Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1867-11-29
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 29 novembre 1867 29 novembre 1867
Description : 1867/11/29 (A2,N589). 1867/11/29 (A2,N589).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717591g
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN
4 cent. le numéro
5 cent. le Dumèro
[texteillisible]
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. Un an.
.Paris.......... :8 fr. 9 fr. il & fr.
Départements.. 8 1 1 e.
le . Administrateur: E. DELSAUX. -
3» année, —VENDREDI-29 NOVEMBRE 1867. — No m
Directeur-Propriétaire : JAN NIN.
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIE-R BRAGELONNE.
1
BUREAUX B'ABONNE MENT : 9, rate Drouot.
0. ABNINISTRATION : i3. place Breda.
La Presse illustrée journal hebdoma- j
daire à 10 centimes, est vendue 5 cen-
times seulement à toute r personne qui 1
achète la Petite Presse le samedi à Paris '
et le dimanche en province.
PARIS, 28 NOVEMBRE 1867.
LE 1er IMPRIMEUR DE FRANCE
Les oubliettes du Vieux Louvre,
par M. Henri Augu.
L'Allemagne est le pays du monde où l'on
trouve le plus de têtes et de bonnets carrés.
Cette patrie des docteurs, des savants, et des j
enfants qui rougiraient de ne pas savoir lire,
devait être celle de l'imprimerie, I
- i
« Ce noble art, dit Ulrich Z.ell, fut inventé
pour la première fois à Mayence, sur le Rhin,
et fit grand honneur à la nation allemande.
Cela arriva vers l'année 1440. On com-
mença à imprimer en 1450, qui était l'an-
née du jubilé, et le premier livre mis sous
-presse fut la Bible latine, en grands caractè-
res, tels que ceux avec lesquels on imprime
iiijourd'hui les missels. »
n
Comment l'invention nouvelle fit-elle son
chemin de Mayence à Paris? La légende et
i'hiyircrirg sont à peu près-d'accord pour nous
le dire.
Les trois créateurs de l'imprimerie se nom-
maient Jean Guttinguer, Jean Faust et Pierre !
SdlOJfer, gendre de ce dernier.
Faust, suivant la légende, vint en France
sous le règne de Charles VII, apportant avec 1
lui quelques exemplaires de la Bible qu'il
avait imprimée. Le prix d'un exemplaire de
la Bible en parchemin, tel qu'un scribe labo-
rieux et diligent ne pouvait parvenir à le co-
pier qu'après un long' espace de temps, s'éle-
vait jusqu'à quatre cents couronnes. Or, r Al-
lemand donnait ses exemplaires imprimés
nour soixante.
« Ce fut d'abord pour les acheteurs, dit un
contemporain, un grand sujet d'étonnement
que ia parfaite ressemblance des exemplaires
entre eux, ressemblance qui était telle que,
dans un nombre si immense de lettres, dans j
une suite si étendue de textes, enfin, dans la
distribution même des mots, il ne se trouvait
pas un seul i, pas même un seul trait, qui
ne fussent exactement pareils à ceux des
autres exemplaires. Toutes les pages, au
contraire, tous les passages concordaient
entre eux avec la plus parfaite régularité.
Personne ne pouvait comprendre la. cause
d'une si étonnante ressemblance. Or, comme
les acheteurs hésitaient et que la vente tra!-
nait en longueur, Faust céda quelques-uns
de ses exemplaires au prix de cinquante cou-
ronnes... »
Un peu plus îard il en baissa le prix jus-
qu'à quarante couronnes, puis jusqu'à trente
et même moins. Alors, ceux qui avaient acheté
la Bible les premiers la rapportèrent à l'impri-
meur en lui disant : — Vous nous avez fait
payer ce livre deux ou trois fois sa valeur. Re-
prenez-le, et rendez-nous nolre'argenl !...
