. Les uns font le tour
"&ir taamtfro. du
de la chapelle et du cimetière, les autres vien-
nent ici boire et regardent partout.
— Vous pensez donc, dit Shoking, que ce
sont des gens de police?
— Je le crains; seulement, jusqu'à présent,
une chose me rassure, reprit le land-lord.
— Laquelle?
—Je crois bien qu'ils ont vent que le condamné
[ enlevé sur l'échafaud par les fenians est dans
Rotherithe, mais ils ne savent pas où.
— Ah ! vous croyez ?
— Oh! j'en suis sûr; je crois même que "le
dernier endroit qu'ils soupçonnent, c'est ma
maison.
— Dieu vous entende 1 murmura Shoking
avec émotion.
— Malheureusement, poursuivit le land-lord,
John est hors d'état de quitter le lit. Il a éprou-
vé une si grande émotion sur l'échafaud que,
vous le savez, il a été fou pendant quarante-
huit heures.
— Oui, certes, je le sais, dit Shoking.
— Maintenant, il a retrouvé sa raison, mais
le médecin qui le voit, dit qu'il ne pourra pas
quitter le lit avant huit jours ; et d'ici là, je
tremblerai à toute minute.
— Mais, dit Shoking, en admettant qu'il pût.
s'en aller tQut de suite, où irait-il? s
— Je.no rais «ft*. es t.~i grand !....
— Enfin, reprit Shoking, l'essentiel est qu'il
se rétablisse. Nous ne pouvons pas avoir fait
pour rien un si grand effort. Puis-je le voir?
— Oui, nous allons descendre.
Le land-lord s'en retourna vèrs la porte, et
J'entrebâilla.
Puis il jeta un regard furtif sur les abords du
public house.
— Personne! dit-il.
Il ferma la porte, revint auprès de Shoking et
prit la petite lampe à schiste?
Après quoi, il souleva la trappe de la cave qui
se trouait auprès du comptoir.
On descendait dans la cave, non par un esca-
lier, mais par une de ces échelles à degrés lar-
ges et plats qu'on appelle échelles de meunier.
Le land-lord passa le premier et Shoking le
suivit.
La cave du public house ressemblait à toutes
les caves.
Elle était carrée et ne paraissait pas avoir
d'autre issue.
Des tonneaux de plusieurs dimensions étaient
rangés tout à l'entour, et l'un de ces tonneaux
était haut de près de deux mètres..
Le land-lord s!en approcha, tourna le robinet
placé au centre et, tout aussitôt le fond s'ou-
vrit, tournât comme une porte, sur des gonds
inyisihj^
Alors Shoking vit un passage dans lequel, en
se baissant un peu, deux hommes pouvaient
marcher de front.
C'était le chemin de la cachette où était John
Colden, le condamné à mort.
Une fois entrés dans le tonneau, le land-
lord, qui avait toujours la petite lampe à la
main, pressa un ressort, et le fond mobile re-
prit sa place accoutumée, de telle façon que si
alors on était descendu dans la cave, on n'au-
rait pas remarqué cette futaille plus que les
au tres.
John Colden était couché dans une sorte de
salle basse à l'extrémité de ce corpàor auquel
le tonneau servait d'entrée.
Cette salle prenait de l'air par un trou percé
dans une voûte au-dessus de laquelle passait
un des nombreux égouts dont la ville de Lon-
dres est sillonnée ; et elle n'était pas Éclairée
par la lumière du jour.
Auprès d'un lit de camp était unalampe qui
brûlait sur une petite table.
Assis devant cette tabl^ Shoking aperçut
un homme de haute taille, au front basant qui
n'élit autre que celui du quatre chef? déniant
qui venait d'AmériquTt.
Johtv Wayait p}u$ ni la fièvre Si le d.4|ire, ta
raison lui était revenue, et Jl- ?ec©nnuV^£-\
t king, • •
JOURNAL QUOTIDIEN
I .
S cent. le numéro
5,cent. le numéro
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. Un an.
Paris S fr. 9 fr. fr.
Départements.. 6 -e 1 1
Administrateutf: E. DELSAUX. -2 s
3me année. — DIMANCHE 12 AVRIL 1808. — T 7U 1
Directeur- Propriétaire taire : «,'ANNIN.
Rédacteur en chef: A. DE BALAI RIIK'IT BRAGELONNE.
BUREAUX D'ABONNEMENT : Î>. t'ne Dronot.
ADMINISTRATION : 13, plane B. reda.
PARIS, 11 AVRIL 1868.
