Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-04-06
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 06 avril 1868 06 avril 1868
Description : 1868/04/06 (A3,N718). 1868/04/06 (A3,N718).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47177203
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN
S eent. le numéro
. S cent te numéro -
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. Un an.
paris & &. 9 fr. 1 s fr. ,
Départements.. 8 il 99
Administrateur: E. DELSAUX.
3me année. — LUNDI 6 AVRIL 18()8. — !V 718
J-Hrecr.eur-ï'wprict&iTc : J A r>. r; ' l"
ftéd'-rtmir en chef ; A. DE BALATHIK»; P;:.;, b Ï.ÛISNT.
BUREAUX II ABONNEMENT.: 9. soue DI'Gilot.
ADMINISTRATION : 13, place Bt*da. 1
PARIS, 5 AVRIL 1868.
LES COMÉDIENS DE PROVINCE
A PARIS
Ce qu'on appelle l'année théâtrale finit atf
dimanche des Rameaux. N. / . ■ '
Le lundi de la semaine saim^T^tes' comé-
diens de province font leurs malles, et ils
viennent pour la plupart à Paris, avec la
Drétention d'y débuter sur un théâtre digne
de leur talent. Les uns ont une lettre de re-
commandation du chef d'orchestre de leur
petite ville pour M. Georges Hainl, le chef
d'orchestre de l'Opéra. Les autres ont ren-
contré Leva?sor en tournée, et comptent bien
«ur sa protection pour paraître devant un
parterre parisien.
Tous vont se faire inscrire chez les agents
ou correspondants; après quoi il est rare
qu'ils ne visitent pas le Temple, les plus pri-
vilégiés pour y acheter quelques habits de
iille, et les autres pour y vendre une partie
le leur garde-robe d'hiver, dont le Drix les
ridera à vivre pendant l'été.
Il y a vingt ans, le rendez-vous général des
u'iistes de province étaient les galeries du
Palais-Royal. Là se tenait une sorte de foire
les engagements.
Le boulevard du Temple succéda au Palais-
ftoyal. C'est sur le boulevard du Temple que
.lorissail le café Achille.
— A midi, chez Achille, se disait-on.
A midi, en eflet,.commençaientà apparaître
ces couples pittoresques, démentis vivants des
philosophes qui prétendent que les alliarces
sont basées sur des similitudes : le jeune pre-
mier donnait le bras à la duègne, la jeune
première au comique, et l'ingénue au finan-
cier.
On prenait le café, on jouait aux cartes, on
-ausait. Les habitués du café Achille parlaient
irès-haiit, scandant et accentuant comme
,,'ils eussent été sur la scène, traînant la voix
m commencement de la phrase, la haussant
iu milieu, et la laissant retomber à la fin. Le
•Mus souvent, ils passaient leurs camarades
:'n revue.
Connais-tu Cossard? disait l'un.
A quoi l'autre, indigné, répondait :
— Si je connais Cossard?... Du talent!..
— As-tu vu La Montagne «
— Oui. Il est dans les papiers peints.
— Il a donc renoncé à ses nobles projets?
i
Ceux qui conversaient qinsi étaient les co-
médiens du vieux jeu.
Tous avaient le même fonds d'histoires, un
fonds triste sous une forme gaie : l'éternelle
lutte de Ragotin affamé, altéré et transi, avec
le sort qui lui refusait le pain, le vin et le
g,îte.
Un narrateur riait d'un rire d'enfant, en se
rappelant un bon repas conquis après une
diète fùrcée, ou un sommeil de douze heures
dans un lit bien chaud après une semaine
passée à la belle étoile.
— A Vienne, en Dauphiné, j'ai couché
dans le tombeau de Ponce-Pilate, et je me
suis nourri de raves que j'arrachais la nuit.
Elle est bonne, celle-là 1.
Le café Achille a disparu avec l'ancien
boulevard du Temple.
Maintenant, les comédiens de province se
rencontrent à l'estaminet de la 'Porte-Saint-
Martin, ou sur le boulevard Montmartre,
devant le café de Suède ou le café des Varié-
tés. Ce sont des' gentlemen, vêtus avec l'élé-
gance des commis du Louvre ou du Lien:des
Nations, et dont les discours seuls trahissent
la profession.
— Ah! mon cher, quel succès j'ai obtemt1
— Et moi donc, mon vieux !.,. Je ne te dis
que ça.
— Le soït 'de nTtrti bénéfice, on'ffifa rappelé
trois fois.
