Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1867-11-30
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 30 novembre 1867 30 novembre 1867
Description : 1867/11/30 (A2,N590). 1867/11/30 (A2,N590).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717592w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
1 JOURNAL QCOTlSttHr
1 ■: ai, - •
ft cent. le numéro
5 cent. le numéro «
ABONNEMENTS. — trois mois. sii mois. Un an.
Paris ' & fr.. 9 -fr. t 8 fr
Départements.. a il 22
Administrateur : E. DELSAUX.
Me année. — SAMEDI 30 NOVEMBRE 1861. — No 590
Directeur-Proprié taire : JANNIN.
Rédacteur en chef: A. DE BALATIHER BRAGELONNE.
BUREAUX i)@ABoN-,iÊDIENT : rue Drouot.
--«,-"-- ADMINISTRATION : 13, place Breda.
La Presse illustrée journal hebdoma-
daire à 10 centimes, est vendue 5 cen-
limes seulement à toute personne qui
achète la Petite Presse le samedi à Part s
et le dimanchy..rep province.
PARIS, 29 NOVEMBRE 1867.
LE SÉNAT
I
Nous sommes en haut de la rue de Tour-
non. Le palais du Luxembourg dresse devant
nous sa masse un peu sombre. La foule des
souvenirs historiques se présente à notre es-
pri t.
Ici Robert de Harlay de Sancy avait fait
construire un hôtel vers la fin du seizième
siècle. A peine achevé, cet hôtel fut acheté
par le duc de Piney-Luxembourg, et ce der-
nier l'avait à peine habité qu'il le céda à la
reine Marie de Médicis. De l'hôtel l'Italienne
fit un palais. Elle dit à son architecte
Jacques Desbrosses de lui bâtir quelque chose
dans le genre du palais Pitti. Elle vaulait re-
trouver Florence à Paris. Desbrosses Dromit
îe qu'on lui demandait, et fit ce qu'il voulut.
Sous ses ordres un palais s'éleva, très-beau,
jn peu lourd, et que des retouches successives
3nt alourdi encore. Ce n'est pas le palais
Pitti, mais c'est du moins un monument d'un
caractère original et grandiose.
Marie de Médicis essuya les plâtres de son
palais, puis elle; partit pour l'exil, et le Lu-
xembourg échut à Gaston d'Orléans. L'hé-
roïne de la Fronde, Mademoiselle de Mont-
pensier, succéda à Gaston dans la demeure
royale. En 1694, Elisabeth d'Orléans, du-
chesse de Guise, en faisait présent à Louis XIV.
A la mort de ce dernier, le palais retournait
aux d'Orléans, et les filles du Régent s'y in-
stallaient. L'une, la duchesse de Berry, y
donnait des bals; l'autre, Louise-Elisabetb,
revenait d'Espagne pour y mourir. En 1778,
Louis XVI donna le Luxembourg à son frère
le comte de Provence, depuis Louis XVIII.
Survint l'émigration; la République fran-
çaise mit la Convention aux Tuileries, et les
prisonniers d'Etat au Luxembourg. D'abord,
la prison ne s'ouvrit que pour des aristo- 1
craies. Puis, vint le tour d'Hébert et celui de I !
Danton. Lorsqu'on arrêta Robespierre, au j
9 thermidor, le concierge du Luxembourg
refusa de le recevoir. On le conduisait à une
autre prison, lorsqu'il s'échappa pour aller se
mettre à la tête de la Commune insurgée.
« La même année, dit M. Adolphe Joanne
dans son Paris illWJ.tré., le Directoire, qui ve-
nait d'être installé, résolut défaire du Luxem-
bourg le siége du gouvernement. En un clin-
d'œil la prison redevint palais ; mais il était
plus aisé de la vider que de la remplir, et l'on
raconte que, quand le Directoire voulut tenir
sa première séance, il ne trouva qu'une table
vermoulue, un paquet de plumes, une main
de papier, et, pour se chauffer, deux ou trois
bûches empruntées au concierge. »
Le palais Directorial devint le palais Con-
sulaire, après le 18 brumaire. Il demeura dé-
sert, lorsque le premier consul Bonaparte
alla habiter les Tuileries. Sous l'Empire, il
devint le palais du Sénat; sous la Restaura-
tion et la monarchie de Juillet, le palais de
la Pairie ; le second Empire en a refait le
Palais du Sénat. Les trois mots se lisent en
fettres noires sur un fond blanc. Est-il néces -
saire de rappeler les séances de la Commis- j
sion pour les travailleurs présidée en 1848
par Louis Blanc, et le passage de la Commis-
sion exécutive composée de MM. de Lamar-
tine, Arago, Ledru-Rollin, Marie et Cré-
mieux?... j
!
J'entre
A droite, sous la voûte, où retentissent les
pas d'une sentinelle, s'ouvre une porte vitrée.
Un suisse, chamarré d'or, tricorne en tête,
se tient dans l'embrasure d'une des hautes
fenêtres du vestibule. Les jours de séance
on étend un tapis sur les dalles Les
autres jours on se contente d'une bande sur
le passage. De grands candélabres sur pied
dressent, au milieu, leurs deux branches gar-
nies de globes de verre blanc.
Tournons à gauche. Le vestiaire fait face
au bureau des pétitions. Des deux côtés, s'é-
tend une ligne de tentes fermées, pareilles aux
lits d'un dortoir, mais d'un dortoir de mil-
lionnaires, car ce sont des lances dorées qui
supportent les rideaux blancs à raies bleues
et les baldaquins bordés de rouge. Derrière
ces rideaux sont les habits brodés, les croix, j
les crachats et les plaques.
Messieurs les sénateurs gardent leur pan- !
talon et leur gilet de la ville, mais ils revêtent,
1 en passant, leur uniforme. Messieurs de l'E-
glise jettent sur leurs épaules le grand camail
et le manteau rouge.
Un groupe en marbre précède l'escalier
d'hon.aeu't) construit par Napoléon Ier. Deux
lions ^n-^ierre blanche sont accroupis au
"bas des degrés. Deux autres gardent le
milieu de l'escalier. Des soldats sont éche-
lonnés le long des marches. que recouvre un
magnifique tapis à baguettes dorées. En haut,
règne une double galerie à balustrade blanc
et otf. Des colonnes sont incrustées dans les
murs. Les statues en marbre de Jacques Des-
brosses ef de Sully dominent le palier.
Sur ce palier s'ouvre la salle des Gardes.
Des statues de bronze, des panoplies, peu de
meubles, t— pas de gardes.
La galerie continue. Nous marchons sur un
tapis vert. A droite un grand salon avec une ,
statue; de. César orateur, et un Napoléon en
manteau semé d'abeilles.
Un autre salon. Le salon de Napoléon Ier.
Des tableaux, des bustes,—une statue de Na-
poléon III.
La salle du Trône s'étend à gauche sur
toute la lqngueu'r de la façade. Une ornemen-
tation blanc et or d'une richesse inouie, le i
trône de Napoléon Ier. |
Cette s$ile représente au Luxembourg la
salle des Pas-Perdus au Palais. Derrière s'é-
tend la galerie des Bustes, d'où part le cou-
loir fait le tour de la salle des Séances.
Cette salle est demi-circulaire suivant
l'usage, éclairée par des fenêtres percées très-
haut, avec des parois de marbre, et des co-
tonDUS roftges, derrière lesquelles une tapis-
serie verte masque les tribunes supprimées.
Des gradins. En bas, messieurs les sénateurs
sont placés par quatre, en haut par deux.
Leurs fauteuils sont assez semblables à de
petites chauffeuses recouvertes d'un velours
vert usé, fané, jauni. Devant ces fauteuils
sont fixés de petits bureaux en acajou recou-
verts en cuir, et dont chacun porte dans un
petit cadre le nom du sénateur qui s'asseoit
d'ordinaire à cette place. N'oublions pas les
petits tiroirs à bouton, sans serrure, destinés
à recevoir les notes ou les tabatières.
Le bureau dit président, très-élevé, est en
retrait. Au-dessous, l'ancienne tribune de
la Chambre des Pairs se dresse sur ses
quatres colonnes d'or. Six statues, sépa-
rées par des colonnes, se détachent sur les
tentures vertes de la paroi derrière le pré-
sident.
Les tabourets des huissiers sont au bas de
la tribune. Les tables des sténographes sont
à droite et à gauche, au bas des gradins.
Au Corps législatif, la lumière arrive par
un ciel ouvert, comme au Théâtre-Lyrique et
au Châtelet. Au Sénat, un lustre pend du
plafond, et des lampes sont disposées autour
de la salle, comme à l'Odéon.
De l autre côté du couloir, parallèle à li
salle du trône, se trouve la bibliothèque que
suit un cabinet de lecture. A l'extrémité de
la galerie des bustes se trouve une autre
salle avec corps de bibliothèque grillée. C'est
le buffet, où, durant les séances, abondent
les gâteaux, les rafraîchissements, le thé
tous les éléments d'une collation...
L'heure de la séance approche.
Messieurs les sénateurs arrivent et se grou-
"pen t, soit dans la salle du Trône, soit dans
la salle des Séances, au bas des gradins.
Autrefois M. le marquis de Boissy arrivait
toujours le premier , portant haut, sur sa
cravate, sa tête d'oiseau aux yeux si vifs et
si intelligents. Il tenait à la main son para-
pluie et sa canne, réunis ensemble par un pe-
tit anneau anglais. Il s'asseyait au troisième
banc à gauche derrière messieurs les cardi-
naux. M. le marquis de la Roehejaquelein ve-
nait de bonne heure aussi, et l'on voyait, dès
le début de la séance, sa large face et sa
haute taille au sommet des gradins de droite.
Ce qui frappe à première vue c'est la
petite taille de la plupart de messieurs les
membres de la chambre-haute.
Les petits hommes sont décisifs, disait Le-
sa ge. Cela est bien vrai pour M. Bonjean,
dont l'activité est celle d'un jeune homme.
C'est vrai aussi pour M. Lacaze, dont les
traits accentués semblent taillés par le ciseau
d'un sculpteur.
Petits encore M. Leroy de Saint-Arnaud,
M. Amédée Thierry , M. Chaix-d'Est-Ange,
dont les épaules hautes dominent à demi la
tête grise....
Petit, M. Sainte-Beuve, au front chauve,
à la face monacale, à la bouche éloquente
M. de Béarn a la physionomie que la tra-
dition prète aux gentilshommes. M. Drouyn
de Lhuys et M. Ferdinand Barrot, affables,
aisés avec discrétion, représentent les gentle-
men; diplomates d'aujourd'hui.
Mi le Suc de Padoue se pique les lèvres
avec un cure-dents.
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA NOURRISSEUSE D'ENFANTS
XXII
No 22
Le parloir d'un public house est généralement
nl1e petite pièce située à droite ou à gauche du
comptoir, et dans laquelle on s'asseoit, non
plus sur des bancs, mais sur une sorte de divan
qui règne à l'en tour.
'VOir le uuœèro du S ncèvcm»wa
s
C est là que s'installent d'ordinaire les fumeurs
ou ceux qui ont une affaire à traiter.
Quand l'homme gris et les deux recors, pous-
sant leur prisonnier devant eux, furent entrés
dans le parloir, suivis de la jeune fille qui
s attachait à son père avec une sorte de tendresse
furieuse, — sur un signe du premier, miss Katt
ferma la porte.
Nous voilà chez nous, dit alors l'homme
gris. Causons imJbrin.
Et il déboucha la bouteille de vin de Porto
et se mit à emplir les verres.
Puis s'adressant au premier recors :
— Il y a trois guinées pour chacun, fit-il.
— Trois gui nées?
— Oui.
■ Que raut-il donc faire pour cela?
— M'écouter d'abord.
— Parlez...
Et les deux recors regardèrent l'homme gris,
tandis que le pauvre prisonnier continuait à em-
brasser son enfant.
Vous savez, reprit l'homme gris, que le
Français de White-cross est sorti ce matin.
Oui, et si nous n'avions mis la main sur
celui-là, je crois que cet excellent et honorable
Isit Cooman se serait coupe 2la gorge avant de-
main.
— Aussi vrai, dit Fautre recors, que je m'ap-
pelle Edward Northman et que je fais mon mé-
tier depuis trente années tout à l'heure, cela ne
s'était jamais vu qu'il'n'y eut pas au moins un
Français à Wlîite-cross.
— En vérité!
— Et moi, reprit le premier, aussi vrai que
j'ai nom John Clavery, dit Y homme sensible, je
puis vous affirmer que sir Cooman nous donnera
une belle gratification.
— Ah! ah!