Bien entendu, l'Allemand protesta. Mais les i
autres poussèrent de tels cris qu'il se. vit con-
traint, pour se mettre à l'abri de leurs récla-
mations, de se sauver à Strasbourg..
. Y demeura-t-il fRètouma-t-il à Mayence
rejoindre ses "associés ? R-evint-il à Paris? On
ne sait; et cette obscurife, propre à la plupart
des mémoires légendaires, si elle ne satisfait
pas les .curieux, a du moins le mérite d'ins-
pil'ec..J.es romanciers. "
Vous vous rappelez, chers lecteurs, ce ro-
man rapide et mouvementé comme un drame
que la Petite Presse a publié l'hiver der-
nier. '—■— -
Les Oubliettes du vieux Louvre, par notre
ami Henri Aúgu, mettent en scène, sous le
nom du Docteur noir, la ligure curieuse et
sympathique de l'imprimeur Faust, dotant la
France de la découverte qu'il avait faite avec
ses associés Mayençais.
Dans un pamphlet publié au-delà du Rhin,
l'Allemagne s'adresse à la France, et lui dit :
« Les Français ont agi tyranniquement à
l'égard de mon premier-typographe, qui était
allé vendre des livres dans leur pays, où on
lui retint de force ce qui lui était du. »
Ce sont ces injustices, ces persécutions, un
procès dont il reste les traces, que M. Augu
a racontés, leur donnant pour cadre une
, excellente peinture du vieux P^iris, et, pour
; accessoire, une intrigue à la -\Valter-Scott,
dont l'intérêt ne faiblit pas un seul instant.
Mais, en face du livre, comme à côté de la
légende, l'histoire garde ses droits, et c'est
elle que je vais essayer de résumer.
Huit ans après la découverte de l'impri-
merie, en 1458, le roi Charles VII, entendant
parler de cette invention, fit mander Nicolas
jdnson, graveur de monnaies à Tours, et le
chargea d'aller à Mayence pour voir ce qui
en était. Nicolas Jenson partit aussitôt. Il
passa quelque temps en Allemagne, puis, au
lieu de revenir en France, il alla se fixer à
Venise. Charles VII n'y pensa plus.
C'est à l'Université que la France doit l'im-
primerie.
Ile recteur de la Sorbonne- était alors Guil-
lawne Fichet, un homme d'un grand savoir !
et <§un grpnd cœur. Impitoyable sur le cha-
pitçfe des bonnes études, il savait aussi défen- -
dre, quand il le fallait, les privilèges de
l'Université. En 1467, le roi Louis XI voulut
faire des compagnies de soldats avec les plus
robustes des écoliers. Guillaume Fichet ras-
sembla toutes les facultés, fit un beau dis-
cours, et tint tête au roi. Ce dernier, du reste,
entendait trop ses intérêts pour garder ran-
cune à quelqu'un dont il ne pouvait se venger.
Il employa plus tard le recteur de la Sorbonne
dans les conférences avec la Bourgogne.
, Fichet avait pour ami un latiniste alle-
mand dont le nom francisé était Jean de La...
" pierre. Tous deux s'entendirent, et Lapierre
fit;venir de. Constance un imprimeur, .Ulric
Gering, qui arriva à Paris en compagnie de
deux associés, Martin Crantz et Michel Fri-
'Ifuîger. - - --
Lapierre leur avait offert la Sorbonne pour
demeure, ses soins pour les corrections, son
aide, ses conseils, et il leur avait fait espérer
un gain considérable.
Ceci se passait en 1470. L'année suivante,
dix volumes avaient paru. Sur le premier, un
livre latin, les Epitres de Gasparin de Ber-
game, se trouvaient huit vers latins dont
voici la traduction :
a Comme le soleil verse la lumière, tu
verses le savoir sur l'univers, ô nourrice
royale des Muses, ô Paris. Accueille donc avec
justice cet art d'écrire presque divin que l'Al-
lemagne a inventé. Voici les premiers livres
que cette industrie produisit sur la terre de
France, et dans tes murs. Les maîtres, Mi-
chel, Ulric, Martin, les ont imprimés, et en •
feront d'autres. »
Autres détails curieux, consignés dans
l'Origine de l'Imprimerie de Paris, par An-
dré Chevillier, bibliothécaire de la Sorbonne
en 1684 :
« Rien d'uniforme comme ces premiers vo-
lumes, tous imprimés de mêmes lettres, fon-
dues dans les mêmes matrices. C'est un carac-
tère rond, de gros romain. Comme l'impression
ne faisait que de naître à Paris et que ces
premiers livres sont comme des essais de
l'art, il se trouvé en quelques-uns des lettres
à demi-formées, et des mots à moitié im-
primés, qu'on a achevés avec la main. Il y a
même quelques épîtres imprimées dont l'in-
scription n'est que manuscrite. Il n'y a point
de lettres capitales. Les premières lettres des
livres et des chapitres sont omises ; on y a
laissé de la place pour y peindre une pre-
mière lettre en or ou en azur... Le papier n'est
pas bien blanc, mais il est fort et bien collé.
L'encre est d'un beau noir. Ils impriment
aussi quelques lignes en lettres rouges et •
sous vélin. Il y a quelques livres qui com-
mencent par le folio verso, comme le Florus.
Ils sont tous sans titre, sans* chiffre et sans,
signature... ».
Le premier imprimeur de France ne de-
meura pas longtemps à la Sorbonne. Guil-
laume Fichet et Jean de Lapierre quittèrent
tous deux Paris, le premier pour aller en
mission à Rome, le second pour aller se faire
chartreux à Baie.
Ulric Gering, après le départ de ses pro- ;
tecteurs, enleva ses presses de la Sorbonrie-
et les porta dans une maison de la rue Saint-
Jacques, à l'enseigne du Soleil d'Or.
L'industrie,devenue privée, fit des progrès.
De nouveaux types furent fondus. On eut
plusieurs sortes de caractères. Le roi Louis XI
donna aux compagnons allemands des lettres
de naturalisation..
En 1477, les deux associés de Gering, ayant
fait de bonnes affaires, retournèrent dans leur
pays.
L'imprimeur, demeuré seul, voulut revenir
à la Sorbonne. Ses anciens amis de l'Univer-
sité lui louèrent alors une maison attenant
aux écoles de théo'ogie. Cette maison portait
| pour enseigne: Au buis. Gering décrocha le -
■ buis, et mita la place son Soleil, Après quoi,
1 il signa un bail à vie, moyennant neuf livres
ROCAMBOLE
N° 21 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA NOURRISSEUSE D'ENFANTS
XXI
L'homme gris prit alors ici main de la jeune
fille.
— Pourquoi venez-vous ici ? lui deman-
da-t-il. x
— Je VIens attendre mon p&re;. : ,/ t'f!jJ:U!c-, ". "j
elle. ""
Noîr le numéro du 8 novembre. s
— Votre père ?
— Oui.
— Est-ce qu'il est là-bas... est-ce qu'il va en
sortir?
Et il montrait à travers les vitres du public
bouse les noires murailles de White-eross.
Elle secoua la tête et leva les yeux au ciel.
— Non, dit-elle, il va y entrer.
— Ah !
— Les recors l'ont arrêté ce matin, comme il
sortait d'une maison de Rotherithe, où il était
caché depuis son jugement. Ils l'ont mis dans
une voiture et ils vont ramener.
Elle parlait d'une voix bien émue, la pauvre
enfant; maïs elle avait tant pleuré déjà que ses
yeux étaient secs et n'avaient plus de larmes.
— Comment se fait-il donc, lui demanda
l'homme gris, que vous soyez venue i ci avant
lui?
— Parce que mon pauvre père est plein d'il-
lusions, dit-elle. Il croit trouver de l'argent. Il
doit, du reste, une somme si minime : vingt-
cinq livres, monsieur. Pour de certaines gens,
ça n'est rien... mais pour nous, maintenant,c'est
énorme... Mon père s'imagine toujours que nous
sommes encore au temps où nous avions notre
boutique dans Fleet street, et où on nous consi
dérait comme des no tables CGïEmercanLS. Mais
quand le malheur arrive, il va vite. En trois ans
nous avons été ruinés. On a toùt vendu ches
noua. Nos autres créanciers nçug ont fait grâce.
mais M. Thomas Elgin s'est montré impi-
toyable.
— Ah! vous aussi, dit l'homme gris, vous
avez eu affaire à monsieur Elgin?
— Oui, monsieur. -
— Et votre père a peut-être espère le iléchir?
— C'est-à-dire qu'il a tant prié, tant supplié
les recors qu'ils ont consenti à le conduire chez
M'.^lUomas Eigin avant de l'amener ici. Il'de-
meure loin de HotheriLhe, M. Elgin, dans Ox-
ford street) auprès de Kin:=ii'gLon garden ; il y a J
au moins trois milles.
Mon père espère fléchir M. Elgin; mais moi
je sais bien qu'il n'obtiendra rien. Alors, je suis
venue ici, pour l'attendre et l'embrasser encore
une fois.
Et, résignée en sa sombre douleur, la jeune
fille appuya son front dans ses deux mains, et
l'homme gris vit une grosse iarme, larme .uni-
que qui montait sans doute des profondeurs de
son âme désolée, jaillir au travei*de ses dOIgts.
— Comment vous appelez-vous, miss? de-
manda l'homme gris.
Sa voix grave et douce était si sympathique,
elle descendit si bien dans le coeur de la jeune
fille que celle-ci le regarda de nouveau :
— Je m'appelle Louise, dit-elle.
— Louise? mais c'est 11" nom francais r
— Oui, monsieur.
— Et votre père ? " ' •
— Francis Galtier.
— Il est Français ?
— Oui, monsieur, mais je suis née à Londres.
Il y a près de trente années que mon père est
ici, où il est venu tout jeune avec ses parents
que des revers de fortune avaient contraints de
s'expatrier. *
— Et vous êtes sure que les recors amèneront
votre père ici?
— Oh! oui, monsieur,' ils s'arrêtent toujours
dans CC) cabaret. *
L'homme gris prcssET'douccmcnt la main de
la jeune fille
— Espérez^Kt-il..
Elle tressailli L, le regarda encore, et le voyant
si pauvrement vêtu :
--- Oh! dii-elle, vous paraissez bon, monsieur,
et c'est bien, à vous, de me donner de l'espoir.
Mais. ajcuLa-t-ene en secouant la tète, quand
la fatalité pesé sur les pauvres gens, elle ne
s'arrête point.
— Qui sait? dit l'homme gris.
En ce moment, un cab s'arrêta il la porte du
publie-bouse. et la jeune fille étouffa un cri de
douleur.
'Deux hommes en descendaient ût, poussaient
devant eux un pauvre diable encore assez pro-
prement vêtu, mais dont les cheveux rares
avaient blanchi avant l'âge, et qui marchait en
chancela.nt, comme un vieillard.
Cet homme versait des larmes silencieuses
cl se laissait conduire avec la docilité d'un eu- -
mat. +
.m ^
JOURNAL QUOTIDIEN
4 cent. le numéro
5 cent. le Dumèro
[texteillisible]
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. Un an.
.Paris.......... :8 fr. 9 fr. il & fr.
Départements.. 8 1 1 e.
le . Administrateur: E. DELSAUX. -
3» année, —VENDREDI-29 NOVEMBRE 1867. — No m
Directeur-Propriétaire : JAN NIN.
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIE-R BRAGELONNE.
1
BUREAUX B'ABONNE MENT : 9, rate Drouot.
0. ABNINISTRATION : i3. place Breda.
La Presse illustrée journal hebdoma- j
daire à 10 centimes, est vendue 5 cen-
times seulement à toute r personne qui 1
achète la Petite Presse le samedi à Paris '
et le dimanche en province.
PARIS, 28 NOVEMBRE 1867.
LE 1er IMPRIMEUR DE FRANCE
Les oubliettes du Vieux Louvre,
par M. Henri Augu.
L'Allemagne est le pays du monde où l'on
trouve le plus de têtes et de bonnets carrés.
Cette patrie des docteurs, des savants, et des j
enfants qui rougiraient de ne pas savoir lire,
devait être celle de l'imprimerie, I
- i
« Ce noble art, dit Ulrich Z.ell, fut inventé
pour la première fois à Mayence, sur le Rhin,
et fit grand honneur à la nation allemande.
Cela arriva vers l'année 1440. On com-
mença à imprimer en 1450, qui était l'an-
née du jubilé, et le premier livre mis sous
-presse fut la Bible latine, en grands caractè-
res, tels que ceux avec lesquels on imprime
iiijourd'hui les missels. »
n
Comment l'invention nouvelle fit-elle son
chemin de Mayence à Paris? La légende et
i'hiyircrirg sont à peu près-d'accord pour nous
le dire.
Les trois créateurs de l'imprimerie se nom-
maient Jean Guttinguer, Jean Faust et Pierre !
SdlOJfer, gendre de ce dernier.
Faust, suivant la légende, vint en France
sous le règne de Charles VII, apportant avec 1
lui quelques exemplaires de la Bible qu'il
avait imprimée. Le prix d'un exemplaire de
la Bible en parchemin, tel qu'un scribe labo-
rieux et diligent ne pouvait parvenir à le co-
pier qu'après un long' espace de temps, s'éle-
vait jusqu'à quatre cents couronnes. Or, r Al-
lemand donnait ses exemplaires imprimés
nour soixante.
« Ce fut d'abord pour les acheteurs, dit un
contemporain, un grand sujet d'étonnement
que ia parfaite ressemblance des exemplaires
entre eux, ressemblance qui était telle que,
dans un nombre si immense de lettres, dans j
une suite si étendue de textes, enfin, dans la
distribution même des mots, il ne se trouvait
pas un seul i, pas même un seul trait, qui
ne fussent exactement pareils à ceux des
autres exemplaires. Toutes les pages, au
contraire, tous les passages concordaient
entre eux avec la plus parfaite régularité.
Personne ne pouvait comprendre la. cause
d'une si étonnante ressemblance. Or, comme
les acheteurs hésitaient et que la vente tra!-
nait en longueur, Faust céda quelques-uns
de ses exemplaires au prix de cinquante cou-
ronnes... »
Un peu plus îard il en baissa le prix jus-
qu'à quarante couronnes, puis jusqu'à trente
et même moins. Alors, ceux qui avaient acheté
la Bible les premiers la rapportèrent à l'impri-
meur en lui disant : — Vous nous avez fait
payer ce livre deux ou trois fois sa valeur. Re-
prenez-le, et rendez-nous nolre'argenl !...
Bien entendu, l'Allemand protesta. Mais les i
autres poussèrent de tels cris qu'il se. vit con-
traint, pour se mettre à l'abri de leurs récla-
mations, de se sauver à Strasbourg..
. Y demeura-t-il fRètouma-t-il à Mayence
rejoindre ses "associés ? R-evint-il à Paris? On
ne sait; et cette obscurife, propre à la plupart
des mémoires légendaires, si elle ne satisfait
pas les .curieux, a du moins le mérite d'ins-
pil'ec..J.es romanciers. "
Vous vous rappelez, chers lecteurs, ce ro-
man rapide et mouvementé comme un drame
que la Petite Presse a publié l'hiver der-
nier. '—■— -
Les Oubliettes du vieux Louvre, par notre
ami Henri Aúgu, mettent en scène, sous le
nom du Docteur noir, la ligure curieuse et
sympathique de l'imprimeur Faust, dotant la
France de la découverte qu'il avait faite avec
ses associés Mayençais.
Dans un pamphlet publié au-delà du Rhin,
l'Allemagne s'adresse à la France, et lui dit :
« Les Français ont agi tyranniquement à
l'égard de mon premier-typographe, qui était
allé vendre des livres dans leur pays, où on
lui retint de force ce qui lui était du. »
Ce sont ces injustices, ces persécutions, un
procès dont il reste les traces, que M. Augu
a racontés, leur donnant pour cadre une
, excellente peinture du vieux P^iris, et, pour
; accessoire, une intrigue à la -\Valter-Scott,
dont l'intérêt ne faiblit pas un seul instant.
Mais, en face du livre, comme à côté de la
légende, l'histoire garde ses droits, et c'est
elle que je vais essayer de résumer.
Huit ans après la découverte de l'impri-
merie, en 1458, le roi Charles VII, entendant
parler de cette invention, fit mander Nicolas
jdnson, graveur de monnaies à Tours, et le
chargea d'aller à Mayence pour voir ce qui
en était. Nicolas Jenson partit aussitôt. Il
passa quelque temps en Allemagne, puis, au
lieu de revenir en France, il alla se fixer à
Venise. Charles VII n'y pensa plus.
C'est à l'Université que la France doit l'im-
primerie.
Ile recteur de la Sorbonne- était alors Guil-
lawne Fichet, un homme d'un grand savoir !
et <§un grpnd cœur. Impitoyable sur le cha-
pitçfe des bonnes études, il savait aussi défen- -
dre, quand il le fallait, les privilèges de
l'Université. En 1467, le roi Louis XI voulut
faire des compagnies de soldats avec les plus
robustes des écoliers. Guillaume Fichet ras-
sembla toutes les facultés, fit un beau dis-
cours, et tint tête au roi. Ce dernier, du reste,
entendait trop ses intérêts pour garder ran-
cune à quelqu'un dont il ne pouvait se venger.
Il employa plus tard le recteur de la Sorbonne
dans les conférences avec la Bourgogne.
, Fichet avait pour ami un latiniste alle-
mand dont le nom francisé était Jean de La...
" pierre. Tous deux s'entendirent, et Lapierre
fit;venir de. Constance un imprimeur, .Ulric
Gering, qui arriva à Paris en compagnie de
deux associés, Martin Crantz et Michel Fri-
'Ifuîger. - - --
Lapierre leur avait offert la Sorbonne pour
demeure, ses soins pour les corrections, son
aide, ses conseils, et il leur avait fait espérer
un gain considérable.
Ceci se passait en 1470. L'année suivante,
dix volumes avaient paru. Sur le premier, un
livre latin, les Epitres de Gasparin de Ber-
game, se trouvaient huit vers latins dont
voici la traduction :
a Comme le soleil verse la lumière, tu
verses le savoir sur l'univers, ô nourrice
royale des Muses, ô Paris. Accueille donc avec
justice cet art d'écrire presque divin que l'Al-
lemagne a inventé. Voici les premiers livres
que cette industrie produisit sur la terre de
France, et dans tes murs. Les maîtres, Mi-
chel, Ulric, Martin, les ont imprimés, et en •
feront d'autres. »
Autres détails curieux, consignés dans
l'Origine de l'Imprimerie de Paris, par An-
dré Chevillier, bibliothécaire de la Sorbonne
en 1684 :
« Rien d'uniforme comme ces premiers vo-
lumes, tous imprimés de mêmes lettres, fon-
dues dans les mêmes matrices. C'est un carac-
tère rond, de gros romain. Comme l'impression
ne faisait que de naître à Paris et que ces
premiers livres sont comme des essais de
l'art, il se trouvé en quelques-uns des lettres
à demi-formées, et des mots à moitié im-
primés, qu'on a achevés avec la main. Il y a
même quelques épîtres imprimées dont l'in-
scription n'est que manuscrite. Il n'y a point
de lettres capitales. Les premières lettres des
livres et des chapitres sont omises ; on y a
laissé de la place pour y peindre une pre-
mière lettre en or ou en azur... Le papier n'est
pas bien blanc, mais il est fort et bien collé.
L'encre est d'un beau noir. Ils impriment
aussi quelques lignes en lettres rouges et •
sous vélin. Il y a quelques livres qui com-
mencent par le folio verso, comme le Florus.
Ils sont tous sans titre, sans* chiffre et sans,
signature... ».
Le premier imprimeur de France ne de-
meura pas longtemps à la Sorbonne. Guil-
laume Fichet et Jean de Lapierre quittèrent
tous deux Paris, le premier pour aller en
mission à Rome, le second pour aller se faire
chartreux à Baie.
Ulric Gering, après le départ de ses pro- ;
tecteurs, enleva ses presses de la Sorbonrie-
et les porta dans une maison de la rue Saint-
Jacques, à l'enseigne du Soleil d'Or.
L'industrie,devenue privée, fit des progrès.
De nouveaux types furent fondus. On eut
plusieurs sortes de caractères. Le roi Louis XI
donna aux compagnons allemands des lettres
de naturalisation..
En 1477, les deux associés de Gering, ayant
fait de bonnes affaires, retournèrent dans leur
pays.
L'imprimeur, demeuré seul, voulut revenir
à la Sorbonne. Ses anciens amis de l'Univer-
sité lui louèrent alors une maison attenant
aux écoles de théo'ogie. Cette maison portait
| pour enseigne: Au buis. Gering décrocha le -
■ buis, et mita la place son Soleil, Après quoi,
1 il signa un bail à vie, moyennant neuf livres
ROCAMBOLE
N° 21 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA NOURRISSEUSE D'ENFANTS
XXI
L'homme gris prit alors ici main de la jeune
fille.
— Pourquoi venez-vous ici ? lui deman-
da-t-il. x
— Je VIens attendre mon p&re;. : ,/ t'f!jJ:U!c-, ". "j
elle. ""
Noîr le numéro du 8 novembre. s
— Votre père ?
— Oui.
— Est-ce qu'il est là-bas... est-ce qu'il va en
sortir?
Et il montrait à travers les vitres du public
bouse les noires murailles de White-eross.
Elle secoua la tête et leva les yeux au ciel.
— Non, dit-elle, il va y entrer.
— Ah !
— Les recors l'ont arrêté ce matin, comme il
sortait d'une maison de Rotherithe, où il était
caché depuis son jugement. Ils l'ont mis dans
une voiture et ils vont ramener.
Elle parlait d'une voix bien émue, la pauvre
enfant; maïs elle avait tant pleuré déjà que ses
yeux étaient secs et n'avaient plus de larmes.
— Comment se fait-il donc, lui demanda
l'homme gris, que vous soyez venue i ci avant
lui?
— Parce que mon pauvre père est plein d'il-
lusions, dit-elle. Il croit trouver de l'argent. Il
doit, du reste, une somme si minime : vingt-
cinq livres, monsieur. Pour de certaines gens,
ça n'est rien... mais pour nous, maintenant,c'est
énorme... Mon père s'imagine toujours que nous
sommes encore au temps où nous avions notre
boutique dans Fleet street, et où on nous consi
dérait comme des no tables CGïEmercanLS. Mais
quand le malheur arrive, il va vite. En trois ans
nous avons été ruinés. On a toùt vendu ches
noua. Nos autres créanciers nçug ont fait grâce.
mais M. Thomas Elgin s'est montré impi-
toyable.
— Ah! vous aussi, dit l'homme gris, vous
avez eu affaire à monsieur Elgin?
— Oui, monsieur. -
— Et votre père a peut-être espère le iléchir?
— C'est-à-dire qu'il a tant prié, tant supplié
les recors qu'ils ont consenti à le conduire chez
M'.^lUomas Eigin avant de l'amener ici. Il'de-
meure loin de HotheriLhe, M. Elgin, dans Ox-
ford street) auprès de Kin:=ii'gLon garden ; il y a J
au moins trois milles.
Mon père espère fléchir M. Elgin; mais moi
je sais bien qu'il n'obtiendra rien. Alors, je suis
venue ici, pour l'attendre et l'embrasser encore
une fois.
Et, résignée en sa sombre douleur, la jeune
fille appuya son front dans ses deux mains, et
l'homme gris vit une grosse iarme, larme .uni-
que qui montait sans doute des profondeurs de
son âme désolée, jaillir au travei*de ses dOIgts.
— Comment vous appelez-vous, miss? de-
manda l'homme gris.
Sa voix grave et douce était si sympathique,
elle descendit si bien dans le coeur de la jeune
fille que celle-ci le regarda de nouveau :
— Je m'appelle Louise, dit-elle.
— Louise? mais c'est 11" nom francais r
— Oui, monsieur.
— Et votre père ? " ' •
— Francis Galtier.
— Il est Français ?
— Oui, monsieur, mais je suis née à Londres.
Il y a près de trente années que mon père est
ici, où il est venu tout jeune avec ses parents
que des revers de fortune avaient contraints de
s'expatrier. *
— Et vous êtes sure que les recors amèneront
votre père ici?
— Oh! oui, monsieur,' ils s'arrêtent toujours
dans CC) cabaret. *
L'homme gris prcssET'douccmcnt la main de
la jeune fille
— Espérez^Kt-il..
Elle tressailli L, le regarda encore, et le voyant
si pauvrement vêtu :
--- Oh! dii-elle, vous paraissez bon, monsieur,
et c'est bien, à vous, de me donner de l'espoir.
Mais. ajcuLa-t-ene en secouant la tète, quand
la fatalité pesé sur les pauvres gens, elle ne
s'arrête point.
— Qui sait? dit l'homme gris.
En ce moment, un cab s'arrêta il la porte du
publie-bouse. et la jeune fille étouffa un cri de
douleur.
'Deux hommes en descendaient ût, poussaient
devant eux un pauvre diable encore assez pro-
prement vêtu, mais dont les cheveux rares
avaient blanchi avant l'âge, et qui marchait en
chancela.nt, comme un vieillard.
Cet homme versait des larmes silencieuses
cl se laissait conduire avec la docilité d'un eu- -
mat. +
.m ^
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 84.69%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 84.69%.
- Collections numériques similaires Steinlen Théophile Alexandre Steinlen Théophile Alexandre /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Steinlen Théophile Alexandre" or dc.contributor adj "Steinlen Théophile Alexandre")Le Journal. Paris grand roman inédit par Emile Zola : [impression photomécanique] / Illustration par Steinlen /ark:/12148/btv1b525238058.highres Cortège officiel lors de la réunion de Mulhouse à la France (15 mars 1798) : [estampe] / A. Steinlen ; Louis Schoenhaupt /ark:/12148/btv1b53275852n.highres
- Auteurs similaires Steinlen Théophile Alexandre Steinlen Théophile Alexandre /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Steinlen Théophile Alexandre" or dc.contributor adj "Steinlen Théophile Alexandre")Le Journal. Paris grand roman inédit par Emile Zola : [impression photomécanique] / Illustration par Steinlen /ark:/12148/btv1b525238058.highres Cortège officiel lors de la réunion de Mulhouse à la France (15 mars 1798) : [estampe] / A. Steinlen ; Louis Schoenhaupt /ark:/12148/btv1b53275852n.highres
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k4717591g/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k4717591g/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k4717591g/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k4717591g/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k4717591g
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k4717591g
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k4717591g/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest