Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-04-07
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 07 avril 1868 07 avril 1868
Description : 1868/04/07 (A3,N719). 1868/04/07 (A3,N719).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717721h
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
5 cent. le numéro JOURNAL QUOTIDIEN 5 cent. le numéro
ABONNEMENTS. — Trois mois. six mois.. nn an.
Paris: 5 fr. » fr. ;
' Départements.. a il
Administrateur: E. DELSAUX. " ( s t
3me année. — MARDI 7 AVRIL 1868. — N0 Il 9 -
Directeur-Propriétaire : JAN NIN.
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIER BRAGELONNE. '
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9. rue Drouet.
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
PARIS, 6 AVRIL 1868
LE PANIER A SALADE
La place entourée de maisobC-'peuves est
pleine de soleil. V- i V ■
La lanterne rouge du bureau aiSg^ée>pîi- -
rait sombre dans la clarté du jour. ~"*
La lourde voiture, à persiennes rabattues,
est arrêtée. Sur le siége, un cocher court, aux
larges épaules, avec des favoris en serpette
sur le:; joues, sommeille, attendant le
signal du départ. Derrière, près de la por-
tière, se tient l'homme de la Préfecture, mai-
gre, long, en gilet rouge à manches noires,
une casquette de cuir verni aplatie sur le
front.
La porte du bureau est fermée, mais elle
s'ouvrira bientôt, — la présence de la voiture
l'atteste, 'r" et cinquante personnes sont là,
attendant la sortie des prisonniers et des pri-
sonnières,
Cinquante personnes!... Je dis cinquante au
bas mot!... Hommes, femmes, enfants, tous ont
dans les yeux la curiosité méchante et bête.
Lorsque les gladiateurs entraient dans le
cirque, à Rome, ils s'avançaient, par bandes,
jusqu'au pied de la tribune impériale. Arrivés
là, ils levaient un œil soumis, disant: —
Hommage à toi, César, ceux qui- vont mourir
te saluent...
Ces hommes étaient des prisonniers de
guerre. Sur les champs de bataille, ils avaient
tué les fils et les frères de ceux qui étaient là.
Nul pourtant, parmi les citoyens échelonnés
sur les gradins, ne songeait il les insulter.
t N'insulte pas aux misérables! » est une
maxime latine.
Les citoyens de Paris sont moins généreux
que ceux de Rome. La loi a été violée, hier,
par les prisonniers du poste ; la justice les
frappera demain. C'est bian. Mais c'est assez.
Pourquoi donc ces groupes? pourquoi ces
plaisanteries? pourquoi ces propos? La vanité
humaine a des abîmes. Tel est un brave
homme et un bon père de famille; il remplit
tous ses devoirs; mais là, devant cette porte
et cette voiture, pour amener un sourire sur
les lèvres de gens qu'il ne connaît pas, il s'ef-
forcera de trouver une raillerie; il jettera un
quolibet, comme les Juifs de l'Evangile je-
taient une pierre, aux malheureux qui sont
déjà frappés !...
Qui donc définissait ainsi un de nos plus
spirituels écrivains : — A deux, c'est le meil-
leu ' des fils et le plus cordial des amis; à
trois, c'est le plus détestable des compagnons:
N?ur le plaisir de faire rire le troisième, il
.iffi,Molera toujours le second.
; Hélas ! ce qui est vrai pour cet homme d'es-
prit n'est que trop vrai aussi pour la masse.
.A jne certaines heures, elle est tout enthou-
siasme et tout dévouement; à de certaines
'autres, elle toute sottise et toute cruauté.
e
La porte s'ouvrit.
Le premier qui parut était un vieillard, à
la longue barbe blanche, couvert de haillons,
dont les mains brunes et ridées tremblaient,
et dont les jambes flageolaient comme celles
d'un pantin.
— Tiens, le vieux qui danse! dit un ga-
min.
On se mit à rire
Quand il fut près de la voiture, il essaya de
poser un pied sur le marche-pied; il ne put
y réussir. Il essaya une seconde fois; il échoua
encore. ;P. ; ^ .
— Il montera ! dit un hemme.
— Il ne montera pas! répliqua une com-
mère.
Deux sergents de ville, plus humains que
les badauds, s'approchèrent, prirent le vieil-
lard par-dessous les bras et l'introduisirent
dans la voiture.