— Nous aurions une guinée chacun que ça
ne m'étonnerait pas, poursuivit l'homme sen-
sible.
— Peut-être deux, ajouta Edward North-
man.'
— Je crois bien que vous n'aurez rien du tout,
dit froidement l'homme gris.
— Oh! par exemple!
— A moins que vous ne vous arrangiez avec
moi,
— Hein?
— Oui; car supposons une chose.
— Laquelle?
— Qu'on paye pour ce pauvre homme, avant
même qu'il ne soit entré.
— Farceur, ya 1 fit l'homme sensible.
— Vos plaisanteries, Votre Honneur, dit Ed.
ward Northman, sont encore meilleures que
votre porto, et-par saint George, pourtant, c'est
de bon porto, Votre' Honneur.
Ce disant, il tendit son verre vide.
L'homme gris l'emplit et continua :
— Tout est possible, même l'impossible.
— Bmi f ' ' ■
— Que doit cet homme ?
Au principal, vingt-cinq livres, six cent
vingt-cinq francs en monnaie de Ft'sTX&e.
-T- Et les frais ?
— A peu près autant.
L homme gris déboutonna froidement son
vieil habit gris et, à la grande stupéfaction. des
deux recors qui firent un pas en arrière, du
vieux débiteur; qui chancela, et Ide la jeune Fille,
qui jeta un cri, il en tira un portefeuille grais-
I seux qu'il ouvrit et qui leur apparut gonflé de
ban k-notes.
Puis il en tira un à. un six billets de cino
livres, Jes étala sur la table et dit:
— Est-ce bien là votre compte Y
— Mais... mais... balbutia l'homme sensible,
qu'est-ce que vous faites donc là ?
— Je paye, dit l'homme gris.
—Pour cet homme ?
— Rans doute.
— Vous le connaissez donc?
— Je le vois pour la première fois.
— Alors vous êtes fou, dit Edward North.
man.
Le vieux débiteur avait été pris d'un trem-
blement nerveux par tout le corps et il regar-
dait les bank-notes d'un œil stupide.
Quant à la jeune fUie, défaillante^ elle était
tombée à genoux.
L'homme gris lui prit les mainsi;
— Relevez-vous, mon enfant, dit-il, emmenez
votre père; ÀI est malade, affaibli, et vous-même
1 JOURNAL QCOTlSttHr
1 ■: ai, - •
ft cent. le numéro
5 cent. le numéro «
ABONNEMENTS. — trois mois. sii mois. Un an.
Paris ' & fr.. 9 -fr. t 8 fr
Départements.. a il 22
Administrateur : E. DELSAUX.
Me année. — SAMEDI 30 NOVEMBRE 1861. — No 590
Directeur-Proprié taire : JANNIN.
Rédacteur en chef: A. DE BALATIHER BRAGELONNE.
BUREAUX i)@ABoN-,iÊDIENT : rue Drouot.
--«,-"-- ADMINISTRATION : 13, place Breda.
La Presse illustrée journal hebdoma-
daire à 10 centimes, est vendue 5 cen-
limes seulement à toute personne qui
achète la Petite Presse le samedi à Part s
et le dimanchy..rep province.
PARIS, 29 NOVEMBRE 1867.
LE SÉNAT
I
Nous sommes en haut de la rue de Tour-
non. Le palais du Luxembourg dresse devant
nous sa masse un peu sombre. La foule des
souvenirs historiques se présente à notre es-
pri t.
Ici Robert de Harlay de Sancy avait fait
construire un hôtel vers la fin du seizième
siècle. A peine achevé, cet hôtel fut acheté
par le duc de Piney-Luxembourg, et ce der-
nier l'avait à peine habité qu'il le céda à la
reine Marie de Médicis. De l'hôtel l'Italienne
fit un palais. Elle dit à son architecte
Jacques Desbrosses de lui bâtir quelque chose
dans le genre du palais Pitti. Elle vaulait re-
trouver Florence à Paris. Desbrosses Dromit
îe qu'on lui demandait, et fit ce qu'il voulut.
Sous ses ordres un palais s'éleva, très-beau,
jn peu lourd, et que des retouches successives
3nt alourdi encore. Ce n'est pas le palais
Pitti, mais c'est du moins un monument d'un
caractère original et grandiose.
Marie de Médicis essuya les plâtres de son
palais, puis elle; partit pour l'exil, et le Lu-
xembourg échut à Gaston d'Orléans. L'hé-
roïne de la Fronde, Mademoiselle de Mont-
pensier, succéda à Gaston dans la demeure
royale. En 1694, Elisabeth d'Orléans, du-
chesse de Guise, en faisait présent à Louis XIV.
A la mort de ce dernier, le palais retournait
aux d'Orléans, et les filles du Régent s'y in-
stallaient. L'une, la duchesse de Berry, y
donnait des bals; l'autre, Louise-Elisabetb,
revenait d'Espagne pour y mourir. En 1778,
Louis XVI donna le Luxembourg à son frère
le comte de Provence, depuis Louis XVIII.
Survint l'émigration; la République fran-
çaise mit la Convention aux Tuileries, et les
prisonniers d'Etat au Luxembourg. D'abord,
la prison ne s'ouvrit que pour des aristo- 1
craies. Puis, vint le tour d'Hébert et celui de I !
Danton. Lorsqu'on arrêta Robespierre, au j
9 thermidor, le concierge du Luxembourg
refusa de le recevoir. On le conduisait à une
autre prison, lorsqu'il s'échappa pour aller se
mettre à la tête de la Commune insurgée.
« La même année, dit M. Adolphe Joanne
dans son Paris illWJ.tré., le Directoire, qui ve-
nait d'être installé, résolut défaire du Luxem-
bourg le siége du gouvernement. En un clin-
d'œil la prison redevint palais ; mais il était
plus aisé de la vider que de la remplir, et l'on
raconte que, quand le Directoire voulut tenir
sa première séance, il ne trouva qu'une table
vermoulue, un paquet de plumes, une main
de papier, et, pour se chauffer, deux ou trois
bûches empruntées au concierge. »
Le palais Directorial devint le palais Con-
sulaire, après le 18 brumaire. Il demeura dé-
sert, lorsque le premier consul Bonaparte
alla habiter les Tuileries. Sous l'Empire, il
devint le palais du Sénat; sous la Restaura-
tion et la monarchie de Juillet, le palais de
la Pairie ; le second Empire en a refait le
Palais du Sénat. Les trois mots se lisent en
fettres noires sur un fond blanc. Est-il néces -
saire de rappeler les séances de la Commis- j
sion pour les travailleurs présidée en 1848
par Louis Blanc, et le passage de la Commis-
sion exécutive composée de MM. de Lamar-
tine, Arago, Ledru-Rollin, Marie et Cré-
mieux?... j
!
J'entre
A droite, sous la voûte, où retentissent les
pas d'une sentinelle, s'ouvre une porte vitrée.
Un suisse, chamarré d'or, tricorne en tête,
se tient dans l'embrasure d'une des hautes
fenêtres du vestibule. Les jours de séance
on étend un tapis sur les dalles Les
autres jours on se contente d'une bande sur
le passage. De grands candélabres sur pied
dressent, au milieu, leurs deux branches gar-
nies de globes de verre blanc.
Tournons à gauche. Le vestiaire fait face
au bureau des pétitions. Des deux côtés, s'é-
tend une ligne de tentes fermées, pareilles aux
lits d'un dortoir, mais d'un dortoir de mil-
lionnaires, car ce sont des lances dorées qui
supportent les rideaux blancs à raies bleues
et les baldaquins bordés de rouge. Derrière
ces rideaux sont les habits brodés, les croix, j
les crachats et les plaques.
Messieurs les sénateurs gardent leur pan- !
talon et leur gilet de la ville, mais ils revêtent,
1 en passant, leur uniforme. Messieurs de l'E-
glise jettent sur leurs épaules le grand camail
et le manteau rouge.
Un groupe en marbre précède l'escalier
d'hon.aeu't) construit par Napoléon Ier. Deux
lions ^n-^ierre blanche sont accroupis au
"bas des degrés. Deux autres gardent le
milieu de l'escalier. Des soldats sont éche-
lonnés le long des marches. que recouvre un
magnifique tapis à baguettes dorées. En haut,
règne une double galerie à balustrade blanc
et otf. Des colonnes sont incrustées dans les
murs. Les statues en marbre de Jacques Des-
brosses ef de Sully dominent le palier.
Sur ce palier s'ouvre la salle des Gardes.
Des statues de bronze, des panoplies, peu de
meubles, t— pas de gardes.
La galerie continue. Nous marchons sur un
tapis vert. A droite un grand salon avec une ,
statue; de. César orateur, et un Napoléon en
manteau semé d'abeilles.
Un autre salon. Le salon de Napoléon Ier.
Des tableaux, des bustes,—une statue de Na-
poléon III.
La salle du Trône s'étend à gauche sur
toute la lqngueu'r de la façade. Une ornemen-
tation blanc et or d'une richesse inouie, le i
trône de Napoléon Ier. |
Cette s$ile représente au Luxembourg la
salle des Pas-Perdus au Palais. Derrière s'é-
tend la galerie des Bustes, d'où part le cou-
loir fait le tour de la salle des Séances.
Cette salle est demi-circulaire suivant
l'usage, éclairée par des fenêtres percées très-
haut, avec des parois de marbre, et des co-
tonDUS roftges, derrière lesquelles une tapis-
serie verte masque les tribunes supprimées.
Des gradins. En bas, messieurs les sénateurs
sont placés par quatre, en haut par deux.
Leurs fauteuils sont assez semblables à de
petites chauffeuses recouvertes d'un velours
vert usé, fané, jauni. Devant ces fauteuils
sont fixés de petits bureaux en acajou recou-
verts en cuir, et dont chacun porte dans un
petit cadre le nom du sénateur qui s'asseoit
d'ordinaire à cette place. N'oublions pas les
petits tiroirs à bouton, sans serrure, destinés
à recevoir les notes ou les tabatières.
Le bureau dit président, très-élevé, est en
retrait. Au-dessous, l'ancienne tribune de
la Chambre des Pairs se dresse sur ses
quatres colonnes d'or. Six statues, sépa-
rées par des colonnes, se détachent sur les
tentures vertes de la paroi derrière le pré-
sident.
Les tabourets des huissiers sont au bas de
la tribune. Les tables des sténographes sont
à droite et à gauche, au bas des gradins.
Au Corps législatif, la lumière arrive par
un ciel ouvert, comme au Théâtre-Lyrique et
au Châtelet. Au Sénat, un lustre pend du
plafond, et des lampes sont disposées autour
de la salle, comme à l'Odéon.
De l autre côté du couloir, parallèle à li
salle du trône, se trouve la bibliothèque que
suit un cabinet de lecture. A l'extrémité de
la galerie des bustes se trouve une autre
salle avec corps de bibliothèque grillée. C'est
le buffet, où, durant les séances, abondent
les gâteaux, les rafraîchissements, le thé
tous les éléments d'une collation...
L'heure de la séance approche.
Messieurs les sénateurs arrivent et se grou-
"pen t, soit dans la salle du Trône, soit dans
la salle des Séances, au bas des gradins.
Autrefois M. le marquis de Boissy arrivait
toujours le premier , portant haut, sur sa
cravate, sa tête d'oiseau aux yeux si vifs et
si intelligents. Il tenait à la main son para-
pluie et sa canne, réunis ensemble par un pe-
tit anneau anglais. Il s'asseyait au troisième
banc à gauche derrière messieurs les cardi-
naux. M. le marquis de la Roehejaquelein ve-
nait de bonne heure aussi, et l'on voyait, dès
le début de la séance, sa large face et sa
haute taille au sommet des gradins de droite.
Ce qui frappe à première vue c'est la
petite taille de la plupart de messieurs les
membres de la chambre-haute.
Les petits hommes sont décisifs, disait Le-
sa ge. Cela est bien vrai pour M. Bonjean,
dont l'activité est celle d'un jeune homme.
C'est vrai aussi pour M. Lacaze, dont les
traits accentués semblent taillés par le ciseau
d'un sculpteur.
Petits encore M. Leroy de Saint-Arnaud,
M. Amédée Thierry , M. Chaix-d'Est-Ange,
dont les épaules hautes dominent à demi la
tête grise....
Petit, M. Sainte-Beuve, au front chauve,
à la face monacale, à la bouche éloquente
M. de Béarn a la physionomie que la tra-
dition prète aux gentilshommes. M. Drouyn
de Lhuys et M. Ferdinand Barrot, affables,
aisés avec discrétion, représentent les gentle-
men; diplomates d'aujourd'hui.
Mi le Suc de Padoue se pique les lèvres
avec un cure-dents.
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA NOURRISSEUSE D'ENFANTS
XXII
No 22
Le parloir d'un public house est généralement
nl1e petite pièce située à droite ou à gauche du
comptoir, et dans laquelle on s'asseoit, non
plus sur des bancs, mais sur une sorte de divan
qui règne à l'en tour.
'VOir le uuœèro du S ncèvcm»wa
s
C est là que s'installent d'ordinaire les fumeurs
ou ceux qui ont une affaire à traiter.
Quand l'homme gris et les deux recors, pous-
sant leur prisonnier devant eux, furent entrés
dans le parloir, suivis de la jeune fille qui
s attachait à son père avec une sorte de tendresse
furieuse, — sur un signe du premier, miss Katt
ferma la porte.
Nous voilà chez nous, dit alors l'homme
gris. Causons imJbrin.
Et il déboucha la bouteille de vin de Porto
et se mit à emplir les verres.
Puis s'adressant au premier recors :
— Il y a trois guinées pour chacun, fit-il.
— Trois gui nées?
— Oui.
■ Que raut-il donc faire pour cela?
— M'écouter d'abord.
— Parlez...
Et les deux recors regardèrent l'homme gris,
tandis que le pauvre prisonnier continuait à em-
brasser son enfant.
Vous savez, reprit l'homme gris, que le
Français de White-cross est sorti ce matin.
Oui, et si nous n'avions mis la main sur
celui-là, je crois que cet excellent et honorable
Isit Cooman se serait coupe 2la gorge avant de-
main.
— Aussi vrai, dit Fautre recors, que je m'ap-
pelle Edward Northman et que je fais mon mé-
tier depuis trente années tout à l'heure, cela ne
s'était jamais vu qu'il'n'y eut pas au moins un
Français à Wlîite-cross.
— En vérité!
— Et moi, reprit le premier, aussi vrai que
j'ai nom John Clavery, dit Y homme sensible, je
puis vous affirmer que sir Cooman nous donnera
une belle gratification.
— Ah! ah!
— Nous aurions une guinée chacun que ça
ne m'étonnerait pas, poursuivit l'homme sen-
sible.
— Peut-être deux, ajouta Edward North-
man.'
— Je crois bien que vous n'aurez rien du tout,
dit froidement l'homme gris.
— Oh! par exemple!
— A moins que vous ne vous arrangiez avec
moi,
— Hein?
— Oui; car supposons une chose.
— Laquelle?
— Qu'on paye pour ce pauvre homme, avant
même qu'il ne soit entré.
— Farceur, ya 1 fit l'homme sensible.
— Vos plaisanteries, Votre Honneur, dit Ed.
ward Northman, sont encore meilleures que
votre porto, et-par saint George, pourtant, c'est
de bon porto, Votre' Honneur.
Ce disant, il tendit son verre vide.
L'homme gris l'emplit et continua :
— Tout est possible, même l'impossible.
— Bmi f ' ' ■
— Que doit cet homme ?
Au principal, vingt-cinq livres, six cent
vingt-cinq francs en monnaie de Ft'sTX&e.
-T- Et les frais ?
— A peu près autant.
L homme gris déboutonna froidement son
vieil habit gris et, à la grande stupéfaction. des
deux recors qui firent un pas en arrière, du
vieux débiteur; qui chancela, et Ide la jeune Fille,
qui jeta un cri, il en tira un portefeuille grais-
I seux qu'il ouvrit et qui leur apparut gonflé de
ban k-notes.
Puis il en tira un à. un six billets de cino
livres, Jes étala sur la table et dit:
— Est-ce bien là votre compte Y
— Mais... mais... balbutia l'homme sensible,
qu'est-ce que vous faites donc là ?
— Je paye, dit l'homme gris.
—Pour cet homme ?
— Rans doute.
— Vous le connaissez donc?
— Je le vois pour la première fois.
— Alors vous êtes fou, dit Edward North.
man.
Le vieux débiteur avait été pris d'un trem-
blement nerveux par tout le corps et il regar-
dait les bank-notes d'un œil stupide.
Quant à la jeune fUie, défaillante^ elle était
tombée à genoux.
L'homme gris lui prit les mainsi;
— Relevez-vous, mon enfant, dit-il, emmenez
votre père; ÀI est malade, affaibli, et vous-même
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