Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-02-10
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 10 février 1868 10 février 1868
Description : 1868/02/10 (A3,N662). 1868/02/10 (A3,N662).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717664x
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
5 ceal. te , Bëiaéro
JOURNAL QUOTIDIEN 1
S cent. le numél'o
Abônî-.2KM:>TH r— Trois mois. Six mois. Un a,n.
Paris S fr. 9 fr. is fr.
Départements.. G Il SS
Arl,'iiiiti9'rnJ*ur : K DEI.SAUX.
3rue année. — LUNDI 10 FEVRIER 18ô8. — IV0 662
Directeur-Propriétaire :
Rédacteur en chef : A. DE BAL AT 111BR BRAGEIONN E.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, Dr.ouot.
ADMINISTRATION : 13, place Brede
PARIS, 9 FEVRIER 1868.
LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE
LES NOUVEAUX ROBINSONS
Notre très-obligeant ami, M.
crétaire de lajàociélé de Géographie, a bien
voulu nous inviter, cette semaine, à une de
ces séances intéressantes qu'il nous signale
toujours avec empressement.
Le héros de cette' séance était M. Raynal,
un hardi voyageur qui vient de rentrer en
France, après un établissement de plusieurs
années en Australie.
Il y a cinq ans, il se trouvait à Sydney.
Un négociant de ses amis, M. à Charles
Sarpy, lui proposa de le placer la tète
l'une expédition qui avait pour but d'explorer
l'île Campbell : on pensait y trouver une
ïiine d'étain ; si l'on ne trouvait pas la mine,
un chasserait les lions de mer sur les côtes
les petites îles et l'on fonderait sur l une
l'elles un établissement de pèche.....
M. Raynal accepta.
Le i2 novembre 1863, il partit de Sydney
sur la goélette a Grafton. » L'équipage peut
donner une idée de la population de l'Aus-
tralie. C'était une mosaïque de nationalités. Le
capitaine, M. Musgrave, était Américain ;
M. Raynal, qui servait de second, Français;
le cuisinierv,Portugais ; les deux matelots,
Anglais et Nôrwégien. -»
Le 2 décembre, la goélette motrtlimt dans"'
-une baie de l'île Campbell.
Le 29, après des recherches actives, on re-
mettait à la voile sans avoir trouvé la moindre
mine d'étain.
Il fallait se rabattre sur la chasse. M. Ray-
nal et M. Musgrave déclarèrent qu'ils relâ-
cheraient aux iles d'Auckland.
Le 1er janvier 1864, ils entrèrènt dans un
port de ces îles, le port de Carnley.
-Je laisse la parole à lU. Raynal ;
« Ce jour-là, le temps était beau et clair,
ivec une brise modérée. Mais, vers le soir, le
ciel se couvrit de nuages. A minuit, une
pluie abondante commença à tomber et dura
toute la journée du lendemain. Nous
n'avions pu trouver le fond nulle part,
Àême à trente brasses des côtes, avec
urie ligne de sonde de vingt brasses ; nous
parvînmes jusqu'à une petite baie où nous
prouvâmes enfin le fond, et nous mouillâmes
$ar sept brasses d'eau, dans la soirée du 2,
bien décidés à chercher un meilleur
ancrage pour le lendemain. Peu de temps
après, nous étions forcés de mouiller nos
deux ancres pour résister à un coup de vent
du Nord-Ouest. A dix heures et demie, une
de nos chaînes s'étant rompue, et une seule
ancre étant insuffisante pour nous retenir,
nous faisions côte vers minuit. Aucmn de
nous ne périt. Aussitôt le jour venu, nous
atteignîmes le rivage à l'aide de notre
petite embarcation, et nous réussîmes à sau-
ver le peu de provisions qui nous restait,
ainsi que nos instruments, quelques livres et
quelques cartes marines...»
M. Raynal et ses compagnons devaient
passer dix-neuf mois sur l'île où ce coup de
vent les avait jetés'.
Il y a toujours deux éléments bien distincts
dans les récits des voyageurs : la description
technique et quelquefois nouvelle des lieux
qu'ils parcourent, et la lutte incessante de
l'homme aux prises avec les difficultés qui
surgissent devant lui.
C'est cette lutte surtout qui intéresse et qui
passionne. Robinson, arrivant à se fabriquer
une hache, vaut toutes les descriptions du
monde.
Donc nos naufragés,trempés et transis, dé-
barquent sous la pluie, dans une île in-
connue. Leur premier soin doit être de cher-
cher un abri. Ils cherchent et ne trouvent
pas. Que faire? Ils retournent à bord du
Grafton ; ils en rapportent quelques planches
et des voiles. Avec les planches, ils construi-
sent une sorte d'estrade qui les garantit de
l'humidité du sol; avec lès voiles ils dressent
une tente. Restait à se sécher. Rien de plus
aisé que de. se procurer du bois. Mais du feu?
Ils n'avaient que quelques allumettes; encore
étaient-elles mouillées. Par bonheur une
prend. Mais, le lendemain, le surlendemain,
■ les jours suivants, comment ferait-on?...
Nos marins imaginèrent d'entretenir jour
et nuit leur feu, et, pendant dix--nmf' mois en
effet; il brûla jour et nuit.
-
Le cuisinier et les matelots désespéraient.
Le capitaine et son second relevèrent leur
courage en leur jurant qu'on viendrait les
chercher de Sydney. M. Raynal «vait été à la
rude école des placèrs d'Australie. Il commu-
niqua d£, activité à ses compagnons.
L'essentiel était de se construire tout d'abord
une demeure. Où trouver des matériaux?
L'île était formée d'un entassement de
collines et de montagnes. Au bord de la mer,
une plaine' étroite ; puis, immédiatement
après, les hauteurs, enveloppées de brouil-
lards perpétuels et sillonnées sur leur versant
d'irne infinité de petites rivières et de ruis-
seaux, qui, presque tous, forment des casca-
des. Entre les bandes d'argent de ces ruis-
seaux, des arbustes, des lianes, des plantes
marécageuses dont la teinte générale est un
vert broijzé.... Quelques roches se dressent
au-dess#s de ce fouillis de végétation. Dans
un lointain. indécis apparaissent les cimes de
quelques glaciers.
Pas un des arbrés n'était de nature à four-
nir une planche ; il fallut encore avoir recours '
au navire. On le dépeça. Ses mâts et ses ver-
gues servirent à la charpente principale. Pour
le toit, une herbe grossière, forte et longue,
qui croissait sur le rivage, remplaça le
chaume. On utilisa les cordages pour atta-
cher cette herbe par bottes. Des débris de ro-
cher furent, employés -à construire la chemi-
née. Des feuilles de cuivre, arrachées, à la
marée basse, des flancs du Grafton, furent
tournées en tuyau. Un plancher et un fossé
d'assèchement furent la part du confortable
dans ifette maison de bois...
Le logis implique la table..
Que mangerait-on?
On se mit à chasser les grands phoques ou
lions de mer, et l'on vécut de leur chair;
mais cette chair était huileuse; elle graissait
et salissait les chasseurs forcés d'en transpor-
ter les quartiers sur leur dos. M. Raynal mit
à profit ses connaissances pratiques : il fit
brûler des plantes marines desséchées, plaça
le résidu dans une futaille vide, y fit filtrer
de l'eau, obtint un liquide chargé de potasse
1 et de chaux en solution; il mêla à ce liquide
de l'huile de lion de mer, fit bouillir et obtint
du savon. s ,
On cria au miracle. Après quoi, on se ta-1,
briqua des souliers avecia peau des phoqiles' ^
Mais ces souliers empestaient et se déchi- "
raient tous les huit jours, M. Raynal trouva
un arbre dont l'écorce contenait du tannin ;
des coquillages fournirent la chaux ; et les f(
peaux furent tannées.
L'hiver se passa ainsi. Pendant tout l'été,
on espéra.' Quand revinrent les froids, le
découragement paralysait les efforts de trois
des colons sur cinq.
« Poussés alors, dit M. Raynal, Par l'ardent
désir de la délivrance, nous employâmes toute
notre énergie à nous en procurer les moyens.
Une hache, un mar,teau, une vieille her-
minette et une vrille étaient nos seuls
instruments de charpentier. C'est alors que
je fis une forge. Avec beaucoup de peine et de
lenteur, je parvins à former les premiers 011-
tils, tels que pinces, tenailles, marteaux et
poinçons, qui me servirent à établir une ha-
chette, un ciseau, un rabot, une gouge, dont
les fers furent pris aux débris du Grafton. Le
cercle de fer d'une futaille se transforma en
une scie; puis je dus fabriquer tous les clous,
boulons et autres -ferrures indispensables à la
solidité de notre embarcation.
Le 111 juillet 1865, cette œuvre de patience
était terminée, et le 19 du même mois, Mus-
grave, le Norwégien et moi, ayant dit adieu
aux deux compagnons d'infortune que nous
laissions à terre, nous nous mettions en .
route pour la Nouvelle-Zélande, où.nous arri-
vâmes cinq jours après... »
Deux traits du séjour des marins du' eW1(t01t
dans les îles d'Auckland me frappent entre
tous.
Un jour M. Raynal découvre un arbrisseau
de trois ou quatre pieds de hauteur, au bran-
chage épais et touffu, et dont les feuilles res-
semblent à celles du buis. Cet arbrisseau por-
tait un fruit de la grosseur, de' la couleur, et
à peu près du goût de la groseille rftge. Mais
les grains, au lieu d'être disposés en grappes,
étaient placés entre la branche et la feuille.
De loin, l'arbuste apparaissait comme une
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
DEUXIÈME PARTIE
UN MOULIN SANS EAU
XXVII
No 93
Le Timele plus grand et le plus important
les journaux de Londres, contenait le lende-
main le récit suivant :
« Il vient de se passer à Cold-bath-fields une
série d'événements bizarres et mystérieux qui
appelleront, nous n'en J doutons pas, l'attention
de l'autorité sur ses agents subalternes.
* Vofr le nuinérothi 22 novembre.
» Un prisonnier s'est évadé. Un gardien a été
tué. Deux autres se sont trouvés un moment
compromis.
» Parmi ces deux derniers, il en est un,
M. Bardel, qui a vingt ans de bons et loyaux
services, et qui n'a dû son salut et sa réhabili-
tation, comme on va voir, qu'à l'extrême habileté
d'un agent de police, M. Simouns. -
Puis le T.mes racontait tout au long ce que
nous savons déjà, c'est-à-dire la version de
John Colden sur l'évasion de Ralph; puis JI.
centinuait :
« Il n'y avait pas plus de raison d'.ajouter foi
au récit de l'ouvrier irlandais qu'à celui du
gardien Jonathan qui le contredisait de point en
point. ,j
M. Simouns, ce précieux détective qui nous'.j
est venu de Liverpool, a débrourllé cette
énigme.
Il a d'abord découvert la maison qui avait
servi à préparer l'évasion, la corde dont on avait
fait usage. et enfin, une jeune fille, locataire de
ladite maison, qui a pu donner plusieurs détails
fort importants, un, entre autres, sur l agent
qui -a succombé et qu'elle a vu venir dans la
maison, une heure auparavant, et s entretenir à:
voix basse avec la filie Suzannah. :
Cependant M. Simouns, que le gouverneur
, accompagnait dans -ses- invesLl!;!.c\tion::i. ittfï'esi
point contenté de ces preuves de l'innocence du
gardien chef, M. Bardel.
Il a voulu plus encore, l'argent qui avait dû
payer la trahison du gardien Whip.
Cet argent, il l'a trouvé.
Après avoir vainement sondé les murs et le,
plancher, mais dominé par la conviction que
si l'argent existait, il était da'ns cette maison,
M. Simouns a fini par découvrir qu'une des
solives dv; plafond sonnait le creux.
La solive a été forcée avec un outil- de menui-
sier et une liasse de bank-notes s'en est échap-
pée.
Il y avait nulle livres rondes, et l'un des bil-
I lets était jaspé de quelques gouttes de sang qui
attestaient le dernier haut 'fait de Bulton, ce
bandit redoutable dont nous parlions dernière-
ment et qui'est maintenant à Newgate, d'où il
ne sortira, e's^éroris-le, que pour monter sur
la plate-forme qui chavire, pour nous servir de
l'expre)ssion populaire si terriblement pitto-
resque;
M. Simouns tenait enfin la preuve matérielle
qu'il avait cherchée - avec tant de persévé-
rance. * .
Le dénouement est facile à prévoir.
- M. Bardel a été réintégré dans ses fonctions,
'et le gouverneur loi a remis une gra::tlca-
tion.
Jonathan a -été congédié ; les charges qui s 'é-
lèvent contre lui n'étant pas assez fortes pour
qu'on puisse le déférer à la justice.
John Colden, coupable d'assassinat, demeurera
à CoId-bath-SeIds jusqu'à ce que sa blessure soit
cicatrisée.
Alors, il sera transféré à Newgate, et passera
probablement aux prochaines assises.
Nous tiendrons nos lecteurs au courant de. son
procès, qui sera, trôsrcertainement, foit cu-
rieux. »
Or, la lecture de cet article venait d 'ètre
faite à haute voix dans la sacristie de i'église
Saint-Geurge par l'homme gris lui-même à
l'abbé Samuel.
jLh bien ! dit-il, en posant le journal sur
une table, et regardant le jeune prêtre en sou-
riant, comprenez-vous, maintenant?
Pas encore, dit rabhé: Samuel.
C'est pourtant facile.
— Comment ?
— M. Simouns, c'est moi.
— Bon.
— La jeune fille, c'est moi qui l'ai apostée
— Ensuite?
— L argen- trouvé dans la poutre, c'est mo:
qui l'avais cacll6.
1 — J3 commence à com;,:'2D.dm.
I Eutiii- la tache de s an.; est tout simple-
5 ceal. te , Bëiaéro
JOURNAL QUOTIDIEN 1
S cent. le numél'o
Abônî-.2KM:>TH r— Trois mois. Six mois. Un a,n.
Paris S fr. 9 fr. is fr.
Départements.. G Il SS
Arl,'iiiiti9'rnJ*ur : K DEI.SAUX.
3rue année. — LUNDI 10 FEVRIER 18ô8. — IV0 662
Directeur-Propriétaire :
Rédacteur en chef : A. DE BAL AT 111BR BRAGEIONN E.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, Dr.ouot.
ADMINISTRATION : 13, place Brede
PARIS, 9 FEVRIER 1868.
LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE
LES NOUVEAUX ROBINSONS
Notre très-obligeant ami, M.
crétaire de lajàociélé de Géographie, a bien
voulu nous inviter, cette semaine, à une de
ces séances intéressantes qu'il nous signale
toujours avec empressement.
Le héros de cette' séance était M. Raynal,
un hardi voyageur qui vient de rentrer en
France, après un établissement de plusieurs
années en Australie.
Il y a cinq ans, il se trouvait à Sydney.
Un négociant de ses amis, M. à Charles
Sarpy, lui proposa de le placer la tète
l'une expédition qui avait pour but d'explorer
l'île Campbell : on pensait y trouver une
ïiine d'étain ; si l'on ne trouvait pas la mine,
un chasserait les lions de mer sur les côtes
les petites îles et l'on fonderait sur l une
l'elles un établissement de pèche.....
M. Raynal accepta.
Le i2 novembre 1863, il partit de Sydney
sur la goélette a Grafton. » L'équipage peut
donner une idée de la population de l'Aus-
tralie. C'était une mosaïque de nationalités. Le
capitaine, M. Musgrave, était Américain ;
M. Raynal, qui servait de second, Français;
le cuisinierv,Portugais ; les deux matelots,
Anglais et Nôrwégien. -»
Le 2 décembre, la goélette motrtlimt dans"'
-une baie de l'île Campbell.
Le 29, après des recherches actives, on re-
mettait à la voile sans avoir trouvé la moindre
mine d'étain.
Il fallait se rabattre sur la chasse. M. Ray-
nal et M. Musgrave déclarèrent qu'ils relâ-
cheraient aux iles d'Auckland.
Le 1er janvier 1864, ils entrèrènt dans un
port de ces îles, le port de Carnley.
-Je laisse la parole à lU. Raynal ;
« Ce jour-là, le temps était beau et clair,
ivec une brise modérée. Mais, vers le soir, le
ciel se couvrit de nuages. A minuit, une
pluie abondante commença à tomber et dura
toute la journée du lendemain. Nous
n'avions pu trouver le fond nulle part,
Àême à trente brasses des côtes, avec
urie ligne de sonde de vingt brasses ; nous
parvînmes jusqu'à une petite baie où nous
prouvâmes enfin le fond, et nous mouillâmes
$ar sept brasses d'eau, dans la soirée du 2,
bien décidés à chercher un meilleur
ancrage pour le lendemain. Peu de temps
après, nous étions forcés de mouiller nos
deux ancres pour résister à un coup de vent
du Nord-Ouest. A dix heures et demie, une
de nos chaînes s'étant rompue, et une seule
ancre étant insuffisante pour nous retenir,
nous faisions côte vers minuit. Aucmn de
nous ne périt. Aussitôt le jour venu, nous
atteignîmes le rivage à l'aide de notre
petite embarcation, et nous réussîmes à sau-
ver le peu de provisions qui nous restait,
ainsi que nos instruments, quelques livres et
quelques cartes marines...»
M. Raynal et ses compagnons devaient
passer dix-neuf mois sur l'île où ce coup de
vent les avait jetés'.
Il y a toujours deux éléments bien distincts
dans les récits des voyageurs : la description
technique et quelquefois nouvelle des lieux
qu'ils parcourent, et la lutte incessante de
l'homme aux prises avec les difficultés qui
surgissent devant lui.
C'est cette lutte surtout qui intéresse et qui
passionne. Robinson, arrivant à se fabriquer
une hache, vaut toutes les descriptions du
monde.
Donc nos naufragés,trempés et transis, dé-
barquent sous la pluie, dans une île in-
connue. Leur premier soin doit être de cher-
cher un abri. Ils cherchent et ne trouvent
pas. Que faire? Ils retournent à bord du
Grafton ; ils en rapportent quelques planches
et des voiles. Avec les planches, ils construi-
sent une sorte d'estrade qui les garantit de
l'humidité du sol; avec lès voiles ils dressent
une tente. Restait à se sécher. Rien de plus
aisé que de. se procurer du bois. Mais du feu?
Ils n'avaient que quelques allumettes; encore
étaient-elles mouillées. Par bonheur une
prend. Mais, le lendemain, le surlendemain,
■ les jours suivants, comment ferait-on?...
Nos marins imaginèrent d'entretenir jour
et nuit leur feu, et, pendant dix--nmf' mois en
effet; il brûla jour et nuit.
-
Le cuisinier et les matelots désespéraient.
Le capitaine et son second relevèrent leur
courage en leur jurant qu'on viendrait les
chercher de Sydney. M. Raynal «vait été à la
rude école des placèrs d'Australie. Il commu-
niqua d£, activité à ses compagnons.
L'essentiel était de se construire tout d'abord
une demeure. Où trouver des matériaux?
L'île était formée d'un entassement de
collines et de montagnes. Au bord de la mer,
une plaine' étroite ; puis, immédiatement
après, les hauteurs, enveloppées de brouil-
lards perpétuels et sillonnées sur leur versant
d'irne infinité de petites rivières et de ruis-
seaux, qui, presque tous, forment des casca-
des. Entre les bandes d'argent de ces ruis-
seaux, des arbustes, des lianes, des plantes
marécageuses dont la teinte générale est un
vert broijzé.... Quelques roches se dressent
au-dess#s de ce fouillis de végétation. Dans
un lointain. indécis apparaissent les cimes de
quelques glaciers.
Pas un des arbrés n'était de nature à four-
nir une planche ; il fallut encore avoir recours '
au navire. On le dépeça. Ses mâts et ses ver-
gues servirent à la charpente principale. Pour
le toit, une herbe grossière, forte et longue,
qui croissait sur le rivage, remplaça le
chaume. On utilisa les cordages pour atta-
cher cette herbe par bottes. Des débris de ro-
cher furent, employés -à construire la chemi-
née. Des feuilles de cuivre, arrachées, à la
marée basse, des flancs du Grafton, furent
tournées en tuyau. Un plancher et un fossé
d'assèchement furent la part du confortable
dans ifette maison de bois...
Le logis implique la table..
Que mangerait-on?
On se mit à chasser les grands phoques ou
lions de mer, et l'on vécut de leur chair;
mais cette chair était huileuse; elle graissait
et salissait les chasseurs forcés d'en transpor-
ter les quartiers sur leur dos. M. Raynal mit
à profit ses connaissances pratiques : il fit
brûler des plantes marines desséchées, plaça
le résidu dans une futaille vide, y fit filtrer
de l'eau, obtint un liquide chargé de potasse
1 et de chaux en solution; il mêla à ce liquide
de l'huile de lion de mer, fit bouillir et obtint
du savon. s ,
On cria au miracle. Après quoi, on se ta-1,
briqua des souliers avecia peau des phoqiles' ^
Mais ces souliers empestaient et se déchi- "
raient tous les huit jours, M. Raynal trouva
un arbre dont l'écorce contenait du tannin ;
des coquillages fournirent la chaux ; et les f(
peaux furent tannées.
L'hiver se passa ainsi. Pendant tout l'été,
on espéra.' Quand revinrent les froids, le
découragement paralysait les efforts de trois
des colons sur cinq.
« Poussés alors, dit M. Raynal, Par l'ardent
désir de la délivrance, nous employâmes toute
notre énergie à nous en procurer les moyens.
Une hache, un mar,teau, une vieille her-
minette et une vrille étaient nos seuls
instruments de charpentier. C'est alors que
je fis une forge. Avec beaucoup de peine et de
lenteur, je parvins à former les premiers 011-
tils, tels que pinces, tenailles, marteaux et
poinçons, qui me servirent à établir une ha-
chette, un ciseau, un rabot, une gouge, dont
les fers furent pris aux débris du Grafton. Le
cercle de fer d'une futaille se transforma en
une scie; puis je dus fabriquer tous les clous,
boulons et autres -ferrures indispensables à la
solidité de notre embarcation.
Le 111 juillet 1865, cette œuvre de patience
était terminée, et le 19 du même mois, Mus-
grave, le Norwégien et moi, ayant dit adieu
aux deux compagnons d'infortune que nous
laissions à terre, nous nous mettions en .
route pour la Nouvelle-Zélande, où.nous arri-
vâmes cinq jours après... »
Deux traits du séjour des marins du' eW1(t01t
dans les îles d'Auckland me frappent entre
tous.
Un jour M. Raynal découvre un arbrisseau
de trois ou quatre pieds de hauteur, au bran-
chage épais et touffu, et dont les feuilles res-
semblent à celles du buis. Cet arbrisseau por-
tait un fruit de la grosseur, de' la couleur, et
à peu près du goût de la groseille rftge. Mais
les grains, au lieu d'être disposés en grappes,
étaient placés entre la branche et la feuille.
De loin, l'arbuste apparaissait comme une
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
DEUXIÈME PARTIE
UN MOULIN SANS EAU
XXVII
No 93
Le Timele plus grand et le plus important
les journaux de Londres, contenait le lende-
main le récit suivant :
« Il vient de se passer à Cold-bath-fields une
série d'événements bizarres et mystérieux qui
appelleront, nous n'en J doutons pas, l'attention
de l'autorité sur ses agents subalternes.
* Vofr le nuinérothi 22 novembre.
» Un prisonnier s'est évadé. Un gardien a été
tué. Deux autres se sont trouvés un moment
compromis.
» Parmi ces deux derniers, il en est un,
M. Bardel, qui a vingt ans de bons et loyaux
services, et qui n'a dû son salut et sa réhabili-
tation, comme on va voir, qu'à l'extrême habileté
d'un agent de police, M. Simouns. -
Puis le T.mes racontait tout au long ce que
nous savons déjà, c'est-à-dire la version de
John Colden sur l'évasion de Ralph; puis JI.
centinuait :
« Il n'y avait pas plus de raison d'.ajouter foi
au récit de l'ouvrier irlandais qu'à celui du
gardien Jonathan qui le contredisait de point en
point. ,j
M. Simouns, ce précieux détective qui nous'.j
est venu de Liverpool, a débrourllé cette
énigme.
Il a d'abord découvert la maison qui avait
servi à préparer l'évasion, la corde dont on avait
fait usage. et enfin, une jeune fille, locataire de
ladite maison, qui a pu donner plusieurs détails
fort importants, un, entre autres, sur l agent
qui -a succombé et qu'elle a vu venir dans la
maison, une heure auparavant, et s entretenir à:
voix basse avec la filie Suzannah. :
Cependant M. Simouns, que le gouverneur
, accompagnait dans -ses- invesLl!;!.c\tion::i. ittfï'esi
point contenté de ces preuves de l'innocence du
gardien chef, M. Bardel.
Il a voulu plus encore, l'argent qui avait dû
payer la trahison du gardien Whip.
Cet argent, il l'a trouvé.
Après avoir vainement sondé les murs et le,
plancher, mais dominé par la conviction que
si l'argent existait, il était da'ns cette maison,
M. Simouns a fini par découvrir qu'une des
solives dv; plafond sonnait le creux.
La solive a été forcée avec un outil- de menui-
sier et une liasse de bank-notes s'en est échap-
pée.
Il y avait nulle livres rondes, et l'un des bil-
I lets était jaspé de quelques gouttes de sang qui
attestaient le dernier haut 'fait de Bulton, ce
bandit redoutable dont nous parlions dernière-
ment et qui'est maintenant à Newgate, d'où il
ne sortira, e's^éroris-le, que pour monter sur
la plate-forme qui chavire, pour nous servir de
l'expre)ssion populaire si terriblement pitto-
resque;
M. Simouns tenait enfin la preuve matérielle
qu'il avait cherchée - avec tant de persévé-
rance. * .
Le dénouement est facile à prévoir.
- M. Bardel a été réintégré dans ses fonctions,
'et le gouverneur loi a remis une gra::tlca-
tion.
Jonathan a -été congédié ; les charges qui s 'é-
lèvent contre lui n'étant pas assez fortes pour
qu'on puisse le déférer à la justice.
John Colden, coupable d'assassinat, demeurera
à CoId-bath-SeIds jusqu'à ce que sa blessure soit
cicatrisée.
Alors, il sera transféré à Newgate, et passera
probablement aux prochaines assises.
Nous tiendrons nos lecteurs au courant de. son
procès, qui sera, trôsrcertainement, foit cu-
rieux. »
Or, la lecture de cet article venait d 'ètre
faite à haute voix dans la sacristie de i'église
Saint-Geurge par l'homme gris lui-même à
l'abbé Samuel.
jLh bien ! dit-il, en posant le journal sur
une table, et regardant le jeune prêtre en sou-
riant, comprenez-vous, maintenant?
Pas encore, dit rabhé: Samuel.
C'est pourtant facile.
— Comment ?
— M. Simouns, c'est moi.
— Bon.
— La jeune fille, c'est moi qui l'ai apostée
— Ensuite?
— L argen- trouvé dans la poutre, c'est mo:
qui l'avais cacll6.
1 — J3 commence à com;,:'2D.dm.
I Eutiii- la tache de s an.; est tout simple-
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