— Moi, on m'a offert une couronne d'or.
— Une couronne d'or?
— Oui. Si tu veux la voir, elle est - au
comptoir.
Elle y est en effet.
Dans les Français peinis par eux-mêmes,
il y a une physiologie des comédiens de pro-
vince pàr M. Louis Coualhac.
L'auteur prend pour type un descendant
des cabotins de Scarron,un enfant de la balle,
qu'il appelle Alcindor, et qu'il habille d'une
redingote à brandebourgs.
V
Alcindor est gai, insouciant; fertile en res-
sources.
C'est lui qui joue un confident de tragédie,
en se drapant dans les rideaux de son lit d'au-
berge ; lui encore qui, devant représenter un
soldat, paye à boire au sergent du poste voj-
sin, lui emprunte son uniforme, le laisse en
chemise, l'enferme dans sa loge, et l'oublie
après le spectacle; lui enfin qui, pour. tirer
ses camarades d'embarras après une faillite,
fait placarder dans la vilte une affiche ainsi
conçue :
REPRÉSENTATION
de
M. S A M S 0 N
PREMIER COMIQUE DE LA COMÉDIE-FRANÇAISE
Le prétendu M. Samson n'était autre que
l'acteur d'une troupe voisine^que l'on avait
fait venir pour la circonstance.
Le soir, salle comble, magnifique recette ;
mais le sous-préfet et quelques officiers dé.
couvrent la fraude. La ville entière se soulève
contre les comédiens. Alcindor, sans se trou-
bler, rédige une nouvelle affiche, et l'on peut
lire sur-tous Ic^fliurs :
Av,?\ o
Le directeur de' la troupe dramatique qui a lhon-
neur de donner des représentations en cette ville, avec
la permission des nM(o)'t soupçonné d'avoir voulu tromper urf public qui lui a
jusqu'ici prodigué des marques de sa bienveillance. Il
n'en est ,'¡en. Si quelqu'un est coupable, c'est l'impri-
meur, qui a oublié une ligne Mite entière sur l'affiche
d'hier. Nous rétablissons le commencement de cette affi-
che tel qn'il a?(r(tit dÛ, être imprimé :
REPRÉSENTATION
—r -
i
M. NARCISSF, ÉLÈVE DE (ceci est lit ligne oubliée)
M. SAMSON
Pre,ni ier comique de la Com édie'Française
m
Alcindor, après mille aventures, finissait
comme il avait vécu. On rencontrait sur les
grandes routes un vieillard aux longs che-
veux gris, à la figure pâle, portant son ba-
gage suspendu an bout d'un bâton, et tenant
à la main un volume des œuvres de Molière.
Il avait le pittoresque et la poésie de la Bo-
hême, et il mourait de faim.
Aujourd'hui il se nomme Monsieur un tel
(un nom de bourgeois), il fait partie de la
Société des Artistes dramatiques, a droit à
sa pension de retraite, et soigne son pot-au.
feu. Son originalité l'a quitté avec sa pau.
vreté.
Je le répète, c'est un gentleman.
«Jk
Cependant, il y a encore, en province, de
pauvres comédiens mal rentés. Ils orïl grand;
au milieu d'un chantier, ou sous le toit d'un
atelier. Les uns avaient une jolie voix et
chantaient en travaillant; les autres lisaient
et contaient ensuite à leurs camarades les
histoires qu'ils avaient lues. De là de petits
succès, chers à leur vanité. A cette vanité, le
public du chantier et dd l'atelier ne pouvait
suffire. Conteurs et chanteurs ont abordé le
théâtre. Pour eux, c'est un autre métier,
voilà tout, d'un échelon plus haut que le pre-
mier sur l'échelle sociale.
Et ils font ce métier de leur mieux,
sans enthousiasme, mais sans abatte-
ment, ne se plaignant que'-,dÛ' retard ou
de l'insuffisance de la paye. 'Mariés, ils vivent
en famille ; quelques-uns' ont des enfants.
Parvenir à acheter un jour -pour quinze cents
francs de costumes, devenir directeur après
avoir été acteur, patron après avoir été
ouvrier, tel-est le dernier mot de leur am-
bition.- . „ : •. - ■ :
i:.J . ,
! Il faut le dire bien haut, la statistique des,
tribunaux est muette sur le compte des co-.
médiens de province, et quelques-uns d'entre
eux pourraient concourir pe«r le prix Mon-
thyon.
il faut donc regarder avec sympathie les
faces rosées et les mentons bleus dont, à par-
tir de demain, les devantures des cafés du
boulevard Montmartre seront ornées*
La vie est chère à Paris, et l'on ne fait pas
de grosses économies dans les départements.
Puisse la protection de Georges Hainl et de
Levassor obtenir, pour quelques-uns. de nos
artistes, un début à Paris. Puissent les autres
trouver de bons engagements pour la pro-
vince !
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
mess=""149 LES MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIE
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
X
Shok.iig ne manquait pas absolument de mé-
moire, mais il était distrfit, et puis il connais-
sait tant de monde qu'il &e demanda tout d'abord,
ïft regardant le rough, où il avait vu cet homme
jui le saluait du titre de lord.
Cependant Shoking avait lu cet article du
l'imes qui racontait le merveilleux sauvetage de
John Colden, article dans lequel un rough, qui
Voir le numéro du 22 novembre.
avait servi de complice à l'homme gris, figurait
'comme ayant fait des révélations à h police.
Mais Shoking ne pensa point tout d'abord
qu'il avait devant lui le personnage que l'homme
gris avait employé pour pénétrer dans la maison
de Calcraff.
Ce dernier s'aperçut tout de suite que Shoking
ne le reconnaissait pas.
— Vraiment, mon ami, dit Shoking, qui prit
un ton paternel et protecteur, vous savez qui je
suis?
— Oui, vous vous nommez lord Wilmot.
— C'est bien possible.
— Vous êtes un lord philanthrope.
,- J'aime mes semblables, dit modestement
Shoking.
— Et, continua le rough, vous tenez le parle-
ment, où vous siégez, au courant des misères du
peuple anglais.
— Afin de les soulager, dit Shoking,qui n'était
pas fâché de rentrer un peu dans son rôle de
lord Vilmof.
En ce moment, le penny-boat aborda le pon-
ton de Hotheritba,
Shoking se tourna v-rs la femme de Paddy :
— Ma chère, dit-il, j'espère que votre créan-
cier sera de bonne foi et que votre mari sera mis
en liberté.
Néanmoins, puisque l'indiscrétion de ce gar-
coti vous a appris mon nom, sachez que je suis
un homme puissant et que je puis vous être
utile.
Donnez-moi votre nom et votre adresse , et
j'enverrai demain un de mes gens savoir 'où en
est l'affaire. S'il est besoin que j'intervienne,
j'interviendrai.
— Ah ! mylord, répondit la femme avec émo-
tion, c'est le bon Dieu qui m'a mis sur votre
chemin. Mon mari se nomme Paddy et nous
demeurons dans Adams strcet. quartier du
Southwark.
Shoking tira un carnet de sa poche, prit un j
crayon et inscrivit le nom de Paddy et celui
d'Adams strict.
Puis il sauta du bateau sur !e po:';ton et se
mit à gravir d'un pa~ lest? l'escalier qui mon-
tait sur le quai.
En face de cet oscaUer, il y avait une ruelle,
que Shoking enfila.
Où allait il ?
Sans doute chez le land-lord de cette taverne
lui faisait face au cimetière dans lequel s'étaient
réunis l'homme gris, les chefs fenians et l'abbé
Samuel, la veille de l'exécution de John Col-
den..
Shoking-avait marché si vite, qu'il croyait
avoir laissé assez loin derrière lui les vcefageurs
du penny-boat.
Cependant, il entendit tout à coup derrière
lui un pas d'homme et, se retournant, il recon-
nut le rough.
— Ah ! c'est toi? dit-il.
— Oui, mylord.
— Tu vas donc à Rocherilhe?
— Comme vous voyez.
— Est-ce ton quartier?
•—: Non. Je descendais p!u% bas ; mais^ejuand
je vous ai vu vous arrêter ici, j'ai débarqué pa-
reillement.
— Pourquoi? demanda Shoking.
— Mais parce que j'étais bien aise de causer
un brin avec vous.
— Hein ? fit §hokûig.
Le rough était déguenillé ; de plus, il était de
haute'taHle; parai;sait ro''n?tc, et la ruelle était
déserte.
— Eh! eh 'pensa 1^ bon Shoking, je ne se-
rais vraiment pas de força avec lui, dans le cas
où il lui plairait de-me dcvaUser. Soyons diplo-
mate.
O'a' t eh 1 reprit-il, tu voulais causer un brh\
avec moi ?
— Oui, mylord.
— Puis-je t'être utile?
----Je lé crois, mylord.
— Vêlons, parle, je t'écoute.
; Et Siwkins ralentit le pas.
JOURNAL QUOTIDIEN
S eent. le numéro
. S cent te numéro -
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. Un an.
paris & &. 9 fr. 1 s fr. ,
Départements.. 8 il 99
Administrateur: E. DELSAUX.
3me année. — LUNDI 6 AVRIL 18()8. — !V 718
J-Hrecr.eur-ï'wprict&iTc : J A r>. r; ' l"
ftéd'-rtmir en chef ; A. DE BALATHIK»; P;:.;, b Ï.ÛISNT.
BUREAUX II ABONNEMENT.: 9. soue DI'Gilot.
ADMINISTRATION : 13, place Bt*da. 1
PARIS, 5 AVRIL 1868.
LES COMÉDIENS DE PROVINCE
A PARIS
Ce qu'on appelle l'année théâtrale finit atf
dimanche des Rameaux. N. / . ■ '
Le lundi de la semaine saim^T^tes' comé-
diens de province font leurs malles, et ils
viennent pour la plupart à Paris, avec la
Drétention d'y débuter sur un théâtre digne
de leur talent. Les uns ont une lettre de re-
commandation du chef d'orchestre de leur
petite ville pour M. Georges Hainl, le chef
d'orchestre de l'Opéra. Les autres ont ren-
contré Leva?sor en tournée, et comptent bien
«ur sa protection pour paraître devant un
parterre parisien.
Tous vont se faire inscrire chez les agents
ou correspondants; après quoi il est rare
qu'ils ne visitent pas le Temple, les plus pri-
vilégiés pour y acheter quelques habits de
iille, et les autres pour y vendre une partie
le leur garde-robe d'hiver, dont le Drix les
ridera à vivre pendant l'été.
Il y a vingt ans, le rendez-vous général des
u'iistes de province étaient les galeries du
Palais-Royal. Là se tenait une sorte de foire
les engagements.
Le boulevard du Temple succéda au Palais-
ftoyal. C'est sur le boulevard du Temple que
.lorissail le café Achille.
— A midi, chez Achille, se disait-on.
A midi, en eflet,.commençaientà apparaître
ces couples pittoresques, démentis vivants des
philosophes qui prétendent que les alliarces
sont basées sur des similitudes : le jeune pre-
mier donnait le bras à la duègne, la jeune
première au comique, et l'ingénue au finan-
cier.
On prenait le café, on jouait aux cartes, on
-ausait. Les habitués du café Achille parlaient
irès-haiit, scandant et accentuant comme
,,'ils eussent été sur la scène, traînant la voix
m commencement de la phrase, la haussant
iu milieu, et la laissant retomber à la fin. Le
•Mus souvent, ils passaient leurs camarades
:'n revue.
Connais-tu Cossard? disait l'un.
A quoi l'autre, indigné, répondait :
— Si je connais Cossard?... Du talent!..
— As-tu vu La Montagne «
— Oui. Il est dans les papiers peints.
— Il a donc renoncé à ses nobles projets?
i
Ceux qui conversaient qinsi étaient les co-
médiens du vieux jeu.
Tous avaient le même fonds d'histoires, un
fonds triste sous une forme gaie : l'éternelle
lutte de Ragotin affamé, altéré et transi, avec
le sort qui lui refusait le pain, le vin et le
g,îte.
Un narrateur riait d'un rire d'enfant, en se
rappelant un bon repas conquis après une
diète fùrcée, ou un sommeil de douze heures
dans un lit bien chaud après une semaine
passée à la belle étoile.
— A Vienne, en Dauphiné, j'ai couché
dans le tombeau de Ponce-Pilate, et je me
suis nourri de raves que j'arrachais la nuit.
Elle est bonne, celle-là 1.
Le café Achille a disparu avec l'ancien
boulevard du Temple.
Maintenant, les comédiens de province se
rencontrent à l'estaminet de la 'Porte-Saint-
Martin, ou sur le boulevard Montmartre,
devant le café de Suède ou le café des Varié-
tés. Ce sont des' gentlemen, vêtus avec l'élé-
gance des commis du Louvre ou du Lien:des
Nations, et dont les discours seuls trahissent
la profession.
— Ah! mon cher, quel succès j'ai obtemt1
— Et moi donc, mon vieux !.,. Je ne te dis
que ça.
— Le soït 'de nTtrti bénéfice, on'ffifa rappelé
trois fois.
— Moi, on m'a offert une couronne d'or.
— Une couronne d'or?
— Oui. Si tu veux la voir, elle est - au
comptoir.
Elle y est en effet.
Dans les Français peinis par eux-mêmes,
il y a une physiologie des comédiens de pro-
vince pàr M. Louis Coualhac.
L'auteur prend pour type un descendant
des cabotins de Scarron,un enfant de la balle,
qu'il appelle Alcindor, et qu'il habille d'une
redingote à brandebourgs.
V
Alcindor est gai, insouciant; fertile en res-
sources.
C'est lui qui joue un confident de tragédie,
en se drapant dans les rideaux de son lit d'au-
berge ; lui encore qui, devant représenter un
soldat, paye à boire au sergent du poste voj-
sin, lui emprunte son uniforme, le laisse en
chemise, l'enferme dans sa loge, et l'oublie
après le spectacle; lui enfin qui, pour. tirer
ses camarades d'embarras après une faillite,
fait placarder dans la vilte une affiche ainsi
conçue :
REPRÉSENTATION
de
M. S A M S 0 N
PREMIER COMIQUE DE LA COMÉDIE-FRANÇAISE
Le prétendu M. Samson n'était autre que
l'acteur d'une troupe voisine^que l'on avait
fait venir pour la circonstance.
Le soir, salle comble, magnifique recette ;
mais le sous-préfet et quelques officiers dé.
couvrent la fraude. La ville entière se soulève
contre les comédiens. Alcindor, sans se trou-
bler, rédige une nouvelle affiche, et l'on peut
lire sur-tous Ic^fliurs :
Av,?\ o
Le directeur de' la troupe dramatique qui a lhon-
neur de donner des représentations en cette ville, avec
la permission des nM(o)'t
jusqu'ici prodigué des marques de sa bienveillance. Il
n'en est ,'¡en. Si quelqu'un est coupable, c'est l'impri-
meur, qui a oublié une ligne Mite entière sur l'affiche
d'hier. Nous rétablissons le commencement de cette affi-
che tel qn'il a?(r(tit dÛ, être imprimé :
REPRÉSENTATION
—r -
i
M. NARCISSF, ÉLÈVE DE (ceci est lit ligne oubliée)
M. SAMSON
Pre,ni ier comique de la Com édie'Française
m
Alcindor, après mille aventures, finissait
comme il avait vécu. On rencontrait sur les
grandes routes un vieillard aux longs che-
veux gris, à la figure pâle, portant son ba-
gage suspendu an bout d'un bâton, et tenant
à la main un volume des œuvres de Molière.
Il avait le pittoresque et la poésie de la Bo-
hême, et il mourait de faim.
Aujourd'hui il se nomme Monsieur un tel
(un nom de bourgeois), il fait partie de la
Société des Artistes dramatiques, a droit à
sa pension de retraite, et soigne son pot-au.
feu. Son originalité l'a quitté avec sa pau.
vreté.
Je le répète, c'est un gentleman.
«Jk
Cependant, il y a encore, en province, de
pauvres comédiens mal rentés. Ils orïl grand;
au milieu d'un chantier, ou sous le toit d'un
atelier. Les uns avaient une jolie voix et
chantaient en travaillant; les autres lisaient
et contaient ensuite à leurs camarades les
histoires qu'ils avaient lues. De là de petits
succès, chers à leur vanité. A cette vanité, le
public du chantier et dd l'atelier ne pouvait
suffire. Conteurs et chanteurs ont abordé le
théâtre. Pour eux, c'est un autre métier,
voilà tout, d'un échelon plus haut que le pre-
mier sur l'échelle sociale.
Et ils font ce métier de leur mieux,
sans enthousiasme, mais sans abatte-
ment, ne se plaignant que'-,dÛ' retard ou
de l'insuffisance de la paye. 'Mariés, ils vivent
en famille ; quelques-uns' ont des enfants.
Parvenir à acheter un jour -pour quinze cents
francs de costumes, devenir directeur après
avoir été acteur, patron après avoir été
ouvrier, tel-est le dernier mot de leur am-
bition.- . „ : •. - ■ :
i:.J . ,
! Il faut le dire bien haut, la statistique des,
tribunaux est muette sur le compte des co-.
médiens de province, et quelques-uns d'entre
eux pourraient concourir pe«r le prix Mon-
thyon.
il faut donc regarder avec sympathie les
faces rosées et les mentons bleus dont, à par-
tir de demain, les devantures des cafés du
boulevard Montmartre seront ornées*
La vie est chère à Paris, et l'on ne fait pas
de grosses économies dans les départements.
Puisse la protection de Georges Hainl et de
Levassor obtenir, pour quelques-uns. de nos
artistes, un début à Paris. Puissent les autres
trouver de bons engagements pour la pro-
vince !
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
mess=""149 LES MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIE
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
X
Shok.iig ne manquait pas absolument de mé-
moire, mais il était distrfit, et puis il connais-
sait tant de monde qu'il &e demanda tout d'abord,
ïft regardant le rough, où il avait vu cet homme
jui le saluait du titre de lord.
Cependant Shoking avait lu cet article du
l'imes qui racontait le merveilleux sauvetage de
John Colden, article dans lequel un rough, qui
Voir le numéro du 22 novembre.
avait servi de complice à l'homme gris, figurait
'comme ayant fait des révélations à h police.
Mais Shoking ne pensa point tout d'abord
qu'il avait devant lui le personnage que l'homme
gris avait employé pour pénétrer dans la maison
de Calcraff.
Ce dernier s'aperçut tout de suite que Shoking
ne le reconnaissait pas.
— Vraiment, mon ami, dit Shoking, qui prit
un ton paternel et protecteur, vous savez qui je
suis?
— Oui, vous vous nommez lord Wilmot.
— C'est bien possible.
— Vous êtes un lord philanthrope.
,- J'aime mes semblables, dit modestement
Shoking.
— Et, continua le rough, vous tenez le parle-
ment, où vous siégez, au courant des misères du
peuple anglais.
— Afin de les soulager, dit Shoking,qui n'était
pas fâché de rentrer un peu dans son rôle de
lord Vilmof.
En ce moment, le penny-boat aborda le pon-
ton de Hotheritba,
Shoking se tourna v-rs la femme de Paddy :
— Ma chère, dit-il, j'espère que votre créan-
cier sera de bonne foi et que votre mari sera mis
en liberté.
Néanmoins, puisque l'indiscrétion de ce gar-
coti vous a appris mon nom, sachez que je suis
un homme puissant et que je puis vous être
utile.
Donnez-moi votre nom et votre adresse , et
j'enverrai demain un de mes gens savoir 'où en
est l'affaire. S'il est besoin que j'intervienne,
j'interviendrai.
— Ah ! mylord, répondit la femme avec émo-
tion, c'est le bon Dieu qui m'a mis sur votre
chemin. Mon mari se nomme Paddy et nous
demeurons dans Adams strcet. quartier du
Southwark.
Shoking tira un carnet de sa poche, prit un j
crayon et inscrivit le nom de Paddy et celui
d'Adams strict.
Puis il sauta du bateau sur !e po:';ton et se
mit à gravir d'un pa~ lest? l'escalier qui mon-
tait sur le quai.
En face de cet oscaUer, il y avait une ruelle,
que Shoking enfila.
Où allait il ?
Sans doute chez le land-lord de cette taverne
lui faisait face au cimetière dans lequel s'étaient
réunis l'homme gris, les chefs fenians et l'abbé
Samuel, la veille de l'exécution de John Col-
den..
Shoking-avait marché si vite, qu'il croyait
avoir laissé assez loin derrière lui les vcefageurs
du penny-boat.
Cependant, il entendit tout à coup derrière
lui un pas d'homme et, se retournant, il recon-
nut le rough.
— Ah ! c'est toi? dit-il.
— Oui, mylord.
— Tu vas donc à Rocherilhe?
— Comme vous voyez.
— Est-ce ton quartier?
•—: Non. Je descendais p!u% bas ; mais^ejuand
je vous ai vu vous arrêter ici, j'ai débarqué pa-
reillement.
— Pourquoi? demanda Shoking.
— Mais parce que j'étais bien aise de causer
un brin avec vous.
— Hein ? fit §hokûig.
Le rough était déguenillé ; de plus, il était de
haute'taHle; parai;sait ro''n?tc, et la ruelle était
déserte.
— Eh! eh 'pensa 1^ bon Shoking, je ne se-
rais vraiment pas de força avec lui, dans le cas
où il lui plairait de-me dcvaUser. Soyons diplo-
mate.
O'a' t eh 1 reprit-il, tu voulais causer un brh\
avec moi ?
— Oui, mylord.
— Puis-je t'être utile?
----Je lé crois, mylord.
— Vêlons, parle, je t'écoute.
; Et Siwkins ralentit le pas.
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