— Et d'un! dit-on dans la foule.
Une fille, laide, et qui sanglotait à fendre
l'âme, s'avança, tenant un petit enfant dans
ses bras. __Rntendant chuchoter-et xirvxJiei-
baissait la tête, n'osant pas regarder.
— Qu'a-t-elle fait? demanda quelqu'un.
— Elle a mendié, répliqua un gros homme
en manches de chemise, — un voisin qui
semblait un habitué.
— Et le vieux, sait-on pourquoi il est ar-
rêté ?
— On l'a trouvé soûl dans la rue, et il n'a
pas de domicile. "
Tous deux étaient dans la voiture.
Le bureau en rendit d'autres. Les joyeux
propos recommencèrent. Mais je n'écoutais et
je ne voyais plus.
Le vieux aux jambes tremblantes, la fille
au petit enfant,avaient suffi pour remplir mes
yeux et ma pensée.
Ils avaient disparu, et je les voyais. Il y
a plus, je croyais les entendre, et voici ce
qu'ils disaient tous deux....
LE VIEILLARD. — Messieurs les juges, ayez
pitié de moi. Je suis pauvre et j'ai travaillé
pendant soixante ans. Apprenti, j'ai soutenu
ma mère. Ouvrier, j'ai nourri ma femme et
élevé mes enfants. Ma mère est morte, ma
femme est morte, mes enfants se sont en allés
à leur tour. Ils ont une nombreuse famille, et
ils gagnent peu ; comment feraient-ils pour
me Menir en aide?... Je suis donc demeuré
seulJ Mon gain a diminué avec mes forces;
avec l'âge, mon courage a faibli. Que de fois,
me sentant lourd, j'ai dit à la mort: — Tu ne
viendras donc pas!... Vous savez, on dit cela,
etl'on continue à vivre. Seulement, il y a des
moments où l'on revoit son passé; on se
t'appelle le bon temps, le temps où l'on était
jeune, et l'on essaye de retrouver ce temps-
là... J'ai bu. Je me suis senti plus lourd, et
j'ai bu encore pour me réveiller. Je voudrais
bien travailler, mais je n'ai plus de force.
Ayefc pitié de moi!..
§
LA; FILLE-MÈRE. — AVEZ pitié de moi, mes-
sieurs les juges. Je suis pauvre, et j'ai fait
jusqu'ici ce que j'ai pu pour gagner ma vie
et celle de mon enfant. Je vous assure que
j'ai bien souffert. A la maison, comme j'étais
chétive et sans grâce, on me préférait ma
sœur. A l'atelier, j'étais le souffre-douleur
de toutes mes camarades. Le dimanche, mes
parents menaient les autres à la campagne,
et me laissaient pour garder la maison. Un
j'avais dix-huit ans,— à force de
privations et de petites économies, j'étais par-
venue à m'acheter une robe neuve et un joli
bonnet. Je me suis regardée dans mon miroir
et je me suis dit : — Tu n'es pas .si mal que
cela!... Mais, le lendemain, à l'atelier, on a
bien su me rappeler que j'étais laide. Toutes
mes compagnes avaient des fiancés ou des
amoureux. Aucun jeune homme ne faisait
attention à moi... A la fin, j'en ai trouvé un
moins difficile que les autres. Je ne me suis
peut-être pas fait assez prier, que voulez-
vous?... Lui, m'a menée promener : je
voyais la campagne pour la première fois.
C'est beau la campagne au printemps ! On
ne se commande plus. Quelques jours après,
.nous sommes allés au bal. Là, j'ai trouvé mes
camarades, qui ont ri. Lui, les voyant rire,
n'est pas revenu... Je me désolais. Mes ra-
rents m'ont chassée... Il y a deux ans de cela.
f
Je n'ai pas mis mon enfant à l'hospice, et j'ai
fait de mon mieux.... C'est vrai, il m'est
arrivé de mendier ! Mais c'était quand l'ou-
vrage ne donnait pas... Ayez pitié de moi et
de mon enfant!....
La porte du bureau s'était refermée.
La fournée était complète.
L'homme au gilet rouge poussa la portière
de la voiture et monta sur le siége, à côté de .
l'homme aux favoris en serpette.
Le panier à salade s'ébranla, 'et descendit
la rue, en faisant sonner les pavés.
TONY RÉVILLON.
LA CUEILLETTE
«On ferme! on ferme! » Avec la dernière se-
maine du carême sonne la fermeture des salons. 4
Samedi, c'était Pierre Véron, l'homme aux cent '
plumes, le Briarée du journalisme satirique, qui
offrait au monde artiste et littéraire sa soirée du
clôture et d'adieu. C'est le cas de dire, avec le
proverbe : au dernier les bons. Celte fois, l'amphi-
tryon s'était surpassé. Le dernier concert du préfet
de la Seine, qui avait lieu le même soir, était bien
pâle auprès de celui du rédacteur en chef du Cha-
rivari, et le simple journaliste l'emportait, sous
plus d'un rapport, sur le maître et seigneur de la
capitale du monde.
Comparez et comptez :
A l'Hôtel-de-Ville : Marie Roze, Mme Cabe!, Ca-
poul, M. Solon (?)
Rue des Pyramides : Marie-Roze, Mme Carvalho,
Capoul. Garaoni, Warot, Taure, l'élite des chan-
Puis 'Vieuxtémps et son violon magique ; Alfred
Jaëll et sa femme, un seul pianiste à quatre mains;
Miolan, un organiste hors ligne ; et, brochant sur le
tout, Brasseur, le roi de la chansonnette comique,
qu'on avait gardé pour la bonne bouche.
Quant au menu de la soirée, c'étaient, pour les vi-
vants, Gounod, Auber, Wagner ; pour les morts,
Mozart, Beethoven, Haendel, Mendelsshonn, Mon-
pou, qui en faisaient les frais.
J'en omets peut-être, mais comment ne pas ou-'
blier quelque chose au milieu de ce débordement
de richesses?
A qui donner le prix ? Je n'ose.
Dans un pareil concours d'illustrations artistiques,
tout le monde a droit à la pomm^ Donc, pour ne
point faire d'injustice, partageons-la par quartiers
et offrons les plus gros à Mme Carvalho, comme à
la virtuose des virtuoses, à Mlle Marie Roze, com-
me à la belle des belles, à Faure comme au premier
des chanteurs de son temps ; les autres partagés
ex œquo.
Je sais bien pour qui je garderais les pépins, mais
je demande la permission de n'en rien dire.
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIS
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
XI
NO 150
Shoking essaya de se débattre, poussant des
cris étouffés.
Mais le rough était robuste, et il le maintint
sous son genou.
Puis, tirant un couteau de sa poche, , il en
appuya la pointe sur la gorge de Shoking, lui
disant :
Voirie numéro du 22 novembre.
— Tout lord que tu peux être, si tu cries, je
te tue i
Au temps de sa grande misère et dans les
plus mauvais jours de son existence probléma-
tique, Shoking avait déjà la faiblesse de tenir à
la vie.
Qu'on ju*e donc si maintenant qu'il était dans
l'aisance, jouait parfois le rôle de lord, portait
de beaux habits et avait toujours quelques gui-
nées dans sa poche, il se souciait de mourir.
Shoking était d'ailleurs de la famille des phi-
losophes, et il savait que la résistance à une
force supérieure est non-seulement inutile, mais
encore ridicule, sinon dangereuse.
Il se tint donc pour averti et cessa de crier.
Alors le rough siffla une seconde fois.
Puis il dit en ricanant :
— Attendons un moment, les camarades vont
venir.
A Londres, les voleurs ont coutume de s'aver-
tir, à de certaines heures périlleuses, par un
coup de sifflet.
John savait cela.
Il n'avait à Rotherithe, où le hasard l'avait
amené sur les pas de Shoking, ni complices,
ni gens qui lui dussent obéir , mais il avait fait
ce calcul fort simple qU3 partout il y a des poli-
i cemen, et que très-certainement, il en verrait
accourir que ces deux coups de sifflet auraient
mis en éveil.
John ne se trompait pas.
Bientôt des pas précipités retentirent à l'ex-
trémité opposée de la ruelle et dèux policemen
accoururent au pas de course.
.lis virent Shoking à terre, et John se tenant
sur lui.
A première vue, Shoking qui était bien vêtu,
était-un gentleman victime d'un rough, car John
était couvert de haillons.
Ils se jetèrent donc sur ce dernier, et le pri-
rent à la gorge et lui arrachèrent son couteau.
Shoking se crut sauvé.
John n'avait opposé aucune résistance.
Cependant, comme Shokillg se relevait et re-
merciait déjà les policemen comme ses libéra-
teurs, John se mit à rire :
— Hé! pardon, camarades,dit-il^connaissez-
vous cela? " ^ y
En même temps, il tira de sa poche une pe-'
tite plaque de cuivre garnie d'une courroie et
la passa à son bras gauche. '
Les policemen,à la vue démette pl,!-qû'¡;tombè-
rent stupéfaits.
Cette plaque était l'insigne d'un brigadier de
policemen, par conséquent
Lorsque, à Scotland Yard, on avait interrogé
John, il s'était fait fort de retrouver le prétendu
lordWilmot et de l'arrêter; mais il avait de-
mandé pour cela qu'on lui donnât des pleins
pouvoirs;
Alors on lui avait remis cette plaque, qu 'il
n'aurait qu'à exhiber pour acquérir l'assistance
d'un ou de plusieurs policemen, aussitôt qu'il
en aurait besoin.
Et ceux-ci dès-lors, s'inclinèrent, tout en
trouvant quelque peu étraate 'Ù,' a voir à obéir à
un chef en guenilles. ' " "
— Eh ! dit John en souriant, vous avez cru
que je dévalisais Son Honneur ?
Et il montrait en souriant d'un air moqueur
Shoking stupéfait.
En effet, balbutièrent les deux policemen.
Son Honneur que vous voyez là, dit John,'
est un homme excessivement dangereux,que j'ai
été chargé d'arrêter. ^
— Ne croyez pas un n^ot de cela! s'écria
Shoking, cet homme est yi imposteur!
; '-I^ah! dit John, c'jjst ce que nous verrons
a'Scotland-Yard.
Çt, s'adressant aux policemen^,
— Allons, vous autres, dit-il, donnez-moi un^ ^
coup de main. - *.. •
— Que voulez-vous faiçeî demanda l'un des
agents.
— Je veux que vous m'aidiez à reconduira
monsieur.
5 cent. le numéro JOURNAL QUOTIDIEN 5 cent. le numéro
ABONNEMENTS. — Trois mois. six mois.. nn an.
Paris: 5 fr. » fr. ;
' Départements.. a il
Administrateur: E. DELSAUX. " ( s t
3me année. — MARDI 7 AVRIL 1868. — N0 Il 9 -
Directeur-Propriétaire : JAN NIN.
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIER BRAGELONNE. '
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9. rue Drouet.
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
PARIS, 6 AVRIL 1868
LE PANIER A SALADE
La place entourée de maisobC-'peuves est
pleine de soleil. V- i V ■
La lanterne rouge du bureau aiSg^ée>pîi- -
rait sombre dans la clarté du jour. ~"*
La lourde voiture, à persiennes rabattues,
est arrêtée. Sur le siége, un cocher court, aux
larges épaules, avec des favoris en serpette
sur le:; joues, sommeille, attendant le
signal du départ. Derrière, près de la por-
tière, se tient l'homme de la Préfecture, mai-
gre, long, en gilet rouge à manches noires,
une casquette de cuir verni aplatie sur le
front.
La porte du bureau est fermée, mais elle
s'ouvrira bientôt, — la présence de la voiture
l'atteste, 'r" et cinquante personnes sont là,
attendant la sortie des prisonniers et des pri-
sonnières,
Cinquante personnes!... Je dis cinquante au
bas mot!... Hommes, femmes, enfants, tous ont
dans les yeux la curiosité méchante et bête.
Lorsque les gladiateurs entraient dans le
cirque, à Rome, ils s'avançaient, par bandes,
jusqu'au pied de la tribune impériale. Arrivés
là, ils levaient un œil soumis, disant: —
Hommage à toi, César, ceux qui- vont mourir
te saluent...
Ces hommes étaient des prisonniers de
guerre. Sur les champs de bataille, ils avaient
tué les fils et les frères de ceux qui étaient là.
Nul pourtant, parmi les citoyens échelonnés
sur les gradins, ne songeait il les insulter.
t N'insulte pas aux misérables! » est une
maxime latine.
