Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1867-12-19
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 19 décembre 1867 19 décembre 1867
Description : 1867/12/19 (A2,N609). 1867/12/19 (A2,N609).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717611s
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
. & Cdjt. k numéro
éùzmwjiL QUOTmmm
S cent k numéro
— Trois mois. * ■* tu,
,~,. Paris ..... & fr. 'r ^ fr.
D^par:.t':;"'-:U,y le'; 1 t-I 2
Administrateur : E. Liti,SAiii.
I® année. - JEUDI 19 DECEMBRE 11867. — No 609
Dircc!cur-Proprieiair? : J A >' î* t N.
Ii,-?'.l.cteur (;■' r. n-f , .v OH I> A r. A T n / S n ï: A !'■ i\ L 0 N N 3
Fî U Tt t'j A ii X . >1 y, * ; y v>l ] ; ■ -- * £. ;lwr? "ï,
A !iM IN !STK ATIOiS^f'*! TU». t-,
La Presse illustrée journal hebdoma-
daire à 10 centim.es, est vendue 5 cen-
times seulement à toute personne qui
achète la Petite Presse le samedi à Paris
et le dimanche en province.
PARIS, 18 DÉCEMBRE 1867.
LES AMIS AU RÉGIMENT
A Monsieur Ernest Crépey
Mon cher ami, vous rappelez-vou* nos an-
goisses, lorsqu'il y a quatre ans E'PUJJ'd
Geoffroy partit pour faire la campagne du
Mexique ? Les poignées de main de tous les
jours, même échangées avec ceux qu'on aime,
ne diffèrent guère du coup de chapeau qu'on ac-
corde à un indifférent. Mais la poignée. de main
du départ i... Ah*! dans celle-là, on met* ce-
qu'on a de meilleur en soi, c'est-à-dire l'ou-
bli de soi-même et, la préoccupation d'autrui.
Que va devenir celui qui s'en va.? Il y a la
mer d'abord, la guerre ensuite, ensuite et
surtout l'inconnu.... *
.... Te re{erEnt fluct-us !....
Que les flots te rapportent!..
Mais avant de te rapporter, ils apporteront
ine lettre de toi.. Comme4 on l'attend,
îe-tte première lettre du voyageur! Elle vient
mfin.
cr ... La traversée a été bonne. (Ah !) Notre
hôtelier de la Vera-Çruz était un ancien avo-
cat français, devenu ingénieur à Mexico,, puis
marchand de bœufs, puis rédacteur en. chef
j'un journal,et enfin aubergiste... (On rit.) Le
tfil͡. "e composait de trois-ou quatre vieux
wagons sans compartiments, exportés des
Etats-Unis après leur mise hors de service. En
tète, figurait un appareil qu'on m'a dit depuis
être une locomotive, mais d'une forme ,si
ancienne qu'elle avait dû être construite avant
l'invention de la vapeur. 8"ur le tender on
avait placé un obusier pour défendre'le convoi
iontre les bandes de voleurs, qui, blasés sur
l'attaque des diligences/auraient pu arrêter
les trains. Ces derniers, du reste, avancent
avec une lenteur qui permet aux touristes de
déiailler les beiutés du paysage : d/immenses
marais, dont les eaux croupies sont peuplées
le caïmans, de serpents et de crapauds mon-
strueux, caches dans les pentes au feuillage d'lm vert sombre. De temps 1
en temps un ibis, penche sur un ;)icd, j
la tête-sous son aile, personnifie la désolation
au milieu de ce domaine de la mort. Nous
.sommes dans'la patrie du t'orna, aux ex'ha-
laisons mortellr's, à l'air humide, lourd,
étouffant. On respire à peine pendant deux
!1enN'<:. Puis les lataniers, les magno'i'as, res
h:::naQ.iers, les palmiers, toutes les plantes
des tropiques, se succèdent, étalant leurs
fleurs bl''ues, jaunes, blanches, pourpres,
formant dans leurs entrelacements d'immen-
ses berceaux, où voltigent les oiseaux aux
couleurs diaprées... »
— Ah ! c'est gentil de nous avoir écrit tout
.cela!... Est il heureux, cet animal, de voir
ces palmiers et ces crapauds!