LA MODE
Hier était le jour de la pj^eftàtte An-
nuelle de Longchamp. ^
Parler de Longchamp est bien usîH
Mais la question de la mode est toujours
nouvelle.
Cette année deux sortes de boucles d'oreil-
les sont à la mode :
D'abord, les petits boutons en brillants,
pour ainsi dire soudés à la peau.
Ensuite les insectes, hannetons, cétoines,
papillons et scarabées.
Je sais l'histoire d'un scarabée aux ailes de
diamants, aux yeux d'éméraudes, aux an-
tennes d'or, et je vais vous la raconter, si
vous le voulez bien.
Il y a trois mois, une .émme, qui a
oeaucoup d'amis, se dit, en passant en revue
les boucles d'oreilles de son écrin: — Tout
cela est bien vieux; ne trouvera-t-on donc
rien de nouveau?...
Il était trois heures de l'après-midi; on lui j
annonça une visite. Le visiteur était jeune; il ;
portait un grand nom, et il dépensait, par
vanité, une grande fortune. Comme presque
tous ceux de son monde, il passait son temps
à chercher le plaisir, et il ne trouvait le plus
souvent que l'ennui. Il avait des goûts au lieu
de passions, des fantaisies au lieu d'amour,
de la mémoire au lieud'idées. Comme menue
monnaie de4 là vie* il prenait l'écrit 4©ut. fait |
des petits journaux et les opinions toutes for-
mulées de son grand-père. Du reste, sa figure
était fatiguée, comme il sied aux figures de
vingt ans, et il parlait en traînant sur les
mots, comme s'il eût voulu attester que par-
ler pour ne rien dire donne une peine in-
finie.
La jolie femme fit part de son désir à ce
privilégié.
— Bien 1 dit-il, en étouffant un bâillement.
Cela va me distraire.
Il sortit un quart d'heure après.
■ Son cocher le conduisit chez un artiste de
ia connaissance.
Ce dernier était véritablement fï^àbîé. H ne
^pouvait suffire aux commandes des amateurs.
"ij gagnait plus d'argent qu'il ne voulait, et,
payant pas le temps de dépenser le fruit de
son travail, il le donnait à des gens qui le
noyaient de la plus noire ingratitude. Autre-
fois, les artistes empruntaient; maintenant,
ils prêtent. Ils s'amusaient, ils travaillent.
Inventer une boucle d'oreille était une grosse
affaire. Comment en trouverait-il le temps?
Il le ferait cependant pour obliger le gentil-
homme qu'il avait connu au collège...
— Quel poseur! dit le membre du petit
club, en quittant l'atelier.
L'artiste était déjà à l'œuvre, empressé de
produire, cherchant, trouvant, puis mé-
content de ce qu'il avait trouvé, et cher- 1
chant encore... -
— Chez mon notaire! dit le jeune nomme
à son cocher. '
ME Fanfernot de Bell eytie, avait une face
napoléonienne, rasée avec sfoin'et teintée de
bile. Il" se levait au petit jour pour suivre ses
affaires, et la nuit le trouvait encore dans sa
vieille étude sombre. Il passait d'un client à
un client, d'un dossier à un dossier, sans
avoir jamais le temps d'être à lui. Son esprit,
obéissagt,J'saJvolonté, s'appliquait aux objets
les plus divers, tout en.. poursuivant un seul
but : gagner de .l'argent. A neuf heures, le
soir, quand l'étude était fermée, il condui-
sait dans le monde sa femme, qui aimait à
faire la grande dame ; le dimanche, de loin
en loin, il voyait ses enfants.
— M^Bsieuc^lô ^comte^ dit-tl à- son çaieiit,
il y a longtemps' que je n'al pîus â'argent.
à vous ; il faut attendre le gain de votre
procès.
— Ce procès ne finira donc jamais ?...
— Je verrai l'avoué aujourd'hui même.
— En attendant, j'ai besoin de dix mille
francs pour une affaire grave. 11 s'agit de bou-
cles d'oreilles...
— Bien ! bien 1 je vais vous donner un
mot pour un banquier.
Huit jours après, le gentilhomme et l'ar-
tiste entraient chez un orfèvre.
Tête de bourgeois content de lui-même ; le
front chauve, et le bonnet grec brodé du mar.
chand arrivé ; à la boutonnière le ruban die la
Légion d'honneur du membre du Conseil des
prudhommes ; une de ses filles, mariée à un
ingénieur ; l'autre, fiancée à un avocat ; la
parole facile, accompagnée par un petit ba-
lancement joyeux : officier dans la garde na-
tionale, cela ne fait pas de doute ; des vel-
léités d'opposition.
—Le Paris nouveau a tué l'art industriel. Il
yavait un courant artistique dans nos vieilles
rues. Maintenant, nos ouvriers habitent la
banlieue, ou font les grands seigneurs avec
des loyers de douze cents francs. La main-
d'œuvre est hors de prix. Nous sommes forcés
4e faire fabriquer en Saxe. Je connais cepen-
dant un chef d'atejier qui écrit dans le Cour-
tier français. Je m'adresserai à lui..Monsieur
je comte peut être sur que je ferai tous mes
«forts pour le.satisfaire.... *
I L'ouvrier est à son établi. Il travaille, les
yeux fixés sur le modèle de l'artiste. Les loyers
sont chers, le patron l'a dit. Tout est cher.
Aussi le travailleur, qui vit au jour le jour,
outrepasse-t-il ses forces. Sa femme coud ;
son fils est apprenti dans une imprimerie. Tous
ises efforts réunis donnent à peine l'aisance.
Cet homme ignore le repos. Ne pouvant éco-
nomiser l'argent, il n'économise rien. Ou il
travaiMjB, ou il s'amuse. Arriver à un salaire
excessif, voilà son' idéal. #A de certaines heu-
res, pourtant, il pense ; et, le soir, dans son
pauvre logis, quand il se trouve au milieu des
siens, il sent. Alors, il lui arrive de pronon-
cer avec mélancolie le mot : avenir...
f 4èr»éèesfiilâ ast-iàr.et* la Jiiftdtiûiaia*
il reprendra patiemment la tâche de la veille.
Comme ces boucles d'oreilles sont
belles! À quelle femme sont-elles destinées?
A quèlle divinité?... Est-ce à une duchesse
dont la noblesse remonte aux croisades, ou
bien'à la fille d'un portier?...
Ainsi, l'aristocrate roi dt3 Paris, l'artiste
roi du monde, la pléïade des hommes d'af-
faires, la boutique, l'atelier, ont été mis en
mouvement tour à tour. Joignez à ceux qui
fabriquent la matière ceux qui l'apportent.
Que votre imagination se perde dans le fond
des mines noires. C'est tout un peuple que
nos boucles d'oreilles auront le'.privilége -d'é- :
roquer devant vous. '\
Tous les cercles parisiens, toutes les sphères
du travail auront été agités par une idée ^
commune... ' '
Et, de même qu'une pierre, jetée d'ans l'eau
,fait monter à sa surface je ne sais ^combien
de rides arrondies, de même il aura suffi du
caprice d'une jolie femme pour remuer et
mettre en .jeu toutes les couches"' de Tocéan1
humain....
— Elles sont très-jolies, vos boucler d'o-
I reilles! Je les mettrai pour aller à Long-
champ.
TONY RÉVILLON.
LA CUEILLETTE
S'il est un art béni des amants, c'est, sans con-
tredit, la photographie. Ce que l'amour lui a dû de
bienfaits est assurément incalculable. L'anecdote
suivante, que j'emprunte au Courrier des Etats-Unis,
prouve que le dieu de M. de Foy, l'hyménée, lui
doit aussi plus d'un service. |
Il y a deux ans environ arrivait à Carrolton
(Illinois) un jeune. Suisse de bonne mine et de
bonne éducation. Il était actif, industrieux, il
réussit à se créer des ressources, et il écrivit au
pays en parlant avec enthousiasme de sa nou-
velle patrie. Une jeune Suissesse qui lui était
absolument étrangère, mais qui entendit parler
de lui et de ses succès par une de ses amies,
s'éprit tout à coup d'une sympathie romanesque
pour ce héros de' l'autre monde, et lui écrivit
pour le féliciter, en'lui disant qu'elle aussi elle
serait aise $£ visiter cet Eldorado dont il faisait
un si rianê'tableau.
La lettre .était bien écrite, non-seulement
avec feu, mais avec correction, et une photogra-
■pttîfilia physionomie n'était pas
moins agréable que le style : l'un et l'autre plu-
rent au jeune homme, qui répondit et joignit éga-
lement son portrait à la lettre.
La correspondance dura ainsi quelque temps;
puis, après quelques mois, la demoiselle s'em-
barqua avec une amie; puis elle arriva à Tus-
cola, dans le comté de Douglas, où l'amoureux
inconnu l'attendait au débotté. Il la reçut dans ses
bras, et tous deux restèrent étroitement embras-
sés, comme deux vieux amis qui se retrouvent
après une longue absence, — et le soir même ils
étaient mariés.
Ils n'ont cessé depuis de vivre dans la plus
parfaite harmonie, et, à en juger par les pré-
misses ils sont bercés du doux espoir d'une nom-
breuse postérité.
N'est-ce pas charmant, ce roman par lettres, il-
lustré de photographies, et qe magnétisme de deux
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIE
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
XVI
No i55
Le land-lord alla donc poser les volets à la
devanture -du public house, éteignit le bec de
gaz qui brûlait au-dessus du comptoir et ne
laissa allumée qu'une petite lampe à schiste.
Puis il revint s'asseoir auprès de Shoking:
— Oui, lui dit-il, j'ai peur... figurez-vous que
depuis hier soir, on voit dans Rotherithe une
foule de visages inconnus. Les uns font le tour
"&ir taamtfro. du
de la chapelle et du cimetière, les autres vien-
nent ici boire et regardent partout.
— Vous pensez donc, dit Shoking, que ce
sont des gens de police?
— Je le crains; seulement, jusqu'à présent,
une chose me rassure, reprit le land-lord.
— Laquelle?
—Je crois bien qu'ils ont vent que le condamné
[ enlevé sur l'échafaud par les fenians est dans
Rotherithe, mais ils ne savent pas où.
— Ah ! vous croyez ?
— Oh! j'en suis sûr; je crois même que "le
dernier endroit qu'ils soupçonnent, c'est ma
maison.
— Dieu vous entende 1 murmura Shoking
avec émotion.
— Malheureusement, poursuivit le land-lord,
John est hors d'état de quitter le lit. Il a éprou-
vé une si grande émotion sur l'échafaud que,
vous le savez, il a été fou pendant quarante-
huit heures.
— Oui, certes, je le sais, dit Shoking.
— Maintenant, il a retrouvé sa raison, mais
le médecin qui le voit, dit qu'il ne pourra pas
quitter le lit avant huit jours ; et d'ici là, je
tremblerai à toute minute.
— Mais, dit Shoking, en admettant qu'il pût.
s'en aller tQut de suite, où irait-il? s
— Je.no rais «ft*. es t.~i grand !....
— Enfin, reprit Shoking, l'essentiel est qu'il
se rétablisse. Nous ne pouvons pas avoir fait
pour rien un si grand effort. Puis-je le voir?
— Oui, nous allons descendre.
Le land-lord s'en retourna vèrs la porte, et
J'entrebâilla.
Puis il jeta un regard furtif sur les abords du
public house.
— Personne! dit-il.
Il ferma la porte, revint auprès de Shoking et
prit la petite lampe à schiste?
Après quoi, il souleva la trappe de la cave qui
se trouait auprès du comptoir.
On descendait dans la cave, non par un esca-
lier, mais par une de ces échelles à degrés lar-
ges et plats qu'on appelle échelles de meunier.
Le land-lord passa le premier et Shoking le
suivit.
La cave du public house ressemblait à toutes
les caves.
Elle était carrée et ne paraissait pas avoir
d'autre issue.
Des tonneaux de plusieurs dimensions étaient
rangés tout à l'entour, et l'un de ces tonneaux
était haut de près de deux mètres..
Le land-lord s!en approcha, tourna le robinet
placé au centre et, tout aussitôt le fond s'ou-
vrit, tournât comme une porte, sur des gonds
inyisihj^
Alors Shoking vit un passage dans lequel, en
se baissant un peu, deux hommes pouvaient
marcher de front.
C'était le chemin de la cachette où était John
Colden, le condamné à mort.
Une fois entrés dans le tonneau, le land-
lord, qui avait toujours la petite lampe à la
main, pressa un ressort, et le fond mobile re-
prit sa place accoutumée, de telle façon que si
alors on était descendu dans la cave, on n'au-
rait pas remarqué cette futaille plus que les
au tres.
John Colden était couché dans une sorte de
salle basse à l'extrémité de ce corpàor auquel
le tonneau servait d'entrée.
Cette salle prenait de l'air par un trou percé
dans une voûte au-dessus de laquelle passait
un des nombreux égouts dont la ville de Lon-
dres est sillonnée ; et elle n'était pas Éclairée
par la lumière du jour.
Auprès d'un lit de camp était unalampe qui
brûlait sur une petite table.
Assis devant cette tabl^ Shoking aperçut
un homme de haute taille, au front basant qui
n'élit autre que celui du quatre chef? déniant
qui venait d'AmériquTt.
Johtv Wayait p}u$ ni la fièvre Si le d.4|ire, ta
raison lui était revenue, et Jl- ?ec©nnuV^£-\
t king, • •
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