Les citoyens de Paris sont moins généreux
que ceux de Rome. La loi a été violée, hier,
par les prisonniers du poste ; la justice les
frappera demain. C'est bian. Mais c'est assez.
Pourquoi donc ces groupes? pourquoi ces
plaisanteries? pourquoi ces propos? La vanité
humaine a des abîmes. Tel est un brave
homme et un bon père de famille; il remplit
tous ses devoirs; mais là, devant cette porte
et cette voiture, pour amener un sourire sur
les lèvres de gens qu'il ne connaît pas, il s'ef-
forcera de trouver une raillerie; il jettera un
quolibet, comme les Juifs de l'Evangile je-
taient une pierre, aux malheureux qui sont
déjà frappés !...
Qui donc définissait ainsi un de nos plus
spirituels écrivains : — A deux, c'est le meil-
leu ' des fils et le plus cordial des amis; à
trois, c'est le plus détestable des compagnons:
N?ur le plaisir de faire rire le troisième, il
.iffi,Molera toujours le second.
; Hélas ! ce qui est vrai pour cet homme d'es-
prit n'est que trop vrai aussi pour la masse.
.A jne certaines heures, elle est tout enthou-
siasme et tout dévouement; à de certaines
'autres, elle toute sottise et toute cruauté.
e
La porte s'ouvrit.
Le premier qui parut était un vieillard, à
la longue barbe blanche, couvert de haillons,
dont les mains brunes et ridées tremblaient,
et dont les jambes flageolaient comme celles
d'un pantin.
— Tiens, le vieux qui danse! dit un ga-
min.
On se mit à rire
Quand il fut près de la voiture, il essaya de
poser un pied sur le marche-pied; il ne put
y réussir. Il essaya une seconde fois; il échoua
encore. ;P. ; ^ .
— Il montera ! dit un hemme.
— Il ne montera pas! répliqua une com-
mère.
Deux sergents de ville, plus humains que
les badauds, s'approchèrent, prirent le vieil-
lard par-dessous les bras et l'introduisirent
dans la voiture.
— Et d'un! dit-on dans la foule.
Une fille, laide, et qui sanglotait à fendre
l'âme, s'avança, tenant un petit enfant dans
ses bras. __Rntendant chuchoter-et xirvxJiei-
baissait la tête, n'osant pas regarder.
— Qu'a-t-elle fait? demanda quelqu'un.
— Elle a mendié, répliqua un gros homme
en manches de chemise, — un voisin qui
semblait un habitué.
— Et le vieux, sait-on pourquoi il est ar-
rêté ?
— On l'a trouvé soûl dans la rue, et il n'a
pas de domicile. "
Tous deux étaient dans la voiture.
Le bureau en rendit d'autres. Les joyeux
propos recommencèrent. Mais je n'écoutais et
je ne voyais plus.
Le vieux aux jambes tremblantes, la fille
au petit enfant,avaient suffi pour remplir mes
yeux et ma pensée.
Ils avaient disparu, et je les voyais. Il y
a plus, je croyais les entendre, et voici ce
qu'ils disaient tous deux....
LE VIEILLARD. — Messieurs les juges, ayez
pitié de moi. Je suis pauvre et j'ai travaillé
pendant soixante ans. Apprenti, j'ai soutenu
ma mère. Ouvrier, j'ai nourri ma femme et
élevé mes enfants. Ma mère est morte, ma
femme est morte, mes enfants se sont en allés
à leur tour. Ils ont une nombreuse famille, et
ils gagnent peu ; comment feraient-ils pour
me Menir en aide?... Je suis donc demeuré
seulJ Mon gain a diminué avec mes forces;
avec l'âge, mon courage a faibli. Que de fois,
me sentant lourd, j'ai dit à la mort: — Tu ne
viendras donc pas!... Vous savez, on dit cela,
etl'on continue à vivre. Seulement, il y a des
moments où l'on revoit son passé; on se
t'appelle le bon temps, le temps où l'on était
jeune, et l'on essaye de retrouver ce temps-
là... J'ai bu. Je me suis senti plus lourd, et
j'ai bu encore pour me réveiller. Je voudrais
bien travailler, mais je n'ai plus de force.
Ayefc pitié de moi!..
§
LA; FILLE-MÈRE. — AVEZ pitié de moi, mes-
sieurs les juges. Je suis pauvre, et j'ai fait
jusqu'ici ce que j'ai pu pour gagner ma vie
et celle de mon enfant. Je vous assure que
j'ai bien souffert. A la maison, comme j'étais
chétive et sans grâce, on me préférait ma
sœur. A l'atelier, j'étais le souffre-douleur
de toutes mes camarades. Le dimanche, mes
parents menaient les autres à la campagne,
et me laissaient pour garder la maison. Un
j'avais dix-huit ans,— à force de
privations et de petites économies, j'étais par-
venue à m'acheter une robe neuve et un joli
bonnet. Je me suis regardée dans mon miroir
et je me suis dit : — Tu n'es pas .si mal que
cela!... Mais, le lendemain, à l'atelier, on a
bien su me rappeler que j'étais laide. Toutes
mes compagnes avaient des fiancés ou des
amoureux. Aucun jeune homme ne faisait
attention à moi... A la fin, j'en ai trouvé un
moins difficile que les autres. Je ne me suis
peut-être pas fait assez prier, que voulez-
vous?... Lui, m'a menée promener : je
voyais la campagne pour la première fois.
C'est beau la campagne au printemps ! On
ne se commande plus. Quelques jours après,
.nous sommes allés au bal. Là, j'ai trouvé mes
camarades, qui ont ri. Lui, les voyant rire,
n'est pas revenu... Je me désolais. Mes ra-
rents m'ont chassée... Il y a deux ans de cela.
f
Je n'ai pas mis mon enfant à l'hospice, et j'ai
fait de mon mieux.... C'est vrai, il m'est
arrivé de mendier ! Mais c'était quand l'ou-
vrage ne donnait pas... Ayez pitié de moi et
de mon enfant!....
La porte du bureau s'était refermée.
La fournée était complète.
L'homme au gilet rouge poussa la portière
de la voiture et monta sur le siége, à côté de .
l'homme aux favoris en serpette.
Le panier à salade s'ébranla, 'et descendit
la rue, en faisant sonner les pavés.
TONY RÉVILLON.
LA CUEILLETTE
«On ferme! on ferme! » Avec la dernière se-
maine du carême sonne la fermeture des salons. 4
Samedi, c'était Pierre Véron, l'homme aux cent '
plumes, le Briarée du journalisme satirique, qui
offrait au monde artiste et littéraire sa soirée du
clôture et d'adieu. C'est le cas de dire, avec le
proverbe : au dernier les bons. Celte fois, l'amphi-
tryon s'était surpassé. Le dernier concert du préfet
de la Seine, qui avait lieu le même soir, était bien
pâle auprès de celui du rédacteur en chef du Cha-
rivari, et le simple journaliste l'emportait, sous
plus d'un rapport, sur le maître et seigneur de la
capitale du monde.
Comparez et comptez :
A l'Hôtel-de-Ville : Marie Roze, Mme Cabe!, Ca-
poul, M. Solon (?)
Rue des Pyramides : Marie-Roze, Mme Carvalho,
Capoul. Garaoni, Warot, Taure, l'élite des chan-
Puis 'Vieuxtémps et son violon magique ; Alfred
Jaëll et sa femme, un seul pianiste à quatre mains;
Miolan, un organiste hors ligne ; et, brochant sur le
tout, Brasseur, le roi de la chansonnette comique,
qu'on avait gardé pour la bonne bouche.
Quant au menu de la soirée, c'étaient, pour les vi-
vants, Gounod, Auber, Wagner ; pour les morts,
Mozart, Beethoven, Haendel, Mendelsshonn, Mon-
pou, qui en faisaient les frais.
J'en omets peut-être, mais comment ne pas ou-'
blier quelque chose au milieu de ce débordement
de richesses?
A qui donner le prix ? Je n'ose.
Dans un pareil concours d'illustrations artistiques,
tout le monde a droit à la pomm^ Donc, pour ne
point faire d'injustice, partageons-la par quartiers
et offrons les plus gros à Mme Carvalho, comme à
la virtuose des virtuoses, à Mlle Marie Roze, com-
me à la belle des belles, à Faure comme au premier
des chanteurs de son temps ; les autres partagés
ex œquo.
Je sais bien pour qui je garderais les pépins, mais
je demande la permission de n'en rien dire.
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIS
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
XI
NO 150
Shoking essaya de se débattre, poussant des
cris étouffés.
Mais le rough était robuste, et il le maintint
sous son genou.
Puis, tirant un couteau de sa poche, , il en
appuya la pointe sur la gorge de Shoking, lui
disant :
Voirie numéro du 22 novembre.
— Tout lord que tu peux être, si tu cries, je
te tue i
Au temps de sa grande misère et dans les
plus mauvais jours de son existence probléma-
tique, Shoking avait déjà la faiblesse de tenir à
la vie.
Qu'on ju*e donc si maintenant qu'il était dans
l'aisance, jouait parfois le rôle de lord, portait
de beaux habits et avait toujours quelques gui-
nées dans sa poche, il se souciait de mourir.
Shoking était d'ailleurs de la famille des phi-
losophes, et il savait que la résistance à une
force supérieure est non-seulement inutile, mais
encore ridicule, sinon dangereuse.
Il se tint donc pour averti et cessa de crier.
Alors le rough siffla une seconde fois.
Puis il dit en ricanant :
— Attendons un moment, les camarades vont
venir.
A Londres, les voleurs ont coutume de s'aver-
tir, à de certaines heures périlleuses, par un
coup de sifflet.
John savait cela.
Il n'avait à Rotherithe, où le hasard l'avait
amené sur les pas de Shoking, ni complices,
ni gens qui lui dussent obéir , mais il avait fait
ce calcul fort simple qU3 partout il y a des poli-
i cemen, et que très-certainement, il en verrait
accourir que ces deux coups de sifflet auraient
mis en éveil.
John ne se trompait pas.
Bientôt des pas précipités retentirent à l'ex-
trémité opposée de la ruelle et dèux policemen
accoururent au pas de course.
.lis virent Shoking à terre, et John se tenant
sur lui.
A première vue, Shoking qui était bien vêtu,
était-un gentleman victime d'un rough, car John
était couvert de haillons.
Ils se jetèrent donc sur ce dernier, et le pri-
rent à la gorge et lui arrachèrent son couteau.
Shoking se crut sauvé.
John n'avait opposé aucune résistance.
Cependant, comme Shokillg se relevait et re-
merciait déjà les policemen comme ses libéra-
teurs, John se mit à rire :
— Hé! pardon, camarades,dit-il^connaissez-
vous cela? " ^ y
En même temps, il tira de sa poche une pe-'
tite plaque de cuivre garnie d'une courroie et
la passa à son bras gauche. '
Les policemen,à la vue démette pl,!-qû'¡;tombè-
rent stupéfaits.
Cette plaque était l'insigne d'un brigadier de
policemen, par conséquent
Lorsque, à Scotland Yard, on avait interrogé
John, il s'était fait fort de retrouver le prétendu
lordWilmot et de l'arrêter; mais il avait de-
mandé pour cela qu'on lui donnât des pleins
pouvoirs;
Alors on lui avait remis cette plaque, qu 'il
n'aurait qu'à exhiber pour acquérir l'assistance
d'un ou de plusieurs policemen, aussitôt qu'il
en aurait besoin.
Et ceux-ci dès-lors, s'inclinèrent, tout en
trouvant quelque peu étraate 'Ù,' a voir à obéir à
un chef en guenilles. ' " "
— Eh ! dit John en souriant, vous avez cru
que je dévalisais Son Honneur ?
Et il montrait en souriant d'un air moqueur
Shoking stupéfait.
En effet, balbutièrent les deux policemen.
Son Honneur que vous voyez là, dit John,'
est un homme excessivement dangereux,que j'ai
été chargé d'arrêter. ^
— Ne croyez pas un n^ot de cela! s'écria
Shoking, cet homme est yi imposteur!
; '-I^ah! dit John, c'jjst ce que nous verrons
a'Scotland-Yard.
Çt, s'adressant aux policemen^,
— Allons, vous autres, dit-il, donnez-moi un^ ^
coup de main. - *.. •
— Que voulez-vous faiçeî demanda l'un des
agents.
— Je veux que vous m'aidiez à reconduira
monsieur.
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