Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-01-28
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 28 janvier 1868 28 janvier 1868
Description : 1868/01/28 (A3,N649). 1868/01/28 (A3,N649).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47176519
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL . dboTIBÎElV
5 cent, le numéro
~ 5 - cent. le numèr.
. ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. Un M.
Paris.......... a fr. ' 9 fr. .8 &.• 1-
DopuJieiEtJiits 2' 93 fil 2 t1
iàivi-.ietrrU. - * G. DRï,SAnx.
..
inc année. — MARDI 28 - ijpVIER 1868. — No 649
--
-~
Z'r^fteur-Propriétaire : J a n î? r n.
Rédacteur en « 7f: A.. i>E% B a r. a t h : E F.X B hE L G N N Wf.
BURpa cr.. D ABO:fN.Etî EN't : 9. s-se '~ 19 t. ' ~
" ' - 'Administration: i3. olace Dïerla, 1- é-
PARIS, 27 JANVIER 1868.
LA PARADE RUE LA FAYETTE
Depuis quelque temps la rbeLj^^^rfia-
raît vouloir multiplier ses attractions. A peine
la femme-géante a-t-elle cessé d'orner les
abords da^quare Montholon qu'on a vu s'ou-
vrir une gPiftdfr'iiraçserie p}eine"de bières au-
thentiques ëtàechou.crdutés viennoises et bava-
roises. Il y at plus, un. théâtre nouveau va
nous donner tous les soirs, assure t-on, une
parade en plein. vent.
Si c'est pour ce soir, j'engage Colombine à
«'entortiller dans toutes ses fourrures.
« Le ciel ne nous est point assez clé-
ment !... JI)
Mais, de quel, genre serft b parade pro-
mise ? Se rattachera-t elle aux traditions du
dix-huitième siècle, représentées par les tré-
teaux du boulevard du-Temple, de la foire
Saint-Laurept et de-1 affaire -Saint-Germain.
Suivra-i",elle. les "-téaîps du grand Bo-
bèche? . ; . /. JL;.-
Ou ne sera-ce qu'une «répétition des farces
arganisées par iç&'. ;fitres dégénéras qui ont
îssay4$? Je remplacer?
Car, il ne. faut pas .s'y tromper, la parade
est malade en France; elle est morte à Paris;
et ce ige serait pas trop d'un Bobèche Il pour
lui donner un nouvel éclat.
Les derniers paradistes ont pour seuls
soutiens les enfants et les campagnards. Il'
faut une assistance naïve pour le succès jje
leurs cnscadeB"-"-tJ'gles, - cle leurs calembours
vulgaires....
J'avoue qu'à neuf ans je faisais partie des
spectateurs satisfaits quand même. Comme
presque tous les Parisiens d'aujourd'hui, je
fi'avais pas encore quitté la province, et
chaque printemps me ramenait av(iÕ îes.
foires de mai des entraînements nouveaux.
Il jUe semble encore voir cette grande ba-
raque aux planches mal jointes assiégées par
les gamins dont l'œil indiscret s'y collait aveC
tant d'amour, — cet escalier périlleux dont
les marches peu assurées craquaient sous les '
grosses bottes de messieurs les militaires de
la garnison, et, contre la dernière marche, le
bureau représenté par une table recouverte
d'un vieux tartan- et par une matrone dont le
giron servait de caisse.
A droite, cinq musiciens allemands, aux
longs cheveux blonds, coiffés de shakos ré-
formés, soufflaient avec mélancolie dans des
instruments qu'on n'entendait pas, tant la
grosse caisse et le tamhour redoublaient de
roulements dominateurs.
De temps en temps, l'agréable symphonie
était encore ravivée par un coup de pistolet.
Musard et Rossini étaient devancés.
Devant la troupe qui posait bravement en
grande tenue, se promenait un personnage
à favoris énormes, — tenant plus de Robert-
Macaire que de Bilboquet. D'un geste royal,
il commandait le silence, et débutait ordi-
nairement ainsi :
— Di-s-moi, Paillasse !
— Not' maitr' !
— Je veux voir si tu as de l'-esprit au-
jourd'hui.
— Oh ! not' maitr' ! *
— Dis moi, mon ami... sais-tu pourquoi,
lorsque tu iras dans le monde, il ne'te sera
jamais perrrmis de faire attendre une dame
qui met son corset,
Paillasse se gratte sans répondre..
— Eh bien, répondras-tu!
— Dam, not' ma,itr'....
. — (Avec courroux). — Im-bé-cile ! Triple
' rhi-no-cé-ros ! ! !... Tu mériterais que je t'al-
longe immédiatement une marque de mon
indignation...
(D'un ton radouci). — Mais, pour aujour-
d'hui, je te pardonne en considération ; de !
l'estimable société qui nous écoute... (De- ■
mi salut.) Apprends donc que s'il ne faut ja- '
mais faire attendre une dame qui met' son !
corset... (Il prend une prise et promène ua
regard profond sur la foule.) C'est paree-
4n î i.
; Oji me croira facilement, st: jia!flrtrté,que
iBpbèçhç était plus fort que cela. V °
-^ussi la postérité a-t-elle gardé le sonvenir
de sa figure de Normand , njiiniaiÉe,. mi-fi-
naude.
On a conservé les critiques transcendantes
qu'il' se permettaifcgpfois sans avoir l'air d'y
toucher. C'est àipi^l qu'en un temps de misère
publique, il disait avec son air naïf : , .
— C'est drôle !'J Vais trois chemises, j'en
ai vendu déux pour manger, et il y a encore :
dépens qui viennent vous dire que le cém-
m e ne va pas!
E§ censure s'en mêla; elle ne dédaigna
poiSt de monter sur les tréteaux du boulevard
du femple, et Bobèche saisit la balle au bond
pouf se décerner le brevet triomphalement
irofllque de premier bouffon du gouverne-
mem? .
Si vogue s'en accrut. !
Tput comme Thérésa, il parut dans le j
moqde et il fit des tournées départementales. :
On composa des pièces de théâtre en son
honneur. Il eut même une place dans les
biographies d'hommes célèbres, et, aujour-
d'hui encore, les historiens sont vivement
préoccupés de savoir s'il s'appelait, de son
vrafenom, Mandelard ou Mardelard.
Ci qu'il y a de sur, c'est qu'il fut un enfant
du-faubourg ..SaïjvtrAntoine et qu'il porja le
premier cette perruque rousse à quelle- fré-
tillante et ce paprlion: folâtre au chapeau,
qui font restés tes 'insignes de tout Jocrisse
bici) élevé. , ,
CI*Me Debureau, Bobèche fit le honheur
des Jens de lettres. Il compta Nodier et Fon-
tanerparmi; ses habitués. Monvel lui-même
prenait plaisir à le voir, ce qui était plus flat-
teur Encore pour son amour-propre, car il y
avait loin du Théâtre Français au Théâtre des
Pygmées.
Enfin, on confiait la réponse écrasante faite
par un. direfeteur-géaéral à un employé de son
ministère. Comme celui-ci s'excusait de rè-
tards multipliés en disant :
—-,Je demeuré sur le boulevard, et, quand
je passe devant Bobèche, c'est pllli3 fcfrt que
— Vous vous trompez, .m«sieur, répondit
gravement le directeur, \K^j tp\iS trompez,
car je ne vous y ai jamais1 vul :< !
»" ■ ■" - 't ? '
Pour retrouver le père du genre dans lequèl
Bobèche brilla d'un vif éclat, il faut remon-
ter à Tabarin ; ses gais propos avaient pour
jthé$tre un des tréteaux élevés place Dauphine
let. ils firent la fortune d'un dentiste du
•temps, le fameux Mondor.
Les recueils des improvisations de Taba-
rin ont été imprimés souvent en un petit
volume, et ils se vendent néanmoins fort cher.
)
Si mes lecteurs en rencontrent jamais deux.
éditions avec la date de 16âgage pas à en faire du feu. D^^a^eilles allu-
mettes coûteraient cher. Ula e$empt$Jr£ da,
recueil des œuvres de Tabarin s'est vendu Irmt
francs à la vente Solar. Un autre a été paye*
jusqu'à sept livres sept schillings par un bi-
( bliophile anglais. \
Un siècle après Tabarin, Lesage cherchait,
en travaillant pour les plaisirs du peuple, des
moyens d'existence que n'avaient pu as^jHMÂ..
des œuvres d'un ordre incomparable.:-]^?'
foule accourut aux pièces qu'il fit pc^\1,|S:
petits théâtres des foires Saint-Germain "6*
Saint-Laurent. Toutefois, ce n'étaient pas
des parades proprement dites, c'était plutôt
un compromis entre la pantomime et l'opéra
bouffe.
Du temps de Mercier, c'est-à-dire en 1783,
les tréteaux du boulevard étaient à l'apogée
de leur vogue. Son excellent Tableau de Paris
en fait foi.
« Tout théâtre, veut un paillasse, dit-il.
Point d'habile entrepreneur de spectacle qui
ne s'en munisse avant l'ouverture. Comment
jouer san"s lui ? Qui ferait donc rire l'assem-
blée? Qui communiquerait avec le'public?...
Vous savez que le paillasse fait le niais; mais
il a plus d'esprit à lui seul q1le tous les autrèî?
acteurs ensemble. Au milieu de ses apparen-
tes balourdises,il persiffle-eamarades et spec-
tateurs. » '
Et Mercier ajoute:
t La^ foule abonde Yfiys i
que chacun dit dédaigner et que"'chacun
fréquente. C'est là qu'on peut voir com-
bien la curiosité oisive est surtout affamée
de spectacles. Elle demande plutôt du nou-
veau que du bon... Les plus plates bouffon-
neries sont autorisées. Pourquoi ne pas mê-
ler un grain de raison au breuvage grossier
qu'on verse au peuple? •
Je ne sais si vous pensez comme moi, cherffi
lecteurs, mais ne trouvez-vous pas que cet
réflexions de Mercier, malgré leurs quatre-
vingts ans de date, n'ont rien perdu de leur
actualité-2
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
LES
MESÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
DEUXIÈME PARTIE
UN MOULIN SANS EAU
XIV
K« 80
L'homme gris avait donneé la tabatière à M.
Bardel, en vue du terrible M. Whip, et c'ëtait le
cauteleux Jonathan q.ui y plongeait les doigts.
Mais aux yeux de M. Bardel, le résultat était 1
le même, puisque c'était M. Jonathap qui rem-
V,n,r le numéro du 22 novembre. ' - • ^
plaçait -M. Whip dans la surveillance du cor-
ridor.
I Jonathan aspira le tabac avec une volupté
;sans égale.
' ^'Fameux> dit-il, fameux, M. Bardel.
— 'Vous hî '
— Excellent, où le prenez-vous ?
M. Bardel Se mît à rire :
— Mais mon cher, dit-il, comme on voit bien
que vous êtes un mauvais gardien de nuit.
— Pourquoi donc ?
— Parce que le sommeil vous gagne tout de
suite au point que vous prenez le premier tabac
venujdu moment où il vous pique un peu le riez,
pour du tabac supérieur.
— Ouais! fit Jonathan.
—■ C'est du tabac ordinaire, poursuivit M.Bar.
del, très-ordinaire, à telle enseigne que c'est le
Jlandlord de Queen's justice qui nous le vend.
Et M. Bardel ouvrit de nouveau sa- tabatière
qu'il ratourna lestement dans ses doigts et prit
i une autçê*p&e qu'il aspira avec une lenteur
complaisante.
Puis, regardant Jonathan :
— Allons, tâchez de ne pas vous endormir,
je reviendrai entre onze heures et minuit. j
Et M. Bardel s'en alla, au grand étonnement
-1* Jc»&tban, qui Je disait :
— Les choses ne se passent nullement com-
me l'avais prédit M. Wbip.
Au lieu de m'éloigner sous un prétexte quel-
conque, c'est M. Bardel, au contraire, qui s'en
va.
Et Jonathan se mit à arpenter le corridor
i d'un pas régulier et monotone, se disant en-
core :
— M. Whip va revenir, je suppose, quand il
n'entendra point parler de moi, et je lui rendrai
sa place ; car je crois bien que notre haine pour
Bardel nous a donné beaucoup d'imagination ce
soir.
Là-dessus, M. Jonathan s'avoua qu'il y avait
vingt ans passés que M. Bardel était gardien-
chef dans Bath square, et qu'il était bien diffi-
cile d'admettre, sans une excessive bonne vo-
lonté, qu'il faisait métier de faire évader des
prisonniers.
Et le gardien murmura :
— Je crois que Whip et moi, nous avions bu
un verre de gin de trop, ce sejr.
Tout en rendant peu à peu son estime à
M. Bardel, Jonathan continuait à se promener;
mais un singulier phénomène commençait à se
produire en lui.
Il avait froid, et il avait multiplié par deux fois
fois déjà les plis de son manteau autour de son
cou
Il avait froid au point qu'il se dit :
— Je gage qu'on a laissé éteindre le calori-
fère !
Car, il faut bien le dire, si l'Angleterre est im-
pitoyable pour les voleurs, si elle les punit
cruellement, elle n'abandonne pas complète-
ment ses principes de confortable.
Les corridors, les cellules sont chauffes
un calorifère, et les murs sont peints au vernie fc"
M.Jonathan avait donc si froid, qu'il GKik '
qu'on avait laissé éteindre le calorifère.
Il y a des courants d'air ici, murmura-t-il»
Et i1 gagna une sorte de guérite qui se trou-
vait à l'un des bouts du corridor pt dans la-
quelle le gardien de nuit avait licence de se re-
poser et de s'asseoir. » j
Le nàrcotique, absorbé dans la prise de tabac,
agissait, comme on le pense bien.
Une fois assis,L Jonathan eut encore plus
froid. Il voulut se relever, mais il lui sembla que
ses - jambes étalent engourdies.
En mê11uf tei11ps,' il éprouva un violent mal à
la tête et ses yeux se fermèrent.
— Ah ! ça, qu'est-ce que j'ai donc ? murmura-
t-il.
11 essaya de secouer la~torpear qui l'envahis-
sait par tout le cergs et ne put y parvenir.
Il voulut crier, appeler au secours, et sa Voies
ne put se faire jour à travers sa gorge crispée ,
A-: .i
JOURNAL . dboTIBÎElV
5 cent, le numéro
~ 5 - cent. le numèr.
. ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. Un M.
Paris.......... a fr. ' 9 fr. .8 &.• 1-
DopuJieiEtJiits 2' 93 fil 2 t1
iàivi-.ietrrU. - * G. DRï,SAnx.
..
inc année. — MARDI 28 - ijpVIER 1868. — No 649
--
-~
Z'r^fteur-Propriétaire : J a n î? r n.
Rédacteur en « 7f: A.. i>E% B a r. a t h : E F.X B hE L G N N Wf.
BURpa cr.. D ABO:fN.Etî EN't : 9. s-se '~ 19 t. ' ~
" ' - 'Administration: i3. olace Dïerla, 1- é-
PARIS, 27 JANVIER 1868.
LA PARADE RUE LA FAYETTE
Depuis quelque temps la rbeLj^^^rfia-
raît vouloir multiplier ses attractions. A peine
la femme-géante a-t-elle cessé d'orner les
abords da^quare Montholon qu'on a vu s'ou-
vrir une gPiftdfr'iiraçserie p}eine"de bières au-
thentiques ëtàechou.crdutés viennoises et bava-
roises. Il y at plus, un. théâtre nouveau va
nous donner tous les soirs, assure t-on, une
parade en plein. vent.
Si c'est pour ce soir, j'engage Colombine à
«'entortiller dans toutes ses fourrures.
« Le ciel ne nous est point assez clé-
ment !... JI)
Mais, de quel, genre serft b parade pro-
mise ? Se rattachera-t elle aux traditions du
dix-huitième siècle, représentées par les tré-
teaux du boulevard du-Temple, de la foire
Saint-Laurept et de-1 affaire -Saint-Germain.
Suivra-i",elle. les "-téaîps du grand Bo-
bèche? . ; . /. JL;.-
Ou ne sera-ce qu'une «répétition des farces
arganisées par iç&'. ;fitres dégénéras qui ont
îssay4$? Je remplacer?
Car, il ne. faut pas .s'y tromper, la parade
est malade en France; elle est morte à Paris;
et ce ige serait pas trop d'un Bobèche Il pour
lui donner un nouvel éclat.
Les derniers paradistes ont pour seuls
soutiens les enfants et les campagnards. Il'
faut une assistance naïve pour le succès jje
leurs cnscadeB"-"-tJ'gles, - cle leurs calembours
vulgaires....
J'avoue qu'à neuf ans je faisais partie des
spectateurs satisfaits quand même. Comme
presque tous les Parisiens d'aujourd'hui, je
fi'avais pas encore quitté la province, et
chaque printemps me ramenait av(iÕ îes.
foires de mai des entraînements nouveaux.
Il jUe semble encore voir cette grande ba-
raque aux planches mal jointes assiégées par
les gamins dont l'œil indiscret s'y collait aveC
tant d'amour, — cet escalier périlleux dont
les marches peu assurées craquaient sous les '
grosses bottes de messieurs les militaires de
la garnison, et, contre la dernière marche, le
bureau représenté par une table recouverte
d'un vieux tartan- et par une matrone dont le
giron servait de caisse.
A droite, cinq musiciens allemands, aux
longs cheveux blonds, coiffés de shakos ré-
formés, soufflaient avec mélancolie dans des
instruments qu'on n'entendait pas, tant la
grosse caisse et le tamhour redoublaient de
roulements dominateurs.
De temps en temps, l'agréable symphonie
était encore ravivée par un coup de pistolet.
Musard et Rossini étaient devancés.
Devant la troupe qui posait bravement en
grande tenue, se promenait un personnage
à favoris énormes, — tenant plus de Robert-
Macaire que de Bilboquet. D'un geste royal,
il commandait le silence, et débutait ordi-
nairement ainsi :
— Di-s-moi, Paillasse !
— Not' maitr' !
— Je veux voir si tu as de l'-esprit au-
jourd'hui.
— Oh ! not' maitr' ! *
— Dis moi, mon ami... sais-tu pourquoi,
lorsque tu iras dans le monde, il ne'te sera
jamais perrrmis de faire attendre une dame
qui met son corset,
Paillasse se gratte sans répondre..
— Eh bien, répondras-tu!
— Dam, not' ma,itr'....
. — (Avec courroux). — Im-bé-cile ! Triple
' rhi-no-cé-ros ! ! !... Tu mériterais que je t'al-
longe immédiatement une marque de mon
indignation...
(D'un ton radouci). — Mais, pour aujour-
d'hui, je te pardonne en considération ; de !
l'estimable société qui nous écoute... (De- ■
mi salut.) Apprends donc que s'il ne faut ja- '
mais faire attendre une dame qui met' son !
corset... (Il prend une prise et promène ua
regard profond sur la foule.) C'est paree-
4n
; Oji me croira facilement, st: jia!flrtrté,que
iBpbèçhç était plus fort que cela. V °
-^ussi la postérité a-t-elle gardé le sonvenir
de sa figure de Normand , njiiniaiÉe,. mi-fi-
naude.
On a conservé les critiques transcendantes
qu'il' se permettaifcgpfois sans avoir l'air d'y
toucher. C'est àipi^l qu'en un temps de misère
publique, il disait avec son air naïf : , .
— C'est drôle !'J Vais trois chemises, j'en
ai vendu déux pour manger, et il y a encore :
dépens qui viennent vous dire que le cém-
m e ne va pas!
E§ censure s'en mêla; elle ne dédaigna
poiSt de monter sur les tréteaux du boulevard
du femple, et Bobèche saisit la balle au bond
pouf se décerner le brevet triomphalement
irofllque de premier bouffon du gouverne-
mem? .
Si vogue s'en accrut. !
Tput comme Thérésa, il parut dans le j
moqde et il fit des tournées départementales. :
On composa des pièces de théâtre en son
honneur. Il eut même une place dans les
biographies d'hommes célèbres, et, aujour-
d'hui encore, les historiens sont vivement
préoccupés de savoir s'il s'appelait, de son
vrafenom, Mandelard ou Mardelard.
Ci qu'il y a de sur, c'est qu'il fut un enfant
du-faubourg ..SaïjvtrAntoine et qu'il porja le
premier cette perruque rousse à quelle- fré-
tillante et ce paprlion: folâtre au chapeau,
qui font restés tes 'insignes de tout Jocrisse
bici) élevé. , ,
CI*Me Debureau, Bobèche fit le honheur
des Jens de lettres. Il compta Nodier et Fon-
tanerparmi; ses habitués. Monvel lui-même
prenait plaisir à le voir, ce qui était plus flat-
teur Encore pour son amour-propre, car il y
avait loin du Théâtre Français au Théâtre des
Pygmées.
Enfin, on confiait la réponse écrasante faite
par un. direfeteur-géaéral à un employé de son
ministère. Comme celui-ci s'excusait de rè-
tards multipliés en disant :
—-,Je demeuré sur le boulevard, et, quand
je passe devant Bobèche, c'est pllli3 fcfrt que
— Vous vous trompez, .m«sieur, répondit
gravement le directeur, \K^j tp\iS trompez,
car je ne vous y ai jamais1 vul :< !
»" ■ ■" - 't ? '
Pour retrouver le père du genre dans lequèl
Bobèche brilla d'un vif éclat, il faut remon-
ter à Tabarin ; ses gais propos avaient pour
jthé$tre un des tréteaux élevés place Dauphine
let. ils firent la fortune d'un dentiste du
•temps, le fameux Mondor.
Les recueils des improvisations de Taba-
rin ont été imprimés souvent en un petit
volume, et ils se vendent néanmoins fort cher.
)
Si mes lecteurs en rencontrent jamais deux.
éditions avec la date de 16â
mettes coûteraient cher. Ula e$empt$Jr£ da,
recueil des œuvres de Tabarin s'est vendu Irmt
francs à la vente Solar. Un autre a été paye*
jusqu'à sept livres sept schillings par un bi-
( bliophile anglais. \
Un siècle après Tabarin, Lesage cherchait,
en travaillant pour les plaisirs du peuple, des
moyens d'existence que n'avaient pu as^jHMÂ..
des œuvres d'un ordre incomparable.:-]^?'
foule accourut aux pièces qu'il fit pc^\1,|S:
petits théâtres des foires Saint-Germain "6*
Saint-Laurent. Toutefois, ce n'étaient pas
des parades proprement dites, c'était plutôt
un compromis entre la pantomime et l'opéra
bouffe.
Du temps de Mercier, c'est-à-dire en 1783,
les tréteaux du boulevard étaient à l'apogée
de leur vogue. Son excellent Tableau de Paris
en fait foi.
« Tout théâtre, veut un paillasse, dit-il.
Point d'habile entrepreneur de spectacle qui
ne s'en munisse avant l'ouverture. Comment
jouer san"s lui ? Qui ferait donc rire l'assem-
blée? Qui communiquerait avec le'public?...
Vous savez que le paillasse fait le niais; mais
il a plus d'esprit à lui seul q1le tous les autrèî?
acteurs ensemble. Au milieu de ses apparen-
tes balourdises,il persiffle-eamarades et spec-
tateurs. » '
Et Mercier ajoute:
t La^ foule abonde Yfiys i
que chacun dit dédaigner et que"'chacun
fréquente. C'est là qu'on peut voir com-
bien la curiosité oisive est surtout affamée
de spectacles. Elle demande plutôt du nou-
veau que du bon... Les plus plates bouffon-
neries sont autorisées. Pourquoi ne pas mê-
ler un grain de raison au breuvage grossier
qu'on verse au peuple? •
Je ne sais si vous pensez comme moi, cherffi
lecteurs, mais ne trouvez-vous pas que cet
réflexions de Mercier, malgré leurs quatre-
vingts ans de date, n'ont rien perdu de leur
actualité-2
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
LES
MESÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
DEUXIÈME PARTIE
UN MOULIN SANS EAU
XIV
K« 80
L'homme gris avait donneé la tabatière à M.
Bardel, en vue du terrible M. Whip, et c'ëtait le
cauteleux Jonathan q.ui y plongeait les doigts.
Mais aux yeux de M. Bardel, le résultat était 1
le même, puisque c'était M. Jonathap qui rem-
V,n,r le numéro du 22 novembre. ' - • ^
plaçait -M. Whip dans la surveillance du cor-
ridor.
I Jonathan aspira le tabac avec une volupté
;sans égale.
' ^'Fameux> dit-il, fameux, M. Bardel.
— 'Vous hî '
— Excellent, où le prenez-vous ?
M. Bardel Se mît à rire :
— Mais mon cher, dit-il, comme on voit bien
que vous êtes un mauvais gardien de nuit.
— Pourquoi donc ?
— Parce que le sommeil vous gagne tout de
suite au point que vous prenez le premier tabac
venujdu moment où il vous pique un peu le riez,
pour du tabac supérieur.
— Ouais! fit Jonathan.
—■ C'est du tabac ordinaire, poursuivit M.Bar.
del, très-ordinaire, à telle enseigne que c'est le
Jlandlord de Queen's justice qui nous le vend.
Et M. Bardel ouvrit de nouveau sa- tabatière
qu'il ratourna lestement dans ses doigts et prit
i une autçê*p&e qu'il aspira avec une lenteur
complaisante.
Puis, regardant Jonathan :
— Allons, tâchez de ne pas vous endormir,
je reviendrai entre onze heures et minuit. j
Et M. Bardel s'en alla, au grand étonnement
-1* Jc»&tban, qui Je disait :
— Les choses ne se passent nullement com-
me l'avais prédit M. Wbip.
Au lieu de m'éloigner sous un prétexte quel-
conque, c'est M. Bardel, au contraire, qui s'en
va.
Et Jonathan se mit à arpenter le corridor
i d'un pas régulier et monotone, se disant en-
core :
— M. Whip va revenir, je suppose, quand il
n'entendra point parler de moi, et je lui rendrai
sa place ; car je crois bien que notre haine pour
Bardel nous a donné beaucoup d'imagination ce
soir.
Là-dessus, M. Jonathan s'avoua qu'il y avait
vingt ans passés que M. Bardel était gardien-
chef dans Bath square, et qu'il était bien diffi-
cile d'admettre, sans une excessive bonne vo-
lonté, qu'il faisait métier de faire évader des
prisonniers.
Et le gardien murmura :
— Je crois que Whip et moi, nous avions bu
un verre de gin de trop, ce sejr.
Tout en rendant peu à peu son estime à
M. Bardel, Jonathan continuait à se promener;
mais un singulier phénomène commençait à se
produire en lui.
Il avait froid, et il avait multiplié par deux fois
fois déjà les plis de son manteau autour de son
cou
Il avait froid au point qu'il se dit :
— Je gage qu'on a laissé éteindre le calori-
fère !
Car, il faut bien le dire, si l'Angleterre est im-
pitoyable pour les voleurs, si elle les punit
cruellement, elle n'abandonne pas complète-
ment ses principes de confortable.
Les corridors, les cellules sont chauffes
un calorifère, et les murs sont peints au vernie fc"
M.Jonathan avait donc si froid, qu'il GKik '
qu'on avait laissé éteindre le calorifère.
Il y a des courants d'air ici, murmura-t-il»
Et i1 gagna une sorte de guérite qui se trou-
vait à l'un des bouts du corridor pt dans la-
quelle le gardien de nuit avait licence de se re-
poser et de s'asseoir. » j
Le nàrcotique, absorbé dans la prise de tabac,
agissait, comme on le pense bien.
Une fois assis,L Jonathan eut encore plus
froid. Il voulut se relever, mais il lui sembla que
ses - jambes étalent engourdies.
En mê11uf tei11ps,' il éprouva un violent mal à
la tête et ses yeux se fermèrent.
— Ah ! ça, qu'est-ce que j'ai donc ? murmura-
t-il.
11 essaya de secouer la~torpear qui l'envahis-
sait par tout le cergs et ne put y parvenir.
Il voulut crier, appeler au secours, et sa Voies
ne put se faire jour à travers sa gorge crispée ,
A-: .i
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