Laléttre's'arrète à Mexico. Un mois se passe,
la seconde lettre n'arrive pas. — C'est que le
service des postes est m'ai fait là-bas!... A la
fin du second mois, on s'inquiète sérieuse-
ment; mais, cette fois, la lettre arrive. Notre
ami nous décrit Mexico. C'est une ville char-
mante. Aussi il la quitte, pour aller en expé-
dition. Pourra-t-il hous' donner de ses nou-
venes? Il l'espère, sans oser y compter, étant
donné le pas s. — Bah ! Il ne lui arrivera rien
de fâcheux... Il est né sous une bonne étoile...
11 est bien revenu d'autres fOls..
' »
Trois mois se passent encore. Un matin, au
ca!'è.. en déjeunant, vous jetez les yeux sur
l'Indcpendancê belge. Combat de Tacamburo.
Vous lisez... ISe nom de "m)t.re ami, sur une
liste, attire vos yeux. '
Cette liste est celle des morts !
Je vivrais cent ans que je n'oublierai ja-
mais cette matinée..Nous nous' regardions.
Nous relisionsTarticle. Nous nous regardions
encore. Moi, je voulais absolument me filC-
crocher à un espoir. Les Mexicains avaient
fait des prisonniers à Tacamburo. S'il n'était.
que prisonnier? Blessé, il avait très-bien pu
être laissé pour mort sur 3e champ de ba-
taille, puis ramassé et emmené en captivité.
Avant de désespérer, il fallait attendre,
écrire ; c surtout, il fallait garder pour nous
seuls la fatale nouvelle, et faire en sorte que
rien n'en arrivât à sa mère et à sa. sœur. L'in-
certitude est cruelle, dit-on. C'est un bienfait,
en pareil cas. Soit. Mais nous n'espérions
guère. Je le répète, ce fut un terrible mo-
ment.
Et ce mauvais plaisant-de Geoffroy, en
effet, n'était pas mort. Il avait même été fu-
sillé. deuv fois depuis. -M-ns, la première fois,
!en fusils avaient raté. et, la fécondé, il avait
oblfrnu, moyennant le don d'un'couteau de
sept 'sou.--,, que les Indiens fissent fél1 pnr-dessus
sa tête. Et, trois ans, jour pour jour, après
son départ, nous nous sommes retrouvés un
matin sur vôtre palier, allant vous deman-
der à déjeuner comme autrpfoi-s.
Voilà les amis du régiment, — une source
d'émotions, je le reconnais. Quand, comme
pour Geoffroy, le deuil se charge en joie,
passe encore. Mais, le plus souvent, hé'as!
les mauvaises nouvelles denteurent sans
compensation.
Il y ajuste un an, un jeune homme, les
cheveux en brosse, le ruban muge à la der-
nière boutonnière de sa redingote serrée à la
taille, un officier en bourgeois, se présenta
au bureau du journal. — M. Tony Révillon ?
— C'est moi, monsieur. — Tune me re-
connais pas? — Louis Perraud ! m'écriai-je.
C'était mon meilleur ami d'il y avait quinze
ans, au lycée de Lyon. -
Nous passions non récréations à causer en-
semble ; nous mettions en commun notre pe-
tite bourse, nos plumes,notre papier Pendant
les vacances, il v.nait passer une semaine
chez mes parents à la campagne. De retour à
la ville, j'allais dîner avec lui chez son père.
•Puis, nos études terminées, nous ne nous
étions plus revus. Je faisais des expéditions
chez un notaire, à Lyon,"pendant qu'il mon-
tait à cheval, à Saumur. Quand j'avais quitté
Lyon pour Paris, il avait quitté la France pour
l'Algérie, puis l'Algérie pouf "le Sb éga1. Les ;
événements de ces quinze aas pouvaient se
raconter en une heure 'Louis Perraud s'était
battu bravement. Il avait été Messe plusieurs J
fois. Sa dernière blessure avait nécessité les
eaux,de Bagnères, et il était revenu en France,
avec un congé de six mois. A Lyon, chez son
père,il avait trouvé la Petite Presse; il y avait -
lu mon nom, et il venait m'embrasser et pas-
ser quelques jours avec moi.
Le soir, il nous semblait que nous ne nous
étions jamais quitté. C'est, qu'à côté de la
sympathie qui résulte d'une fréquentation
journalière, il en est une mire préférable peut
être, qui naît de la communauté des idées.
Qu'importe que l'un ait vécu dans le Midi,
et l'autre dans le Nord, quand tous deux on
a "pensé de même, et qu'on a les mêmes opi-
nions sur les hommes et sur les choses de
son temps? Il suffit alors de quelques heures
pour effacer des années de séparation
Per rau d, espr i t eu ri eu x et stu dieux, ce qui est
tout un,était devenu un savant Un verre d ab-
sinthe le faisait tems-sc-r, mais il traduisait le
Coran, et savait les deux ou trois ara-be qu'on
parle en Afrique. Ce qui l'avait surtout séduit
en allant au Sénégal, c'était l'espoir d'y con-
tinuer ses études avec des.éléments nouveaux.
La fièvre des voyages l'avait pris, et il avait
voulu remonter le Niger, comme notre autre
compatl'iotë<'Ie capitaine Girard. Il était parti,
avait fait une soixantaine de. lieues au-delà.
de la colonie ; mais, faute de moyen?, suffi-
sants, il avait été contraint de revenir ,-l Saint-
Louis. Du reste, il faisait les plus beaux pro-
jets d'explorations et de découvertes. Une
fois, me disait-il, qu'on a vécu de' la vie du
désert, toute autre vie serait insupportable.#
Je ne me fais pas d'illusion ; là-bas, ma peau
est un peu moins en sureté qu'ici, mais, j'au-
rais un million que j'y retournerais encore.
Et puis, ajoutait-il en riant, j'ait eu la fièvre
deux, fois, je suis acclimaté.
Il devait passer huit jours à Paris: Il y de-
meura un mois. Il allait, au Gymnase Paz,
lever des altères pour fortifier son bras blessé.
Le soir, il venait chez moi. Le premier jan-
vier. nous nous souhaitâmes la bonne année.
Le dix, je lui souhaitai un bon voyage. Il
m'avait promis de m'écrire de Lyon. Il m'écri-
vit de Bardeaux. Une autre lettre de Saint- -
Louis contenait le récit , d'une tempère. Il
avait été un peu secoué ; puis on avait réparé
les avaries, et le voyage s'était achevé sans
accidents.
Vous le savez, mon cher ami, je suis un
peu paresseux. Est-ce parce que j'écris beau-
coup pour les imprimeurs? mais une lettre
pour moi est uneffifïalre d'Etat. A certains
jours, j'écris trente lettres à la fois , afin
d'avoir ensuite un mo.is à me pardonner ma
négligence. Dernièrement, je répondis à Per-
raud. J'étais tout fier. — XII ! me disais-je,
il doutait de mon exactitude ; je ne suis p-as
fâché de lui donner un démenti !...
Hélas ! ma lettre est arrivée trop tard.
J'ai reçu, hier, une lettre de Lyon. Le cou-
sin de Louis Perraud, mon camarade de
collège comme lui, Troubat, m'annonçait
que notre pauvre ami était mort à Saint-
Louis, — mort de la fièvre. — « Je suis ac-
climaté, » disait-il. Il paraît qu'il y a des cli- ,
j mats auxquels on ne s'acclimate point.
i
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
P A R
POISON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA NOURRISSEUSE D'ENFANTS
XLI
i)
L-'If'i.u'.daixe regardait l'homme gris avec une
'. Itupeur défiante.
— Tous ne me croyez pas? dit-il c"!f!n.
liiie ne répondit point.
— Vous ne me croyez pas, de même que vous
n'ayez pas cru le prêtre. Vous avez préféré
Vciî le r:mtIJéro du S novembre.
croire cet homme qui, en effet, était le frère de
sir Edmund, mais qui l'a livré à ses bourreaux.
Cette fois l'Irlandaise retrouva la parole :
- Hé ! qui m'assure, dit-elle, que ce que
vous me dites là est la vérité?
— C'est juste, dit-il avec douceur, une pre-
mière fois je vous ai promis de vous rendrervo.
tre. fils, et je n'ai pu tenir ma parole. Vous avez
le droit de ne pas me croire.
— Rendez-moi mon fils," dit-elle, et je vous
croirai.
— Mais pour que je vous le rende, M faut que
vous sortiez d'ici.
— Pourquoi ?
— Ecoutez-moi bien, continua-t -il avec dou-
ceur: votre fils, enlevé par une 'femme qui vend
des enfants, votre fils, errant et-perdu dans
les rue¡¡ de Londres, est moins séparé de vous,
que s'il était là, dans cette chambre, sous ce toit
maudit.
Que vous a. dit l'homme qui vous a amenée
ici?
Il vous (i dit : Je suis le frère de l'époux que
vous pleurez. Venez, ma maison sera votre mai-
son, votre fils sera mon fils.
Il nÚ\ dit cela, en effet, dit Jenny l'Irlan-
daise.
— Cet homme, poursuivit l'homme gris, t¡en-
dra eu -parue sq promesse. Vous, la fille du
peuple, vous vivrez comme une lady. Votre fils
retrouvé sera élevé comme un fils de lord.
— Vous voyez bien! dit la pauvre mère.
— Attendez donc,"reprit l'homme gris. Mais
vous pouvez mourir,-vous...
■— Que m'importe! si mon fils est heureux...
— Certainement, il le sera. Je vous le répète,
on l'élèvera comme un fils de lord, dans l'amour
de l'Angleterre, dans la haine de l'Irlande, dans
le mépris des martyrs !
Jenny tressaillit et attacha un regard éperdu
sur l'homme gris.
— Que dites-vous donc là? s'écria-t-elle.
— Votre époux n'est-il pas mort pour l'Ir-
lande, en maudissant l'Angleterre ?
— C'est vrai,* dit-elle. Mais lord Palmure...
— Lord Palmure est pair d'Angleterre, Jenny, !
et il avait le pouvoir d'arracher sir Edmund au J
gibet, j
Elle jeta un cri, et, le regardant de nouveau :
— Est-oe bien vrai ce que vous me dites-ià?
fit-elle. Ne me trompez-vous pas encore ?
— Regardez-moi bien...
Et il laissa, à son tour, peser sur elle cet œil
profond et magnétique qui subjuguait.
— Oui, dit-elle enfin, oui, je vous crois.
— Attendes encore, reprit-il. Avant de sortir
d'ici, Jenny, il faut que vous choisissiez. vous-
même. destinée cle votre erifs.'".!-.
Et comme elle ne paraissait pas comprendre
ces paroles :
— Si vous restez ici, votre fils sera !ojl un
jour, dit-il ; il sera riche, il sera heureux, mais
du fond de sa tombe de supplicié, son père,,sir
Edmund, le reniera.
— Oh! ne parlez pas ainsi ! dit..elle-avec un
accent d'effroi.
— Si vous me suivez, votre fils sera pauvre.
Il souffrira, il luttera, mais il sera le chef d'une
armée mystérieuse qui se recrute et s'agite dans
l'ombre, soldats martyrs Aujourd'hui, demain
vainqueurs, qui chasseront le dernier Anglais
du dernier eoin de l'Irlande.
Souvenez-vous des paroles de sir Edmund et
choisissez !
Cette fois l'Irlandaise n'hésita plus.
Elle se leva et dit :
— Partons !
— Una minute encore, dit rbqmme. gris.
.votre fils n'est pas retrouvé...
Elle joignit les mains.
— Mais, acheva-t-il, ayez confiance,.. Main-
tenant, c'est l'Irlande tout ettièr,e qui cherche
son chef, et elle le retrouvera.!
Jenny eut foi dans l'accent grave et doux de
est homme.
— 3e vous crois. dit-aile: mais. lord Palmure
. & Cdjt. k numéro
éùzmwjiL QUOTmmm
S cent k numéro
— Trois mois. * ■* tu,
,~,. Paris ..... & fr. 'r ^ fr.
D^par:.t':;"'-:U,y le'; 1 t-I 2
Administrateur : E. Liti,SAiii.
I® année. - JEUDI 19 DECEMBRE 11867. — No 609
Dircc!cur-Proprieiair? : J A >' î* t N.
Ii,-?'.l.cteur (;■' r. n-f , .v OH I> A r. A T n / S n ï: A !'■ i\ L 0 N N 3
Fî U Tt t'j A ii X . >1 y, * ; y v>l ] ; ■ -- * £. ;lwr? "ï,
A !iM IN !STK ATIOiS^f'*! TU». t-,
La Presse illustrée journal hebdoma-
daire à 10 centim.es, est vendue 5 cen-
times seulement à toute personne qui
achète la Petite Presse le samedi à Paris
et le dimanche en province.
PARIS, 18 DÉCEMBRE 1867.
LES AMIS AU RÉGIMENT
A Monsieur Ernest Crépey
Mon cher ami, vous rappelez-vou* nos an-
goisses, lorsqu'il y a quatre ans E'PUJJ'd
Geoffroy partit pour faire la campagne du
Mexique ? Les poignées de main de tous les
jours, même échangées avec ceux qu'on aime,
ne diffèrent guère du coup de chapeau qu'on ac-
corde à un indifférent. Mais la poignée. de main
du départ i... Ah*! dans celle-là, on met* ce-
qu'on a de meilleur en soi, c'est-à-dire l'ou-
bli de soi-même et, la préoccupation d'autrui.
Que va devenir celui qui s'en va.? Il y a la
mer d'abord, la guerre ensuite, ensuite et
surtout l'inconnu.... *
.... Te re{erEnt fluct-us !....
Que les flots te rapportent!..
Mais avant de te rapporter, ils apporteront
ine lettre de toi.. Comme4 on l'attend,
îe-tte première lettre du voyageur! Elle vient
mfin.
cr ... La traversée a été bonne. (Ah !) Notre
hôtelier de la Vera-Çruz était un ancien avo-
cat français, devenu ingénieur à Mexico,, puis
marchand de bœufs, puis rédacteur en. chef
j'un journal,et enfin aubergiste... (On rit.) Le
tfil͡. "e composait de trois-ou quatre vieux
wagons sans compartiments, exportés des
Etats-Unis après leur mise hors de service. En
tète, figurait un appareil qu'on m'a dit depuis
être une locomotive, mais d'une forme ,si
ancienne qu'elle avait dû être construite avant
l'invention de la vapeur. 8"ur le tender on
avait placé un obusier pour défendre'le convoi
iontre les bandes de voleurs, qui, blasés sur
l'attaque des diligences/auraient pu arrêter
les trains. Ces derniers, du reste, avancent
avec une lenteur qui permet aux touristes de
déiailler les beiutés du paysage : d/immenses
marais, dont les eaux croupies sont peuplées
le caïmans, de serpents et de crapauds mon-
strueux, caches dans les pentes
en temps un ibis, penche sur un ;)icd, j
la tête-sous son aile, personnifie la désolation
au milieu de ce domaine de la mort. Nous
.sommes dans'la patrie du t'orna, aux ex'ha-
laisons mortellr's, à l'air humide, lourd,
étouffant. On respire à peine pendant deux
!1enN'<:. Puis les lataniers, les magno'i'as, res
h:::naQ.iers, les palmiers, toutes les plantes
des tropiques, se succèdent, étalant leurs
fleurs bl''ues, jaunes, blanches, pourpres,
formant dans leurs entrelacements d'immen-
ses berceaux, où voltigent les oiseaux aux
couleurs diaprées... »
— Ah ! c'est gentil de nous avoir écrit tout
.cela!... Est il heureux, cet animal, de voir
ces palmiers et ces crapauds!
Laléttre's'arrète à Mexico. Un mois se passe,
la seconde lettre n'arrive pas. — C'est que le
service des postes est m'ai fait là-bas!... A la
fin du second mois, on s'inquiète sérieuse-
ment; mais, cette fois, la lettre arrive. Notre
ami nous décrit Mexico. C'est une ville char-
mante. Aussi il la quitte, pour aller en expé-
dition. Pourra-t-il hous' donner de ses nou-
venes? Il l'espère, sans oser y compter, étant
donné le pas s. — Bah ! Il ne lui arrivera rien
de fâcheux... Il est né sous une bonne étoile...
11 est bien revenu d'autres fOls..
' »
Trois mois se passent encore. Un matin, au
ca!'è.. en déjeunant, vous jetez les yeux sur
l'Indcpendancê belge. Combat de Tacamburo.
Vous lisez... ISe nom de "m)t.re ami, sur une
liste, attire vos yeux. '
Cette liste est celle des morts !
Je vivrais cent ans que je n'oublierai ja-
mais cette matinée..Nous nous' regardions.
Nous relisionsTarticle. Nous nous regardions
encore. Moi, je voulais absolument me filC-
crocher à un espoir. Les Mexicains avaient
fait des prisonniers à Tacamburo. S'il n'était.
que prisonnier? Blessé, il avait très-bien pu
être laissé pour mort sur 3e champ de ba-
taille, puis ramassé et emmené en captivité.
Avant de désespérer, il fallait attendre,
écrire ; c surtout, il fallait garder pour nous
seuls la fatale nouvelle, et faire en sorte que
rien n'en arrivât à sa mère et à sa. sœur. L'in-
certitude est cruelle, dit-on. C'est un bienfait,
en pareil cas. Soit. Mais nous n'espérions
guère. Je le répète, ce fut un terrible mo-
ment.
Et ce mauvais plaisant-de Geoffroy, en
effet, n'était pas mort. Il avait même été fu-
sillé. deuv fois depuis. -M-ns, la première fois,
!en fusils avaient raté. et, la fécondé, il avait
oblfrnu, moyennant le don d'un'couteau de
sept 'sou.--,, que les Indiens fissent fél1 pnr-dessus
sa tête. Et, trois ans, jour pour jour, après
son départ, nous nous sommes retrouvés un
matin sur vôtre palier, allant vous deman-
der à déjeuner comme autrpfoi-s.
Voilà les amis du régiment, — une source
d'émotions, je le reconnais. Quand, comme
pour Geoffroy, le deuil se charge en joie,
passe encore. Mais, le plus souvent, hé'as!
les mauvaises nouvelles denteurent sans
compensation.
Il y ajuste un an, un jeune homme, les
cheveux en brosse, le ruban muge à la der-
nière boutonnière de sa redingote serrée à la
taille, un officier en bourgeois, se présenta
au bureau du journal. — M. Tony Révillon ?
— C'est moi, monsieur. — Tune me re-
connais pas? — Louis Perraud ! m'écriai-je.
C'était mon meilleur ami d'il y avait quinze
ans, au lycée de Lyon. -
Nous passions non récréations à causer en-
semble ; nous mettions en commun notre pe-
tite bourse, nos plumes,notre papier Pendant
les vacances, il v.nait passer une semaine
chez mes parents à la campagne. De retour à
la ville, j'allais dîner avec lui chez son père.
•Puis, nos études terminées, nous ne nous
étions plus revus. Je faisais des expéditions
chez un notaire, à Lyon,"pendant qu'il mon-
tait à cheval, à Saumur. Quand j'avais quitté
Lyon pour Paris, il avait quitté la France pour
l'Algérie, puis l'Algérie pouf "le Sb éga1. Les ;
événements de ces quinze aas pouvaient se
raconter en une heure 'Louis Perraud s'était
battu bravement. Il avait été Messe plusieurs J
fois. Sa dernière blessure avait nécessité les
eaux,de Bagnères, et il était revenu en France,
avec un congé de six mois. A Lyon, chez son
père,il avait trouvé la Petite Presse; il y avait -
lu mon nom, et il venait m'embrasser et pas-
ser quelques jours avec moi.
Le soir, il nous semblait que nous ne nous
étions jamais quitté. C'est, qu'à côté de la
sympathie qui résulte d'une fréquentation
journalière, il en est une mire préférable peut
être, qui naît de la communauté des idées.
Qu'importe que l'un ait vécu dans le Midi,
et l'autre dans le Nord, quand tous deux on
a "pensé de même, et qu'on a les mêmes opi-
nions sur les hommes et sur les choses de
son temps? Il suffit alors de quelques heures
pour effacer des années de séparation
Per rau d, espr i t eu ri eu x et stu dieux, ce qui est
tout un,était devenu un savant Un verre d ab-
sinthe le faisait tems-sc-r, mais il traduisait le
Coran, et savait les deux ou trois ara-be qu'on
parle en Afrique. Ce qui l'avait surtout séduit
en allant au Sénégal, c'était l'espoir d'y con-
tinuer ses études avec des.éléments nouveaux.
La fièvre des voyages l'avait pris, et il avait
voulu remonter le Niger, comme notre autre
compatl'iotë<'Ie capitaine Girard. Il était parti,
avait fait une soixantaine de. lieues au-delà.
de la colonie ; mais, faute de moyen?, suffi-
sants, il avait été contraint de revenir ,-l Saint-
Louis. Du reste, il faisait les plus beaux pro-
jets d'explorations et de découvertes. Une
fois, me disait-il, qu'on a vécu de' la vie du
désert, toute autre vie serait insupportable.#
Je ne me fais pas d'illusion ; là-bas, ma peau
est un peu moins en sureté qu'ici, mais, j'au-
rais un million que j'y retournerais encore.
Et puis, ajoutait-il en riant, j'ait eu la fièvre
deux, fois, je suis acclimaté.
Il devait passer huit jours à Paris: Il y de-
meura un mois. Il allait, au Gymnase Paz,
lever des altères pour fortifier son bras blessé.
Le soir, il venait chez moi. Le premier jan-
vier. nous nous souhaitâmes la bonne année.
Le dix, je lui souhaitai un bon voyage. Il
m'avait promis de m'écrire de Lyon. Il m'écri-
vit de Bardeaux. Une autre lettre de Saint- -
Louis contenait le récit , d'une tempère. Il
avait été un peu secoué ; puis on avait réparé
les avaries, et le voyage s'était achevé sans
accidents.
Vous le savez, mon cher ami, je suis un
peu paresseux. Est-ce parce que j'écris beau-
coup pour les imprimeurs? mais une lettre
pour moi est uneffifïalre d'Etat. A certains
jours, j'écris trente lettres à la fois , afin
d'avoir ensuite un mo.is à me pardonner ma
négligence. Dernièrement, je répondis à Per-
raud. J'étais tout fier. — XII ! me disais-je,
il doutait de mon exactitude ; je ne suis p-as
fâché de lui donner un démenti !...
Hélas ! ma lettre est arrivée trop tard.
J'ai reçu, hier, une lettre de Lyon. Le cou-
sin de Louis Perraud, mon camarade de
collège comme lui, Troubat, m'annonçait
que notre pauvre ami était mort à Saint-
Louis, — mort de la fièvre. — « Je suis ac-
climaté, » disait-il. Il paraît qu'il y a des cli- ,
j mats auxquels on ne s'acclimate point.
i
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
P A R
POISON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA NOURRISSEUSE D'ENFANTS
XLI
i)
L-'If'i.u'.daixe regardait l'homme gris avec une
'. Itupeur défiante.
— Tous ne me croyez pas? dit-il c"!f!n.
liiie ne répondit point.
— Vous ne me croyez pas, de même que vous
n'ayez pas cru le prêtre. Vous avez préféré
Vciî le r:mtIJéro du S novembre.
croire cet homme qui, en effet, était le frère de
sir Edmund, mais qui l'a livré à ses bourreaux.
Cette fois l'Irlandaise retrouva la parole :
- Hé ! qui m'assure, dit-elle, que ce que
vous me dites là est la vérité?
— C'est juste, dit-il avec douceur, une pre-
mière fois je vous ai promis de vous rendrervo.
tre. fils, et je n'ai pu tenir ma parole. Vous avez
le droit de ne pas me croire.
— Rendez-moi mon fils," dit-elle, et je vous
croirai.
— Mais pour que je vous le rende, M faut que
vous sortiez d'ici.
— Pourquoi ?
— Ecoutez-moi bien, continua-t -il avec dou-
ceur: votre fils, enlevé par une 'femme qui vend
des enfants, votre fils, errant et-perdu dans
les rue¡¡ de Londres, est moins séparé de vous,
que s'il était là, dans cette chambre, sous ce toit
maudit.
