Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1867-12-21
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 21 décembre 1867 21 décembre 1867
Description : 1867/12/21 (A2,N611). 1867/12/21 (A2,N611).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717613m
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL ~ ; UOTIDIEN ,
1
'
5 : ces^ Jf mflçér^
5 cent. k numéro ,
.ÂBO'NPf-E?î:^î(7fî-) j^-r- Trois mpis. Sij*moiSï,:i nPti J
.' -..Paris" ,'. n. ; ? .«i :i .•. & fr. > "r; ;;W fr:, !:'#©! fr
Dépârctiffiiènt.'T: 8 ' 'rt U f " • ■■■i.'.q
A flininistrateur : E. i^E^sVux.1 '.-v »• '
,
~
iSK'âanée. , SAMEDI 21 DECEMBRE 1867. — No 611
*13 «' - ~ '
directeur-Propriétaire : JAN N T N.
Rédacteur en chef: A. de Baiathier Bragelonne*
BUREAUX D'PO,nkemf,NT : », rue Drouot.
Administration : j 3. 'place Breda.
La Presse illustrée journal hebdoma-
daire à 10 centimes, est vendue 5 cen-'
times seulement à .toute personne qui
achète la Petite Presse' le samedi à Paris
et le dimanche en province, I
PARIS, 20 DÉCEMBRE 1867.
LE BAL DE L'OPÉRA
Demain, premier bal masqué à l'Opéra.
Les bals de l'Opéra datent de la Régence;
mais les bals costumés ne datent que de
1837.
Jusque là, les pierrots, les débardeurs et
les bergères allaient danser au théâtre des
Variétés et dans la salle Valentino. -
A l'Opéra, on se contentait de se promener
en habit noir, et d'intriguer en domino.
Feu le docteur Véron et son fermier des
bals, M. Mira, essayèrent d'introduire le cos- ~
lu nie rue Lepeletier. Il y eut scandale- on
s'en tint à une seule tentative. ,
. Forcé de renoncer à cette attraction et d'en
revenir aux habits noirs, M. Mira eut recours
aux moyens de recettes les plus variés.
J (\ vous ai raconté l'autre jour l'histoire des
tombolas. Le public lisait sur l'affiche : Une
jeune fille en loterie. On arrivait en foùle, et
le gagnant recevait une copie de la jeune fille
de Greuze.
C'était la méthode du physicien Comte, qui
s'avançait vers la rampe, et disait:
— Messieurs, à la fin de la soirée, j'esca-
moterai toutes les dames.
Deux heures afès,le sorcier reparâîssar^"un"
énorme bouquet à la main, et reprenant la
parole :
— Messieurs, disait-il, au commencement
de la séance, j'ai promis d'escamoter toutes les
dan.Gs. En voyant toutes ces fleurs dans ma
m:L,n. qui de vous osera dire que je n'ai pas
réuësi?...
Los messieurs applaudissaient à tout rom-
pre , les femmes souriaient, et l'on revenait
se faire escamoter.
Les tombons n'enrichirent pas M. Mira.
Alors il eut recours aux divertissements. Tan-
tôt on donnait aux habits noirs le spectacle
-
G > r 1 J ....... ;
d'un ballet.de grotesques, à petits corps et à
grosses .têtes, . représentant les personnages
célèbres ; tantôt, on faisait venir des dan-
seurs. espagnols.",'. '
; Hien n'y faisait. r: - ~
Enfin, : l'imprésario arracha au ministère
l'autorisation de donner un bal dansant et
costumé.' r
C'est a ce baigne le grand Musard fut deux
^^n^uafnlle
pour son fameux galop.
Il faut redire ces fastes :
Au bal Musélrd, au moment le plus entraî-
nant de la contredanse, on brisait une chaise,
et ce bruit avait le privilège de soulever les
bravos de toute la salle. Quand on fut blasé
sur le fracas de la chaise, on tira un coup de
pistolet. Mais, pour l'Opéra,. il fallait trouver
mieux. Musard imagina un petit mortier. A
la première décharge, la salle poussa un cri
de joie. ' L'odeur de la poudre enivrait les
danseurs. Quand le mortier tonna de nou-
veau, on se mit à hurler et à s'agiter avec
frénésie. Musard fut enlevé de vive force de
son fauteuil et promené par le bal sur les
épaules de -deux forts de la Halle.
Dès lors, il rêva un nouveau triomphe, et,
d'un effort de son génie, sortit ce galop infer-
nal, dansé par quatre mille pieds, gesticulé
par quatre mille bras, accompagné en chœur
par deux mille bouches...
Son habit y passa, mais les. bals de l'Opéra
étaient fondés.
Après M. Mira, quatre spéculateurs affer-
_rp,èr nt. leg. bals à la direction de l'Opéra,
moyennant quarante mille francs par an. Le ~
bail était de cinq ans.
Ce fut la grande époque.
En 1839, Mme de --Girardin écrivait dans
un dè ses courriers de Paris :
« On ne cause plus au bal de l'Opéra. b
On n'y causait plus, en effet, mais du
moins on y dansait.
Relisez les physiologies du temps :
« Il est minuit. Musard monte lès degrés
de son trône. Tous les débardeurs vont être'
au rendez-vous... »
Quand les trains de bois de la Bourgogne 1
arrivent dans les eaux de Bercy, des hommes j
en culotte effrangée retenue à la taille par I
une ceinture de laine, les brns êt les jambes
i nus , entrent dans l'eau pour décharger les
bûches. Sous la Restauration, beaucoup de
vieux soldats, sans profession et sans pain, se
firent débardeurs sur le port" de Bercy. Ils
avaient gardé leur bonnet de police...
La gravure s'empara de cette physiono-
mie pittoresque, et le soldat-débardeur fit le
tour des albums et des jotirnatix' Son costu-
pPârievintJ^ travestissement à la mode , et
coucro^t, dans les bals , legpôlicihineUftB, 188
pierrots et des bergères de la tradition.
Les pièces et les livres en vogue inspirè-
rent tour à tour la fantaisie des costumier-.
Les Ours , les Pachas , les Juifs-Errants, pré-
cèdèrent les Marocains du bombardement de
Tanger, et les reines Pomaré de l'indemnité
Pritchard. Les événements du jour avaient
succédé aux pièces en vogue ; le génie indivi-
duel réclama sa place dans les quadrilles.
Chicard , l'homme le plus gai de France, —
_employé des pompes funèbres et roi de l'Opé-
ra, créa les Chicards...
Après 1848, quand MM. Duponchel et
Nestor Roqueplan prirent l'Opéra, on crut à
un retour des habits noirs. On savait la pré-
férence de M. Nester Roqueplan pour les bals
où l'on causè. Aux Variétés, il avait organisé
des bals , dits bals de dominos. Les femmes
n'y étaient reçues qu'en domino, et les hom- -
mes qu'en frac. On devait avoir beaucoup
d'esprit, du meilleur et du plus distingué.
Vers la fin du bal, un gentleman en frac
s'approcha d'une grande dame en domino, et
lui dit :
Madame, me fera-t-elle l'honneur d'ac-
cepter mon bras ?
Le domino répondit:
— As-tu de Vost...
Néanmoins, M. Roqueplan avait tenu bon.
Survint M. Grimaldi, qui lui offrit deux cent
cinquante mille francs, pour dix ans, des bals
de l'Opéra.
Le nouveau directeur soupira, en pensant
aux habits noirs, et signa le ba'it,, en consi-
dérant la recette.
Depuis'une dizaine d'années, les bals de
l'Opéra sont dirigés par Strauss,
Je ne dirai jamais tout le bien queje pense,
. de ce chef d'orchestre et de cet antiquaire.
lU. Strauss entre en scène à minuit, le col
orné d'une cravate blanche, dont le nœud est
d'une correction et d'une régularité irrépro-
chafles. Rien qui bronche dans la tenue du
maître. Il lève froidement son bâton,, et cha-
cun de ses gestes est empreint d'une autorité
classique. Une heure se passe. Regardez. Il
n'y a encore qu'un bouton du gilet de défait, .
^ais^ejK^uf^a^m^erceptib|^^^^incliné à
Un galop, le voilà sur la nuque. Il continue
son voyage de circum-navigation. Quand il à
repris sa place sous le menton, le bal est
fini.
Le chef d'orchestre, les employés, le mou-
vement, un grand ensemble diapré et tapa-
geur, voilà le beau côté du bal -de l'Opéra.
Placez-vous dans une loge, et prenez-le
comme un spectacle, vous ne serez volé qu'à
moitié. Màis, pour Dieu ! ne descendez pas
dans le cirque !
Là s'agite l'indescriptible cohue des entrées
gratuites et des danseurs soldés. Clodúche a
remplacé Chicard. Au quadrille gai a succédé
le tour de force des acrobates, les uns vêtus
en hommes, les autres en femmes, femmes et
hommes faisant le grand écart comme des -
clowns du Cirque, et la quête dans les loges
comme des mendiants. C'est hideux.
Les célébrités de Mabille viennent en do-
! mino'au bal de l'Opéra. Parmi les femmes qui
j dansent, plus de Carabine, de Baïonnette et
de Sabredache, comme au début; plus, même
de Mogador et de Reine Pomaré ; mais d'af-
freux bébés, et des fantaisies sans nom, par- .
mi lesquelles quelques gamins cerise,, venus
du Casino, circulent avec une sorte de royauté.
L'orchestre joue la Femme à. barbe et le Pied
qui fmue. Des chanteurs sont mêlés aux mu-
siciens, et les voix alternent avec les cuivres
et les violons....
Reste l'esprit des loges et-les intrigues du
foyer.
M. Charles Joliet, journaliste au Charivari,
historien à la Situation, romancier chez
Faure, et poëte partout, a chanté l'esprit du
bal de l'Opéra.
De vieux mots frelatés, des quolibets vulgaires
Forment l'esprit du lieu; mais, s'il n'est pas très-fin,
Cela lient au progrès de l'industrie ; enfin,
On croirai t. assister au congrès des notaires.
ROCAMBOLE
mess=""N° 42 LES
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIÈRE PARTIE
L'ENFANT PERDU
1\° 42
II
Il n'y a pas de fortifications à Londres comme
ï Paris, pas de portes, pas de grilles affectées à
'.'octroi. ,
-
.L'oc',:oi n'exIste pas. 1
Londres ne finit pas, comme disent les gens
au peuple. A part la cité proprement dite, tout
le reste est ce qu'on appelle l'agglomération.
Voir le numéro du S novembre.
Cela explique comment le petit Irlandais avait
quitté Hampsteadt et était revenu dans Londres
sans s'en douter.
Après avoir erré dans Kings'street, il avait
fini par tomber dans Niegh-street et c'était sous
le porche d'une maison de Gloucester Place
que l'Irlandaise Suzannah l'avait trouvé.
Il fit bien un peu de résistance, tout d'abord;
mais la jeune femme le regardait avec des yeux
si doux, elle lui parlait d'un ton si affectueux,
qu'il nuit, par céder.
— Vrai? dit-il, vous êtes Irlandaise? '
— Je suis née à Cork, mon mignon.
— Et vous m'aiderez à retrouver ma mère ?
— Si elle est Irlandaise, ce sera facile...
— Ah ! fit-il en la regardant encore.
Elle eut un sourire triste: .
— Tous les Irlandais sont malheureux, dit-
elle, et même à Londres, tous les malheureux
se connaissent.
— Bien sûr, madame, vous ne me trompez
pas ?
— Non, mon enfant.
Et elle l'embrassa; puis elle lui dit encore:
— Mais où derueare-t-elle, ta mère? dans
quelle- rue ?
L'enfant n'avait retenu qu'un llom Saini-
Gîtiet,
— Ce n'est pas une rue, dit-elle, c'est une
église,
— C'est toujours par là, dit Ralph.
'— Eh bien! nous irons à St-Gilles; si tu
cherches ta mère , dit-elle , il est probable que
ta mère te cherche aussi.. "
Cette pensée illumina l'esprit de l'enfant.
— Oh ! oui, dit-il.
— Et, poursuivit Suzannah, elle ira demain à
St-Gilles.
— Demain? fit l'enfant, pourquoi pas ce
soir? N
— Mais, mon mignon , dit'Suzannah, parce
que les églises sont fermées à cette heure.
Les enfants raisonnent avec une logique ri-
goureuse, ce que lui disait cette femme lui parut
juste.-
Il essuya ses larmes, mais il poussa un pro-
fond soupir en murmurant •.
— Demain... comme c'est long! •
— Mais non , dit-elle en souriant, tu ne sais
donc pas qu'il est minuit?
Tout en parlant, ils avaient fait un bout de
chemin, se dirigeant toujours vers le Sud.
Les .rues devenaient plus éclairées, plus bru-
yantes.
Dans eerîains quartiers excentriques, Londres
as*, oins animé la nuit oue !e iour. ^ !
Suzannah marchait doucement pour ménager *
les petites jambes de Ralph.
Arrivé devant un marchand de coniestibles ,
elle lui dit :
— As-tu faim ? veux-tu manger?
Non, dit l'enfant.
Ils continuèrent leur route.
Ils étaient- maintenant dans un.e large rue
qu'on nomme Graysam Road.
La foule nocturne devenait plus compacte.
Plusieurs hommes abordèrent Suzannah. et
lui tinrent des propos que l'enfant ne comprit
pas. #1/> ' . -
■ Elle les repoussa.
Un autre lui dit :
— Tu fais bien la fière, aujourd'hui.
Suzannah répondit :
— Aujourd'hui je suis mère de famille. .
Et elle continua son chemin.
Quelques pas plus loin, elle fut abordée par
un autre, un homme d'assez mauvaise mine,
qui l'appela par son nom.
— Quoi de nouveau, St:l-zannah ? lui dit-il.
— Rien.
— Gomment va Bulton?
— Je ne sais pas... Voici deux jours que j«',
ne l'ai vu, dit-elle.
Et sa voix subit une légère altération»
Serait il hlo:::mé? -, -
JOURNAL ~ ; UOTIDIEN ,
1
'
5 : ces^ Jf mflçér^
5 cent. k numéro ,
.ÂBO'NPf-E?î:^î(7fî-) j^-r- Trois mpis. Sij*moiSï,:i nPti J
.' -..Paris" ,'. n. ; ? .«i :i .•. & fr. > "r; ;;W fr:, !:'#©! fr
Dépârctiffiiènt.'T: 8 ' 'rt U f " • ■■■i.'.q
A flininistrateur : E. i^E^sVux.1 '.-v »• '
,
~
iSK'âanée. , SAMEDI 21 DECEMBRE 1867. — No 611
*13 «' - ~ '
directeur-Propriétaire : JAN N T N.
Rédacteur en chef: A. de Baiathier Bragelonne*
BUREAUX D'PO,nkemf,NT : », rue Drouot.
Administration : j 3. 'place Breda.
La Presse illustrée journal hebdoma-
daire à 10 centimes, est vendue 5 cen-'
times seulement à .toute personne qui
achète la Petite Presse' le samedi à Paris
et le dimanche en province, I
PARIS, 20 DÉCEMBRE 1867.
LE BAL DE L'OPÉRA
Demain, premier bal masqué à l'Opéra.
Les bals de l'Opéra datent de la Régence;
mais les bals costumés ne datent que de
1837.
Jusque là, les pierrots, les débardeurs et
les bergères allaient danser au théâtre des
Variétés et dans la salle Valentino. -
A l'Opéra, on se contentait de se promener
en habit noir, et d'intriguer en domino.
Feu le docteur Véron et son fermier des
bals, M. Mira, essayèrent d'introduire le cos- ~
lu nie rue Lepeletier. Il y eut scandale- on
s'en tint à une seule tentative. ,
. Forcé de renoncer à cette attraction et d'en
revenir aux habits noirs, M. Mira eut recours
aux moyens de recettes les plus variés.
J (\ vous ai raconté l'autre jour l'histoire des
tombolas. Le public lisait sur l'affiche : Une
jeune fille en loterie. On arrivait en foùle, et
le gagnant recevait une copie de la jeune fille
de Greuze.
C'était la méthode du physicien Comte, qui
s'avançait vers la rampe, et disait:
— Messieurs, à la fin de la soirée, j'esca-
moterai toutes les dames.
Deux heures afès,le sorcier reparâîssar^"un"
énorme bouquet à la main, et reprenant la
parole :
— Messieurs, disait-il, au commencement
de la séance, j'ai promis d'escamoter toutes les
dan.Gs. En voyant toutes ces fleurs dans ma
m:L,n. qui de vous osera dire que je n'ai pas
réuësi?...
Los messieurs applaudissaient à tout rom-
pre , les femmes souriaient, et l'on revenait
se faire escamoter.
Les tombons n'enrichirent pas M. Mira.
Alors il eut recours aux divertissements. Tan-
tôt on donnait aux habits noirs le spectacle
-
G > r 1 J ....... ;
d'un ballet.de grotesques, à petits corps et à
grosses .têtes, . représentant les personnages
célèbres ; tantôt, on faisait venir des dan-
seurs. espagnols.",'. '
; Hien n'y faisait. r: - ~
Enfin, : l'imprésario arracha au ministère
l'autorisation de donner un bal dansant et
costumé.' r
C'est a ce baigne le grand Musard fut deux
^^n^uafnlle
pour son fameux galop.
Il faut redire ces fastes :
Au bal Musélrd, au moment le plus entraî-
nant de la contredanse, on brisait une chaise,
et ce bruit avait le privilège de soulever les
bravos de toute la salle. Quand on fut blasé
sur le fracas de la chaise, on tira un coup de
pistolet. Mais, pour l'Opéra,. il fallait trouver
mieux. Musard imagina un petit mortier. A
la première décharge, la salle poussa un cri
de joie. ' L'odeur de la poudre enivrait les
danseurs. Quand le mortier tonna de nou-
veau, on se mit à hurler et à s'agiter avec
frénésie. Musard fut enlevé de vive force de
son fauteuil et promené par le bal sur les
épaules de -deux forts de la Halle.
Dès lors, il rêva un nouveau triomphe, et,
d'un effort de son génie, sortit ce galop infer-
nal, dansé par quatre mille pieds, gesticulé
par quatre mille bras, accompagné en chœur
par deux mille bouches...
Son habit y passa, mais les. bals de l'Opéra
étaient fondés.
Après M. Mira, quatre spéculateurs affer-
_rp,èr nt. leg. bals à la direction de l'Opéra,
moyennant quarante mille francs par an. Le ~
bail était de cinq ans.
Ce fut la grande époque.
En 1839, Mme de --Girardin écrivait dans
un dè ses courriers de Paris :
« On ne cause plus au bal de l'Opéra. b
On n'y causait plus, en effet, mais du
moins on y dansait.
Relisez les physiologies du temps :
« Il est minuit. Musard monte lès degrés
de son trône. Tous les débardeurs vont être'
au rendez-vous... »
Quand les trains de bois de la Bourgogne 1
arrivent dans les eaux de Bercy, des hommes j
en culotte effrangée retenue à la taille par I
une ceinture de laine, les brns êt les jambes
i nus , entrent dans l'eau pour décharger les
bûches. Sous la Restauration, beaucoup de
vieux soldats, sans profession et sans pain, se
firent débardeurs sur le port" de Bercy. Ils
avaient gardé leur bonnet de police...
La gravure s'empara de cette physiono-
mie pittoresque, et le soldat-débardeur fit le
tour des albums et des jotirnatix' Son costu-
pPârievintJ^ travestissement à la mode , et
coucro^t, dans les bals , legpôlicihineUftB, 188
pierrots et des bergères de la tradition.
Les pièces et les livres en vogue inspirè-
rent tour à tour la fantaisie des costumier-.
Les Ours , les Pachas , les Juifs-Errants, pré-
cèdèrent les Marocains du bombardement de
Tanger, et les reines Pomaré de l'indemnité
Pritchard. Les événements du jour avaient
succédé aux pièces en vogue ; le génie indivi-
duel réclama sa place dans les quadrilles.
Chicard , l'homme le plus gai de France, —
_employé des pompes funèbres et roi de l'Opé-
ra, créa les Chicards...
Après 1848, quand MM. Duponchel et
Nestor Roqueplan prirent l'Opéra, on crut à
un retour des habits noirs. On savait la pré-
férence de M. Nester Roqueplan pour les bals
où l'on causè. Aux Variétés, il avait organisé
des bals , dits bals de dominos. Les femmes
n'y étaient reçues qu'en domino, et les hom- -
mes qu'en frac. On devait avoir beaucoup
d'esprit, du meilleur et du plus distingué.
Vers la fin du bal, un gentleman en frac
s'approcha d'une grande dame en domino, et
lui dit :
Madame, me fera-t-elle l'honneur d'ac-
cepter mon bras ?
Le domino répondit:
— As-tu de Vost...
Néanmoins, M. Roqueplan avait tenu bon.
Survint M. Grimaldi, qui lui offrit deux cent
cinquante mille francs, pour dix ans, des bals
de l'Opéra.
Le nouveau directeur soupira, en pensant
aux habits noirs, et signa le ba'it,, en consi-
dérant la recette.
Depuis'une dizaine d'années, les bals de
l'Opéra sont dirigés par Strauss,
Je ne dirai jamais tout le bien queje pense,
. de ce chef d'orchestre et de cet antiquaire.
lU. Strauss entre en scène à minuit, le col
orné d'une cravate blanche, dont le nœud est
d'une correction et d'une régularité irrépro-
chafles. Rien qui bronche dans la tenue du
maître. Il lève froidement son bâton,, et cha-
cun de ses gestes est empreint d'une autorité
classique. Une heure se passe. Regardez. Il
n'y a encore qu'un bouton du gilet de défait, .
^ais^ejK^uf^a^m^erceptib|^^^^incliné à
Un galop, le voilà sur la nuque. Il continue
son voyage de circum-navigation. Quand il à
repris sa place sous le menton, le bal est
fini.
Le chef d'orchestre, les employés, le mou-
vement, un grand ensemble diapré et tapa-
geur, voilà le beau côté du bal -de l'Opéra.
Placez-vous dans une loge, et prenez-le
comme un spectacle, vous ne serez volé qu'à
moitié. Màis, pour Dieu ! ne descendez pas
dans le cirque !
Là s'agite l'indescriptible cohue des entrées
gratuites et des danseurs soldés. Clodúche a
remplacé Chicard. Au quadrille gai a succédé
le tour de force des acrobates, les uns vêtus
en hommes, les autres en femmes, femmes et
hommes faisant le grand écart comme des -
clowns du Cirque, et la quête dans les loges
comme des mendiants. C'est hideux.
Les célébrités de Mabille viennent en do-
! mino'au bal de l'Opéra. Parmi les femmes qui
j dansent, plus de Carabine, de Baïonnette et
de Sabredache, comme au début; plus, même
de Mogador et de Reine Pomaré ; mais d'af-
freux bébés, et des fantaisies sans nom, par- .
mi lesquelles quelques gamins cerise,, venus
du Casino, circulent avec une sorte de royauté.
L'orchestre joue la Femme à. barbe et le Pied
qui fmue. Des chanteurs sont mêlés aux mu-
siciens, et les voix alternent avec les cuivres
et les violons....
Reste l'esprit des loges et-les intrigues du
foyer.
M. Charles Joliet, journaliste au Charivari,
historien à la Situation, romancier chez
Faure, et poëte partout, a chanté l'esprit du
bal de l'Opéra.
De vieux mots frelatés, des quolibets vulgaires
Forment l'esprit du lieu; mais, s'il n'est pas très-fin,
Cela lient au progrès de l'industrie ; enfin,
On croirai t. assister au congrès des notaires.
ROCAMBOLE
mess=""N° 42 LES
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIÈRE PARTIE
L'ENFANT PERDU
1\° 42
II
Il n'y a pas de fortifications à Londres comme
ï Paris, pas de portes, pas de grilles affectées à
'.'octroi. ,
-
.L'oc',:oi n'exIste pas. 1
Londres ne finit pas, comme disent les gens
au peuple. A part la cité proprement dite, tout
le reste est ce qu'on appelle l'agglomération.
Voir le numéro du S novembre.
Cela explique comment le petit Irlandais avait
quitté Hampsteadt et était revenu dans Londres
sans s'en douter.
Après avoir erré dans Kings'street, il avait
fini par tomber dans Niegh-street et c'était sous
le porche d'une maison de Gloucester Place
que l'Irlandaise Suzannah l'avait trouvé.
Il fit bien un peu de résistance, tout d'abord;
mais la jeune femme le regardait avec des yeux
si doux, elle lui parlait d'un ton si affectueux,
qu'il nuit, par céder.
— Vrai? dit-il, vous êtes Irlandaise? '
— Je suis née à Cork, mon mignon.
— Et vous m'aiderez à retrouver ma mère ?
— Si elle est Irlandaise, ce sera facile...
— Ah ! fit-il en la regardant encore.
Elle eut un sourire triste: .
— Tous les Irlandais sont malheureux, dit-
elle, et même à Londres, tous les malheureux
se connaissent.
— Bien sûr, madame, vous ne me trompez
pas ?
— Non, mon enfant.
Et elle l'embrassa; puis elle lui dit encore:
— Mais où derueare-t-elle, ta mère? dans
quelle- rue ?
L'enfant n'avait retenu qu'un llom Saini-
Gîtiet,
— Ce n'est pas une rue, dit-elle, c'est une
église,
— C'est toujours par là, dit Ralph.
'— Eh bien! nous irons à St-Gilles; si tu
cherches ta mère , dit-elle , il est probable que
ta mère te cherche aussi.. "
Cette pensée illumina l'esprit de l'enfant.
— Oh ! oui, dit-il.
— Et, poursuivit Suzannah, elle ira demain à
St-Gilles.
— Demain? fit l'enfant, pourquoi pas ce
soir? N
— Mais, mon mignon , dit'Suzannah, parce
que les églises sont fermées à cette heure.
Les enfants raisonnent avec une logique ri-
goureuse, ce que lui disait cette femme lui parut
juste.-
Il essuya ses larmes, mais il poussa un pro-
fond soupir en murmurant •.
— Demain... comme c'est long! •
— Mais non , dit-elle en souriant, tu ne sais
donc pas qu'il est minuit?
Tout en parlant, ils avaient fait un bout de
chemin, se dirigeant toujours vers le Sud.
Les .rues devenaient plus éclairées, plus bru-
yantes.
Dans eerîains quartiers excentriques, Londres
as*, oins animé la nuit oue !e iour. ^ !
Suzannah marchait doucement pour ménager *
les petites jambes de Ralph.
Arrivé devant un marchand de coniestibles ,
elle lui dit :
— As-tu faim ? veux-tu manger?
Non, dit l'enfant.
Ils continuèrent leur route.
Ils étaient- maintenant dans un.e large rue
qu'on nomme Graysam Road.
La foule nocturne devenait plus compacte.
Plusieurs hommes abordèrent Suzannah. et
lui tinrent des propos que l'enfant ne comprit
pas. #1/> ' . -
■ Elle les repoussa.
Un autre lui dit :
— Tu fais bien la fière, aujourd'hui.
Suzannah répondit :
— Aujourd'hui je suis mère de famille. .
Et elle continua son chemin.
Quelques pas plus loin, elle fut abordée par
un autre, un homme d'assez mauvaise mine,
qui l'appela par son nom.
— Quoi de nouveau, St:l-zannah ? lui dit-il.
— Rien.
— Gomment va Bulton?
— Je ne sais pas... Voici deux jours que j«',
ne l'ai vu, dit-elle.
Et sa voix subit une légère altération»
Serait il hlo:::mé? -, -
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