Que vous a. dit l'homme qui vous a amenée
ici?
Il vous (i dit : Je suis le frère de l'époux que
vous pleurez. Venez, ma maison sera votre mai-
son, votre fils sera mon fils.
Il nÚ\ dit cela, en effet, dit Jenny l'Irlan-
daise.
— Cet homme, poursuivit l'homme gris, t¡en-
dra eu -parue sq promesse. Vous, la fille du
peuple, vous vivrez comme une lady. Votre fils
retrouvé sera élevé comme un fils de lord.
— Vous voyez bien! dit la pauvre mère.
— Attendez donc,"reprit l'homme gris. Mais
vous pouvez mourir,-vous...
■— Que m'importe! si mon fils est heureux...
— Certainement, il le sera. Je vous le répète,
on l'élèvera comme un fils de lord, dans l'amour
de l'Angleterre, dans la haine de l'Irlande, dans
le mépris des martyrs !
Jenny tressaillit et attacha un regard éperdu
sur l'homme gris.
— Que dites-vous donc là? s'écria-t-elle.
— Votre époux n'est-il pas mort pour l'Ir-
lande, en maudissant l'Angleterre ?
— C'est vrai,* dit-elle. Mais lord Palmure...
— Lord Palmure est pair d'Angleterre, Jenny, !
et il avait le pouvoir d'arracher sir Edmund au J
gibet, j
Elle jeta un cri, et, le regardant de nouveau :
— Est-oe bien vrai ce que vous me dites-ià?
fit-elle. Ne me trompez-vous pas encore ?
— Regardez-moi bien...
Et il laissa, à son tour, peser sur elle cet œil
profond et magnétique qui subjuguait.
— Oui, dit-elle enfin, oui, je vous crois.
— Attendes encore, reprit-il. Avant de sortir
d'ici, Jenny, il faut que vous choisissiez. vous-
même. destinée cle votre erifs.'".!-.
Et comme elle ne paraissait pas comprendre
ces paroles :
— Si vous restez ici, votre fils sera !ojl un
jour, dit-il ; il sera riche, il sera heureux, mais
du fond de sa tombe de supplicié, son père,,sir
Edmund, le reniera.
— Oh! ne parlez pas ainsi ! dit..elle-avec un
accent d'effroi.
— Si vous me suivez, votre fils sera pauvre.
Il souffrira, il luttera, mais il sera le chef d'une
armée mystérieuse qui se recrute et s'agite dans
l'ombre, soldats martyrs Aujourd'hui, demain
vainqueurs, qui chasseront le dernier Anglais
du dernier eoin de l'Irlande.
Souvenez-vous des paroles de sir Edmund et
choisissez !
Cette fois l'Irlandaise n'hésita plus.
Elle se leva et dit :
— Partons !
— Una minute encore, dit rbqmme. gris.
.votre fils n'est pas retrouvé...
Elle joignit les mains.
— Mais, acheva-t-il, ayez confiance,.. Main-
tenant, c'est l'Irlande tout ettièr,e qui cherche
son chef, et elle le retrouvera.!
Jenny eut foi dans l'accent grave et doux de
est homme.
— 3e vous crois. dit-aile: mais. lord Palmure
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 83.79%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 83.79%.
- Collections numériques similaires Association pour l'encouragement des études grecques en France Association pour l'encouragement des études grecques en France /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Association pour l'encouragement des études grecques en France" or dc.contributor adj "Association pour l'encouragement des études grecques en France")Reinach Théodore Reinach Théodore /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Reinach Théodore" or dc.contributor adj "Reinach Théodore")
- Auteurs similaires Association pour l'encouragement des études grecques en France Association pour l'encouragement des études grecques en France /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Association pour l'encouragement des études grecques en France" or dc.contributor adj "Association pour l'encouragement des études grecques en France")Reinach Théodore Reinach Théodore /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Reinach Théodore" or dc.contributor adj "Reinach Théodore")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k4717611s/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k4717611s/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k4717611s/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k4717611s/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k4717611s
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k4717611s
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k4717611s/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest